Section de français de la Faculté des lettres
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Auteur
Guillemin, Océane
Titre
D’Hélène à Lilith : Échos mythiques et figures de femmes étrangères en Suisse romande (1891-1906)
Directeur
Maggetti, Daniel
Résumé
Cette contribution s’intéresse à la figure de la femme étrangère telle qu’elle apparaît en Suisse romande au tournant du XXe siècle. Se situant à la croisée des discours sur la Femme et sur l’Etranger, cette figure est l’objet de nombreuses projections, à une époque caractérisée d’une part par le décloisonnement progressif des femmes, et d’autre part par une augmentation marquée de l’immigration. Ces mutations socioculturelles génèrent de fortes angoisses, qui se traduisent notamment par une mise en crise de l’imagerie traditionnelle associée à la femme : dès la seconde moitié du XIXe siècle, l’« Ange sous forme humaine » des romantiques laisse de plus souvent la place à des figures féminines démoniaques, surérotisées et mortifères. En Suisse romande, les écrivains – qui doivent composer avec la rigidité du champ littéraire et se montrent solidaires du champ du pouvoir tentant de préserver l’ordre social – ont alors tendance à faire cohabiter, au sein de l’espace romand, ces deux imaginaires antinomiques en associant la femme indigène à l’Ange, et la femme étrangère au Démon. Pour étudier la représentation de la femme étrangère dans ce contexte polarisé et fortement idéologisé, nous avons mobilisé principalement trois romans publiés entre 1891 et 1906 : Ægyptiacque (W. Ritter), Luisita (E. Rod) et Les Circonstances de la vie (C. F. Ramuz). Notre analyse du corpus s’inspire d’une démarche mythocritique telle que l’ont théorisée Gilbert Durand (1979), puis Pierre Brunel (1992). Un parcours au fil des évocations mythiques attachées aux différents personnages a permis de mettre en évidence le lien récurrent entre la figure de la femme étrangère et le mythe plus global de la femme fatale, auquel se rattachent la totalité des échos mythiques relevés. Que le personnage soit présenté comme un monstre de cruauté (Ægyptiacque et Les Circonstances de la vie) ou au contraire comme une incarnation de la naïveté (Luisita) n’y change rien : passives Hélène qui génèrent la mort à leur insu ou malignes Lorelei qui tendent volontairement aux hommes des pièges mortels, les femmes étrangères qui font irruption dans le paisible univers suisse romand du tournant du XXe siècle sont forcément funestes, cristallisant ainsi les angoisses d'une époque. Héritières de Lilith plus que d’Ève en ce que qu’elles apparaissent comme radicalement et irrémédiablement « autres », ces figures de femmes incarnent la puissance d’un Éternel féminin indomptable et archaïque, fruits d’une altérité doublement comminatoire en tant que femmes d’une part, et en tant qu’étrangères de l’autre.
Année
2017
Discipline
littérature romande
Cote_BCU
MFM 1158