Essai de comparaison entre un roman médiéval français du XIIe siècle et un cantare italien du XIVe siècle : “Le Bel Inconnu” et “I Cantari di Carduino”
MÜHLETHALER, J.-C.
Le mémoire porte sur les versions française (Le Bel Inconnu de Renaut de Beaujeu) et italienne (I Cantari di Carduino, anonyme) d’une même légende, au centre de laquelle se trouve l’épreuve du Fier Baiser que doit affronter le jeune héros (Guinglain, respectivement Carduino) en quête d’identité. Dans un premier moment, le travail prend en considération les épisodes communs aux deux œuvres, cherchant à dégager les enjeux des variations qui s’y présentent. D’autre part, l’absence de certains épisodes (la Fée de l’Ile d’Or) dans la version italienne témoigne d’une intentionnalité radicalement différente dans les deux œuvres. C’est pourquoi une importante partie du travail est consacrée au deuxième volet de l’aventure de Guinglain, à savoir celui qui traite de son initiation à l’amour et fait du personnage de Renaut de Beaujeu un héros problématique, ce qui n’est pas le cas de Carduino. L’étude des différences entre les textes français et italien permet aussi de mettre en lumière quelques relations intertextuelles, plus particulièrement avec l’œuvre de Chrétien de Troyes. Enfin, le traitement de l’aventure-clé, à savoir le Fier Baiser, ainsi que de nombreux détails d’ordre mineur, sont autant de manifestations de deux esthétiques différentes : Le Bel Inconnu est un roman arthurien qui répond à une logique courtoise, destiné à un public choisi et en mesure de saisir les subtilités d’un récit qui dialogue avec le lyrisme des trouvères, tandis que I Cantari di Carduino se présentent comme un récit d’initiation et de vengeance linéaire, composé dans le but de divertir un large public.
Le Clésioz et l'écopoétique : une approche écologique des romans “Les Géants” et “Voyages de l'autre côté”
KAEMPFER, J.
En 2008, J.M.G. Le Clézio reçut le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre. Dans la notice bibliographique du lauréat, rédigée par l’Académie suédoise, nous pouvions découvrir ce commentaire : « Très tôt, Le Clézio se situe comme un écrivain écologiste engagé ». Ce rapprochement de la littérature et de l’écologie suscite un questionnement quant aux liens que peuvent entretenir ces deux domaines : en quoi l’œuvre littéraire leclézienne peut-elle être écologique ? Depuis les années 1990, un mouvement d’études culturelles appelé « écocritique » ou « écopoétique » tente de définir les critères et les concepts qui révéleraient une écriture écocentrée. L’analyse de deux romans lecléziens, Les Géants et Voyages de l’autre côté, au regard des diverses notions mises en évidence par ce courant, nous révèle deux visions du monde radicalement opposées, mais destinées à imager l’importance du lien entre l’homme et l’environnement.
“Chemin-d'école” : un roman-conte de Patrick Chamoiseau placé sous le signe de l'itération
ADAM, J.-M.
Notre étude s’organise en trois temps. La première partie situe la littérature créole, littérature non canonique, en retraçant les grandes étapes de son histoire et en présentant la réflexion menée par ses auteurs successifs, Patrick Chamoiseau y compris. Il existe un lien entre histoire et littérature. Cette dernière est la seule à pouvoir recomposer l’histoire créole qui n’a pas été retenue par la Chronique coloniale. Ce n’est qu’à cette condition qu’une identité collective propre peut être élaborée.
Dans la deuxième partie, nous avons mis en relation, par la question du genre, Chemin-d’école avec les problématiques historique et littéraire exposées précédemment. Chemin-d’école se situe, en effet, à la jonction de différents genres, le roman (qui l’inscrit dans l’époque contemporaine) et le conte (héritage du Conteur créole). Nous avons aussi constaté, lors du passage d’une édition à l’autre, un glissement générique du récit d’enfance, sous-genre de l’autobiographie, aux mémoires. Le narrateur tente de sortir son enfance de l’oubli en recomposant, sur la base de traces glanées dans le réel antillais, le destin individuel du négrillon, l’enfant qu’il a été. Celui-ci fait écho au destin collectif du peuple antillais à la reconquête de son histoire et de son identité.
Mais l’histoire et l’identité du peuple créole, peuple composite, sont plurielles, car elles sont constituées non pas d’une, mais de plusieurs mémoires (amérindienne, africaine, européenne, indienne, chinoise, syrienne). Ces mémoires sont chacune soumises à différentes conceptions de la temporalité (circulaire, linéaire). Si le propre de la narrativité est de gérer la mémoire (le passé, l’histoire), c’est-à-dire l’expérience d’un sujet dans le temps, il existe alors des liens entre la temporalité et le récit . C’est pourquoi dans une troisième partie, nous avons identifié d’abord au niveau du fonctionnement général du roman-conte, puis plus précisément dans deux extraits, les effets de la temporalité sur la structure du récit. La temporalité doit, pour cela, être préalablement redéfinie dans le contexte créole, car elle se distingue du temps linéaire occidental, du temps historique qui organise généralement le récit, surtout lorsqu’il s’agit de mémoires. Nous avons vu qu’une des figures récurrentes qui apparaît dans le texte est l’itération, la répétition d’un même procès. En cela, elle amplifie la structure générale répétitive du roman-conte. Elle renvoie aussi au temps arrêté antillais. Mais le récit devra témoigner de l’ensemble des différentes temporalités en présence et cela ne se fera que, dans l’espace du texte, par la création d’un temps hybride, le temps en spirale qui mettra-en-relation circularité et linéarité.
Du “Vin des chiffonniers” aux “Fleurs du Mal” : l'ivresse poétique comme clé de lecture du recueil?
ADAM, J.-M.
Suite à la condamnation des Fleurs du Mal en 1857, Baudelaire élabore une nouvelle édition de son recueil qui paraîtra en 1861. Loin d’y apporter des modifications mineures, l’auteur ajoute un nombre important de pièces et choisit de réarticuler l’ensemble, proposant finalement son texte sous une tout autre forme. L’enjeu de ce travail consiste à s’interroger sur le réagencement que Baudelaire fait subir aux Fleurs du Mal lors de l’édition de 1861, en se penchant tout particulièrement sur le cas de la section Le Vin que l’auteur repositionne dans le recueil. Grâce aux outils de recherche issus de la linguistique textuelle – tels que l’analyse génétique, l’étude de la co-textualité et de l’intertextualité – nous sommes amenés à nous pencher sur des éléments révélateurs des intentions de Baudelaire. C’est ainsi que, partant d’une étude des états successifs du Vin des chiffonniers, le travail s’étend progressivement à l’analyse de la section, puis à l’ensemble du recueil, révélant la présence d’un discours implicite minutieusement construit au fil des pièces. Compte tenu des acquis de l’étude, nous proposons alors une hypothèse visant à expliquer le déplacement de la section Le Vin, et ouvrons finalement une réflexion sur l’interprétation de l’intitulé Fleurs du Mal qui témoigne de l’importance essentielle qu’accorde Baudelaire à l’ivresse poétique dans son recueil.
Fonctions poétique et identitaire du langage dans le patois rasta : analyse linguistique d'un corpus de textes de Peter Tosh
PAHUD, S.
La réflexion que nous avons menée a pour but de décrire et d'étudier la créativité linguistique d'un langage tout à fait spécifique : le patois rasta. Cet idiome, qui a sa source principale dans l'anglais de la période coloniale, est encore pratiqué de nos jours dans une communauté restreinte de la société jamaïcaine. Il présente des phénomènes linguistiques révélateurs de l'intrication du langage et du contexte historique et social dans lequel il se déploie.
C'est sur la base d'un corpus de textes de Peter Tosh, et à l'aide des outils mis à disposition par la linguistique textuelle que nous avons abordé, dans un premier temps, certains concepts importants parmi lesquels figurent la fonction symbolique du langage, l'arbitraire du signe, le néologisme, ainsi que les rapports langue/identité et langue/idéologie, lesquels sont sous-jacents à l'élaboration des hypothèses que nous avons formulées. Dans un deuxième temps, nous avons analysé les propriétés lexicales, grammaticales et phonétiques du « Dread Talk » à la lumière de l'histoire et du contexte politico-social jamaïcains des cinq derniers siècles.
Nous nous sommes également interrogée sur les fonctions du patois rasta et sur les intentions des locuteurs qui le pratiquent. Notre réflexion nous a alors conduite à élaborer plusieurs hypothèses dont la première est qu'à travers la déconstruction de l'anglais standard, le « Dread Talk » pourrait représenter un acte de résistance et de protestation contre le pouvoir colonial. En effet, l'analyse que nous menons dans cette étude vise à démontrer le caractère profondément subversif d'un tel langage. Par ailleurs, considérant que la langue est une constituante essentielle de l'identité, nous avons émis une deuxième hypothèse selon laquelle l'utilisation du patois rasta peut être envisagée comme un moyen de se réapproprier une origine africaine, dérobée par l'esclavage et les années de discrimination qui lui ont succédé.
L'écriture “à base de vécu” simonienne : entre esprit d'exactitude et défaillance de la restitution
KAEMPFER, J.
Longtemps liée au Nouveau Roman et à la critique antiréférentielle de Jean Ricardou, l’œuvre de Claude Simon n’a été découverte dans toute son envergure que tardivement. Construisant roman après roman un équilibre entre les dimensions littérale et référentielle du texte, cette œuvre ne peut plus aujourd’hui être réduite aux jeux de signifiants qu’elle comporte. Sa richesse, comme nous tenterons de le mettre en évidence dans ce mémoire, se manifeste dans sa façon de bouleverser l’entreprise autobiographique classique. En effet, par une confiance faite au pouvoir signifiant de la langue elle trouve un moyen de figurer le processus d’une mémoire et de restituer le vécu de l’auteur d’une façon prospective qui, bien qu’en partie fictive, se révèle paradoxalement très précise. Pourtant, les multiples variations formelles que présentent les romans simoniens laissent penser que la restitution du vécu n’atteint jamais l’exactitude recherchée par l’auteur. Nous tenterons donc de voir comment – et si – Simon parvient à contenter son « esprit d’exactitude » malgré l’apparente défaillance inhérente à toute tentative de restitution du passé.
Migration(s), allophonie(s) et représentations de l'enseignement “du” français en Suisse romande : un singulier aux déclinaisons plurielles en quête d'une identité institutionnelle
Tous égaux face aux émotions ? Colère masculine et colère féminine dans le genre de la nouvelle. “Décaméron” - “Cent Nouvelles nouvelles” - “Heptaméron”
L'histoire d'une vocation. Lire “Vies minuscules” (Pierre Michon) par le biais d' “A la recherche du temps perdu” (Marcel Proust) : deux oeuvres retraçant leur propre genèse.
WYSS, A.
Ce travail fait dialoguer deux œuvres de la littérature française : A la recherche du temps perdu de Marcel Proust et Vies minuscules de Pierre Michon. Il comprend ainsi un double enjeu : proposer une lecture originale de Vies minuscules tout en apportant un éclairage nouveau sur la Recherche, deux ouvrages qui, toute proportion gardée, sont très balisés par la critique. Ces textes, malgré la différence de leur dimension et le siècle qui les sépare, se recoupent en de nombreux aspects : ils mettent en scène le récit d’une vocation en retraçant la genèse de l’œuvre elle-même et peuvent ainsi être comparés d’un point de vue thématique (la vocation) et formel (narratologie et composition). De plus, les oppositions entre les vocations de Marcel et de Pierrot interrogent la littérature en général et posent la question d’un sortir ou non d’une vision transcendantale de l’art issue du Romantisme allemand et présente dans le texte proustien ; question qui se répercute sur le roman en tant que genre discursif, dans le passage au récit effectué par Vies minuscules. C’est à travers la comparaison des protagonistes, Marcel et Pierrot, et de leur lien à l’écriture, ainsi que par l’étude thématique de figures littéraires, tels l’Auteur, le Lecteur et le Critique, et par l’analyse de la composition particulière de ces textes qui introduisent une double dimension (l’histoire d’un destin et celle d’une vocation) que le rapport qu’entretiennent respectivement Proust et Michon à la littérature pourra être explicité.
La religion combattue dans l'oeuvre romanesque d'Emile Zola
KAEMPFER, J.
La religion est un thème qui traverse toute l’œuvre romanesque d’Émile zola. Les critiques, qui se sont penchés sur ce sujet, voient chez cet auteur soit un anticlérical (Pierre Ouvrard), soit un apôtre de la déchristianisation (Sophie Guermès). Le but de ce mémoire est de retravailler ce thème afin de montrer que l’œuvre zolienne ne s’inscrit pas dans un antichristianisme pur et dur.
Ce mémoire est divisé en quatre dominantes (la religion combattue par la nature, les rapports entre le clergé et le peuple, les rapports entre Rome et le catholicisme, la religion combattue par la raison). Pour chaque dominante, un ou plusieurs romans de l’auteur ont été sélectionnés.
Ce travail essaie de démontrer que l’œuvre zolienne ne vise pas à une déchristianisation du monde, mais qu’elle cherche plutôt à le « déromaniser ». Chez Zola, la religion catholique n’a rien à voir avec le christianisme des origines et le pape n’est que le successeur des empereurs romains. La religion catholique provient donc d’une tare héréditaire qui se transmet de génération en génération. Le rapprochement entre la famille peuplant les Rougon-Macquart, le Second Empire et le catholicisme s’impose de lui-même (les trois ont pour origine une tare héréditaire). L’oeuvre zolienne aboutit à l’éradication de ces trois atavismes : la chute du Second Empire (La Débâcle), la fin des rougon-Macquart (Le Docteur Pascal), l’abandon de la religion par l’abbé Pierre Froment (Les Trois Villes) et la construction d’une société, certes utopique, basée sur les préceptes du christianisme des origines (Les Quatre Evangiles).
Selon ce mémoire, l’œuvre zolienne ne cherche pas à saborder le christianisme, mais le catholicisme romain. Elle tend vers un retour aux préceptes du christianisme primitif, tel qu’il apparaît dans les Évangiles
Autour de quatre romans de Laurent Mauvignier : le déploiement d'une “écriture du subi”
KAEMPFER, J.
Lire Mauvignier, c’est accueillir une littérature singulière au pouvoir évocateur puissant, qui éveille la sensibilité du lecteur dès les premières lignes. Plus précisément, il émane univoquement de ses romans un sentiment particulier, celui d’une « écriture du subi ». L’objet de cette analyse est de vérifier la validité de cette désignation. À partir d’un corpus de quatre œuvres – Loin d’eux (1999), Apprendre à finir (2000), Ceux d’à côté (2002) et Seuls (2004), nous nous proposons ainsi d’examiner la configuration originale, complexe et plurielle que présente cette écriture, dans ses versants thématique, stylistique et narratologique, pour appréhender la question mentale et traduire des états particuliers de déréliction, renouvelant à ce titre le roman psychologique. Nous nous attacherons à montrer que cette matrice commune de l’« écriture du subi » se décline dans chaque texte de façon spécifique, ces variations fondant la richesse d’un espace littéraire constitué à la fois de repères et de découvertes. En pointant les états d’un réel rendu malade par l’incommunicabilité, nous verrons que Mauvignier ouvre des perspectives littéraires où se croisent les domaines de la psychologie et de la philosophie de la vie.
Une façon particulière et fantasque de voir et de
sentir ». Approche de la vision dans le Voyage en Orient
de Gérard de Nerval
Dominique Kunz Westerhoff
« Il est […] possible qu’on voyage sans regarder, ou bien qu’on regarde sans voir. » Ecrite en 1838, cette déclaration définit, en creux, un principe auquel Nerval tâche de se tenir dans la plupart de ses voyages : celui d’un détachement face aux conventions « touristiques » au profit d’une manière singulière de voir le monde. Au cœur du « siècle du voyage », Nerval a tôt fait de s’apercevoir qu’il n’est pas évident d’être surpris par ce que certaines contrées donnent à voir, tant ces contrées – en l’occurrence celles d’Europe et d’Orient – ont été parcourues et décrites par d’autres écrivains. Pour préserver (ou ranimer) son enthousiasme devant des horizons bien connus de ses contemporains, le voyageur doit s’armer d’une vision particulière. Dans le Voyage en Orient (1851), la recherche de cette vision particulière constitue un des enjeux fondamentaux de l’expérience du narrateur. Comment voir pour nourrir l’imagination ? Quels sont les lieux qui peuvent encore enchanter l’œil du voyageur ? Telles sont les questions contre lesquelles Nerval bute sans relâche au long de son récit. En s’adonnant à ce qu’il appelle « une façon particulière et fantasque de voir et de sentir », il cherche ainsi à assurer l’originalité de son parcours et, par là, à s’affranchir de certains codes visuels et esthétiques du voyage. À la croisée des paysages romantiques, de la fiction archéologique et du récit de promenade, le Voyage en Orient établit plusieurs variations autour de la vision. Ce travail propose, à partir des divers espaces traversés au cours du récit, une réflexion sur les implications littéraires de ce thème. Au fil d’analyses centrées sur le cheminement à la fois géographique et textuel de Nerval, se fait jour un point de vue original et critique sur l’activité perceptive en voyage, où les manières d’appréhender le monde se muent en une écriture « fantasque ».
Le traitement de la mémoire au sein de l’univers post-exotique : L’exemple de Dondog et de Lisbonne dernière marge d’Antoine Volodine
Kaempfer, Jean
Antoine Volodine s’inscrit dans une réflexion majeure de notre époque contemporaine en construisant un univers littéraire – le post-exotisme – qui constitue une expérimentation de la matière mémorielle. Ce présent travail propose d’envisager deux textes emblématiques du traitement volodinien de la mémoire : Lisbonne dernière marge et Dondog1 afin de saisir la nature profondément problématique de la matière mémorielle présente au sein de ces romans. Ce mémoire a donc pour ambition de comprendre la manière dont Volodine travaille le paradoxe de la mémoire et de mettre à jour les différents effets d’une telle position dans l’horizon littéraire contemporain.
"Guerre et Peur : Vision de la première guerre mondiale selon Gabriel Chevallier"
Kaempfer, Jean
La Peur de Gabriel Chevallier se veut un véritable réquisitoire contre la guerre. L’immersion au cœur du premier conflit mondial que l’auteur propose permet non seulement d’appréhender le quotidien des soldats, mais également de comprendre la place prépondérante qu’occupe le sentiment de peur au front. Aussi avons-nous axé la première partie de cette étude sur la description des principaux thèmes développés par Chevallier, à savoir l’horreur de la guerre, le rapport entre soldats et officiers, la distinction entre l’arrière et le front et, bien sûr, la peur. L’analyse de ces concepts nous a ensuite conduit à rapprocher La Peur d’autres grands romans de guerre. Nous avons ainsi pu constater nombre de similitudes entre le texte de Chevallier et ceux de Barbusse ou de Céline. Enfin, après avoir replacé La Peur dans la tradition littéraire qui l’a vu naître, il semblait important de se questionner sur le rôle que cette œuvre et les romans de guerre en général sont susceptibles de jouer dans la construction historique contemporaine. Un tel cheminement fait apparaître le positionnement de Chevallier, qui, à travers son personnage, critique une guerre qu’il espère ne plus jamais voir se reproduire.
Gandalf Avatar de Merlin : les influences médiévales qui ont amené à façonner le magicien du Seigneur des Anneaux.
Corbellari, Alain
Ce travail a pour objectif de démontrer qu'il existe un lien étroit entre Merlin et Gandalf. Parfaitement renseigné à propos des sources du Moyen Age, et en particulier de la littérature arthurienne, J. R. R. Tolkien s'est inspiré de certaines caractéristiques du personnage médiéval pour façonner le Cavalier Blanc du Seigneur des Anneaux.
Origines floues, ressemblances physiques flagrantes, passion pour la pérégrination, la nature et le milieu forestier, similitudes au niveau des pouvoirs et des statuts seront notamment mis en parallèle afin d'illustrer le propos. Le résultat aboutira à la question suivante: Gandalf est-il une réincarnation moderne de Merlin, ou le personnage médiéval doit-il être considéré comme un point de départ de l'Istari de Tolkien?
A travers cette étude entre les sources médiévales et l'oeuvre contemporaine de l'auteur britannique, il s'agira également d'illustrer le pouvoir de la réécriture, et de justifier l'idée que celle-ci permet de considérer la source - en l'occurrence Merlin dans le cadre de ce travail - avec un regard critique, voire parfois même accusateur.
Une façon particulière et fantasque de voir et de sentir ». Approche de la vision dans le Voyage en Orient de Gérard de Nerval
Kunz Westerhoff, Dominique
« Il est […] possible qu’on voyage sans regarder, ou bien qu’on regarde sans voir. » Ecrite en 1838, cette déclaration définit, en creux, un principe auquel Nerval tâche de se tenir dans la plupart de ses voyages : celui d’un détachement face aux conventions « touristiques » au profit d’une manière singulière de voir le monde. Au cœur du « siècle du voyage », Nerval a tôt fait de s’apercevoir qu’il n’est pas évident d’être surpris par ce que certaines contrées donnent à voir, tant ces contrées – en l’occurrence celles d’Europe et d’Orient – ont été parcourues et décrites par d’autres écrivains. Pour préserver (ou ranimer) son enthousiasme devant des horizons bien connus de ses contemporains, le voyageur doit s’armer d’une vision particulière. Dans le Voyage en Orient (1851), la recherche de cette vision particulière constitue un des enjeux fondamentaux de l’expérience du narrateur. Comment voir pour nourrir l’imagination ? Quels sont les lieux qui peuvent encore enchanter l’œil du voyageur ? Telles sont les questions contre lesquelles Nerval bute sans relâche au long de son récit. En s’adonnant à ce qu’il appelle « une façon particulière et fantasque de voir et de sentir », il cherche ainsi à assurer l’originalité de son parcours et, par là, à s’affranchir de certains codes visuels et esthétiques du voyage. À la croisée des paysages romantiques, de la fiction archéologique et du récit de promenade, le Voyage en Orient établit plusieurs variations autour de la vision. Ce travail propose, à partir des divers espaces traversés au cours du récit, une réflexion sur les implications littéraires de ce thème. Au fil d’analyses centrées sur le cheminement à la fois géographique et textuel de Nerval, se fait jour un point de vue original et critique sur l’activité perceptive en voyage, où les manières d’appréhender le monde se muent en une écriture « fantasque ».
De l’aphonie à l’euphonie par le nettoyage : Le Savon, de Francis Ponge, ou la parole en quête d’euphorie
Noël Cordonier
L’œuvre de Francis Ponge, dans sa globalité, présente un aspect protéiforme donnant l’impression d’une mosaïque textuelle foisonnante. Le Savon, par son dispositif textuel, par ses stratégies discursives, par la mise en fonctionnement du concept d’objeu et l’introduction de celui d’objoie, cristallise en un même texte les caractéristiques de la mosaïque sous forme d’un condensé virtuose et jouissif de la poétique pongienne.
Nous avons tenté d’analyser Le Savon par le brouillage énonciatif et discursif qui le parcourt de part en part ; nous avons réalisé une étude (micro)textuelle de la structuration des blancs et des signes typographiques de l’œuvre qui nous ont amené aux questionnements suivants : d’abord, dans quelle mesure les marques textuelles et le dispositif graphique participent-ils d’un brouillage ouvrant sur le latent ? Puis nous nous sommes questionnés sur le fonctionnement de ce flou : en quoi éclaire-t-il autrement ce qui relève du manifeste ? L’étude approfondie de la parole pongienne, dans Le Savon, nous a permis d’effectuer une tentative d’explicitation, relativement à ce qu’elle dissimule sans toutefois complètement l’effacer. Nous avons voulu montrer par quelle sorte de brouillage Le Savon passe de l’aphonie à l’euphonie, à savoir du silence à une parole cherchant l’agrément phonique, et dans quelle mesure ce mouvement, qui mène au nettoyage, est significatif de l’œuvre pongien. Enfin, nous avons tenté de répondre à l’interrogation suivante : comment la parole, à travers les voix qui se manifestent dans le texte selon différents modes, peut-elle être en quête d’un mouvement – celui, mécanique, de deux pièces qui ont assez de « jeu » pour être mobiles mais pas suffisamment pour gripper ou grincer – dont la finalité serait la recherche d’une autonomie euphorique ?
La solidarité et la solitude dans La Peste, L’hôte et Jonas ou l’artiste au travail d’Albert Camus
Barilier, Etienne
La solidarité et la solitude sont des thèmes récurrents chez Albert Camus. Sa vie et son œuvre en sont empreints. Dans ce travail, nous verrons comment ces notions sont traitées dans trois œuvres de l’auteur : La Peste, L’hôte et Jonas ou l’artiste au travail. Tous les protagonistes ressentent à un moment ou un autre des sentiments de solidarité et de solitude. Certains arrivent à maintenir un équilibre entre les deux ; d’autres privilégient l’un plus que l’autre, avec toutes les conséquences que cela entraîne. Nous verrons que l’exil physique et psychologique des protagonistes peut être atténué par la solidarité humaine. Cependant, cette dernière peut également entrer en conflit avec la volonté de solitude et, ainsi, l’exacerber.
Par l’étude de ces trois œuvres, nous verrons donc que la solidarité et la solitude sont en réalité complémentaires. Le titre même du recueil L’exil et le royaume en témoigne. Leurs relations sont également ambiguës, au point que la fin des nouvelles reste en suspens.
L’Europe avant tout ! Évolution de la pensée européenne de Pierre Drieu la Rochelle
Barilier, Etienne
Lorsqu’il est commenté, le parcours politique de Pierre Drieu la Rochelle est pratiquement toujours évoqué en fonction de son épilogue. Au fil du temps, Drieu a ainsi été résumé à ses prises de positions fascistes et à son collaborationnisme. Mais, comme l’a très bien formulé Jean-Louis Saint-Ygnan, « dire que Drieu est un écrivain fasciste ne signifie presque rien ; l’important est de chercher pourquoi il l’a été et de montrer les formes que cette tentation a prises. » Ainsi, au-delà du jugement et des définitions figées, le but de ce travail est de rendre compte de ce « pourquoi ». Dès lors, il s’agira pour nous de remonter aux premières réflexions politiques de Drieu et de couvrir l’ensemble de son parcours. En suivant l’évolution de cet homme, nous nous rendrons vite compte de la véritable nature de son engagement politique. Nous verrons que, hanté par la crise de la civilisation occidentale, Drieu a rapidement fait de l’Europe sa priorité. À la lumière de son européisme, le parcours tragique de ce « Français d’Europe » s’avèrera éminemment plus complexe et enrichissant que l’étiquette d’« écrivain collabo » ne le laisse entendre. En véritable sismographe des passions qui ont déchiré la première moitié du XXe siècle, Drieu s’imposera, au terme de ce travail, comme un témoin, une figure essentielle à la compréhension de son époque et un Européen avant tout.
Le rapport au spectateur dans le théâtre contemporain : vers une implication inédite ? Une étude à l’épreuve de trois spectacles.
Chaperon, Danielle
« Le théâtre est un rapport, et non un produit. » À l’heure où le théâtre se trouve placé dans une position marginale face au marché médiatique, et où la théorie comme la pratique paraissent se focaliser moins sur le contenu des spectacles que sur leur façon de faire sensation, il semble intéressant de prendre aujourd’hui ce basique constat au sérieux.
De quelle manière le spectateur se voit-il impliqué dans la relation théâtrale contemporaine ? Celle-ci exige-t-elle de lui, comme l’avance Hans-Thies Lehmann, « un état d’esprit entièrement repensé » ? Pour explorer le rapport au spectateur que cherche à instaurer le théâtre expérimental actuel – et par extension, les fonctions qu’il se donne –, cette étude propose quatre grands chapitres. Ceux-ci abordent, respectivement, la manière dont le théâtre contemporain semble se détacher du projet de fournir au spectateur un message ou une dimension référentielle pour privilégier au « sens » des dispositifs sensibles ; la mise en cause de la notion de « public » et l’autonomisation manifeste du spectateur de ce théâtre ; l’inconfort qu’il peut vouloir produire ; et l’apparente revalorisation de l’activité propre au spectateur, après les nombreux procès de « passivité » qui ont pu lui être faits. Ces quatre points sont traités à la lumière des réflexions de divers théoriciens, et d’un corpus de trois spectacles, issus du théâtre de l’Arsenic, qui témoignent de l’élaboration de la position spectatrice de Rodrigo García, d’Oskar Gómez Mata et du duo composé par Nicole Borgeat et Yan Duyvendak. Bien que très restreint, ce corpus permet d’observer un théâtre contemporain qui, de manière stimulante, paraît prendre le parti de responsabiliser son spectateur.