Le miroir du fou. Etude sur le personnage de Daguenet dans les romans en prose des XIIe-XIIIe siècles
Wahlen, Barbara
Le présent mémoire porte sur la figure du fou dans les romans en prose des XIIe-XIIIe siècle. En travaillant sur quatre grands écrits en prose, à savoir : le Lancelot en prose, le Tristan en prose, la Suite Guiron et les Prophesies Merlin, nous avons cherché à retracer l'évolution de Daguenet le fol.
Du personnage effacé, au fou prenant la place du roi, les auteurs mettent en place différents procédés qui permettent de faire évoluer un personnage qui pourrait, sans cela, être pris au piège d'une tradition littéraire parfois rigide.
Le motif de la folie est également largement discuté dans ce travail où Daguenet endosse tour à tour le rôle du fou naturel et celui du fou d'amour, à l'image des grands héros de la Table Ronde que sont Lancelot et Tristan. Tantôt miroir de la folie d'amour et révélateur des autres fous, tantôt victime de cette même passion dévorante, ce travail présente Daguenet dans ces différents rôles, révélant une profondeur souvent inconnue chez ce personnage dont l'identité se forge au fil des textes
Entre référentialité et intertextualité, le réalisme hybride de la fiction dans Verre Cassé d’Alain Mabanckou
Le Quellec Cottier, Christine
Mabanckou prétend refuser d’être assujetti au devoir de témoignage auquel la littérature francophone africaine avait souscrit dès son émergence. Cependant, ses romans entretiennent une relation à son continent d’origine, par le lieu où se déroule l’action, par l’identité des personnages, ou encore par le procédé de l’oralité feinte. Si tout discours fictionnel possède un caractère hybride, dans le sens où il associe à l’imaginaire des références au monde réel et des renvois intertextuels, il apparaît que Mabanckou joue de manière ambiguë de cet état de fait, notamment dans "Verre Cassé". Le concept de scénographie, élaboré par Maingueneau et utilisé dans la théorie postcoloniale, permet d’analyser et de comprendre comment, chez Mabanckou, la fiction littéraire l’emporte en définitive sur un propos apparemment réaliste.
Le théâtre constitue ce qu’il convient d’appeler une tache aveugle dans l’Introduction à la littérature fantastique de Tzvetan TODOROV. Les raisons de cette absence se trouvent peut-être dans la résistance que le théâtre oppose au principal outil développé par le critique dans son essai : « l’hésitation entre le réel et […] l’illusoire [ou] l’imaginaire ».
D’abord, il semblerait que l’« hésitation fantastique » ne peut s’inscrire dans le texte dramatique de la même manière que dans le récit. La valeur affaiblie de la « vérité du récit » (RASTIER) proposée par les didascalies et la fréquente polyphonie des textes dramatiques offrent en effet un terrain très fertile à l’incertitude : même lorsque le lecteur implicite ne devrait en théorie pas « hésiter », le lecteur réel est en pratique autorisé à tout mettre en doute, parce que les textes de théâtre se révèlent particulièrement indécidables. Si l’« hésitation » subvertit potentiellement les règles du monde représenté, alors elle peut être qualifiée de fantastique ; c’est le cas de très nombreuses pièces écrites avant 1770 et après 1890, période où – selon TODOROV – le fantastique existerait presque exclusivement.
Ensuite, les spécificités de la monstration scénique demandent un traitement théorique particulier du voir fantastique au théâtre et la prise en compte de ses incidences sur la lecture du texte dramatique. Comment diriger le lecteur expérimenté ou le lecteur praticien de théâtre sur la piste de l’hésitation entre le réel et l’irréel quand il sait que l’événement scénique sera forcément « pris dans le tissu du réel » (UBERSFELD) ? Si l’illusoire théâtral s’apparente plus à une « hésitation » sur le degré de vérité de ce qui est montré que sur son degré de réalité, comment alors générer chez le spectateur une « vision ambiguë » au sens où l’entend l’auteur de l’Introduction à la littérature fantastique ?
Le théâtre constitue donc un défi pour la théorie du fantastique de TODOROV. Mais surtout, il semble que, prise au mot, cette théorie permette d’approcher au mieux la question délicate de ce que j’ai appelé dans ce travail « l’hésitation théâtrale ».
Paradoxes du discours commercial chez Balzac et Zola
Caraion, Marta
A partir de 1830, l’avènement de trois champs intrinsèquement reliés (le journalisme, la publicité et le nouveau commerce) engendre de nombreux changements non seulement au sein de la société française du XIXe siècle, mais aussi, et surtout, dans le monde littéraire. Ce qui est essentiel pour le propos de cette étude, c’est le fait que ces bouleversements économiques et culturels au cours du XIXe siècle provoquent ce qu'on peut nommer la commercialisation du langage : l'utilisation des mots en tant qu'outils de la modernité et du nouveau commerce. Jusque-là instrument principalement littéraire, le langage subit une transformation radicale et se positionne en tant que technique de vente ; il est utilisé d'une façon inventive dans le but de créer l'illusion et d'éveiller le désir des clients potentiels. Les différentes œuvres littéraires analysées dans ce travail (César Birotteau, L’Illustre Gaudissart I et II de Balzac, Au Bonheur des Dames et Une Victime de la Réclame de Zola) démontrent que les écrivains souhaitent dénoncer l'appropriation des outils artistiques par la rhétorique commerciale. Cependant, paradoxalement, la manière dont ils tentent de produire leur condamnation s'avère souvent révélatrice de leur ambivalence. Afin d’expliquer ce constat, ce travail se compose de deux analyses: premièrement, il s’agit d’examiner de quelle manière le domaine littéraire s'imprègne des écritures périodique et publicitaire en les intégrant à la production romanesque bien qu'en mettant en scène le schéma inverse de répulsion et de rejet des méthodes que l'on utilise dans le champ économique. Ces deux sentiments se produisent de façon simultanée et constituent la cause essentielle de l'ambivalence des hommes de lettres face à la modernité, au nouveau commerce, aux nouvelles formes d'écriture, à la littérature industrielle. Deuxièmement, dans les textes littéraires, le commerce, bien que férocement critiqué, est sans cesse assimilé à la littérature et aux arts de manière générale – au début du siècle cela se produit de manière implicite, l'explicitation intervient par la suite. Les marchands partagent les caractéristiques des écrivains et inversement. Les valeurs attribuées au commerce et à la littérature respectivement ne sont plus très clairement définies et distinguées.
De la gelosie d’Arthur à l’ire d’Yder : les émotions négatives au service de la nouvelle chevalerie dans le Romanz du reis Yder
Wahlen, Barbara
Œuvre arthurienne en vers du XIIIe siècle, le Romanz du reis Yder n’a guère suscité l’intérêt des chercheurs, excepté pour le comportement singulier du roi Arthur qui démontre de nombreux travers, comme le manquement à ses devoirs royaux, l’avarice ou la jalousie. Pathologique, cette dernière a particulièrement retenu l’attention des médiévistes : dans le récit, Guenièvre est présentée comme une femme aimante et fidèle et les accusations que lui porte Arthur sont donc injustifiées.
Notre étude se propose d’observer la jalousie et les autres vices du roi en parallèle d’une autre émotion négative, la colère, qui apparaît avec le héros du roman, Yder. Comme le roi censé représenter un idéal, le chevalier se doit de défendre les traditions courtoises et l’ire semble, dans un premier temps, s’y opposer. Pourtant, au fil de notre analyse, nous verrons au contraire comment elle permet la sauvegarde des valeurs chevaleresques. Instrumentalisée, la colère pousse le personnage d’Yder à s’opposer à la dégénérescence de son souverain. Le jeune homme se fait ainsi le porte-parole d’une nouvelle chevalerie qui doit désormais se construire de façon individuelle, sans ses repères traditionnels et hors de la communauté arthurienne.
Mélusine au XIXème siècle : du narratif au lyrique
Mühlethaler, Jean-Claude
Fondé en 1393 par le roman de Jean d’Arras, le récit de Mélusine est actualisé par la littérature moderne. Partant d’une légende médiévale, l’histoire devient un véritable mythe littéraire au fur et à mesure des reprises successives et s’épanouit pleinement dans la littérature française du XIXème siècle.
Le mythe se renouvelle à travers des œuvres narratives, telles celles d’Edmond Géraud (1810), d’Edouard d’Anglemont (1833) et d’Alfred Delvau (1869), mais également à travers des œuvres poétiques, telles celles de Gérard de Nerval et de Jean Lorrain.
Plaçant au cœur de notre démarche la notion de mythe littéraire telle qu’elle est pensée par Philippe Sellier et le phénomène d’intertextualité selon Michael Riffaterre, notre travail s’intéresse à l’actualisation du mythe. Par la mise en perspective du récit médiéval et du corpus littéraire moderne, l’étude aborde les résurgences littéraires du mythe médiéval de Mélusine au XIXème siècle de manière transversale et sans limite de genre. Mesurer la part d’innovation et la part de fidélité sont les buts principaux de nos analyses et le fil d’Ariane de cette recherche. Un mythe littéraire n’existant que s’il se renouvelle, nous prenons soin d’interroger les évolutions de la représentation du mythe en relation avec l’évolution des mentalités et des enjeux esthétiques propres à chaque auteur. Le travail met donc en évidence comment la valeur et le sens du mythe littéraire de Mélusine se sont recyclés et de quelle manière celui-ci reflète certaines préoccupations esthétiques, idéologiques ou personnelles d’une période ou d’un auteur en particulier.
La critique d'art de Marguerite Duras. Analyse textuelle et stylistique.
Philippe, Gilles
Ce mémoire traite de la critique d’art de Marguerite Duras et adopte une perspective textuelle et linguistique. Le corpus est formé de quatorze textes écrits sur une période de près de quarante ans, ce qui correspond approximativement à la durée de la carrière de l’auteur. Traitant de formes d’art différentes, comme la peinture abstraite et figurative, la sculpture, la mode et la photographie, ce sont pour la plupart des critiques de commande ou des demandes amicales.
Ce travail se divise en quatre parties. Le premier chapitre observe l’origine générique des textes et leur insertion en recueil. Cette partie est descriptive et constitue une introduction aux textes et aux thèmes qu’ils abordent.
Le deuxième chapitre aborde les diverses formes des textes. Certains appartiennent à un sous-genre littéraire et d’autres développent une forme plutôt libre. Cette partie du travail s’intéresse aux types de textes mobilisés par l’auteur pour l’évocation de l’œuvre d’art, tels que la description, la réflexion et le dialogue.
Mettant en œuvre les notions d’ethos et de scénographie issues de l’analyse du discours, le troisième chapitre examine les différentes manières dont les textes façonnent une image de l’énonciateur.
Adoptant une perspective chronologique, le quatrième chapitre examine l’évolution de l’écriture au fil des textes. Le corpus a été divisé en quatre périodes qui correspondent à des époques marquantes pour le style romanesque de l’auteur. L’analyse fait apparaître des régularités stylistiques qui sont moins accentuée dans la première période et qui se généralisent pour finalement aboutir à ce que l’auteur nomme « l’écriture courante ».
La première réception critique de Michel Houellebecq a été marquée par un constat pour le moins ambigu et lourd de sens dans la tradition littéraire française: l'auteur des Particules élémentaires n'aurait pas de style. Comment cette observation, en partie aveugle, polysémique et non innocente, s'est-elle propagée à travers les différentes sphères de légitimation du style de l'écrivain (journalistes, essayistes, universitaires, pasticheurs, dictionnaires)? Et quelles en furent les motivations? Ce travail tente de dégager différentes pistes, notamment un glissement de l'imaginaire stylistique, du plus ou moins correct au plus ou moins visible, dont la conséquence est une confusion plus fréquente entre style peu visible et absence de style, un besoin d'équilibre critique face à la prolifération des écritures blanches, ainsi qu'une identification de Houellebecq aux mutations du monde éditorial qui entraînent selon certains un effondrement du modèle autonome et indépendant de la littérature. Ce travail revient également sur l'hypothèse fondatrice de Jérôme Meizoz pour qui les disputes autour de l'écrivain s'expliquent par la posture polémique de celui-ci. Nous proposons de voir comment la posture "Houellebecq" gagnerait à être envisagée sous l'angle d'une figure culturelle, c'est-à-dire compliquant l'analyse en termes de présentation de soi par une attention plus poussée aux différents acteurs ou mécanismes de promotion qui oeuvrent à la mise en images, en scène, en musique, en cinéma, de Houellebecq.
Le paradoxe des médias dans la presse pour adolescentes: entre sexualisation et conservatisme
Burger, Marcel
Ce travail de mémoire fait état de l’ambiguïté du contenu éditorial d’un magazine en ligne pour adolescentes. A l’aide des théories de la construction des identités de Vion et Goffman sur les faces et les places, plusieurs éléments de ce paradoxe sont mis en avant. Cette instance d’information promeut en effet, de prime abord, une image moderne de la jeune femme sexy et libérée. Ce discours se révèle pourtant être un leurre puisqu’il n’est pas question, au final, d’émancipation féminine ou d’accomplissement personnel, mais bien de la nécessité constante d’être attirante pour les hommes dans le but d’être reconnue socialement et d’être heureuse. Ces faits transmettent auprès des adolescentes une image sexiste et stéréotypée de la femme. Les jeunes lectrices s’imprègnent en effet de cette idéologie et reproduisent les modèles transmis par les médias. La formation de leur identité féminine est réduite à une recherche continue de l’approbation de la gente masculine, et ce, déjà à la période de l’adolescence. La sexualisation présente dans ce média, par l’activation des stéréotypes inégalitaires et sexistes, mène donc au conservatisme, c’est-à-dire à des modèles féminins traditionnels loin des transformations sociales et progressistes qu’on serait en droit d’attendre en 2014.
Maxime Du Camp, écrivain secrétaire du souvenir. Portrait d'une posture d'auteur en trompe-l'oeil.
Caraion, Marta
Maxime Du Camp (1822-1894) est un polygraphe souvent oublié par la critique ou enfermé dans le carcan flaubertien. Pourtant, il a occupé une place importante sur la scène littéraire et journalistique de Paris, dont l’étude détaillée permet d’apporter un autre regard sur l’histoire littéraire du XIXe siècle. Pour mener à bien cette réflexion, j’ai choisi d’aborder l’entier de sa production, afin de saisir les enjeux de l’élaboration d’une posture d’auteur vaste et complexe. Entre présence et absence, Du Camp définit une attitude singulière, en proposant une écriture en trompe-l’œil.
D'une romanesque l'autre : Denis de Rougemont et René Girard.
Corbellari, Alain
Denis de Rougemont (1906-1985) est (ou fut) mondialement connu pour son grand essai L'amour et l'Occident (première édition en 1939). Essai qui connut un grand succès dès sa parution, mais plus auprès des écrivains et des intellectuels « libres » que des universitaires spécialisés, pour lesquels l'essayiste neuchâtelois commettait l'irréparable en mélangeant les disciplines (études médiévales, théologie, freudisme, sociologie...). Parmi ces intellectuels « libres » : René Girard, cet « anthropologue du sacré et de la violence » (selon ses propres mots) né en 1923, et auteur de Mensonge
romantique et vérité romanesque (1961).
L'université, malgré ses prétentions à l'interdisciplinarité, n'a pas réellement pris en compte ni l'oeuvre de Rougemont ni celle de Girard ; j'en veux pour preuve l'absence criante d'édition critique de Rougemont, et le dédain pédant que l'on oppose aux thèses girardiennes... Il est vrai – en ce qui concerne L'amour et l'Occident - que l'érudition à acquérir pour parler avec Rougemont en connaissance de cause est considérable... Mais on ne répond pas nécessairement à l'érudition par l'érudition. On peut tenter d'y répondre par l'analyse ; c'est du moins ce que j'ai essayé de faire, en prenant en un premier temps les propositions de Rougemont sur le roman pour ce qu'elles sont et en en tirant les conséquences – ce qui permet de prendre acte de certaines incohérences de la romanesque rougemontienne ; dans un second temps, en montrant en quoi les failles de cette romanesque, dans ce qu'elles trahissent de leurs présupposés, mènent à la romanesque de Girard, dont les propositions prétendent corriger la romanesque de Rougemont. Un des points forts de mon travail est donc, il me semble, d'avoir contribué à décrire, d'une romanesque l'autre, ce processus de correction d'une oeuvre critique par une autre.
Le M 3476 de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne.
Zufferey, François
Ce mémoire a pour objet de faire connaître le manuscrit conservé au département des manuscrits de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne au moyen de nos connaissances actuelles. Il se veut également être une contribution à l’édition critique du texte. Une édition lacunaire a paru en 1845, mais jusqu’à aujourd’hui, le texte de ce témoin n’a jamais été reconsidéré. Le travail de ce mémoire, construit en trois parties, observe d’abord les aspects codicologiques, et tente de retracer l’histoire externe du manuscrit. Ensuite, il s’intéresse à la langue du texte qui lui appartient et particulièrement à sa scripta picarde (une édition semi-diplomatique partielle est disponible en annexe). Enfin, il replace le manuscrit dans sa rédaction, et lui redonne sa place de plus ancien témoin connu du texte de l’amalgame-Miroir du Monde-Somme le Roi, toutes rédactions confondues.
Ce travail se penche sur quatre œuvres de Michel Dave, artiste contemporain établi en Belgique au centre d’art thérapie de La Pommeraie, dirigé par Bruno Gérard, acteur important du monde francophone de l’Art Brut. Dans ce cadre sollicitatif, Michel Dave a réalisé plus de deux cent tableaux composés principalement d’intrigantes listes de mots. Dans une étrange harmonie se dessine une unité nouvelle entre langue et image, où l’énonciation oscille entre le lisible et l’illisible.
Michel Dave écrit, mais nous ne savons pas comment l’appréhender : le lecteur ne peut étiqueter a priori ce qui fait sa spécificité. L’œuvre de Michel Dave est une œuvre libre : elle permet à chacun de s’inventer comme sujet, découvrant du sens ou plutôt des modes de signifier là où ceux-ci ne sont pas nécessairement marqués du point de vue de la convention.
Suivant Emile Benveniste, le langage humain est l’interprétant de la société : l’efficience de la langue de Michel Dave consiste en effet en sa capacité à interroger quitte à les déstabiliser les statuts sociaux attribués : poète ou malade ? peintre ou écrivain ? Quelle place assigner à Michel Dave ? Et si le problème était le nœud du problème ?
La capacité de l’œuvre de Michel Dave à ébranler les grilles de lecture socialement instituées la situe de plein droit dans la poétique de l’art inventée en 1945 par Jean Dubuffet en même temps qu’elle en renouvelle l’action critique.
Olivier Barbarant, artisan d'un verset poétique contemporain
Rodriguez, Antonio
Ce travail cherche à interroger la structure du verset à l'heure de l'extrême-contemporain, en se fondant sur deux recueils contemporains du poète Olivier Barbarant écrits en versets ("Essais de voix malgré le vent" et "Odes dérisoires"). L'analyse de cette forme hybride (qui mêle des éléments de vers et de prose) autant qu'historiquement complexe - dans la mesure où le verset fut d'abord la forme par excellence des textes sacrés et bibliques - apparaît selon nous comme un moyen particulièrement fécond d'appréhender les ambiguïtés génériques qui prévalent dans la poésie contemporaine.
Notre travail, dès lors, tente de montrer que certaines des composantes inhérentes à la poésie d'Olivier Barbarant trouvent un véhicule formel idéal en la forme du verset. Les caractéristiques de cette poésie - les longs poèmes non ponctués, une énonciation vagabonde, une syntaxe circulatoire, voire certaines contradictions sémantiques ou ontologiques (le sacré et le profane s'y côtoient avec bonheur) - semblent comme soutenues par la forme-verset, dont l'un des horizons semble être de ménager une plus grande amplitude rythmique et typographique - donc une ouverture - à la voix poétique. L'instabilité générique autant que syntaxique qui domine ces deux recueils, et qui semble en partie assumée par le recours au verset, apparaît comme le choix légitime d'un poète qui, craignant plus que tout que la poésie ne se fige, ne s'assèche ou ne raréfie toujours plus ses moyens d'expression, souhaite élargir une voix poétique avide de "chanter malgré tout". Le verset apparaît donc dans ces poèmes comme un moyen de faire cohabiter une certaine précarité (ou un déchant) avec la recherche d'un souffle neuf - en tentant de rétablir un dialogue avec la Lyre.
Georges Haldas en voyage : ouverture, pacte de lecture et captatio dans ses chroniques extra-helvétiques
Maggetti, Daniele
Ce mémoire a pour objectif d’étudier certains procédés littéraires que Georges Haldas, écrivain romand très productif, met en œuvre dans ses chroniques. Il y est question tout d’abord d’appréhender sa bibliographie de manière globale en se concentrant sur les « ouvertures » (terme que nous définirons) de trente et un de ses ouvrages. Sur la base de ce corpus, le travail se concentre sur la manière dont Haldas propose un pacte de lecture et entraîne son public dans ce genre qu’il auto-désigne comme celui de la chronique pour se conclure par l’élaboration d’une typologie des ouvertures haldassiennes. Au niveau de la méthode, cette première partie utilise comme outil de recherche un tableau qui répertorie diachroniquement les trente et un textes et leur incipit respectif ainsi que certains éléments observables dans ces débuts textuels.
La seconde partie de ce mémoire se concentre sur La Maison en Calabre, L’Intermède marocain et Pâques à Jérusalem, trois chroniques qui ont la particularité de raconter un voyage vécu par l’écrivain. A travers ces ouvrages, ce travail tâche de montrer comment Haldas construit et développe un récit tantôt autobiographique, tantôt romanesque, mais au sein duquel le lecteur occupe toujours une place singulière et privilégiée. Les procédés de captatio de ces trois chroniques sont observés ainsi que commentés dans cette partie et, enfin, l’auteur est étudié sous l’angle du pacte autobiographique, concept développé par Philippe Lejeune.
La conclusion met en lumière la multiplicité des enjeux de la chronique haldassienne, mais également l’importance des procédés d’écriture propre à l’auteur.
Entre Histoire et fiction : Le vampirisme historique de Jacques Chessex
Maggetti, Daniel
À vocation interdisciplinaire, le présent mémoire s’intéresse à la manière pour le moins singulière dont l’écrivain Jacques Chessex s’y prend pour écrire l’Histoire, en se focalisant sur quatre de ses ouvrages : Le Rêve de Voltaire (1995), Le Vampire de Ropraz (2007), Un Juif pour l’exemple (2009) et Le Dernier Crâne de M. de Sade (2009).
Loin de pouvoir être perçu comme un historien, l’écrivain use, au sein des ouvrages étudiés, de procédés littéraires habiles et récurrents pour empreindre l’Histoire de toute sa subjectivité, l’intégrer à sa propre personne, à son univers et, plus généralement, à la mythologie qui sous-tend son œuvre depuis les années 1960. À chaque fois, les mécanismes qui sous-tendent ce processus de « vampirisation de l’Histoire » demeurent fondamentalement les mêmes. Chaque livre fait le récit d’événements qui se déroulent à des époques différentes, chacune expressément caractérisée : l'Europe des Lumières et celle de l’après Révolution, avec leurs différents courants de pensées et leurs grands hommes ; la Suisse rurale du début du XXe siècle, reculée, ignorante, violente et celle des années 1940, tiraillée entre différentes puissances européennes qui se font la guerre. En sélectionnant et en cristallisant autour de sordides épisodes historiques ce qui constitue, à ses yeux, l’ « essentiel » de ces époques et en y associant ses propres fantasmes, ses traumatismes et ses obsessions, Chessex intègre ces « morceaux attentivement choisis » à tout ce qui constitue son être. Loin d’être innocent, ce processus permet à l’auteur de dresser un portrait en synecdoque de ces différentes périodes – la partie choisie représentant le tout. En effet, loin de brosser de grandes fresques historiques, Chessex resserre toujours l’intrigue autour d’un épisode précis, où viennent se confondre grandes figures et personnages secondaires, moments glorieux ou terribles de l’Histoire et minutes insignifiantes, rêvées ou inventées. Ces récits sont très fortement ancrés dans un lieu. Le Jorat, tout comme la Broye et le plateau lémanique, participent d'un même univers : le Canton de Vaud. De cette unité de lieu découle une unité de pensée particulière : des traditions, des croyances typiquement « chessexiennes », qui imprègnent fortement les gens et influent sur leur manière d'agir. Ainsi, loin de dresser un portrait objectif du canton et de ses habitants, c'est avant tout à lui-même que Chessex revient ; c'est lui qu’il met en scène directement ou indirectement à travers ses personnages, sa vision subjective qu’il impose au lecteur, ses obsessions, ses culpabilités, ses Vaudois qu’il fait vivre. À travers l’Histoire, l'auteur postule donc une permanence de l’être, en même temps qu’avec une certaine ironie il se place, lui et son univers, en position stratégique : au centre de l’Europe, voire même du monde. Sous cet angle, le fait divers apparaît comme un « précipité » et/ou un « vecteur » lui permettant de condenser, de ramener et d’amalgamer des pans entiers de l’Histoire à une mythologie personnelle qui, paradoxalement, enfle et rayonne. De cette écriture oscillant constamment entre la « concentration » et l’« expansion » naissent alors des récits ambigus, dans lesquels l’Histoire rapportée, les sources, l’Histoire vécue, la perception subjective de l’écrivain et l’Histoire inventée ne cessent de s’entrecroiser et d’interagir, pour donner vie à une illusion de réalité particulièrement convaincante.
Loin d’être désorganisés, les divers mélanges, croisements et interactions que Chessex opère, au sein des ouvrages, entre l’Histoire, la perception subjective qu’il peut en avoir et la fiction à proprement parler, résultent de procédés habilement étudiés, qui sont destinés à amadouer le lecteur, à « mentir vrai » pour lui faire croire à la véracité de ce qui lui est raconté, tout en le privant des principaux moyens de contextualisation qui lui permettraient de pouvoir remettre en question la vision subjective et transposée de l’Histoire qu’on lui donne à voir. Or, contrairement à tout ce que la littérature critique a – jusqu’à aujourd’hui – proposé, seule une étude interdisciplinaire – du type de celle que nous présentons ici – concentrée sur la genèse des œuvres, en se basant sur l’étude et les recoupements opérables entre les sources – employées, ou non, par l’écrivain – et la réalité dont elles témoignent, peut permettre de démêler un tel réseau d’associations.
De fait, loin de découler d’un acte de production/création littéraire en soi, le processus de « vampirisation de l’Histoire » opéré par Chessex découle d’un méticuleux travail de recherche, qui a été opéré en amont de l’écriture, et duquel résultent un certain nombre de sources. Toutefois, même si, sur ce point précis, la démarche de Chessex se rapproche de celle d’un historien, l’usage qui est fait de ces documents est radicalement différent. En effet, loin d’employer ces traces dans le but d’étudier et de reconstituer un passé qui soit le plus fidèle possible à la réalité d’antan, l’auteur se sert de ces sources comme autant d’outils – ou de « figures d’autorité » – lui permettant de donner une meilleure illusion de réalité ; n’hésitant pas à les retoucher, à les transformer et parfois même à en inventer des parties entières pour rendre sa perception subjective de l’Histoire tout à fait vraisemblable. Une fois cette démarche accomplie, les documents historiques sont ensuite intégrés au cœur de la narration romanesque, au sein de laquelle ils servent de « fondement », d’ « assise » sur lesquels l’écrivain peut composer ses récits et y mêler sa subjectivité. Chessex peut alors, sur cette « base », créer des scènes qui ne se sont pas produites dans la réalité des affaires traitées, mais qui apparaissent d’une cohérence absolue avec la vision subjective de l’Histoire qu’il est parvenu à bâtir. De fait, en plaçant sur un même plan, en mélangeant et en faisant interagir l’Histoire et la fiction – qu’il établit à partir de certains documents « réels », d’informations et de déductions qu’il a pu glaner ou former au cours de l’enquête qu’il a menée – Chessex parvient à restituer un ensemble de scènes et de réflexions homogènes, qui forment un tout que SA logique charpente. L’illusion de réalité est alors telle qu’elle ne laisse d’autre choix au lecteur que de croire à ce qui lui est raconté.
L’Art du « bestournement » dans Mélusine de Franz Hellens
Wahlen, Barbara
À mi-chemin entre le conte mélusinien et le roman arthurien, mettant en scène des personnages hybrides, à l’instar de l’héroïne éponyme ou de Merlin que Franz Hellens s’ingénie à « retourner », Mélusine ébranle nos convictions les plus profondes. À quoi reconnait-on le rêve et la réalité ? Méconnue du grand public, jugée trop novatrice lors de sa première publication en 1920, cette réécriture étonne tant en raison de la densité de son propos que par la poésie des images qu’elle convoque. En prenant en partie le contre-pied de la tendance actuelle qui consiste à appliquer des outils d’analyse modernes à une œuvre ancienne, notre travail se propose d’aborder cette relecture du conte mélusinien dans une perspective médiévalisante. Par le biais de deux hypotextes principaux, le Merlin en prose (début du XIIIe siècle) et Mélusine ou La Noble Histoire des Lusignan de Jean d’Arras (fin du XIVe siècle), notre analyse questionne la part d’innovation et de reprises de ce roman et plus généralement ce qui fait l’originalité d’une œuvre.
« Les femmes qui se parfument doivent être admirées de loin »
Caraion, Marta
« Les femmes qui se parfument doivent être admirées de loin » met en garde le physiognomoniste Jean-Baptiste Delestre dans son ouvrage De la physiognomonie (1866). Ce faisant, il se fait l'écho d'une réalité sociale contemporaine marquée par un double mouvement de méfiance et d'intérêt pour l'odorat et ses divers stimuli, associés à la maladie et à l'animalité tout autant qu'à la séduction et au raffinement. Cette ambiguïté de l'odeur – et plus précisément de l'odeur féminine – se retrouve dans la littérature de la fin du XIXe siècle qui fait de l'odor di femina un thème-clé de son esthétique. A partir de trois romans de cette période – Nana d'Emile Zola, Notre coeur de Guy de Maupassant et L'Eve future d'Auguste de Villiers de l'Isle-Adam – ce mémoire vise à illustrer la façon dont le parfum de la femme est unanimement décrit comme une menace pour les figures masculines, ces dernières engageant une riposte sous la forme d'une réformation des odeurs féminines. Le travail met également en avant la façon dont les notations olfactives deviennent un moyen d'expression privilégié de thématiques complexes chères à la fin-de-siècle, telles que l'hérédité, la sexualité ou encore l'artificialité.
Merlin et la temporalité: analyse comparée de "The Sword in the Stone" de T. H. White et "L'Enchanteur" de René Barjavel
Wahlen, Barbara
La figure médiévale de Merlin émerge dans un contexte littéraire particulier, celui d’Arthur et de ses compagnons de la Table Ronde, qui évoluent dans une fiction caractérisée par une absence d’ancrage temporel. Dans deux réécritures modernes de la légende de Merlin, The Sword in the Stone, de T.H. White, et L’Enchanteur, de René Barjavel, le magicien se fait en partie l’héritier de ce statut atemporel. L’analyse comparée de ces deux textes du XXe siècle permet de mettre en lumière le statut temporel dual de Merlin: s’il est relativement indépendant d’un ordre chronologique, il est toutefois simultanément soumis aux temporalités spécifiques à chacun des récits. Partant, la figure de l’enchanteur constitue à la fois un stéréotype littéraire et un personnage textuel. La confrontation de ces deux récits souligne également en quoi le manque d’ancrage temporel de l’univers fictionnel arthurien favorise les réécritures modernes et permet une «réactualisation» de la légende dans d’autres époques. Enfin, elle met en lumière les divers changements de registre induits par les variations de la temporalité d’un texte à l’autre.
La reine Guenièvre, Morgane la Fée : de l’objet et l’obstacle au statut d’héroïne. Adaptations et représentations des personnages arthuriens au cinéma et dans la bande dessinée internationale
Wahlen, Barbara
Cette étude a pour sujet principal l’étude dans un contexte de théorie des genres de l’adaptation et de la représentation de deux personnages féminins médiévaux au cinéma et dans la bande dessinée : la reine Guenièvre et Morgane la Fée. En effet, une des composantes majeures de ce travail est la contextualisation du personnage féminin médiéval dans une histoire et une politique sociale qui n’ont eu de cesse d’évoluer, engendrant des bouleversements conséquents d’une décennie à l’autre : la montée du féministe et les idées qui en découlent sont tout à fait centraux. Le travail s’axe sur ces deux femmes car il s’agit de figures qui ont su façonner un idéal – entendons par là un fantasme – dans l’imaginaire collectif. Guenièvre est la belle reine de Logres, femme du légendaire roi Arthur et amante de Lancelot. Morgane, quant à elle, a été réduite à travers les siècles à une figure négative. Peu savent qu’elle était, à la base, un personnage positif : il n’en reste que la femme lubrique, mauvaise, rusée et puissante.
Mises en perspective à la fois entre elles, mais aussi avec l’histoire de l’émancipation féminine, Guenièvre et Morgane présentent une part inconnue, nouvelle et fascinante de leur féminité. Le cinéma, théâtre moderne, ainsi que la bande dessinées sont deux lieux d’adaptation et de reproduction particulièrement parlants dans notre société actuelle. Enfants, adultes, tous sont confrontés à ces médias et la force de leurs regards pèsent sur la reine et la fée. Seront-elles alors en adéquation avec ce qu’ils attendent ? Parviennent-elles au statut d'héroïne ?
Après analyse, deux schémas distincts mais qui rejoignent un même but se sont dessinés. Guenièvre, reine de Logres, demeure un objet de quête, un personnage passif avec une portée héroïque moindre voire inexistante. Même dans la série Merlin qui propose une Guenièvre noire, venant d'un milieu pauvre et qui s'élève par ses qualités morales, celle-ci ne reste qu'une raison pour Merlin et Arthur d'agir. Pourtant, on y voit une volonté de la placer au même rang que les protagonistes masculins secondaires, est-ce une réelle amélioration ? Elle demeure toujours un objet de quête, un personnage passif servant de raison aux protagonistes masculins pour agir.
Pour Morgane, le constat est presque le même dans le sens où, son personnage mauvais des textes des clercs médiévaux, ne garde finalement que cette méchanceté, cette duperie et la luxure. Elle n'est jamais dépeinte autrement et en devient presque parodique. Elle pourrait tout aussi bien avoir un autre nom, mais non, il faut que ce soit Morgane tant son nom est associé au mal. Il n'y a bien que dans la bande dessinée où son personnage évolue vers une représentation positive et active de la féminine. Ces deux schémas, pour la reine et pour Morgane, concourent à nous faire comprendre que la femme reste soumise au patriarcat.
La question soulevée dans la conclusion du travail est particulièrement intéressante. Ainsi, ces deux personnages féminins n'obtiennent pas ce statut d'héroïne et reste cantonnés à une représentation de la féminité passive ou dangereuse. Pourtant, il semble exister un terrain fertile pour une émancipation de ces protagonistes féminins et celui-ci se trouve étrangement dans des personnages qui présentent à la fois un côté masculin et un côté féminin : à l'image de Tristan dans Camelot 3000 qui cristallise à lui seule la question du genre et de sa représentation. Tristan est un homme, réincarné dans un corps de femme, doit-il se voir comme une femme ou un homme ? Est-ce le corps ou le genre qui prime ? Qu'en est-il de sa relation avec Iseult ? Est-elle homosexuelle ? Un changement se dessine dans les mentalités, le genre apparait comme quelque chose de fluctuant et on peut espérer que cela soit au profit du féminin. Le personnage de Lancelot dans la BD éponyme présente aussi ce problème de genre. C'est une femme, élevé en pensant qu'elle est un homme, elle n’apprend son vrai nom de héros que lorsqu'elle découvre qu'elle est une femme. Elle ne sait réellement ce qu'elle est, quel est son but ? Etre chevalier : mais elle est une femme, dans un corps d'homme, qui a des désirs d'homme. Toute cette problématique est fort captivante. Elle nous conduit à reconsidérer la question du féminin et du masculin dans ses représentations dans la société et plus les frontières seront floues, plus peut-être, le féminin aura une chance d'échapper à ce patriarcat écrasant.
Ecrire l'espace: le modèle cartographique dans "Un livre blanc" de Philippe Vasset et "Paris, musée du XXIe siècle. Le dixième arrodissement" de Thomas Clerc
Zanghi, Filippo
Ce mémoire examine les liens entre littérature et cartographie et interroge la possibilité d’un objet hybride, entre carte et texte. Après une mise en parallèle des caractéristiques formelles et fonctionnelles de la carte et du texte, l’analyse de deux récits de la littérature française contemporaine montre de quelle manière les liens et limites entre cartographie et littérature sont exploités par les auteurs pour proposer une représentation de l’espace qui tienne à la fois de la carte et du texte. L’analyse permet enfin de souligner ce que la littérature peut tirer du modèle cartographique et ce que ses caractéristiques peuvent apporter à la géographie.
Identités en construction dans le "Journal" de Charles Juliet
Rodriguez, Antonio
Ce mémoire cherche à étudier l’oeuvre d'une vie dont la construction identitaire est le point d'orgue.
Charles Juliet propose dans son "Journal" une forme nouvelle de diarisme. Tout d'abord dans sa
manière d'aborder la notion d'intimité, mais aussi dans celle d'intégrer le lecteur à cette forme
d'écriture de soi. Il semble en effet que le journal d'un seul homme devienne au fil des publications
le fruit d'une perpétuelle réflexion collective. La théorie littéraire concernant le journal intime,
l'utilisation des notions d'intimité et d'extimité, ainsi que l'analyse détaillée des sept volumes allant
de 1957 à 2003 chercheront à étayer ces hypothèses.
Le Cinématographe et les poètes modernistes Paris : 1905-1917 Apollinaire, Cendrars, Jacob
Rodriguez, Antonio et Turquety, Benoît
En considérant les œuvres poétiques de Guillaume Apollinaire, de Max Jacob et de Blaise Cendrars, trois poètes pouvant être apparentés à la génération ayant vécu l’essor industriel du cinéma des premiers temps, ce travail propose de discuter dans quelles mesures ce nouveau divertissement a influencé le renouvellement moderniste de la forme poétique à Paris au début du XXème siècle, dans une perspective interdisciplinaire. L’hypothèse selon laquelle ces spectacles faisaient partie des plaisirs et des pratiques culturelles de ces trois poètes dès avant la Première Guerre mondiale sera discutée et stabilisée dans sa dimension historique et historiographique, compte tenu du statut singulier du cinématographe avant son institutionnalisation et avant qu’il ait été défendu comme un art autonome vers la fin des années 1910. Bien que la conférence d’Apollinaire de 1917, L’esprit nouveau et les poètes, a pu être considérée comme un déclencheur des rapports entre poésie et cinéma, il est cependant possible de dégager un corpus de dix poèmes susceptibles d’avoir été conçus et écrits avant cette date et où figurent des occurrences du terme « cinéma ». L’analyse textuelle et discursive de ces poèmes visera ensuite à déterminer de quelles façons la réalité de ces spectacles y est évoquée, en constituant de fait quelques nouveautés pour l’imagination.
La vie hors genre : récits biographiques, romanesques et hybrides chez Pierre Assouline.
Rodriguez, Antonio
De par la régularité de ses publications depuis une trentaine d’années et son questionnement des genres romanesques et biographiques, Pierre Assouline s’affirme, selon nous, comme un auteur phare du champ littéraire français contemporain. Au sein de la production littéraire variée de cet auteur, une biographie semble appeler la rédaction d’un roman, et les œuvres romanesques intègrent de multiples récits de vies. Au cours de ce travail, nous avons tenté de déterminer le but de la recherche littéraire de Pierre Assouline depuis plus de trente ans. Pour ce faire, nous avons tout d’abord étudié sa vision du roman et de la biographie en mettant en écho sa pratique des deux genres avec d’autres innovations génériques contemporaines. En parallèle, ce travail examine aussi les points forts de la production romanesque d’Assouline et la manière dont celle-ci permet de combler les « frustrations » du biographe. Cette traversée d’une œuvre à travers ses genres permet de questionner les limites du biographique selon Pierre Assouline et de dégager les apports du roman au sein de son projet. Nous avons aussi considéré les variations de temps et d’espace mises en place par l’auteur dans ses textes de fiction, qui influent considérablement sur le point de vue qui s’en dégage et démontrent la liberté de l’écrivain et les jeux auxquels il s’adonne. Enfin, nous avons abordé la question de la faute morale et de la responsabilité individuelle ou collective, qui est présente dans toute l’œuvre assoulinienne, afin de souligner la dimension éthique sous-jacente à ses écrits. La section conclusive propose quant à elle une ouverture sur l’ « identité narrative » se dégageant des textes analysés au cours de ce travail. Une image de l’auteur est en effet forgée à travers l’écriture de ses différents ouvrages qui, bien que mettant en scène l’observation constante des autres, révèlent surtout l’enquêteur et ses propres fantômes.
Outsider de l'édition - Bertil Galland et les Cahiers de la Renaissance vaudoise (1952-1972)
Maggetti, Daniel
En Suisse romande, les années 1960-70 connaissent une remarquable vitalité culturelle. L'un des acteurs majeurs de cette période est Bertil Galland. En 1960, ce secrétaire syndical, et futur journaliste, reprend les Cahiers de la Renaissance vaudoise - publication moribonde émanant de la Ligue vaudoise, un mouvement d'inspiration maurrassienne - et en fait, en quelques années, l'une des maisons d'édition francophones les plus dynamiques du moment. Il y publie notamment Corinna Bille, Jacques Chessex, Maurice Chappaz, Nicolas Bouvier. Afin de comprendre les modalités de ce succès, ce travail revient sur le parcours de Bertil Galland dans les années 50, de ses voyages au long cours à ses relations avec la Ligue vaudoise, et notamment son chef, Marcel Regamey.