Fables, mythologie et prophètes : Analyse des figures d’identification des poètes dans les "Discours des Misères de ce temps" de Ronsard et "les Tragiques" d’Agrippa d’Aubigné
Mühlethaler, Jean-Claude
Pisani Gwendolyn, Directeur du mémoire : Jean-Claude Mühlethaler
Fables, mythologie et prophètes : Analyse des figures d’identification des poètes dans les Discours des Misères de ce temps de Ronsard et les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné
Pierre de Ronsard et Agrippa d’Aubigné sont deux auteurs qui, durant les guerres de religion qui sévissaient en France au XVIe siècle, ont abandonné leur poésie lyrique, d’inspiration amoureuse, pour se consacrer à la poésie engagée. Ainsi, dès les années 1560, Ronsard rédige les Discours des misères de ce temps pour défendre la foi catholique, dénonçant le protestantisme qui menace l’unité du royaume et sape à la base l’autorité de la monarchie.
De l’autre côté, vraisemblablement dès l’année 1577, d’Aubigné commence à écrire ses Tragiques, une œuvre qui sera publiée pour la première fois en 1616 et qui revendiquera, elle, le point de vue calviniste en posant les huguenots en martyrs des temps modernes.
Ce travail se propose d’analyser, dans les Discours et les Tragiques, les figures auxquelles ces deux poètes s’identifient (les doubles des auteurs) afin de voir dans quelle mesure et en quoi ces dernières sont représentatives de leur engagement religieux, politique, mais aussi de leurs choix esthétiques. En s’arrêtant plus particulièrement sur la figure du prophète et les doubles du poète issus de la mythologie et de la fable, ce travail devrait permettre de nuancer la notion «d’engagement » chez les deux auteurs en révélant aux lecteurs contemporains la modernité et l’actualité d’œuvres qu’on peut, du moins en partie, éclairer à la lumière de la définition de l’engagement donnée par Jean-Paul Sartre.
Trois "Romes": Stendhal, Taine et Zola face à la Ville éternelle
Caraion, Marta
Si la ville de Rome, lorsque s’ouvre le XIXe siècle littéraire, constitue un passage obligé pour l’écrivain romantique, sensible aux ruines et aux vestiges qui jalonnent la cité latine, cette dernière devient, à l’instar de Paris, l’occasion d’exercer les possibilités d’un nouveau regard, à la fois esthétique et sociologique, que l’obsession réaliste met, peu à peu, en place. En témoignent principalement les œuvres romaines de Stendhal – la troisième version du triptyque Rome, Naples et Florence (1826) ainsi que les Promenades dans Rome (1829) –, le Voyage en Italie de Taine (1866) et le deuxième volet du Cycle des Trois Villes de Zola, Rome (1896), véritables réservoirs de représentations du lieu romain en tant qu’il se présente comme espace esthétique et poétique, social et politique. Plus spécifiquement, les divers panoramas dressés dans les quatre textes susmentionnés, une fois mis en relation, renseignent sur la perception de la Ville éternelle au cours du siècle du progrès et disent le processus de dégradation auquel la focale français soumet Rome : d’immuable source d’adoration, la ville entraîne, corrélativement à l’avènement des doctrines scientistes, un sentiment de répulsion que les écrivains français, dès les années 1860, expérimentent et thématisent.
"Le plus vieux métier du monde" : postures d'auteurs vis-à-vis de la prostitution, de Louis-Sébastien Mercier à Edmond de Goncourt
Kunz Westerhoff, Dominique
Ce travail analyse les postures de différents auteurs de la fin du XVIIIe siècle à la fin du XIXe siècle vis-à-vis du thème prostitutionnel à travers des textes d’envergure variable. Il s’agit du Tableau de Paris de Louis-Sébastien Mercier (1781-1788), des Nuits de Paris de Rétif de la Bretonne (1788-1794), de la Physiologie de la Lorette de Maurice Alhoy (1840), de La Femme sans nom de Taxile Delord (1840), de La Lorette d’Edmond et Jules de Goncourt (1853), et enfin de La Fille Elisa d’Edmond de Goncourt (1877). L’analyse tente de mettre en évidence une évolution du statut de la prostituée dans ces textes, accédant petit à petit au niveau de personnage central individualisé. Ce changement se constate tout d’abord au niveau des systèmes énonciatifs mis en place dans les textes qui se caractérisent par un déplacement allant du factuel au fictionnel. De plus, c’est également au niveau de la scénographie prostitutionnelle que le mouvement d’individualisation de la prostituée se constate : en effet, les auteurs déplacent petit à petit la scène narrative de l’espace public aux espaces clos de la prostitution. Cela s’accompagne par des procédés d’aspectualisation toujours plus internes aux personnages des prostituées, ce qui les fait d’autant plus accéder à l’avant de la scène narrative.
Maylis de Kerangal, une épique contemporaine. Naissance d'un pont et Réparer les vivants: chanter la geste collective
Meizoz, Jérôme
Omnivore, le roman peut tout ingérer selon Maylis de Kerangal, digne représentante du collectif INCULTE, même les sujets et les langages qui n’ont a priori rien de littéraire. Preuves en sont ses deux derniers romans, Naissance d’un pont et Réparer les vivants qui traitent respectivement de la construction d’un pont et du don d’organes. Le premier chapitre de ce mémoire, intitulé « Le roman omnivore », s’ouvre sur des considérations concernant l’évolution notable de l’œuvre de Kerangal, sa méthode de travail comportant une phase importante de documentation et de terrain, la langue qui agit dans ses romans comme un « filtre du réel » ; il se clôt enfin sur une analyse plus fine de la narration qui se veut « sans surplomb », ni sur les personnages, ni sur le lecteur.
La presse et Maylis de Kerangal elle-même qualifient régulièrement Naissance d’un pont et Réparer les vivants « d’épopées contemporaines » et c’est à partir de ce postulat que j’ai orienté l’analyse du deuxième chapitre intitulé « Le roman épique ». Certaines invariances du genre de l’épopée identifiées par Daniel Madelénat (L’épopée, PUF 1986) se retrouvent dans les romans de Kerangal, tant au niveau de la « parole épique » (ton du narrateur, goût de la digression, style) que de la structure de l’action. En outre, Naissance d’un pont et Réparer les vivants s’inscrivent dans la lignée de deux « sous-genres » de l’épopée : le western pour le premier, la chanson de geste pour le second. L’analyse des composantes épiques présentes dans les deux romans permet d’interroger les liens qu’ils entretiennent avec l’épopée et de montrer que le projet qui fonde l’existence même de l’épopée se trouve également au cœur de l’entreprise romanesque de Maylis de Kerangal : chanter les exploits des héros en mobilisant la mémoire collective.
L'hybridité textuelle et identitaire dans la trilogie de Ken Bugul
Le Quellec Cottier, Christine
Dans les années 80, la parution du "Baobab fou", premier volet de la trilogie de Ken Bugul, provoque le scandale, car celle-ci ose briser les tabous. "Le Baobab fou", "Cendres et Braises" et "Riwan ou le chemin de sable" sont des récits de soi qui interrogent le statut de la femme et explorent des thématiques liées à la féminité, à travers le parcours singulier de Ken Bugul.
La mise en parallèle de ces textes avec des concepts théoriques tels que "l’hybridité", "l’autofiction" ou la perspective "postcoloniale" permet d’éclairer l’œuvre et d’apprécier sa dimension transgressive.
La quête de soi de la protagoniste est marquée au sceau de "l’hybridité", du fait de son malaise identitaire. Le texte bugulien rend à la fois compte de cette instabilité, de par son esthétique particulière et c’est aussi le lieu où Ken Bugul peut se reconstruire. L’élaboration créatrice agit ainsi comme une thérapeutique.
D’un conte (à) l’autre. (Re)mise en dialogue des Contes des Fées. Par Mme D*** de Marie-Catherine d’Aulnoy, de La Jeune Amériquaine et les contes marins. Par Mme de ***, de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve et du Magasin des enfans de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont
Heidmann, Ute et Núñez, Maria Loreto
Comme son titre l’indique, ce travail de Master porte sur les « contes ». Plus particulièrement, il s’attache à approcher un « conte pour enfants » mondialement connu, celui de « La Belle et la Bête », avec des outils conceptuels qui se veulent novateurs. Le but en est de sortir des préconstruits qui le rangeraient volontiers du côté du « populaire », du « folklorique » et/ou de « l’enfantin ». Ces catégorisations sont autant de préjugés qu’il s’agit avant tout de questionner si l’on veut comprendre le « conte » dans toute sa complexité discursive. Pour ce faire, il est nécessaire de prendre du recul en le remettant en réseau, à la fois avec son contexte d’énonciation et ses intertextes. C’est dès lors en adoptant une perspective comparatiste, discursive et différentielle, que je propose d’en traiter. Dans un premier temps, l’enchâssement narratif comme stratégie énonciative me permettra de cerner le projet qui sous-tend les Contes des Fées. Par Mme D*** de Marie-Catherine d’Aulnoy. Loin de s’adresser à des enfants, l’auteure vise au contraire à converser avec ses contemporains et, plus précisément, ses consœurs. Dans un deuxième temps, je m’étendrai à l’analyse des recueils de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve et de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, respectivement La Jeune Amériquaine et les contes marins. Par Mme de *** et le Magasin des enfans, afin de mettre en lumière le dialogue que les trois textes instaurent les uns avec les autres et la subtilité des reconfigurations que les auteures effectuent tour à tour afin de servir un projet discursif personnel et particulier. De cette façon, j’espère être à même de montrer non seulement que le « conte pour enfants » est le fruit d’une subtile collaboration qui visait à replacer la femme sur le devant de la scène, mais aussi de comprendre et d’expliquer comment il a été possible de passer d’un « conte » pour adultes et érudit(e)s à un « conte pour enfants ».
L'extime dans l'autofiction contemporaine au féminin. Annie Ernaux "La Honte", Camille Laurens "Philippe" et Catherine Millet "La vie sexuelle de Catherine M."
Rodriguez, Antonio
Le présent mémoire questionne l’exposition de l’intimité dans les autofictions contemporaines au féminin. Pour rendre compte d’un type d’écriture qui se manifeste à partir des années 1990, nous suggérons de le regrouper sous le concept « extime ». Ce faisant, notre recherche se focalise, dans un premier temps, sur l’évolution socio-culturelle de l’intimité, évolution qui provoque précisément l’essor d’une « culture de l’extime ». Rebondissant sur cette contextualisation, elle propose dans un deuxième temps de passer en revue les différentes apparitions du mot « extime », ainsi que leur apport à sa conceptualisation en littérature. Une fois le cadre posé, sont extraits trois axes d’analyse, illustrés par un corpus composé de La Honte d’Annie Ernaux, de Philippe de Camille Laurens et de La vie sexuelle de Catherine M. de Catherine Millet. La recherche se donne comme but premier de cerner un phénomène littéraire qui immerge le lecteur dans le sensible, tout en façonnant une subjectivité féminine moderne. En traquant à la fois les dimensions esthétiques et interlocutoires de ces récits, la théorisation de l’extime fournit une grille de lecture nouvelle du genre autofictionnel contemporain et constitue en ce sens l’enjeu principal de ce mémoire.
Personnage incontournable de la littérature arthurienne médiévale sans pour autant être central, Morgane est promue héroïne éponyme de l’un des romans de la trilogie arthurienne de Michel Rio. « Lieu vivant de tous les contraires », comme son père spirituel et « amant » Merlin, Morgane illustre à la perfection le couple fondamental présent dans chaque être selon l’écrivain breton : elle est rêveuse et logicienne.
Neige d’un jour ou hiver d’une œuvre : la saison morte dans les romans arthuriens en prose
Wahlen, Barbara
Le choix d’une temporalité hivernale pour des aventures chevaleresques, pendant négatif de la traditionnelle reverdie privilégiée par la littérature arthurienne, est un geste engageant de la part d’un auteur. Une telle rupture avec les conventions doit nécessairement être motivée par des intentions, qui n’auraient pu se satisfaire de la période printanière. Ce mémoire s’attache à les discriminer et à les comprendre. La Suite Guiron place son récit entièrement sous le joug de l’hiver, immense page blanche que s’offre son auteur. La Continuation du Roman de Meliadus, Le Roman d’Érec en prose et La Suite du Roman de Merlin ne proposent que des passages hivernaux restreints et temporaires. Chacun d’entre eux est pourtant un lieu privilégié où se manifestent les enjeux de l’œuvre, dans laquelle ils s’insèrent. L’hiver est identique à une petite boule sertie de facettes miroitantes, que chacun des auteurs fait rouler entre ses doigts, arrêtant son mouvement à l’instant où un reflet, un attribut de l’hiver, lui plait, ou lui est utile. Les mentions des éléments hivernaux remplissent des fonctions très diverses et impactent la trame du récit à des degrés variables. Parfois soigné dans les moindres détails, colossal et inéluctable, d’autres fois plus ponctuel et discret, l’hiver n’est jamais mobilisé sans servir intentionnellement le projet narratif.
« Nous habitons l’absence »
Michel Houellebecq : négociation de présence et dispersion créatrice
Meizoz, Jérôme
L’oeuvre et le personnage de Michel Houellebecq sont devenus indivisibles, tant son corps et son image médiatique sont investis dans la création. Si bien que considérer Houellebecq dans sa globalité implique d’appréhender ensemble un corps et un corpus, son oeuvre et sa posture. Ce mémoire commence par une analyse de la réception, dans l’idée de montrer que ses lecteurs et critiques participent de la création d’une figure d’auteur, s’impliquent dans le champ culturel, et contribuent à garantir à Houellebecq une place dans ce champ, ou à la lui réfuter. De surcroît, en revendiquant l’ambiguïté comme constitutive de l’écriture, Houellebecq sollicite cette réception participative et passablement houleuse.
Par ailleurs, l’extension de l’oeuvre sur différents genres et média suppose différents degrés d’investissement entre l’auteur et sa production. Tandis que dans les romans, l’instance auctoriale s’efface derrière la polyphonie des personnages, il en va autrement de ses essais et de sa poésie, où le lecteur est invité à projeter une forme de « sincérité », d’« authenticité ». En pensant l’oeuvre à la manière d’une cartographie, d’un univers intermédial, j’analyse dans cette optique des territoires moins abordés par la critique houellebecquienne : sa correspondance avec Bernard-Henri Lévy, ses photographies, ses disques, ses films.
Enfin, s’il y a une cohérence de l’oeuvre au-delà des supports, elle se manifeste par le biais de références communes et de récurrences thématiques et formelles. Les motifs de la disparition, de la dissolution, de l’absence, font écho aux pensées de Schopenhauer, de Comte et du bouddhisme, qui se laissent deviner en toile de fond à travers l’ensemble de l’oeuvre.
« La pharmacie de Michel Houellebecq : le traitement de la psychanalyse dans ses romans. »
Meizoz, Jérôme
La psychanalyse est présente, sous une forme ou sous une autre, dans chacun des six romans que Michel Houellebecq a publiés entre 1994 et 2015. Les personnages, à l’instar de l’écrivain, y tiennent des propos très radicaux à son égard : charlatanisme, arnaque, école d’égoïsme, fausse science. La psychanalyse ne semble bonne à rien puisqu’elle ne résout rien. D’ailleurs, elle traverse une crise en France en cette première décennie du XXIème siècle. La société ainsi que les médias relaient ainsi bon nombre des critiques qui lui sont adressées dans les romans houellebecquiens. La mise à mort de la méthode freudienne que Michel Houellebecq s’attache à mettre systématiquement en scène ne sert-elle qu’à ancrer ses romans dans un débat de société ? Qu’en est-il des autres acteurs du champ de la santé mentale qui peuplent également ses romans ? Si, selon ses propres dires, Michel Houellebecq « méprise » la psychanalyse, le traitement romanesque qu’il lui réserve peut nous ouvrir les portes de sa poétique d’auteur et nous éclairer sur le diagnostic qu’il établit de la société occidentale contemporaine.
Chariton d’Aphrodise – Théorie littéraire
«ἐρωτῶμεν, ἄνωθεν ἄρξαι, πάντα ἡμῖν λέγε, μηδὲν παραλίπῃς»
«Nous te le demandons, commence depuis le commencement,
dis-nous tout, et surtout, n’oublie rien!»
Escola, Marc et Bouvier, David
Chariton d’Aphrodise (1er s. apr. J.-C.) avait-il un plan en tête lorsqu’il a commencé à écrire le Roman de Chairéas et Callirhoé? Poser cette question, c’est cesser d’envisager le récit comme un tout achevé préalablement à l’écriture pour le voir plutôt comme un processus linéaire et dynamique. Partant, il faut élaborer un outillage théorique souple afin de décrire ce système textuel ouvert. Mon travail s’inscrit dans le champ d’étude de la théorie des textes possibles.
Le premier chapitre rappelle que tout texte est discontinu. Le deuxième chapitre montre l’instabilité de la notion théorique de narrateur. Le troisième chapitre est un nouveau répertoire de figures poétiques. Il distingue (1) figures d’écriture, forces vectorielles qui propulsent, font durer ou closent la narration, (2) figures de suture, qui opèrent les liaisons entre les structures du récit et (3) figures de réécriture, curieux cas de résumés du roman dans (et par) le roman, où affleurent les deux poétiques du récit dont j’ai fait le pari.
Lire des parties de ce travail: «Un curieux cas de zigzag narratif», Poétique 177 (2015), p.83-94, URL: www.cairn.info/revue-poetique-2015-1-page-83.htm; «Possibles amours. Lire comme si l’on écrivait», Atelier de théorie littéraire de Fabula (2015), URL: www.fabula.org/atelier.php?Possibles_amours.
« Se je ne fais une dame nouvelle » de l’amour courtois chez Charles d’Orléans
Mühlethaler, Jean-Claude
Quelle utilisation Charles d’Orléans fait-il de la tradition courtoise dans son recueil français après la mort de la dame ? Le recueil anglais, qu’il a rédigé pendant son exil (1415-1440), présente-il la même utilisation ? La mort de la dame entraîne diverses attitudes du moi lyrique face à l’amour courtois. Charles d’Orléans s’inscrit parfois dans le prolongement de l’héritage courtois, notamment à travers l’éloge de la dame qu’il poursuit après sa mort. Il fait aussi preuve d’une attitude plus ludique en exposant des manières contradictoires de réagir face à la perte de la dame, prônant tour à tour la fidélité absolue ou l’oubli. Finalement, l’imagerie courtoise est utilisée pour critiquer la société curiale de l’époque. Dans les grandes lignes, le recueil anglais fait écho au français en présentant des attitudes similaires tout en accentuant, au niveau du détail, le respect de la tradition courtoise. Ce travail ouvre des pistes pour de futures études sur le prince-poète, notamment la paternité du texte anglais et le rôle qu’occupe la deuxième histoire d’amour, placée sous le règne de Vénus (qui se substitue à Cupidon) dans le texte anglais et absente du recueil français qui, à l’époque dite « de Blois », prend ses distances avec le modèle courtois. Le public anglais serait-il plus attaché à l’héritage littéraire que le public français ?
La mort d’un enfant a ceci d’inacceptable qu’elle rompt le fil naturel du temps. C’est de cette rupture que Philippe Forest entreprend l’écriture de ses romans, ouvrant avec L’enfant éternel (1997) une œuvre qui, comme pour répondre à l’insupportable disparition de sa fille, s’émancipe de la linéarité mortifère du temps et s’affranchit de l’obligation de finir. Le parcours proposé dans ce travail envisage l’œuvre romanesque de Forest selon un élargissement progressif de la focale conduisant de l’analyse microtextuelle des temps verbaux à la relation qu’entretient l’ensemble de l’œuvre avec le temps, en passant par les différentes fonctions qu’endosse la fin de chaque roman. Ainsi, la réflexion puise son inspiration tant chez Benveniste et Weinrich – pour leurs postulats sur les effets des temps verbaux – que chez Rousseau et Kierkegaard – pour leur conception d’une temporalité cyclique. Chez Christophe Pradeau ou encore Jacques Roubaud, nous cherchons à dégager, pour mieux les identifier dans l’œuvre qui nous intéresse, les paramètres temporels propres au genre romanesque, toujours dans le but de démontrer la vocation de ce qu’on pourrait appeler, à la manière de Forest : le roman éternel.
L’éducation libertine : mise en place d’un dispositif éducatif dans l’œuvre du marquis de Sade
Caraion, Marta
Ce mémoire s’intéresse à la présence récurrente de l’éducation dans l’œuvre de Donatien Alphonse François de Sade, plus connu sous le nom de marquis de Sade, né en 1740 et décédé en 1814. Dans chaque ouvrage, il est question de la transmission d’un certain savoir-être et d’un savoir-faire qui s’adressent à un élève, principalement de sexe féminin, encore vierge au sens propre comme au sens figuré, et qui se voit confié, bon gré mal gré, à un ou plusieurs enseignants libertins. Ces derniers sont fortement disposés à leur inculquer les idées relatives au libertinage et au mode de vie qui l’accompagne. Entre immoralisme et débauche, l’enseignement profané par les libertins incite à culbuter les principes moraux et religieux. Dès lors, l’éducation s’annonce, pour Sade, moins comme une simple méthode d’instruction que comme une véritable stratégie de propagande visant à rallier le plus d’individus possible afin d’en faire d’indéfectibles partisans du libertinage.
Réécritures d’un Enchanteur au XXIe siècle :
Merlin dans la littérature de jeunesse
Wahlen, Barbara
Objet de fascination depuis le Moyen-Âge, le personnage de Merlin traverse les siècles et se rencontre aujourd’hui encore dans de nombreux médias, à la destination d’un public varié. Inspirant de nombreux récits pour enfants notamment, l’Enchanteur devient une entité accessible dès le plus jeune âge. Loin de constituer une figure immuable aux propriétés rigides, Merlin se décline actuellement en une infinité de nuances. Sa qualité protéiforme s’affirme et se conjugue ainsi au caractère plurigénérique de la littérature de jeunesse. À travers une étude de cas composée d’ouvrages contemporains, je propose de mettre en exergue diverses reconfigurations opérées par les auteurs et illustrateurs pour la jeunesse. Il s’agira de montrer que la pratique transfictionnelle ne détériore pas la figure merlinienne, mais l’adapte en fonction des projets narratifs et des destinataires. Le travail s’intéresse autant à l’aspect matériel du support, en analysant les données paratextuelles et iconographiques ; qu’à l’aspect textuel de la légende merlinienne, en considérant les réécritures d’épisodes et de motifs médiévaux ainsi que les ajouts inédits.
Quand Zermatten écrit à Ramuz : père, pair ou repère identitaire ?
Meizoz, Jérôme
De 1934 à 1946, Maurice Zermatten (1910-2001) et Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947) échangent plus d’une centaine de lettres. En sus de l’admiration d’un jeune auteur pour son aîné, on y lit aussi une amitié littéraire réciproque qui s’approfondit au fil des années ; significativement, de « cher Monsieur », l’apostrophe se transforme en « cher ami ». Sur la base de la correspondance, ce mémoire interroge la réduction historiographique de Zermatten à un pâle émule de Ramuz. Sur la base d’une édition complète des lettres, il caractérise la relation entre les deux hommes, telle qu’elle apparaît dans la correspondance, puis réévalue la poétique et les postures de Zermatten écrivain au prisme de celles de Ramuz. Enfin, il montre comment le jeune auteur, après la mort de son aîné, fait de ce dernier un écrivain valaisan, et légitime par là l’autonomie culturelle de son canton d’origine, tout en le dotant d’institutions et d’un réseau d’écrivains (avec Maurice Chappaz, Corinna Bille, Marcel Michelet…). En mettant en exergue « les façons de concevoir et d’aborder l’examen des interactions entre individus et sociétés, privé et public, autonomie et contraintes » , ce travail s’inscrit donc dans la perspective des études de réseaux initiées par Michel Lacroix, et éclaire la construction puis la fragmentation du champ littéraire romand à partir de 1950, de même que la position singulière de Maurice Zermatten dans ce dernier.
Le Paradis peut encore être sauvé. Maurice Chappaz et la défense de l'environnement
Maggetti, Jérôme
Ce mémoire se veut une approche historique de la défense du bois de Finges, en Valais, par l'écrivain Maurice Chappaz. Après une première partie qui reconstitue la chronologie du premier engagement civique du poète valaisan, ce travail cherche à mettre en évidence les liens tissés entre l'action sur le terrain de la lutte pour la protection de la nature et l'activité poétique.
L’humour représente une valeur cardinale de la société contemporaine. Dès les années quatre-vingt, une nouvelle génération chez Minuit produit des textes humoristiques. Toutefois, comment appréhender cet humour Minuit à travers la diversité des approches ? Dans un premier temps, ce travail vise à distinguer l’humour du comique de la satire et de l’ironie en insistant sur l’ambivalence entre une tonalité pathétique et comique de l’humour. Puis, le second chapitre interroge la relation de connivence qui se crée entre le lecteur et le texte humoristique de Minuit à la fois dans le détachement et l’empathie. Enfin, on a parfois reproché aux écrivains de Minuit leur désengagement cependant, l’humour, dans sa capacité à décrédibiliser le discours sérieux, engage certaines valeurs en accord avec l’histoire des Éditions de Minuit.
La construction d'une figure d'auteur empathique dans les récits biographiques d'Emmanuel Carrère (1990-2016)
Rodriguez, Antonio
Au tournant du XXIe siècle, Emmanuel Carrère a souvent été présenté comme un auteur empathique par la critique littéraire. Cette dernière paraît pourtant montrer un signe de faiblesse - une brèche dans laquelle nous n'avons pas manqué de nous engouffrer. À force de grandes généralités et de longues entrées en "matière", qui prennent le pas sur l'analyse de la "manière", elle semble être passée à côté de ce qui apparaît pourtant comme la particularité d'un écrivain, dont les signes positifs de sympathie ont certes donné lieu à une abondante littérature, mais qui propose finalement assez peu d'explications de texte, préférant la longue-vue à la loupe, en partie parce que de tels signes se perçoivent encore moins facilement que ceux, plus négatifs, d'antipathie. Passés, eux, totalement inaperçus, ils sont ici étudiés tout aussi attentivement, afin de mieux comprendre pourquoi l'édification empathique, cette élaboration - avec ses contradictions - se double, chez l'écrivain, d'une construction antipathique.
"L'opinion", protagoniste principal de "Delphine" de Germaine de Staël et maîtresse du destin des personnages
Rosset, François
"Ayant une importance considérable dans la société du XVIIIème siècle, l’opinion, comme l’affirme Necker, est un « tribunal » qui juge les faits et gestes des hommes. Cette thématique occupe une large place dans l’œuvre de Germaine de Staël. Dans le cadre de notre travail, nous avons choisi de nous arrêter sur Delphine (1802), afin d’étudier comment De Staël traite de l’opinion. Dans ce roman, celle-ci peut se définir de différentes manières et revêtir plusieurs formes. En effet, elle peut représenter la société en général, faite de lois, de valeurs et d’une moralité censées régir les faits et gestes de chacun, mais elle peut aussi être incarnée par des personnages particuliers. Définissant tout d’abord le terme « opinion » nous avons ensuite établi un bref panorama de l’opinion au XVIIIème siècle. Dans une deuxième partie, nous avons établi la liste des différentes opinions présentes dans ce roman. Le sujet de l’opinion des personnages, de son rôle au quotidien a été développé, puis la thématique de l’opinion politique. Dans un contexte révolutionnaire, troublé, quelles sont les opinions en présence ? La question de l’opinion religieuse a aussi été prise en considération. La dernière thématique abordée dans le mémoire concerne la condition féminine. Ce thème associé à celui de l’opinion, nous avons observé quelles étaient les conséquences de celle-ci sur la vie des femmes. La dernière partie du mémoire adopte un angle plus large en examinant la position de l’auteur, Germaine de Staël et montre que Delphine peut être considéré comme un discours d’idées, voire un roman d’idées. Après l’étude de ces diverses facettes de l’opinion, nous répondons à la question principale du travail qui est : peut-on considérer l’opinion comme le personnage principal de Delphine ?"