Les femmes savantes de Molière dans les mises en scène du XXIe siècle : féministes avant l’heure ou ridicules ? Analyse de quatre spectacles.
Michel, Lise
"Lors de sa première représentation (1672), les ressorts comiques de la comédie Les Femmes savantes reposaient sur la dimension caricaturale que le public attribuait aux personnages des femmes savantes, caractérisés par une attitude
excessive à tous égards, ainsi que sur certaines de leurs revendications - risquons cet anachronisme – « féministes avant l’heure ». Or, du point de vue qui est le nôtre aujourd’hui, ces revendications n’apparaissent pas toutes comme caricaturales. Effectivement, qui rirait aujourd’hui d’une femme récusant l’image de la femme-objet ou d’une femme qui demanderait les mêmes droits que les hommes ? La distance temporelle entre la création des Femmes savantes et sa mise en scène est donc génératrice d’ambiguïtés, mises en relief par les débats critiques au sujet du texte de Molière, qui peuvent orienter l’interprétation vers des sens extrêmement différents.
Dès lors, comment jouer les Femmes savantes aujourd’hui, alors que des siècles de combats féministes ont été nécessaires pour que les femmes puissent aspirer à une forme d’égalité, encore imparfaite aujourd’hui ? Comment se réapproprier les Femmes savantes, dans la mesure où la dimension caricaturale des personnages, source du comique de la pièce, présente le risque de ne plus être perçue comme telle ? S’agit-il de restituer cette dimension dans la mise en scène, ou, au contraire, de la gommer ? C’est à ces questions que ce mémoire se propose de répondre en s’intéressant à quatre mises en scène de la pièce, créées entre 1998 et 2017."
Cendrars et la modernité (1917-1929) : entre illusion et désillusion. Choc de la métropole, secousse de la guerre et déclin de l'intériorité (Le Plan de l'aiguille et Les Confessions de Dan Yack)
Le Quellec Cottier, Christine
L’œuvre de Blaise Cendrars a fait couler des fleuves d’encre, mais sa richesse inépuisable multiplie les recoins secrets. Dans cette étude nous en avons exploré l’un des plus visibles, mais encore à tort ignoré : la relation qui se noue entre son œuvre et la modernité dans l’après-guerre, oscillant entre enchantement et désenchantement. Le caractère aporétique du regard que l’auteur porte sur le monde moderne a suscité à la fois un désaccord parmi les chercheurs et notre intérêt. En relevant le défi, nous proposerons un bref parcours à travers l’œuvre de Cendrars de 1917 à 1928, afin de souligner le rôle déterminant que joue la modernité dans son processus créateur, touchant ses thèmes, son réseau symbolique et ses variations stylistiques. D’abord inextricablement liée à l’actualité, au fil des années cependant l’écriture de Cendrars se repliera sur son expérience personnelle et fuira l’Histoire à travers la Mémoire. Le but de notre travail sera celui de tirer au clair cette évolution et d’identifier où et comment ce détachement du monde moderne s’opère : nos analyses se focaliseront alors sur Le Plan de l’aiguille et Les Confessions de Dan Yack (1929), deux romans de la condition humaine qui diagnostiquent un déclin de l’intériorité au sein de la modernité.
Présence de l'arbre: étude d'une figure discrète de l'univers poétique et photographique de Gustave Roud
Maggetti, Daniel et Lugon, Olivier
Dans ce travail, nous proposons d’étudier une figure encore inconnue de la critique roudienne: l’arbre. En croisant un corpus textuel et un corpus photographique, nous montrons que l’arbre est pour le poète une présence fraternelle dont les caractéristiques fondamentales, immobilité et longévité, jouent à la fois sur les dimensions spatiale et temporelle, charpentes de l’univers poétique de Gustave Roud. Relativement à l’espace, il est un objet du paysage qui permet au poète de l’appréhender, de le construire et de lui donner une identité. Il est aussi lieu d’écriture et jalonne le parcours du poète marcheur. Dans sa dimension temporelle, l’arbre permet d’une part au poète d’observer et de ressentir le cycle des saisons, d’autre part d’ancrer des événements dans sa mémoire, par exemple les expériences fugitives de son paradis terrestre. L’arbre constitue ainsi un appui durable dans la quête spirituelle.
De nouvelles en roman. Etude du passage d'une publication fragmentaire à une publication unifiée à partir de La Robe prétexte de F. Mauriac (1914)
Mahrer, Rudolf
"Cinq nouvelles signées François Mauriac paraissent entre les années 1911 et 1914 dans deux illustres revues parisiennes, La Revue de Paris et La Revue hebdomadaire. Ces cinq courts récits donneront naissance à un roman, La Robe prétexte, que Grasset publie en juin 1914.
Cette étude retrace la genèse de ces textes et s'intéresse aux processus de transgénéricité qui rendent le changement de cadre générique (nouvelles-roman) possible. Les dimensions poétique et génétique de ce corpus de textes nous conduisent à les appréhender au travers de leurs dimensions esthétique et linguistique.
Le présent travail s'inscrit dans le champ (récent) de la génétique post-éditoriale, autrement dit, de l'étude des transformations scripturales entreprises après publication."
La science plus immédiate du rêve. Esquisses d'une théorie qui n'aura jamais vu le jour
Imperiali, Christophe
"La première partie de ce mémoire est consacrée à l’éclaircissement des principaux enjeux théoriques de la « science » des rêves de la seconde moitié du XIXe siècle et du rôle crucial qu’a joué l’écriture du rêve aux moments clés de son évolution.
Sur cette base, l’auteur met en exergue l’originalité et la fécondité théorique de textes littéraires qui n’ont en commun que leur insuccès et le penchant de jeunesse de leur auteur pour les spéculations onirologiques. Ainsi, les nouvelles juvéniles du dramaturge Maurice Maeterlinck côtoient dans la deuxième partie de ce travail aussi bien les romans méconnus d’Alfred Jarry, idole de fortune des avant-gardes, que les récits de rêve confidentiels de Jean Paulhan, représentant supposé d’une « arrière-garde » littéraire.
Au fil de cette étude, l’accumulation furtive d’échos toujours plus nombreux, qui intriquent indistinctement les voix des savants et celles des écrivains, donne progressivement de la consistance à l’idée fantaisiste qu’une autre théorie, scientifique et littéraire a bel et bien existé."
Défragmentations des images poétiques chez Cendrars
Kunz Westerhoff, Dominique
Ce mémoire porte sur l'engagement moderniste de la poésie chez Cendrars. Il est axé sur le basculement d'une poétique de l'expression vers une forme d'extériorisation moderne : à partir de la ''Prose du Transsibérien'', la mise en évidence graphique du poème tend à fragmenter l'unité d'expression première en impressions spatialisées sur la page. Ces fragments de poésie, à leur tour, s'organisent en une forme de totalité signifiante. La réflexion porte sur cette ressaisie moderniste de l'intériorité qui, unifiée à la surface éclatée, objective le monde de la représentation intime. De l'analyse formelle des poèmes versifiés, où les unités spatialisées rompent le développement de la représentation imaginaire, notre réflexion passe à la juxtaposition mentale d'instantanés qui, particulièrement dans les poèmes en prose de l'auteur, consolident un monde de la représentation cendrarsienne en deçà de l'expressivité.
Une cohérence éditoriale ? Étude de la posture des écrivains contemporains de Minuit
Meizoz, Jérôme
"Ce mémoire se propose d’étudier le changement de politique éditoriale des Éditions de Minuit opéré par Lindon, au tournant des années 1980, à partir de paramètres socio-littéraires. Ce type d’approche, encore peu mobilisé dans l’analyse des écrivains contemporains des Éditions de Minuit, a l’avantage de saisir leur esthétique et leur conduite sociale en relation avec des faits d’institutions qui les structurent.
Dans ce mémoire, le regroupement de ces écrivains se comprend à travers leur rapport à l’héritage littéraire des Éditions de Minuit, élément constitutif de leur construction posturale. Les diverses réflexions élaborées dans chaque chapitre de ce travail cherchent à montrer comment l’imaginaire éditorial des Éditions de Minuit s’adoucit à cette époque, en vue de se distancer des stéréotypes négatifs associés au Nouveau Roman."
Le spectacle du monde. L'esthétique cinématographique d'Aragon dans "le Monde réel"
Escola, Marc
"Les liens d’Aragon avec le cinéma remontent aux débuts de sa pratique d’écriture durant les années 1910. L’influence de ce média sur ses écrits a ainsi été déjà largement abordée que ce soit pour ses œuvres poétiques du début du siècle ou pour ses derniers écrits datant d’après 1963. Toutefois, Le Monde réel, cycle romanesque constitué de cinq romans, n’a pas été questionné dans cette perspective.
Dès lors, ce travail propose une étude esthétique du Monde réel afin de révéler la profonde imageance de ces romans comme des différents procédés narratifs qui produisent une impression fortement cinématographique. Pour ce faire, plusieurs techniques provenant du lexique spécifique du cinéma – le plan-séquence, le montage, les finals – permettent d’apprécier et de révéler le fonctionnement du tissu narratif aragonien.
En outre, l’emploi d’outils issus de la narratologie filmique produit une analyse efficace des textes aragoniens, parce que ceux-ci permettent de considérer la façon dont s’organise le spectacle chez Aragon en tant que spectacle d’images en mouvement. En effet, le « montage des attractions » développé par S. Eisenstein ou la notion de « monstrateur » comme A. Geaudreault la définit révèlent la structure du spectacle de la foule, des individualités, de la violence, des passions ; au travers de ces outils, on évalue ainsi la façon dont Aragon donne à voir le monde."
La plume au poing : Barbey d'Aurevilly et Léon Bloy critiques littéraire
Caraion, Marta
Ce mémoire propose d’explorer la pratique critique de deux auteurs antimodernes, Barbey d’Aurevilly et Léon Bloy, qui, parallèlement à leur activité romanesque, occupent une place importantes dans le paysage critique du deuxième XIXe siècle. Dans une perspective tenant à la fois de l’histoire de la critique, de l’histoire des pratiques littéraires et de l’histoire des idées, cette étude s’attelle à mettre en relation les nombreuses caractéristiques qui définissent leurs pratiques critiques, du point de vue théorique d’abord, en approfondissant l’hypothèse d’une unité de doctrine esthétique puis celle d’une éventuelle filiation. En sus de cette dimension conceptuelle, ce travail développe également une réflexion sur l’inscription de leur critique dans le spectre journalistique et son incidence sur les aspects rhétoriques, poétiques et génériques de leur œuvre critique.
« Et désormais, il ne me faut plus rien d'autre que cette promenade quotidienne… » Etude sur les incipits dans Les Aventures de Tintin
Baroni, Raphaël
"Lieu littéraire par excellence", "seuil capital", "instant décisif", l'incipit est au coeur des études littéraires et critiques depuis l'invention du roman moderne, ou presque.
Cet intérêt ne se retrouve pas dans les études consacrées à la bande dessinée, qui fait pourtant l'objet d'un nombre d'études croissant, à mesure que s'accroît sa légitimité culturelle et littéraire.
Ce travail tente de commencer à remédier à ce manque en se penchant sur le canon quasi absolu de tout le 9e Art franco-belge: Les Aventures de Tintin.
Y a-t-il un modèle d'incipits dans les albums du plus célèbre des reporters? Dans toute l'oeuvre d'Hergé? Le cas échéant, est-ce représentatif d'une époque ou un cas à part? Telles sont les questions auxquelles tente de répondre ce mémoire."
L'adresse au lecteur dans la bande dessinée autobiographique
Baroni, Raphaël
L'adresse au lecteur en bande dessinée ressemble au regard caméra du cinéma ou à l'aparté du théâtre, elle en emprunte les codes et donc, potentiellement, les effets. Un inventaire des possibilités offertes par cette configuration du récit est établi ici pour envisager son rôle en autobiographie. Un modèle énonciatif du médium est proposé pour déterminer les différentes instances interprétatives d’une bande dessinée. Il permet d'envisager leur mise en tension pour l’évocation d'une identité narrative. Cette proposition est issue d’un modèle narratologique préexistant mais augmenté de la partie -narrataire-, puis validée par l'analyse d'un passage ("Mes problèmes avec les femmes II") de l'autobiographe emblématique : Robert Crumb. Notre hypothèse est que l’adresse au lecteur dans un tel cadre joue un rôle fondamental pour déterminer le fonctionnement et les enjeux du récit autobiographique.
Entre héritage et renouvellement : Le cas de Viviane dans l'Enchanteur de René Barjavel
Wahlen, Barbara
Ce mémoire s’intéresse à la création du personnage de Viviane dans le roman de René Barjavel, L’Enchanteur (1984). Cet ouvrage s’inscrit dans la continuation des romans arthuriens. Il met en scène la Cour du roi Arthur et ses protagonistes. Le but de ce travail est d’étudier la part de reprise des textes médiévaux dans la construction de la figure de Viviane ainsi que les nouveautés apportées par l’auteur. Effectivement, alors que dans les sources médiévales ce personnage est ambigu, dans L’Enchanteur, Viviane est un être exclusivement positif et au service des autres. En comparant le roman de René Barjavel avec trois textes médiévaux du cycle arthurien dans lesquels « Viviane » joue un rôle important – à savoir le Lancelot en prose (1215-1225), la Suite Vulgate (1225-1230) et la Suite du Roman de Merlin (env. 1240) – nous souhaitons montrer comment Barjavel interprète les sources de façon à donner à sa Viviane une dimension positive. Nous abordons également les éléments nouveaux que l’auteur apporte afin de rendre le récit de ces aventures médiévales tout à fait actuel. Trois axes principaux nous permettent de traiter cette problématique ; les origines de Viviane, le lien de Viviane à son protégé Lancelot et finalement, le couple qu’elle forme avec l’enchanteur, Merlin.
Crainte de l’infidélité et apparences trompeuses dans la comédie française des années 1660
Michel, Lise
Ce mémoire vise à mettre en lumière, à travers l’étude de plusieurs pièces de Molière, Dorimond, Montfleury, Boursault et Brécourt, le lien particulier qui s’établit dans la comédie française des années 1660 entre le motif de la crainte de l’infidélité et celui des apparences trompeuses. Une première partie s’attache à montrer comment, sur le plan dramaturgique, les ressorts de l’illusion visuelle sont exploités dans des situations où ils favorisent ou déjouent la crainte du cocuage. La seconde partie propose trois hypothèses pour comprendre pourquoi, précisément dans ces années-là, ces deux thématiques se croisent de manière significative. La première fait le lien avec l’héritage de la comedia espagnole, la deuxième avec celui de la
comédie italienne, plus particulièrement la commedia dell’arte. Enfin, la troisième rapporte l’alliance entre ces deux motifs à la philosophie mondaine du second XVIIe siècle, notamment à travers la pensée du philosophe sceptique François La Mothe le Vayer.
Ferdinand, ours mal léché, conscience de soi du roman dans "Mort à crédit" de Louis Ferdinand Céline
Meizoz, Jérôme
"Mort à crédit" est le roman d'une jeunesse. Si le récit raconte la formation du personnage-narrateur célinien, la narration, elle, raconte sa propre construction et sa propre élaboration. Ce travail s'applique à saisir les reflets et les mouvements d'autoreprésentation qui font de cette oeuvre une écriture du style, une proclamation du littéraire et le roman du roman.
Textes et films muets en comparaison. "Sneewittchen" (Grimm, 1810-1857), "Snow White" (Dawley, USA, 1916), "Blancanieves" (Berger, Espagne, 2012)
Heidmann, Ute et Nunez, Maria Loreto
Ce mémoire propose une analyse comparative de trois œuvres : les écritures de Sneewittchen par Jacob et Wilhelm Grimm dans les différentes éditions de leur recueil Kinder- und Hausmärchen, gesammelt durch die Brüder Grimm, le film muet américain Snow White réalisé par James Searle Dawley en 1916, ainsi que le film espagnol Blancanieves de Pablo Berger sorti en 2012, muet également. En m’appuyant sur le concept de « comparaison différentielle » développé par Ute Heidmann, je désire montrer par ce travail que les deux réalisations filmiques de mon corpus reconfigurent le texte allemand selon deux visions très différentes. Ce processus de reconfiguration se constitue par cinq points, suivant les axes de comparaison théorisés par Ute Heidmann. Tout d’abord, la construction des scénographies des diverses œuvres, où j’observe le paratexte et para-film de ces dernières ainsi que leurs incipits. Puis, la mise en recueil et en film, qui regroupe trois idées. J’observe en premier comment les trois œuvres sont construites, en me concentrant sur leurs compositions, co-textes, co-films, et iconotextes. J’analyse ensuite la manière dont sont mis en images trois épisodes récurrents, en comparant le texte aux films puis les films entre eux. Puis je fais de même avec les épisodes finaux, qui méritent un point isolé car ils sont porteurs d’un effet de sens particulier, qui fait écho au contexte de production de chaque œuvre. Enfin, j’étudie comment les quatre créateurs de mon corpus utilisent diverses œuvres textuelles, picturales et filmiques pour nourrir la fabrication des leurs, ce qu’Ute Heidmann appelle « dialogue interdiscursif, intertextuel et intermédial ». Ce mémoire ne vise ainsi pas à déterminer si les films sont fidèles au texte des Grimm ou non, mais à dégager le sens qu’ils construisent par leurs différences.
« Faire de l’humour : une bonne stratégie rhétorique et politique ? Analyse des actes humoristiques de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon lors d’interviews médiatiques »
Burger, Marcel
"De plus en plus, l’idée selon laquelle la politique est une affaire de personnes sérieuses qui ne devraient faire preuve d’humour qu’avec parcimonie se voit infirmer. En effet, force est de constater que certains actes de langage humoristiques s’utilisent avec plus de liberté dans la sphère politique, entre autres lors de la campagne présidentielle française de 2017. Ce travail entend dès lors analyser l’utilisation de l’humour chez Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon lors d’entretiens médiatiques enregistrés durant la course aux dernières élections présidentielles. Pour ce faire, six émissions d’informations ont été sélectionnées (Bourdin 2017, L’Invité de RTL, L’Emission politique, Le Grand Jury, Dimanche en Politique et Stade Bleu), au sein desquelles trois procédés humoristiques ont été repérés : l’ironie, le sarcasme et le pastiche. Le fonctionnement de ces derniers ont été analysés en tenant compte des éléments verbaux, para- et non verbaux pour chacune des deux personnalités politiques. Deux avantages semblent favoriser l’utilisation de tels phénomènes : d’une part ils créent une division au sein du champ politico-médiatique (entre l’ensemble des électeurs, entre les médias et les politiques…), d’autre part ils permettent un jeu avec les rôles interactionnels figés de l’entretien médiatique de personnalités.
Mots-clés : humour, ironie, sarcasme, interaction, politique."
Un "réalisme incisif": Thomas Ostermeier et la mise en scène des classiques
Michel, Lise
"Comment relier les chefs d’œuvres du passé au présent ? C’est la question à laquelle tente régulièrement de répondre le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier à travers ses mises en scène de textes classiques. Cette recherche s’intéresse au traitement particulier que réserve Thomas Ostermeier à ""Un ennemi du peuple"" de Henrik Ibsen ainsi qu’à ""La Mouette"" d’Anton Tchekhov afin de les faire résonner avec le monde contemporain. Si le directeur de la Schaubühne de Berlin qualifie son propre travail sur les classiques de « réaliste », il s’agit dans cette contribution d’investiguer les éléments scéniques et dramaturgiques que recouvre la notion de ""réalisme"" et de préciser ainsi l’esthétique ostermeierienne. L’analyse des deux spectacles dégage la manière dont la scène fait écho à la salle à un niveau sociologique par le biais de la dramaturgie, de la scénographie, de la musique et du jeu d’acteur et inscrit ainsi la fiction dans le présent du spectateur. Cependant ces mêmes éléments servent aussi à creuser une faille dans la narration et à ouvrir un espace critique exposant les rouages de la réalité théâtrale et sociale. Le travail de recontextualisation actualisante d’Ostermeier s’accompagne ainsi de ce que nous nommons un « réalisme incisif » dans la mesure où l’instrument du metteur en scène cherche à entailler la façade de la scène, des comportements humains, afin d’éveiller la conscience du spectateur dans une dynamique brechtienne. Il s’agirait donc chez Ostermeier non seulement de ramener le texte à la vie en le mettant en rapport avec le présent, mais aussi de relier l’expérience théâtrale à la liberté du vivant à un travers un ""Augenblickskunst"", art de l’instant présent."
Lancelot dans les Merveilles de Rigomer : un héros aux prises avec son appétit
Wahlen, Barbara
Ce travail de mémoire s’intéresse à la figure de Lancelot dans les Merveilles de Rigomer, un roman composé dans le troisième tiers du XIIIe siècle. L’auteur choisit d’y réinvoquer deux « célébrités » de la littérature arthurienne. D’un côté, Lancelot, dont le comportement plaintif et inadapté tranche avec les attentes du lecteur-auditeur. De l’autre, Gauvain, élu de la quête et modèle inattendu de la fin’amor. L’opposition entre ces deux protagonistes présente une originalité, puisque contrairement à la tradition, Gauvain est celui qui supplante l’autre. Les rôles semblent donc inversés. Le neveu d’Arthur est, de plus, présenté comme un « nouveau Lancelot », car ses qualités sont celles qui sont généralement attribuées au « meilleur chevalier du monde ». Cependant, malgré un dénigrement constant de la part du narrateur et une dévalorisation du statut de Lancelot, celui-ci demeure un protagoniste fondamental du récit. Ce travail se propose donc d’analyser le rôle de Lancelot, et par contraste, celui de Gauvain, dans Rigomer, afin d’identifier le ou les héros du roman.
À choeur perdu. Disparition et reconfigurations du choeur tragique dans les récritures des tragédies d'Iphigénie et d'Antigone par Rotrou et Racine
Michel Lise
Le chœur constituait la véritable colonne vertébrale des tragédies attiques. Or, au XVIIe siècle, les dramaturges français suppriment l’élément choral dans leurs pièces à sujet grec inspirées des œuvres d’Eschyle, d’Euripide et de Sophocle. Cependant, en raison de l’importance et de la diversité de ses rôles, le chœur reste présent dans les tragédies du Grand Siècle, soit par la reconfiguration de certaines de ses fonctions, soit, en creux, par son absence même et les conséquences de cette dernière sur l’élaboration de l’action fictionnelle et sur le rapport du public au spectacle. En comparant les récritures d’Antigone et d’Iphigénie par Rotrou et Racine à leurs sources grecques, ce travail entreprend, dans un premier temps, de mettre au jour les principales raisons de la disparition du chœur, à savoir, surtout, le développement du principe de la vraisemblance dans la dramaturgie classique. Dans un deuxième temps sont analysées les fonctions chorales abandonnées ou remplacées par les auteurs, généralement à l'aune de ce même principe de la vraisemblance. Enfin, ce mémoire se propose de réfléchir à l’individualisation des héros tragiques et des spectateurs provoquée par la disparition de ce personnage collectif au XVIIe siècle, en s’interrogeant plus particulièrement sur le rapport entre contexte philosophique et politique, et évolution dramaturgique.