« Et désormais, il ne me faut plus rien d'autre que cette promenade quotidienne… » Etude sur les incipits dans Les Aventures de Tintin
Baroni, Raphaël
"Lieu littéraire par excellence", "seuil capital", "instant décisif", l'incipit est au coeur des études littéraires et critiques depuis l'invention du roman moderne, ou presque.
Cet intérêt ne se retrouve pas dans les études consacrées à la bande dessinée, qui fait pourtant l'objet d'un nombre d'études croissant, à mesure que s'accroît sa légitimité culturelle et littéraire.
Ce travail tente de commencer à remédier à ce manque en se penchant sur le canon quasi absolu de tout le 9e Art franco-belge: Les Aventures de Tintin.
Y a-t-il un modèle d'incipits dans les albums du plus célèbre des reporters? Dans toute l'oeuvre d'Hergé? Le cas échéant, est-ce représentatif d'une époque ou un cas à part? Telles sont les questions auxquelles tente de répondre ce mémoire."
L'adresse au lecteur dans la bande dessinée autobiographique
Baroni, Raphaël
L'adresse au lecteur en bande dessinée ressemble au regard caméra du cinéma ou à l'aparté du théâtre, elle en emprunte les codes et donc, potentiellement, les effets. Un inventaire des possibilités offertes par cette configuration du récit est établi ici pour envisager son rôle en autobiographie. Un modèle énonciatif du médium est proposé pour déterminer les différentes instances interprétatives d’une bande dessinée. Il permet d'envisager leur mise en tension pour l’évocation d'une identité narrative. Cette proposition est issue d’un modèle narratologique préexistant mais augmenté de la partie -narrataire-, puis validée par l'analyse d'un passage ("Mes problèmes avec les femmes II") de l'autobiographe emblématique : Robert Crumb. Notre hypothèse est que l’adresse au lecteur dans un tel cadre joue un rôle fondamental pour déterminer le fonctionnement et les enjeux du récit autobiographique.
Entre héritage et renouvellement : Le cas de Viviane dans l'Enchanteur de René Barjavel
Wahlen, Barbara
Ce mémoire s’intéresse à la création du personnage de Viviane dans le roman de René Barjavel, L’Enchanteur (1984). Cet ouvrage s’inscrit dans la continuation des romans arthuriens. Il met en scène la Cour du roi Arthur et ses protagonistes. Le but de ce travail est d’étudier la part de reprise des textes médiévaux dans la construction de la figure de Viviane ainsi que les nouveautés apportées par l’auteur. Effectivement, alors que dans les sources médiévales ce personnage est ambigu, dans L’Enchanteur, Viviane est un être exclusivement positif et au service des autres. En comparant le roman de René Barjavel avec trois textes médiévaux du cycle arthurien dans lesquels « Viviane » joue un rôle important – à savoir le Lancelot en prose (1215-1225), la Suite Vulgate (1225-1230) et la Suite du Roman de Merlin (env. 1240) – nous souhaitons montrer comment Barjavel interprète les sources de façon à donner à sa Viviane une dimension positive. Nous abordons également les éléments nouveaux que l’auteur apporte afin de rendre le récit de ces aventures médiévales tout à fait actuel. Trois axes principaux nous permettent de traiter cette problématique ; les origines de Viviane, le lien de Viviane à son protégé Lancelot et finalement, le couple qu’elle forme avec l’enchanteur, Merlin.
Crainte de l’infidélité et apparences trompeuses dans la comédie française des années 1660
Michel, Lise
Ce mémoire vise à mettre en lumière, à travers l’étude de plusieurs pièces de Molière, Dorimond, Montfleury, Boursault et Brécourt, le lien particulier qui s’établit dans la comédie française des années 1660 entre le motif de la crainte de l’infidélité et celui des apparences trompeuses. Une première partie s’attache à montrer comment, sur le plan dramaturgique, les ressorts de l’illusion visuelle sont exploités dans des situations où ils favorisent ou déjouent la crainte du cocuage. La seconde partie propose trois hypothèses pour comprendre pourquoi, précisément dans ces années-là, ces deux thématiques se croisent de manière significative. La première fait le lien avec l’héritage de la comedia espagnole, la deuxième avec celui de la
comédie italienne, plus particulièrement la commedia dell’arte. Enfin, la troisième rapporte l’alliance entre ces deux motifs à la philosophie mondaine du second XVIIe siècle, notamment à travers la pensée du philosophe sceptique François La Mothe le Vayer.
Ferdinand, ours mal léché, conscience de soi du roman dans "Mort à crédit" de Louis Ferdinand Céline
Meizoz, Jérôme
"Mort à crédit" est le roman d'une jeunesse. Si le récit raconte la formation du personnage-narrateur célinien, la narration, elle, raconte sa propre construction et sa propre élaboration. Ce travail s'applique à saisir les reflets et les mouvements d'autoreprésentation qui font de cette oeuvre une écriture du style, une proclamation du littéraire et le roman du roman.
Textes et films muets en comparaison. "Sneewittchen" (Grimm, 1810-1857), "Snow White" (Dawley, USA, 1916), "Blancanieves" (Berger, Espagne, 2012)
Heidmann, Ute et Nunez, Maria Loreto
Ce mémoire propose une analyse comparative de trois œuvres : les écritures de Sneewittchen par Jacob et Wilhelm Grimm dans les différentes éditions de leur recueil Kinder- und Hausmärchen, gesammelt durch die Brüder Grimm, le film muet américain Snow White réalisé par James Searle Dawley en 1916, ainsi que le film espagnol Blancanieves de Pablo Berger sorti en 2012, muet également. En m’appuyant sur le concept de « comparaison différentielle » développé par Ute Heidmann, je désire montrer par ce travail que les deux réalisations filmiques de mon corpus reconfigurent le texte allemand selon deux visions très différentes. Ce processus de reconfiguration se constitue par cinq points, suivant les axes de comparaison théorisés par Ute Heidmann. Tout d’abord, la construction des scénographies des diverses œuvres, où j’observe le paratexte et para-film de ces dernières ainsi que leurs incipits. Puis, la mise en recueil et en film, qui regroupe trois idées. J’observe en premier comment les trois œuvres sont construites, en me concentrant sur leurs compositions, co-textes, co-films, et iconotextes. J’analyse ensuite la manière dont sont mis en images trois épisodes récurrents, en comparant le texte aux films puis les films entre eux. Puis je fais de même avec les épisodes finaux, qui méritent un point isolé car ils sont porteurs d’un effet de sens particulier, qui fait écho au contexte de production de chaque œuvre. Enfin, j’étudie comment les quatre créateurs de mon corpus utilisent diverses œuvres textuelles, picturales et filmiques pour nourrir la fabrication des leurs, ce qu’Ute Heidmann appelle « dialogue interdiscursif, intertextuel et intermédial ». Ce mémoire ne vise ainsi pas à déterminer si les films sont fidèles au texte des Grimm ou non, mais à dégager le sens qu’ils construisent par leurs différences.
« Faire de l’humour : une bonne stratégie rhétorique et politique ? Analyse des actes humoristiques de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon lors d’interviews médiatiques »
Burger, Marcel
"De plus en plus, l’idée selon laquelle la politique est une affaire de personnes sérieuses qui ne devraient faire preuve d’humour qu’avec parcimonie se voit infirmer. En effet, force est de constater que certains actes de langage humoristiques s’utilisent avec plus de liberté dans la sphère politique, entre autres lors de la campagne présidentielle française de 2017. Ce travail entend dès lors analyser l’utilisation de l’humour chez Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon lors d’entretiens médiatiques enregistrés durant la course aux dernières élections présidentielles. Pour ce faire, six émissions d’informations ont été sélectionnées (Bourdin 2017, L’Invité de RTL, L’Emission politique, Le Grand Jury, Dimanche en Politique et Stade Bleu), au sein desquelles trois procédés humoristiques ont été repérés : l’ironie, le sarcasme et le pastiche. Le fonctionnement de ces derniers ont été analysés en tenant compte des éléments verbaux, para- et non verbaux pour chacune des deux personnalités politiques. Deux avantages semblent favoriser l’utilisation de tels phénomènes : d’une part ils créent une division au sein du champ politico-médiatique (entre l’ensemble des électeurs, entre les médias et les politiques…), d’autre part ils permettent un jeu avec les rôles interactionnels figés de l’entretien médiatique de personnalités.
Mots-clés : humour, ironie, sarcasme, interaction, politique."
Un "réalisme incisif": Thomas Ostermeier et la mise en scène des classiques
Michel, Lise
"Comment relier les chefs d’œuvres du passé au présent ? C’est la question à laquelle tente régulièrement de répondre le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier à travers ses mises en scène de textes classiques. Cette recherche s’intéresse au traitement particulier que réserve Thomas Ostermeier à ""Un ennemi du peuple"" de Henrik Ibsen ainsi qu’à ""La Mouette"" d’Anton Tchekhov afin de les faire résonner avec le monde contemporain. Si le directeur de la Schaubühne de Berlin qualifie son propre travail sur les classiques de « réaliste », il s’agit dans cette contribution d’investiguer les éléments scéniques et dramaturgiques que recouvre la notion de ""réalisme"" et de préciser ainsi l’esthétique ostermeierienne. L’analyse des deux spectacles dégage la manière dont la scène fait écho à la salle à un niveau sociologique par le biais de la dramaturgie, de la scénographie, de la musique et du jeu d’acteur et inscrit ainsi la fiction dans le présent du spectateur. Cependant ces mêmes éléments servent aussi à creuser une faille dans la narration et à ouvrir un espace critique exposant les rouages de la réalité théâtrale et sociale. Le travail de recontextualisation actualisante d’Ostermeier s’accompagne ainsi de ce que nous nommons un « réalisme incisif » dans la mesure où l’instrument du metteur en scène cherche à entailler la façade de la scène, des comportements humains, afin d’éveiller la conscience du spectateur dans une dynamique brechtienne. Il s’agirait donc chez Ostermeier non seulement de ramener le texte à la vie en le mettant en rapport avec le présent, mais aussi de relier l’expérience théâtrale à la liberté du vivant à un travers un ""Augenblickskunst"", art de l’instant présent."
Lancelot dans les Merveilles de Rigomer : un héros aux prises avec son appétit
Wahlen, Barbara
Ce travail de mémoire s’intéresse à la figure de Lancelot dans les Merveilles de Rigomer, un roman composé dans le troisième tiers du XIIIe siècle. L’auteur choisit d’y réinvoquer deux « célébrités » de la littérature arthurienne. D’un côté, Lancelot, dont le comportement plaintif et inadapté tranche avec les attentes du lecteur-auditeur. De l’autre, Gauvain, élu de la quête et modèle inattendu de la fin’amor. L’opposition entre ces deux protagonistes présente une originalité, puisque contrairement à la tradition, Gauvain est celui qui supplante l’autre. Les rôles semblent donc inversés. Le neveu d’Arthur est, de plus, présenté comme un « nouveau Lancelot », car ses qualités sont celles qui sont généralement attribuées au « meilleur chevalier du monde ». Cependant, malgré un dénigrement constant de la part du narrateur et une dévalorisation du statut de Lancelot, celui-ci demeure un protagoniste fondamental du récit. Ce travail se propose donc d’analyser le rôle de Lancelot, et par contraste, celui de Gauvain, dans Rigomer, afin d’identifier le ou les héros du roman.
À choeur perdu. Disparition et reconfigurations du choeur tragique dans les récritures des tragédies d'Iphigénie et d'Antigone par Rotrou et Racine
Michel Lise
Le chœur constituait la véritable colonne vertébrale des tragédies attiques. Or, au XVIIe siècle, les dramaturges français suppriment l’élément choral dans leurs pièces à sujet grec inspirées des œuvres d’Eschyle, d’Euripide et de Sophocle. Cependant, en raison de l’importance et de la diversité de ses rôles, le chœur reste présent dans les tragédies du Grand Siècle, soit par la reconfiguration de certaines de ses fonctions, soit, en creux, par son absence même et les conséquences de cette dernière sur l’élaboration de l’action fictionnelle et sur le rapport du public au spectacle. En comparant les récritures d’Antigone et d’Iphigénie par Rotrou et Racine à leurs sources grecques, ce travail entreprend, dans un premier temps, de mettre au jour les principales raisons de la disparition du chœur, à savoir, surtout, le développement du principe de la vraisemblance dans la dramaturgie classique. Dans un deuxième temps sont analysées les fonctions chorales abandonnées ou remplacées par les auteurs, généralement à l'aune de ce même principe de la vraisemblance. Enfin, ce mémoire se propose de réfléchir à l’individualisation des héros tragiques et des spectateurs provoquée par la disparition de ce personnage collectif au XVIIe siècle, en s’interrogeant plus particulièrement sur le rapport entre contexte philosophique et politique, et évolution dramaturgique.
La fabrique des héroïnes : Enide, Lidoine et Florete
Wahlen, Barbara
Notre étude se concentre sur la « fabrique » de l’héroïsme des femmes au Moyen Âge dans les romans arthuriens, car ce procédé ne consiste pas simplement en une transposition au féminin des exploits masculins. Il a fallu créer une nouvelle forme d’héroïsme avec ses propres codes, ses valeurs, ses aventures et surtout ses héroïnes. Notre travail s’est alors fixé comme but d’analyser méthodologiquement les parcours et les spécificités de trois « compagnes » arthuriennes pour mieux comprendre ce dispositif. Chrétien de Troyes ayant formulé les bases du roman arthurien naissant, il semblait évident de traiter de la figure d’Enide (in Erec et Enide, texte composé au XIIe siècle) dans la première partie. Puis, deux autres parties se concentrent sur l’héroïsme féminin dans des œuvres hypertextuelles à travers Lidoine (in Meraugis de Portlesguez, texte du XIIIe siècle), puis Florete (in Floriant et Florete, texte du XIIIe siècle). Ces deux chapitres procèdent à une double analyse ; dans l’œuvre per se et dialogique en regard avec les autres parties. Cette étude à deux niveaux révèle toute la richesse de la fabrication des textes arthuriens du XIIIe siècle entre la reprise et l’invention. Par nos recherches, nous avons ainsi pu dégager trois axes majeurs pour comprendre « la fabrique des héroïnes » : premièrement, l’être ou la constitution du personnage féminin incarnant l’héroïsme qui passe par une qualification différentielle ; deuxièmement, le faire ou la mise en action qui n’est pas une simple conjugaison des actions héroïques au masculin, mais bien l’invention de nouveaux codes plus discrets mais tout aussi valorisants et, finalement, l’ensemble ou la relation des héroïsmes féminins et masculins qui mettait en lumière que le champ des possibilités héroïques des sexes opposés fonctionnait en vases communicants.
Réécrire les genres: femmes et fantasy dans les oeuvres de Justine Niogret
Wahlen, Barbara
Notre culture contemporaine est marquée par le phénomène « fantasy », qu’il s’agisse de jeux vidéo, de littérature ou d’adaptations télévisuelles. Cette étude porte sur un croisement des enjeux de genres aux deux sens du terme : les conventions génériques prédominantes dans la fantasy interagissent avec les normes d’identité sexuelle. La coexistence de deux sources de stéréotypes en un même corpus s’avère riche en significations. Les best-sellers anglo-saxons s’opposent, dans ce domaine, à des auteurs français originaux, tel que Justine Niogret. Une focalisation sur trois de ses romans, Chien du Heaume, Mordre le Bouclier et Mordred, illustre le potentiel d’une littérature de l’entre-deux qui contribue à questionner les frontières traditionnellement mises en place. Ces dernières s’appliquent notamment aux rôles féminins et masculins. Dans cette mesure, nous avons sélectionné quatre thématiques permettant d’observer la représentation des personnages (en particulier féminins) : la spatialité, la maternité, la séduction et la guerre. Leur traitement révèle des stratégies de réconciliation des opposés, de démantèlement des associations réductrices et de redéfinition de notions clés. À travers ces œuvres, Justine Niogret contribue à abolir les codes de l’intérieur.
Cohabiter la fiction. Les univers de croyance dans l'interprétation des mondes littéraires
Escola, Marc
Ce mémoire se veut une proposition théorique pour repenser le rôle des croyances de l'interprète dans la fabrication du sens des textes littéraires.
A l'aide de l'herméneutique, de la théorie de la fiction et de la narratologie, on y prolonge la formule de Richard Saint-Gelais selon laquelle "toute critique [...] ne propose malgré tout qu'une fiction réticente" en étudiant comment le discours interprétatif produit une version du monde qu'il cherche à décrire. On s'appuie dans ce but sur une étude de la ressemblance théorique entre le récit comme conflit de versions possibles et la pluralité interprétative comme prise de position dans cette matrice de virtualités.
La réflexion élabore un modèle "cohabitationnel", dont la complexité est abordée graduellement. L'étude de la querelle d'Horace permet d'abord de montrer les phénomènes de positionnement critique dans les virtualités internes de la fiction. Une étude de la réception du Misanthrope souligne ensuite le rôle des croyances externes dans le phénomène de recomposition des versions. Puis, dans une nouvelle de Poe, un détour par la question narratologique des "narrateurs indignes de confiance" permet de revenir sur le rôle des croyances du narrateur. Une étude d'une nouvelle de Sade aborde pour finir la question des croyances proprement éthiques et des positionnements empathiques des interprètes, dans une continuité critique avec les propositions de Martha Nussbaum.
Quand la fiction questionne la perception du réel : fantastique, surnaturel et transgression dans La Grande Peur dans la montagne de Charles-Ferdinand Ramuz, « Fille ou fougère ? » (Le bal double) de Corinna Bille et La Vouivre de Marcel Aymé
Le Quellec Cottier, Christine
Dans cette étude, je vais montrer en quoi La Grande Peur dans la montagne de Charles-Ferdinand Ramuz, La Vouivre de Marcel Aymé et « Fille ou fougère ? » de Corinna Bille peuvent être considérés comme des ouvrages fantastiques. Pour cela, je vais me baser sur le travail de Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique. Cela me permettra de distinguer les différents mécanisme de ce genre littéraire, non seulement par l’étude des métamorphoses et des êtres surnaturels, mais aussi par l’analyse de la narration et de la focalisation, principales sources d’ambiguïté. Ensuite, je m’attacherai de manière plus précise aux spécificités de ces trois textes qui fondent leur approche fantastique du réel en convoquant différentes représentations du monde : tragique, légendaire, épique, religieuse et élémentaire. Cela montrera comment le surnaturel est utilisé par les personnages pour donner du sens aux expériences vécues. Enfin, on verra comment ce genre littéraire permet de refléter le chaos de l’intériorité. « L’inquiétante étrangeté », telle qu’elle est définie par Sigmund Freud, est un mécanisme classique pour susciter l’angoisse et le doute chez le lecteur. Elle permet également de révéler les pulsions et la manière dont le psychologique influence le physique. La transgression opérée par le fantastique montre donc la perméabilité de la frontière entre les désirs et la réalité. Cela conduira à la conclusion suivante : le fantastique est un réalisme, peut-être plus proche encore de la vérité que les représentations classiques cartésiennes, puisqu’il figure l’impossibilité d’une représentation objective du monde et la nécessaire influence du psychisme sur notre perception du réel.
L'enfant spectateur de théâtre aux XVIIe et XVIIIe siècles. Une préhistoire du théâtre jeune public en France
Michel, Lise
Le présent travail vise à montrer que contrairement à ce que laissent entendre les spécialistes, le théâtre jeune public n’est pas né subitement entre le XIXe et le XXe siècle, mais qu’il est le fruit d’une lente maturation du théâtre et de l’évolution du statut de l’enfant dans la société. Nous étudierons ainsi le rôle que le théâtre éducatif et le jeu dramatique pratiqué par les enfants ont joué dans la reconnaissance de ces derniers en tant que spectateurs, de la fin du XVIe jusqu’au XVIIIe siècle. Pour ce faire, nous nous pencherons sur les conditions de
création et de réception de trois formes de théâtre à visée éducative : le théâtre scolaire des Jésuites, le théâtre pratiqué à Saint-Cyr et le théâtre d’éducation du XVIIIe siècle. Nous procéderons également à une analyse textuelle de pièces représentatives de chaque démarche :
L’Homme instruit par le spectacle de Charles Porée pour les Jésuites, la célèbre Esther de Racine pour Saint-Cyr, et quelques pièces de Mme de Genlis et d’Arnaud Berquin pour le théâtre d’éducation. Il s’agira à chaque fois de déterminer de quel côté de la scène se situait l’enfant et quel était le destinataire visé, afin de déterminer si ces pièces prenaient réellement en compte les jeunes spectateurs qui y assistaient.
Et si c'était exprès... Étude stylistique de Marc Lévy et Guillaume Musso
Gilles, Philippe
Ce travail prend deux faits pour base : Lévy et Musso n'ont jamais été étudiés stylistiquement et, malgré cela, ils sont rejetés du "bien écrit". Traversant des catégories grammaticales traditionnelles (adjectif, analogie, syntaxe,...), l'étude montre les aspects caractéristiques du "style best-seller" des deux auteurs, en questionnant leur valeur. Comment et pourquoi leurs clichés à répétition, leur prévisibilité et le caractère conventionnel de leur prose, sont-ils dévalués ? De quoi le cliché est-il le nom ? Comment fonctionne-t-il ? Peut-on percevoir, malgré tout cela, un sentiment de littérarité dans des proses si impersonnelles ? Avec plus d’une quinzaine de romans étudiés, ce travail espère ouvrir un champ stylistique dans l’analyse des proses conventionnelles, et ainsi renseigner sur la « grande littérature », elle aussi soumise à ses propres clichés ; en effet, étudier ce qu’on rejette permet de comprendre du même coup ce qu’on apprécie et qu’on reconnaît comme "bien écrit". Lévy et Musso, comme deux guides pour comprendre le système de valeurs des styles littéraires.
Sur les traces du destin : trois personnages de Michel Tournier
Caraion, Marta
Sous-titre : Essai de lecture sémiologique de Vendredi ou Les limbes du Pacifique et des Météores à partir du Roi des Aulnes.
Dans ce mémoire sont analysés les processus de signification verbaux et non verbaux dans les trois premiers romans de Michel Tournier. Ces trois récits sont irrigués par un lexique sémiologique systématique qui opère lesdits processus représentés par des signes de divers ordres. Afin d’analyser le statut de ces signes dans le but d’expliquer la manière dont le sens se produit et de tenter de caractériser l’esthétique de l’auteur sont convoqués principalement le modèle sémiotique élaboré par Charles Sanders Peirce, certaines notions sémiologiques de Roland Barthes et l’hypothèse de Carlo Ginzburg sur le paradigme indiciaire.
Les analyses débouchent sur le constat que l’aspect le plus important de ces signes est indiciel (d’où le mot « trace » dans le titre du mémoire), même si la logique analogique de la prose tourniérienne confère en même temps à ces signes une valeur indéniablement iconique. La dimension symbolique des signes est aussi déterminante pour l’invention-création du sens de l’existence des héros. Car c’est à chaque fois une quête d’identité que relatent les trois romans, quêtes guidées par des indices interprétés jusqu’à pouvoir investir personnellement des symboles collectifs d’un sens capable de surmonter les problèmes de l’existence, en particulier la solitude qui est un thème omniprésent.
Le constat sur la prévalence de l’indicialité des signes dans l’univers romanesque tourniérien se nuance cependant au fil de la réflexion, car l’iconicité prend de plus en plus de place au fil des trois romans jusqu’aux Météores où des processus démultipliés de mises en abyme et divers jeux spéculaires (basés sur l'iconicité) semblent devoir être mis en relation avec l’estéthique du « Nouveau Roman ». A ce propos, une hypothèse est émise sur l’effet de cette dimension : Tournier ne prétendrait-il pas concurrencer les « nouveaux romanciers » qu’il dévalue en s’appropriant leurs procédés réflexifs tout en les incarnant dans les composantes du roman « traditionnel » qu’il valorise, par exemple dans les personnages avec le couple gémellaire qui, par son aspect duplicatif, matérialise la notion abstraite de réflexivité ?
En explorant ces différents aspects, il est conclu que c’est au final l’indicialité qui prédomine, car la progression dans l’interprétation des indices constitue les intrigues, et ce cheminement herméneutique permet l’investissement personnel du symbolique, lequel offre un sens à l’existence. Quant à l’iconicité, qui s’accentue selon un gradation au fil des trois romans, elle semble devoir être rapportée à la relation polémique de Tournier avec les estéthiques « néo-romancières ».
De guetteur à traqueur du langage: les deux temps de l'oeuvre de Philippe Rahmy
Maggetti, Daniel
Ce travail présente l'intégralité de l'oeuvre publiée de Philippe Rahmy (Genève 1965 - Lausanne 2017). Il en explore la poétique et les thématiques importantes. La grande cohérence des textes est ainsi révélée. On y observe un mouvement de décentrement progressif: de textes poétiques très personnels qui explore la douleur physique, l'on passe à des récits autofictionnels dont la narration mêle Histoire, fiction et souvenirs personnels. Ces textes témoignent des questionnements identitaires et religieux caractéristiques de l'époque contemporaine et sont empreint d'une dimension éthique très importante pour l'auteur. Philippe Rahmy se pose en écrivain contemporain conscient de son époque et des questionnements sociaux.