Cohabiter la fiction. Les univers de croyance dans l'interprétation des mondes littéraires
Escola, Marc
Ce mémoire se veut une proposition théorique pour repenser le rôle des croyances de l'interprète dans la fabrication du sens des textes littéraires.
A l'aide de l'herméneutique, de la théorie de la fiction et de la narratologie, on y prolonge la formule de Richard Saint-Gelais selon laquelle "toute critique [...] ne propose malgré tout qu'une fiction réticente" en étudiant comment le discours interprétatif produit une version du monde qu'il cherche à décrire. On s'appuie dans ce but sur une étude de la ressemblance théorique entre le récit comme conflit de versions possibles et la pluralité interprétative comme prise de position dans cette matrice de virtualités.
La réflexion élabore un modèle "cohabitationnel", dont la complexité est abordée graduellement. L'étude de la querelle d'Horace permet d'abord de montrer les phénomènes de positionnement critique dans les virtualités internes de la fiction. Une étude de la réception du Misanthrope souligne ensuite le rôle des croyances externes dans le phénomène de recomposition des versions. Puis, dans une nouvelle de Poe, un détour par la question narratologique des "narrateurs indignes de confiance" permet de revenir sur le rôle des croyances du narrateur. Une étude d'une nouvelle de Sade aborde pour finir la question des croyances proprement éthiques et des positionnements empathiques des interprètes, dans une continuité critique avec les propositions de Martha Nussbaum.
Quand la fiction questionne la perception du réel : fantastique, surnaturel et transgression dans La Grande Peur dans la montagne de Charles-Ferdinand Ramuz, « Fille ou fougère ? » (Le bal double) de Corinna Bille et La Vouivre de Marcel Aymé
Le Quellec Cottier, Christine
Dans cette étude, je vais montrer en quoi La Grande Peur dans la montagne de Charles-Ferdinand Ramuz, La Vouivre de Marcel Aymé et « Fille ou fougère ? » de Corinna Bille peuvent être considérés comme des ouvrages fantastiques. Pour cela, je vais me baser sur le travail de Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique. Cela me permettra de distinguer les différents mécanisme de ce genre littéraire, non seulement par l’étude des métamorphoses et des êtres surnaturels, mais aussi par l’analyse de la narration et de la focalisation, principales sources d’ambiguïté. Ensuite, je m’attacherai de manière plus précise aux spécificités de ces trois textes qui fondent leur approche fantastique du réel en convoquant différentes représentations du monde : tragique, légendaire, épique, religieuse et élémentaire. Cela montrera comment le surnaturel est utilisé par les personnages pour donner du sens aux expériences vécues. Enfin, on verra comment ce genre littéraire permet de refléter le chaos de l’intériorité. « L’inquiétante étrangeté », telle qu’elle est définie par Sigmund Freud, est un mécanisme classique pour susciter l’angoisse et le doute chez le lecteur. Elle permet également de révéler les pulsions et la manière dont le psychologique influence le physique. La transgression opérée par le fantastique montre donc la perméabilité de la frontière entre les désirs et la réalité. Cela conduira à la conclusion suivante : le fantastique est un réalisme, peut-être plus proche encore de la vérité que les représentations classiques cartésiennes, puisqu’il figure l’impossibilité d’une représentation objective du monde et la nécessaire influence du psychisme sur notre perception du réel.
L'enfant spectateur de théâtre aux XVIIe et XVIIIe siècles. Une préhistoire du théâtre jeune public en France
Michel, Lise
Le présent travail vise à montrer que contrairement à ce que laissent entendre les spécialistes, le théâtre jeune public n’est pas né subitement entre le XIXe et le XXe siècle, mais qu’il est le fruit d’une lente maturation du théâtre et de l’évolution du statut de l’enfant dans la société. Nous étudierons ainsi le rôle que le théâtre éducatif et le jeu dramatique pratiqué par les enfants ont joué dans la reconnaissance de ces derniers en tant que spectateurs, de la fin du XVIe jusqu’au XVIIIe siècle. Pour ce faire, nous nous pencherons sur les conditions de
création et de réception de trois formes de théâtre à visée éducative : le théâtre scolaire des Jésuites, le théâtre pratiqué à Saint-Cyr et le théâtre d’éducation du XVIIIe siècle. Nous procéderons également à une analyse textuelle de pièces représentatives de chaque démarche :
L’Homme instruit par le spectacle de Charles Porée pour les Jésuites, la célèbre Esther de Racine pour Saint-Cyr, et quelques pièces de Mme de Genlis et d’Arnaud Berquin pour le théâtre d’éducation. Il s’agira à chaque fois de déterminer de quel côté de la scène se situait l’enfant et quel était le destinataire visé, afin de déterminer si ces pièces prenaient réellement en compte les jeunes spectateurs qui y assistaient.
Et si c'était exprès... Étude stylistique de Marc Lévy et Guillaume Musso
Gilles, Philippe
Ce travail prend deux faits pour base : Lévy et Musso n'ont jamais été étudiés stylistiquement et, malgré cela, ils sont rejetés du "bien écrit". Traversant des catégories grammaticales traditionnelles (adjectif, analogie, syntaxe,...), l'étude montre les aspects caractéristiques du "style best-seller" des deux auteurs, en questionnant leur valeur. Comment et pourquoi leurs clichés à répétition, leur prévisibilité et le caractère conventionnel de leur prose, sont-ils dévalués ? De quoi le cliché est-il le nom ? Comment fonctionne-t-il ? Peut-on percevoir, malgré tout cela, un sentiment de littérarité dans des proses si impersonnelles ? Avec plus d’une quinzaine de romans étudiés, ce travail espère ouvrir un champ stylistique dans l’analyse des proses conventionnelles, et ainsi renseigner sur la « grande littérature », elle aussi soumise à ses propres clichés ; en effet, étudier ce qu’on rejette permet de comprendre du même coup ce qu’on apprécie et qu’on reconnaît comme "bien écrit". Lévy et Musso, comme deux guides pour comprendre le système de valeurs des styles littéraires.
Sur les traces du destin : trois personnages de Michel Tournier
Caraion, Marta
Sous-titre : Essai de lecture sémiologique de Vendredi ou Les limbes du Pacifique et des Météores à partir du Roi des Aulnes.
Dans ce mémoire sont analysés les processus de signification verbaux et non verbaux dans les trois premiers romans de Michel Tournier. Ces trois récits sont irrigués par un lexique sémiologique systématique qui opère lesdits processus représentés par des signes de divers ordres. Afin d’analyser le statut de ces signes dans le but d’expliquer la manière dont le sens se produit et de tenter de caractériser l’esthétique de l’auteur sont convoqués principalement le modèle sémiotique élaboré par Charles Sanders Peirce, certaines notions sémiologiques de Roland Barthes et l’hypothèse de Carlo Ginzburg sur le paradigme indiciaire.
Les analyses débouchent sur le constat que l’aspect le plus important de ces signes est indiciel (d’où le mot « trace » dans le titre du mémoire), même si la logique analogique de la prose tourniérienne confère en même temps à ces signes une valeur indéniablement iconique. La dimension symbolique des signes est aussi déterminante pour l’invention-création du sens de l’existence des héros. Car c’est à chaque fois une quête d’identité que relatent les trois romans, quêtes guidées par des indices interprétés jusqu’à pouvoir investir personnellement des symboles collectifs d’un sens capable de surmonter les problèmes de l’existence, en particulier la solitude qui est un thème omniprésent.
Le constat sur la prévalence de l’indicialité des signes dans l’univers romanesque tourniérien se nuance cependant au fil de la réflexion, car l’iconicité prend de plus en plus de place au fil des trois romans jusqu’aux Météores où des processus démultipliés de mises en abyme et divers jeux spéculaires (basés sur l'iconicité) semblent devoir être mis en relation avec l’estéthique du « Nouveau Roman ». A ce propos, une hypothèse est émise sur l’effet de cette dimension : Tournier ne prétendrait-il pas concurrencer les « nouveaux romanciers » qu’il dévalue en s’appropriant leurs procédés réflexifs tout en les incarnant dans les composantes du roman « traditionnel » qu’il valorise, par exemple dans les personnages avec le couple gémellaire qui, par son aspect duplicatif, matérialise la notion abstraite de réflexivité ?
En explorant ces différents aspects, il est conclu que c’est au final l’indicialité qui prédomine, car la progression dans l’interprétation des indices constitue les intrigues, et ce cheminement herméneutique permet l’investissement personnel du symbolique, lequel offre un sens à l’existence. Quant à l’iconicité, qui s’accentue selon un gradation au fil des trois romans, elle semble devoir être rapportée à la relation polémique de Tournier avec les estéthiques « néo-romancières ».
De guetteur à traqueur du langage: les deux temps de l'oeuvre de Philippe Rahmy
Maggetti, Daniel
Ce travail présente l'intégralité de l'oeuvre publiée de Philippe Rahmy (Genève 1965 - Lausanne 2017). Il en explore la poétique et les thématiques importantes. La grande cohérence des textes est ainsi révélée. On y observe un mouvement de décentrement progressif: de textes poétiques très personnels qui explore la douleur physique, l'on passe à des récits autofictionnels dont la narration mêle Histoire, fiction et souvenirs personnels. Ces textes témoignent des questionnements identitaires et religieux caractéristiques de l'époque contemporaine et sont empreint d'une dimension éthique très importante pour l'auteur. Philippe Rahmy se pose en écrivain contemporain conscient de son époque et des questionnements sociaux.
L'Autre au prisme d'un voyageur lausannois au XVIIIe siècle. La construction de "l'estranéité" du Turc dans les "Lettres et Voyages" de César de Saussure.
Michel Houellebecq, Guillaume Dustan : agirs posturaux et polémiques médiatiques sous le prisme de la consécration. Une approche sociopoétique d'oeuvres primées.
La lecture dans l’enseignement en 2018 - L’importance de la prise en compte de la subjectivité de l’élève et de son origine socioculturelle
Turin, Gaspard
A partir de considérations didactiques, sociologiques et empiriques, j’ai étudié et mesuré la valeur et la prise en compte des opinions et des jugements de l’élève en tant qu’individu, mais aussi et surtout la considération pour la situation socioculturelle de ce dernier: l’origine des différents élèves entre-t-elle, dans une certaine mesure, dans la réflexion quant au choix des livres à lire?
A cet effet, j’ai analysé ces éléments dans le Plan d’études romand, dans les ouvrages de deux sociologues (Bourdieu, Viala) et de quatre didacticiens de la lecture (Rouxel, Falardeau, Gabathuler, Sauvaire), ainsi que dans quatre classes de 10e année.
Refaire texte : Genèse post-éditoriale du roman "Albert Savarus" de Balzac
Zufferey, Joël
Nous proposons une analyse de la genèse post-éditoriale du roman de Balzac, Albert Savarus. Après une première pré-publication dans le journal Le Siècle entre le 29 mai et le 11 juin 1842, le texte est intégré dans le premier volume de La Comédie humaine le 25 juin 1842. Un an et demi plus tard, il est encore réédité en volume chez Souverain, en décembre 1843.
À l’aide d’un logiciel d’alignement de textes, nous comparerons les versions successives du roman et tâcherons de comprendre les mécanismes de la réécriture balzacienne. En introduction, nous présenterons les principes de la génétique post-éditoriale, la méthodologie appliquée et une notice génétique qui retrace, suivant un axe chronologique, les principales étapes de la composition et de la recomposition d’Albert Savarus. Le premier chapitre aura pour objet le passage de la version pré-publiée (Le Siècle) à celle de la publication originale (Furne). Compte tenu des spécificités du roman-feuilleton, nous vérifierons si la pré-publication comporte des traces génériques dues au support journalistique ; nous analyserons ensuite ce qui en advient au moment d’intégrer le roman à La Comédie humaine. Le second chapitre sera consacré à une mise au point philologique concernant le passage de la version originale à la dernière publication autorisée (Souverain). Un document, à la fois imprimé et manuscrit intervient entre ces deux éditions : l’exemplaire personnel de Balzac, corrigé de la main de l’auteur (Furne corrigé). Après une discussion du statut et de la valeur génétique de ce document préparatoire, nous reconstituerons, le plus minutieusement possible, l’ordre chronologique entre les différents états textuels ultérieurs à La Comédie humaine. On s’interrogera finalement sur le remplacement du prénom de l’un des personnages principaux.
« Le souverain pouvoir des Lys » : propagande monarchique et galanterie dans les ballets de cour d’Isaac de Benserade (1651-1669)
Michel, Lise
Proposant une lecture des livrets de ballets d’Isaac de Benserade (1612-1691), ce mémoire aborde le discours de propagande monarchique qu’ils contiennent, et l’évolution de l’image royale à la construction de laquelle participent les divertissements de cour. De l’affirmation personnelle à la glorification nationale, les vers des ballets élèvent Louis XIV toujours plus haut. Le mémoire montre la manière dont certains enjeux de la littérature galante, au premier rang desquels la glorification de l’amour et d’une forme de suprématie française, sont réinvestis à des fins de propagande dans les œuvres de Benserade. Les années 1660 voient la galanterie officiellement réinvestie, dès Les Plaisirs de l’île enchantée (1664), lesquels œuvrent à rendre plaisante l’omnipotence du monarque absolu. Cette décennie est aussi celle de la naissance de la comédie-ballet de Molière, dont les ambitions artistiques peuvent coïncider avec celles, politiques, du pouvoir. Ce travail montre alors quelles peuvent être plus généralement les conséquences de la production ou du déplacement d’œuvres ou d’idées dans un contexte de propagande, et s’attache à analyser les mécanismes d’une certaine récupération politique de la galanterie à l’œuvre au cours du règne de Louis XIV.
Ponctuer une traduction théâtrale : un exercice virgule à virgule ? "La paz perpetua" de Juan Mayorga. "Daisy" de Rodrigo García.
Mahrer, Rudolf
Partant de l’hypothèse que la ponctuation de la partition graphique d’une pièce de théâtre participe au sens du discours et détermine en partie la prosodie de sa performance scénique, le présent travail étudie sa variation à travers une analyse comparative de deux pièces d’auteurs contemporains espagnols et de leurs traductions : La paz perpetua de Juan Mayorga et Daisy de Rodrigo García. Ces œuvres présentent l’avantage de ressortir de deux tendances opposées du paysage théâtral espagnol actuel : le théâtre à thèse et le théâtre de plateau, qui impliquent des procédés de création fort différents. Le théâtre de Juan Mayorga opte en outre pour une forme théâtrale « classique » (intrigue développée à travers un dialogue complété de didascalies) alors que celui de Rodrigo García bouscule les codes du genre (fragments monologués consécutifs non dépendants d’une intrigue et sans didascalies). Quelle influence la ponctuation de chacune des pièces peut-elle avoir sur une (ou plusieurs) mise(s) en scène potentielle(s) ? Le passage d’un système de ponctuation à l’autre implique-t-il des modifications importantes de celle-ci ? Quels effets ces modifications peuvent-elles avoir sur le sens ou la performance de la partition théâtrale ? Il est généralement admis qu’il est impossible de traduire mot à mot : peut-on cependant traduire virgule à virgule ? Sans chercher à évaluer le processus de traduction lui-même, ce travail s’applique donc à comparer texte à texte (de l’original à sa traduction) les signes de ponctuation de La paz perpetua et de Daisy, tant dans le rapport que les textes entretiennent l’un à l’autre que dans celui qui les lie à leur propre système de ponctuation.
Malentendus et absurde dans le théâtre de Georges Feydeau. Étude linguistique pragmatique de deux cas-limites
Philippe, Gilles
L’écriture de Georges Feydeau est parfois définie dans sa postérité par rapport à l'absurde. Ce mémoire a ainsi pour objectif de rechercher les traces linguistiques de cet absurde dans la mise en scène de la communication de l’auteur, au travers des malentendus au sein d’un couple. Partant d’une question d’ordre plutôt stylistique (pourquoi le terme « absurde » est-il utilisé pour caractériser l’écriture de Georges Feydeau ?), ce travail mobilise les outils de la pragmatique et étudie, au sein de situations en rapport avec les malentendus, les différentes manifestations d’absurde. Toutefois, les malentendus ayant une structure linguistique très formelle, longuement décrite et précisée par les linguistes et laissant ainsi peu de place à l’absurde en tant qu’illogisme, il faudra alors de pencher sur les cas particuliers dans lesquels les définitions respectives de l’absurde et du malentendu sont compatibles. Comment, en conservant les caractéristiques propres au malentendu, peut-on y adjoindre l’absurde, l’illogisme, une rupture nette par rapport aux attentes légitimes ? Quelles situations proches du malentendu pourraient refléter au mieux l’absurde ? À travers l’analyse de deux cas-limites, les imbroglios interactionnels provoqués et les simili-malentendus, ce mémoire cherche à prouver que, chez Feydeau, différentes manières de briser les attentes structurelles vis-à-vis du malentendu sont employées, générant ainsi le potentiel sentiment d’absurde évoqué par la critique.
Derrida à la limite d’une lecture. Essai d’analyse discursive d’un dispositif textuel intitulé « tympan ».
Wiser, Antonin
Notre travail consiste en une relecture, sous l’angle de l’analyse du discours, d’un texte de J. Derrida intitulé « tympan » publié en ouverture du recueil d’articles Marges de la philosophie (1972). Ce texte se singularise par une mise en page déroutante, celle d’un collage de deux colonnes de texte a priori hétérogènes — dont l’une est une découpe d’un extrait de Biffures, premier tome publié en 1948 de l’ensemble autobiographique de M. Leiris, La règle du jeu — qui à travers la relation intertextuelle et/ou paratextuelle ainsi mise en scène, questionne aussi bien les limites de la clôture textuelle que le rôle de la lecture dans l’institution de cette clôture. Etroitement liées à la philosophie de la déconstruction élaborée par J. Derrida dans les années 60 mais aussi au champ intellectuel du (post-)structuralisme, nous choisissons délibérément d’explorer ces questions non pas sous l’angle d’une répétition herméneutique et commentatrice (inscrite dans le champs du discours philosophique), mais bien à l’aide d’outils et d’éléments méthodologiques développés plus tard, à partir des années 70 - 80, par la théorie littéraire (M. Charles) et l’analyse du discours (D. Maingueneau) permettant d’objectiver de manière non-derridienne les conditions de possibilité de l’objet théorique « texte ». Par là, nous ne proposons ni le commentaire, ni l’interprétation de « tympan » — qui n’est pas un donné — mais plutôt la description de son instauration énonciative et des différents textes possibles qui peuvent en être issus, c’est-à-dire construits. Si cette analyse instaure une distance avec J. Derrida (comme philosophe, comme auteur, comme texte), il nous semble que cet écart reste désigné du doigt, en dernière instance, par la logique de la « différance » à l’oeuvre dans « tympan ». En ce sens, notre tentative peut être lue comme une continuation hors d’elle-même de la philosophie de J. Derrida dont il resterait à explorer plus systématiquement la solidarité avec les méthodologies du commentaire rhétorique (M. Charles) et de l’analyse du discours (D. Maingueneau) désormais contemporaines dans les études littéraires.
Pour une émancipation ranciérienne du spectateur au Théâtre de Vidy-Lausanne. Analyse de la condition spectatrice dans "Je suis un pays" et "Voilà ce que jamais je ne te dirai" de Vincent Macaigne, et dans le dispositif de médiation.
Chaperon, Danielle
Ce mémoire étudie la condition et le rôle du spectateur au sein du Théâtre de Vidy-Lausanne, à la lumière du concept ranciérien d’émancipation intellectuelle : d’une part, dans deux spectacles de Vincent Macaigne, Je suis un pays et Voilà ce que jamais je ne te dirai et, d’autre part, au sein du dispositif pédagogique de médiation.
Notre travail cherche à savoir si Vincent Macaigne et Vincent Baudriller garantissent au spectateur, chacun dans leurs domaines respectifs – pour l’un, la représentation théâtrale, pour l’autre, le dispositif de médiation – un processus d’émancipation intellectuelle. Après avoir analysé les moyens utilisés par Macaigne pour intégrer le public à ses spectacles et interrogé la dimension politique de son théâtre, il nous apparaît que l’émancipation spectatrice n’est pas toujours garantie. Notre analyse des actions de médiation de l’institution – touchant autant à la politique culturelle suisse qu’au travail spécifique d’Éric Vautrin, en passant par la conception du théâtre de Vincent Baudriller – nous amène au même constat.
C’est pourquoi la dernière partie de ce mémoire s’attelle à proposer des pistes d’émancipation pour le spectateur, non seulement face à la représentation mais aussi dans le cadre de son accompagnement pédagogique. Notre réflexion est ici guidée par deux ouvrages du philosophe français Jacques Rancière : Le Maître ignorant. Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle (1987) et Le Spectateur émancipé (2008).
De Jean Lorrain, l'histoire littéraire en retient guère que Monsieur de Bougrelon et Monsieur de Phocas, présentés généralement comme solidaires l'un de l'autre. Le présent travail se propose d'explorer les différences fondamentales – tant formelles que thématiques – qui existent entre les deux textes. Nous posons la questions du rapport à la réalité sous-tendu par les deux romans, que nous rapportons au célèbre À Rebours de Joris-Karl Huysmans. Nous travaillons sur la manière dont les deux romans se composent en véritables « systèmes d'objets » (selon l'expression de Baudrillard) faisant signe vers la réalité dans des directions opposées. À cette occasion, nous réfléchissons au rôle du masque, objet omniprésent dans la littérature dite « fin-de-siècle » en général, et dans l’œuvre de Lorrain en particulier. Le masque, à la fois objet de coquetterie et d'épouvante, de singularisation et de neutralisation des différences, hante littéralement les contes et les nouvelles de l'écrivain – et trouve son apogée dans Monsieur de Phocas. L'inversion sexuelle et les pratiques sexuelles hétérodoxes, dont on trouve trace dans les deux grands romans de Lorrain, sont également questionnées quant au rapport qu'elles induisent avec le monde moderne et les valeurs dominantes de la bourgeoisie. Enfin, nous réfléchissons à la valeur du personnage de Thomas Welcôme dans Monsieur de Phocas et à son acceptation du monde réel, qui semble arriver trop tard, au moment où plus personne ne peut-être sauvé, où Fréneuse est à bout de force. L'angoisse de la réalité qui domine les personnages de Lorrain peut-elle, in extremis, se muer en une acceptation de celle-ci ?
Ce mémoire s'intéresse à la littérature numérique, plus spécifiquement à l'anthologie poétique numérique. À l'aide de anthologies poétiques digitales produites par l'Université de Lausanne, j'ai cherché à démontrer ce qui se maintient et ce qui se modifie lorsque l'on passe d'une oeuvre papier à une oeuvre sur écran, tant dans l'organisation que dans la lecture.
« Une mélancolie historique ». La mémoire des années 68 dans les romans d’anciens maoïstes français
Meizoz, Jérôme
Ce mémoire analyse cinq romans évoquant les années 68 en France, écrits par d’anciens maoïstes et parus dans les années 1990 et 2000 : Jean-Pierre Martin, Le Laminoir (1995) ; Jean Rolin, L’Organisation (1996) ; Leslie Kaplan, Depuis maintenant. Miss Nobody Knows (1996) et Mon Amérique commence en Pologne (2009) ; Olivier Rolin, Tigre en papier (2002). Après avoir dessiné les contours du discours dominant sur Mai 68 (doxa) qui se construit, en France, dans les années 1980, il est question de définir ce que peuvent être les romans de Mai 68, produits directs du déclin des organisations d’extrême-gauche à la fin des années 1970, époque à laquelle leurs auteurs amorcent leur geste d’écriture. Il s’agit ensuite d’analyser chacun de ces romans sous trois aspects : comment est traité, dans le roman, le référentiel historique ; quelle trace reste-t-il dans le roman du deuil de l’action politique ; comment l’auteur, par le roman, s’inscrit-il dans le débat mémoriel autour de 68. Finalement, il met en écho la mélancolie conséquente du deuil de l’action politique dont ces romans témoignent avec la « mélancolie de gauche », comme définie par Enzo Traverso.
« Roses à crédit » d’Elsa Triolet et sa traduction russe. Présence de la langue russe à travers les modalités génériques et énonciatives
Olah, Myriam
Velmezova, Ekaterina
Elsa Triolet (1896-1970), née Ella Kagan, est une auteure française d’origine russe, femme de Louis Aragon et sœur de Lili Brik. Son livre « Roses à crédit », le premier du cycle « L’âge de nylon », relève de multiples « inscriptions génériques ». Pour les éditions Gallimard, il s’agit d’un roman, à en juger selon la couverture de la première publication de 1959. La maison d’édition Khorda, qui s’est chargée de la traduction russe de l’ouvrage parue en 1994, précise le genre du roman par la caractéristique suivante: roman pour dames.
Suivant la méthode de la « comparaison différentielle » établie par U. Heidmann, je m’intéresserai aux différentes généricités présentes dans le texte d’Elsa Triolet en essayant de dégager les traces génériques des contes russes. Parallèlement, je comparerai « Roses à crédit » à sa traduction russe « Розы в кредит », en analysant les modalités énonciatives établissant un « dialogue intertextuel » avec des contes d’A. Afanassiev et des textes d’A. Pouchkine auxquels je recourrai. J’observerai également des traces énonciatives de la langue russe dans les répétitions et les suffixes diminutifs.
Mon hypothèse sera la suivante: l’écriture littéraire d’une auteure plurilingue n’est aucunement réductible à une seule langue. Dans Roses à crédit d’Elsa Triolet, il existe des traces de la langue russe qui se manifestent dans les répétitions, les diminutifs et la généricité du conte russe.