L'Oreille et la Plume. William Ritter, un critique musical suisse au tournant du XXe siècle.
Maggetti, Daniel et Lüthi, Dave
Entre littérature et musicologie, ce mémoire s’attache à l’étude des écrits sur la musique du polygraphe suisse William Ritter (1868-1955). Parcourant l’Europe centrale d’avant les grands cataclysmes, l'original Helvète, qui s’était donné la mission de dénicher avant tout le monde les compositeurs géniaux encore ignorés de la masse - le « gros public », comme il disait -, fait ainsi la connaissance de nombreuses personnalités du monde musical. Sa correspondance révèle l’étendue remarquable de son réseau de relations qui comprend des compositeurs (Anton Bruckner, Gustav Mahler, Richard Strauss, Béla Bartók), mais également des acteurs importants du champ de la critique musicale du début du XXe siècle (Léon Vallas, Camille Mauclair, Lionel de La Laurencie, Henry Gauthier-Villars, Romain Rolland), au rang desquels il faut encore ajouter de nombreux interprètes. À en croire les formules d’adresse, Ritter est écrivain, littérateur, polygraphe, critique d’art et artiste mais aussi ethnographe, musicographe, critique musical et même musicien.Véritable graphomane, il est actif dans de nombreux journaux et revues, dont le prestigieux Mercure de France, se profilant comme une référence pour la musique de Gustave Mahler ainsi que pour toute une série de compositeurs contemporains issus d’Europe centrale, encore peu ou pas connus dans le monde francophone (Bedřich Smetana, Anton Bruckner, Josef Suk, Max Reger, Antonín Dvořák, Leoš Janáček, Vítězslav Novák et d’autres). C’est le profil de ce passionnant personnage que ce mémoire cherche à saisir, en s’appuyant sur de nombreux documents d’archive.
Quand le suicide s’écrit et se lit : perspectives didactiques sur le pouvoir de la littérature et sa dimension expérientielle
Philippe, Gilles
Le suicide est un sujet qui a été maintes fois mobilisé par la littérature à travers les siècles, à tel point que la mort auto-infligée de Phèdre, du jeune Werther ou d’Emma Bovary n’est inconnue de personne. De nos jours encore, la littérature abonde en narrations thématisant le suicide ; elle offre, de fait, un panorama varié de mises en récit du passage à l’acte et de ses conséquences, en renouvelant le fond, la forme et la manière de narrativiser la mort volontaire.
Mais que faire de ces œuvres qui nous rappellent la vulnérabilité de l’être humain, la déchéance de la santé mentale, les difficultés que la vie et la société nous imposent parfois ? Les rangeons-nous dans notre bibliothèque, oubliant leur existence, car elles dérangent, questionnent et donnent de l’importance à un tabou ? Ou, au contraire, choisissons-nous de les utiliser comme des outils pédagogiques qui permettraient de désamorcer des bombes à retardement ? En prenant en considération qu’en Suisse, un·e jeune se donne la mort tous les trois jours environ, nous avons décidé, dans ce mémoire, d’opter pour la seconde proposition.
Ainsi le présent travail s’intéresse-t-il au rôle social et à la dimension expérientielle de la littérature, en cherchant à comprendre, de manière plus spécifique, comment la littérature du suicide peut toucher, intriguer, affecter et passionner le lecteur âgé de quinze à dix-neuf ans. Notre parcours rédactionnel ainsi que les différentes propositions d’exercices didactiques à appliquer en classe de gymnase nous ont permis de comprendre qu’il est important de considérer cette littérature du suicide comme un moyen informatif qui favoriserait, chez le jeune lecteur, la réflexion et le retour sur soi, grâce au développement de sa conscience esthétique et émotionnelle.
Un vent de subversion sur la littérature française du XXe siècle. Louis-Ferdinand Céline et Jean Genet.
Philippe, Gilles
Ce mémoire propose de suivre les traces de deux auteurs subversifs qui ont tenté, par leur œuvre, de renverser les codes littéraires et sociaux de leur époque. Imaginez deux cyniques modernes en vadrouille ; imaginez qu’ils se promènent rageusement et qu’ils accusent le paysage littéraire et social de leur époque. Imaginez-les éclaboussant la boue des ornières et se complaire dans le vil bourbier. Sur le chemin de la coutume et des codes, Genet et Céline, ont tous deux fait un pas de côté ; ils ont fait le choix de la marge, faute de pouvoir aller plus loin.
À travers ce mémoire, nous étudions précisément ces marges qu’ils habitent. Dans la première partie, nous proposons une étude sur la subversion formelle qu’opèrent les deux écrivains, chacun à leur manière. Dans la seconde partie, nous proposons une étude sur les thématiques que Genet et Céline foulent aux pieds. Pour différents qu’ils soient, tous deux ont joué des codes littéraires et sociaux ; tous deux ont choqué par une morale résolument cynique et nihiliste ; mais tous deux ont représenté des changements dans l’âme de leur époque.
Des écrivains en quête de vérité. Quand les écrivains s'approprient un fait divers,
« peut-on encore parler de roman ? »
Philippe, Gilles
Dès les années 1980 se développe une littérature dite factuelle qui marque un tournant dans l'histoire du roman avec un désintérêt pour la fiction au profit du réel et plus précisément du fait divers. Ce travail s'intéresse à la manière dont les écrivains s'approprient des faits divers dans leurs romans et tente de comprendre l'impact qu'a leur écriture sur le lecteur. Il a donc été question de saisir comment ces affaires criminelles font l'objet d'une nouvelle enquête de la part des auteurs, une enquête littéraire cette fois. L’analyse prend ici appui sur le traitement romanesque de trois affaires marquantes : l'affaire Romand reprise dans L'Adversaire d'Emmanuel Carrère (2000), l'affaire Laëtitia Perrais reprise dans Laëtitia ou la fin des hommes d'Ivan Jablonka (2016), ainsi que l'affaire Fritzl reprise dans Claustria de Régis Jauffret (2012). Les auteurs ont eu ici pour ambition de faire savoir tout autant que de faire récit et ont pris pour cela la figure de l'écrivain-enquêteur. Dès lors s'est déployée une méthode interdisciplinaire, qui entremêle tant les sciences sociales, l'histoire, la sociologie, le journalisme que la littérature. Le roman contemporain s'enrichit donc d'autres dispositifs d'écriture, ce qui lui procure une toute nouvelle dimension.
Ce mémoire propose d'étudier la réédition des recueils de fabliaux d’Etienne Barbazan (1756) par Dominique Martin Méon (1808) sous le Premier Empire. Une première partie de l’exposé se concentre sur l’histoire de la réception des fabliaux afin de cerner les enjeux propres à chaque actualisation du genre ; dans un deuxième temps, le mémoire se focalise sur la publication et la structure des recueils de Méon. Cette étude éclaircit le rapport du 19ème siècle naissant aux « contes à rire », particulièrement concernant les enjeux de censure. Finalement, ce travail interroge les rapports que l’université moderne entretient avec des arts peu considérés.
Pe(a)nser l'ambiguïté autour de la figure littéraire de l'enfant-soldat : parcours mémoriel de "l'endo-attachement" à la résilience testimoniale
Le Quellec Cottier, Christine
L’enfant-soldat met en coprésence la victime et le bourreau, statuts théoriquement exclusifs l’un de l’autre. Cette figure de l’ambiguïté provoque une crise de sens au sein des romans d’A. Kourouma Allah n’est pas obligé, J.-C. Derey Les Anges cannibales et L. Miano Les Aubes écarlates. Notre étude n’assoit pas une définition univoque de l’enfant-soldat, défi des historiens et des magistrats. Elle ambitionne à réévaluer l’abscondité de l’ambiguïté dans une approche transversale et universelle en interrelation avec les Jeunesses hitlériennes et les Sonderkommandos. En filigrane de la théorie de l’attachement, elle propose de construire une épistémologie autour des déclinaisons antinomiques afin de repenser cet être de papier sous le prisme heuristique d’une figure créatrice d’avenir. Composées d’énonciateurs-enfants, inféodés à un « endo-attachement », les œuvres renferment des systèmes de signes qui dépassent le langage explicite. Nous décrypterons ce double niveau de lecture qui dissimule une vérité en-deçà du spectacularisme coagulé autour de ce moignon d’homme impe(a)nsé. Nous questionnerons comment les possibles de la fiction d’une part, décloisonnent l’enfant-soldat d’une violence insensée, reliquat ethnocentrique d’une Afrique ontologiquement barbare et, d’autre part, réfléchissent à une nouvelle voix testimoniale protéiforme, panacée d’une Humanité en dérive. Les romanciers, en transformant l’incohérence en œuvre d’art, esquissent l’ambiguïté des insignifiants de l’Histoire comme la projection intelligible des peuples qui, sur le modèle du devoir de violence, s’autoflagellent en refusant de mener un travail de mémoire et d’affronter leurs responsabilités dans les meurtrissures humaines.
Récits de guerre et voix d'enfants : paradoxes éthiques sous le signe du grotesque et de l'ironie. Une lecture de La Route des clameurs d'Ousmane Diarra et d'Allah n'est pas obligé d'Ahmadou Kourouma
Le Quellec Cottier, Christine
Cette étude est consacrée aux récits abordant les guerres civiles d’Afrique subsaharienne à travers la figure de l’enfant-soldat. Parmi l’abondante littérature africaine de langue française dédiée à cette figure, deux romans ont retenu notre attention : La Route des clameurs d’Ousmane Diarra et Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma. La raison de ce choix réside dans le travail formel singulier proposé par les deux auteurs pour approcher la thématique aussi délicate qu’actuelle de l’enfant-soldat. En effet, ces derniers usent intensément de l’ironie et du grotesque afin de confronter ludiquement le lecteur à la présence de l’enfant dans la guerre. Toutefois, la dimension ludique de leurs romans ne possède pas une visée purement esthétique, mais renferme une composante axiologique très forte. À travers l’analyse des procédés stylistiques liés à l’ironie et au grotesque, le but de ce travail est donc de démontrer que dans La Route des clameurs et Allah n’est pas obligé, la jouissance esthétique va de pair avec une réflexion d’ordre éthique.
La critique d'art chez Joris-Karl Huysmans. En quête d'un art total : du paragone des arts à la théorie baudelairienne des correspondances.
Kunz Westerhoff, Dominique
Joris-Karl Huysmans, auteur érudit et marginal de la fin du XIXe siècle, est surtout célèbre pour son roman décadent À Rebours, mais encore mal connu pour sa critique d’art, pourtant d’un intérêt majeur au vu de son innovation esthétique et stylistique. De même, peu de recherches portent sur le rapport aux sens dans ses écrits, alors même qu’il s’agit d’une dimension essentielle de son art poétique. Il suffit pour s’en assurer d’observer la structure d’À Rebours divisée en chapitres centrés autour des sens du héros Des Esseintes. Ce travail a pour projet d’étudier la critique d’art de Huysmans, ainsi que les descriptions de tableaux réels qui se déploient dans ses romans , dans la filiation de la théorie baudelairienne des correspondances. Les références à la polysensorialité, les synesthésies, les analogies et les suggestions y sont abondantes, voire omniprésentes, et il me semble que c’est par ce biais que l’auteur parvient non seulement à faire voir le tableau, mais également à le faire vivre. Huysmans joue également sur l’hybridité des genres littéraires pour subsumer les spécificités médiatiques de chaque art. Il parvient à s’inspirer de l’expérience esthétique du spectateur d’œuvres d’art et à développer une poétique de la suggestion transmédiale, afin de rivaliser avec la peinture, voire de la surpasser, dans le but d’accéder à un art total. L’un des enjeux de ce travail consiste également à inscrire cette critique d’art dans le contexte philosophique, médical et scientifique de la fin-de-siècle, marqué par les recherches psychologiques sur la suggestion motrice, notamment dans l’état d’hypnose. Pour les auteurs symbolistes, « la suggestion est le langage des correspondances » (Charles Morice) ; pour les psychologues (Janet, Ribot, Binet), comme pour le philosophe Bergson, la suggestion mentale relève aussi d’un phénomène de correspondance sensorielle, suscité en particulier par les arts. La réception de l’œuvre d’art génère une créativité motrice dans l’imaginaire. Quand Huysmans fait vivre le tableau décrit, il réagit ainsi à ses contemporains.
Transfuges sociaux : autobiographies et auto-sociobiographies, une écriture littéraire sociologiquement inscrite ?
Meizoz, Jérôme
On appelle « transfuges sociaux » des individus qui transitent d’une classe sociale à une autre. Qu’il s’agisse d’une ascension sociale ou d’un déclassement, les transfuges connaissent une mobilité sociale qui leur permet d’éprouver différents milieux sociaux, souvent contradictoires, auprès desquels ils se construisent. Considérés généralement comme des cas d’exception, les expériences qui découlent de leurs trajectoires atypiques n’ont de cesse d’interroger notre représentation du monde social.
Considérée comme une transfuge de classe, Annie Ernaux explicite sa démarche d’écriture ainsi que sa posture d’écrivaine en émettant l’hypothèse selon laquelle un texte pourrait devenir d’autant plus universel qu’il est personnel. En effet, l’auteure semble dresser, à travers son œuvre, des repères permettant de circonscrire des considérations à la fois génériques et formelles quant à la mise en récit d’une expérience liée à sa condition de transfuge social. Mais aussi d’une expérience intime dans laquelle il est possible de se reconnaître au-delà de la variété et de la particularité des histoires individuelles :
Cependant, comment envisager un tel phénomène ? Que signifie s’écrire en articulant sa vie aux structures sociales qui nous façonnent ? Qu’est-ce que ces types de mise en récit nous disent sur le monde et surtout, quelle valeur accorder à ce type de format ? N’est-ce pas une entreprise trop ambitieuse et indéniablement vouée à l’échec que de prétendre parler aux noms des autres ? Comment le récit d’une personne pourrait-il englober suffisamment d’aspects pour circonscrire un environnement social aussi complexe que le nôtre ? À l’instar des factualistes cherchant à saisir un réel qui s’échappe aussitôt qu’on pense avoir mis le doigt dessus, dans quelle mesure pouvons-nous faire surgir le social contenu dans ce qu’Annie Ernaux nomme le destin individuel ? Quels procédés textuels sont mobilisés afin de rendre compte de cette objectivation du vécu à laquelle se livre le scripteur ? De quelle manière s’opère ce mouvement qui tend à estomper son expérience intime et singulière vers des propriétés plus générales, des processus collectifs, voire sociologiques ? Autrement dit, pour reprendre l’expression d’Isabelle Charpentier, comment concevoir une « écriture littéraire sociologiquement instruite » ?
Afin de répondre à toutes ces interrogations, il s’agira dans ce travail d’observer et d’analyser, au regard de l’œuvre d’Annie Ernaux, différents récits autobiographiques d’auteurs transfuges. Une étude comparative dans laquelle je confronterai les textes de deux sociologues et de deux écrivains : l’Esquisse pour une auto-analyse (2004) de Pierre Bourdieu et Retour à Reims (2009) de Didier Eribon, ainsi que Le Chêne Brûlé (1969) de l’écrivain Gaston Cherpillod et En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Edouard Louis.
Paul Valéry (1871-1945), L’Œuvre et l’Auteur, itinéraire d’une disparition ou « l’effet Bartleby »
Escola, Marc
Ce mémoire intitulé « Paul Valéry (1871-1945), L’Œuvre et l’Auteur, itinéraire d’une disparition ou « l’effet Bartleby » » développe un questionnement entre la littérature et la philosophie sur les notions d’œuvres et d’auteurs dans le cas de l’écrivain français Paul Valéry. Il se compose de deux approches particulières : la première consiste en l’analyse d’un texte peu connu et peu ou pas commenté : Petite lettres sur les mythes (1928), dans lequel Paul Valéry propose une réflexion philosophique sur l’acte de création littéraire. La seconde est un approfondissement de la notion de résistance (Giorgio Agamben) présente dans cet acte même de création, dont la finalité est de montrer d’une part que Paul Valéry est plus un écrivain de la résistance qu’un simple poète classique, et d’autre part que cette résistance, passive, trouve un écho fertile dans le personnage de Bartleby, anti-héros moderne de la célèbre nouvelle Bartleby « the scrivener » de l’écrivain américain et auteur de Moby Dick, Herman Melville.
"Aimer est dangereux, le désir est fou, le sexe violent" : la sexualité dans les oeuvres de Catherine Safonoff"
Maggetti, Daniel
Ce travail étudie la sexualité dans les romans de Catherine Safonoff. Dans une approche transversale, il réunit un propos dispersé dans plusieurs récits : "La Part d’Esmé", "Comme avant Galilée", "Au nord du Capitaine", "Autour de ma mère", "Le Mineur et le Canari", "La Distance de fuite" et deux textes inédits, "La Fille" et "Genova". À partir des expériences vécues par les narratrices, il s’agit de reconstituer le rapport particulier de ces dernières à la sexualité. Celui-ci, complexe, est construit sur un sentiment de honte et de culpabilité fort, sur la douleur d’être indésirable, sur la sacralisation du désir et sa concrétisation, sur la présence et l’importance de l’Autre, sur la souffrance induite par les relations vécues et enfin, sur le rôle à la fois salvateur et dévastateur de l’écriture. En outre, ce mémoire s’interroge sur la position féministe éventuelle de Catherine Safonoff.
"Tristan & Yseult" d'Agnès Maupré et Singeon : étudier une adaptation en bande dessinée au gymnase.
Wahlen, Barbara
Ce mémoire propose l’analyse de la bande dessinée Tristan & Yseult d’Agnès Maupré et Singeon parue en 2017 aux éditions Gallimard. Cette adaptation créée à partir des souvenirs de sa scénariste présente un mythe réécrit de façon moderne et actualisante qui se veut fidèle à un esprit et non à un texte en particulier. Dans une perspective pédagogique, ce roman graphique a également été analysé lors d’ateliers mis en place dans trois classes gymnasiales vaudoises. En effet, la bande dessinée n’ayant qu’une faible place dans le système scolaire, nous voulions tester son efficacité lors d’une étude comparative. Alors que la bande dessinée est majoritairement utilisée en classe comme marche-pied à des sujets grammaticaux, nous verrons qu’il est également intéressant d’étudier un album comme une œuvre en soi. Cet exercice permet aux élèves d’endosser le rôle actif de lecteur-interprète.
En annexe figurent des extraits de notre correspondance avec Agnès Maupré, la scénariste.
"Les Italiens" de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, analyse d’un spectacle contemporain
Chaperon, Danielle
A travers une analyse du spectacle "Les Italiens", créé par les artistes lausannois Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, le mémoire interroge la manière dont est construite une production dramatique contemporaine. Divisée en trois étapes, l’investigation entend analyser les phénomènes à l’œuvre dans ce spectacle, ainsi que réfléchir sur les définitions pouvant être associées à une création théâtrale qui mêle différents genres et est composée d’un ensemble apparemment hétérogène d’éléments. La première partie du travail se concentre sur "Les Italiens". Ainsi, de la genèse du spectacle à une analyse dramaturgique de celui-ci, en passant par des questions de division scénique et thématique, la création théâtrale de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre fait l’objet d’une description minutieuse qui tente d’en saisir les procédés de découpage et de montage qui permettent à cette œuvre théâtrale de réaliser une « représentation émancipée » , pour reprendre l’expression de Bernard Dort. Dans la deuxième partie du travail, le spectacle analysé est inscrit dans une suite d’œuvres produites, au fil de la décennie, par Massimo Furlan avec, souvent, la collaboration de Claire de Ribaupierre. Finalement, la troisième et dernière partie sera consacrée à des propositions théoriques portant sur le spectacle contemporain. Plus spécifiquement, au vu de la diversité des matériaux employés par le metteur en scène qui fait l’objet du mémoire, il s’agit de définir dans quels courants du spectacle vivant peut être inscrite "la Compagnie Numero23Prod". et à quels genres de spectacles peut être rattaché "Les Italiens".
Société de consommation et nouveaux rapports à l'objet : les exemples d'Alain Robbe-Grillet et de Georges Perec
Caraion, Marta
Cette étude est consacrée à la manière dont les écrivains en général et Alain Robbe-Grillet et Georges Perec en particulier mettent en avant le nouveau rapport à la possession de l'objet dans un contexte précis : les débuts de la société de consommation. Parmi l'abondante littérature qui se consacre aux objets dans cette période spécifique, trois livres ont essentiellement retenu notre attention : Les Gommes et Le Voyeur d'Alain Robbe-Grillet et Les Choses de Perec. La raison de ce choix réside dans la position littéraire assumée et engagée des deux écrivains, ainsi que dans leur appréhension diamétralement opposée de l'objet. En effet, la volonté de décrire l'objet littéraire comme une chose ou un signe montre une opposition sur leur rapport à la consommation dans les années 1950-1960. De plus, le rapport déviant avec l'objet sera mis en exergue dans ce travail. En effet, la forte autonomie donnée à l'objet paraît concomitante à une perte de contrôle des personnages. À travers l'analyse de la place de l'objet dans ces textes romanesques, nous mettons en évidence une forme parallèle d'évolution sociétale et littéraire.
Rapport des surréalistes à l’œuvre de Proust : à la recherche d’un surréalisme proustien 1919-1928
Buchs, Arnaud
Aujourd’hui, l’année 1919 dans l’histoire de la littérature française marque avant tout la date d’un événement qui défraya la chronique : Marcel Proust reçut le prix Goncourt pour "À l’ombre des jeunes filles en fleurs". Même s’il fallut attendre jusqu’aux années 1960 pour que Marcel Proust fût baptisé comme étant le plus grand écrivain français du XXe siècle et que son œuvre, "A la recherche du temps perdu", devînt un des monuments de la littérature, le prix Goncourt de 1919 annonçait d’une certaine manière, pour nous qui savons la suite de l’histoire, le début de la consécration de Proust et de son roman. Au cours de la même année, André Breton, Philippe Soupault et Louis Aragon, combattants à peine démobilisés, fondent à Paris une revue intitulée "Littérature". Ayant fait la guerre, étant témoins de la boucherie, ces trois jeunes poètes remettent en question toutes les valeurs de la civilisation occidentale, en commençant par la littérature. En 1919, on assiste donc à la fois à la consécration du plus grand romancier français du XXe siècle et à la naissance du mouvement littéraire et artistique le plus important du siècle, qui déclare la guerre à la littérature, en particulier au roman, genre considéré comme inférieur. En constatant que, tant sur le plan littéraire qu’idéologique, tout sépare les surréalistes de l’auteur de "A la recherche du temps perdu", on ne s’est guère intéressé à la relation entre Proust et les trois mousquetaires du surréalisme. Cette étude se propose d’établir la relation entre Proust et ces trois fondateurs du surréalisme dans une perspective littéraire et historique. La deuxième partie du travail est consacrée à la question de l’influence, de la référence et de l’intertextualité entre les œuvres des surréalistes et celle de Proust. Est-ce possible de parler d’une influence de Proust chez les fondateurs du surréalisme, qui figurent parmi les tout premiers lecteurs de la "Recherche" ?
Traduire pour faire revivre. Xavier Hanotte (re)configure l’œuvre de Wilfred Owen
Heidmann, Ute
Ce mémoire porte sur la créativité inhérente à l’acte de traduire et sur le renouvellement d’une œuvre instigué par la pratique de la traduction. Dans son recueil, l’écrivain belge Xavier Hanotte fait résonner la voix à Wilfred Owen, un poète britannique de la Première Guerre mondiale mort durant le conflit. Grâce à un alliage inédit des poèmes d’Owen avec des extrait de sa correspondance, le traducteur offre un ouvrage en français qui dépasse les cadres usuels de la traduction. Ayant érigé Owen comme la figure centrale de son écriture, Hanotte propose une lecture entièrement nouvelle des écrits du poète. Plus encore, ce travail de comparaison démontre qu’il crée un nouvel original à partir des textes d’Owen. Ainsi, sa traduction illumine l’œuvre de Wilfred Owen autant qu’elle la complète et lui réinsuffle de la vie.
L'événement littéraire : une nouvelle culture du livre à l'échelle des territoires
Le Quellec Cottier, Christine
Comment l’histoire du livre va-t-elle de pair avec une transformation des dispositifs, des modes d’apparition, engageant à la fois l’expérience et les pratiques de lecture ? Dans quelle mesure le développement croissant des festivals et manifestations littéraires opère-t-il une reconfiguration de nos relations sociales et esthétiques à la littérature ? À partir d’un territoire, il s’agit d’appréhender l’événementiel littéraire comme un dispositif singulier en mesure de renouveler notre rapport à l’objet livre, de donner place à de nouveaux actes pour éprouver la matière littéraire autrement. L’ambition de ce mémoire ne se résume pas pour autant à dresser un état des lieux du paysage littéraire en Suisse romande ou des événements qui s’y déroulent. Il s’agit bien plus de dégager les enjeux de cet essor événementiel, tout en y liant la problématique de la gestion culturelle – attachée à des choix politiques – à une redéfinition des communautés et des territoires, dans la perspective d’un écosystème culturel.
Projet autobiographique et rapports sociaux de sexe : étude contrastive de "Mémoire de fille" d'Annie Ernaux et "Mémoires d'une jeune fille rangée" de Simone de Beauvoir
Meizoz, Jérôme
Si Annie Ernaux connaît une renommée considérable dans le champ littéraire français – ce qu’attestent la critique prolifique sur son œuvre et les nombreux colloques dédiés à son entreprise d’écriture –, aucune étude ne porte sur son dernier texte publié, Mémoire de fille (2016). Dans ce récit, elle raconte un chapitre de sa vie qui n’a pas encore fait l’objet d’une élaboration littéraire : la découverte des relations sexuelles lors de l’été 1958. Même si des allusions sont faites à cette nuit dans plusieurs de ses textes, c’est un demi-siècle après les faits qu’elle tente de reconstruire et surtout de retrouver, la réalité de la « fille de 58 », qui n’est autre qu’Annie Duchesne. L’auteure effectue de ce fait un va-et-vient entre deux temporalités, « la fille de S » (je narré) et la « femme de 2014 » (je narrant). Le titre de l’ouvrage fait fortement écho aux Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir. Malgré l’écart générationnel qui les sépare et les divergences dans l’entreprise littéraire elle-même, les deux femmes usent de la force de leur plume pour donner à voir la réalité de la condition féminine dans l’univers lettré androcentré. Figure influente pour Ernaux, la convocation du texte beauvoirien permettra d’offrir un point contrastif à l’analyse. Ce travail de mémoire se propose de réfléchir à la manière dont le matériau autobiographique pense les rapports sociaux de sexe. Le plan du travail se scinde en deux chapitres. Le premier pose les jalons du projet autobiographique en contextualisant la démarche littéraire alors que le second analyse la perception de l’autre sexe dans le récit d’existence et le pouvoir de l’écriture, capable de dévoiler les mécanismes de domination entre les sexes.
Les masculinités dans la littérature francophone extra-contemporaine. Étude d’En finir avec Eddy Bellegueule (Édouard Louis), de Faire le garçon (Jérôme Meizoz), et de Ce qu’un homme est aussi (Jean Rainscof) avec une perspective féministe et anti-masculiniste incarnée
Kunz-Westerhoff, Dominique & Cossy, Valérie
Au sein de mon étude, j’ai eu envie de questionner des éléments en lien avec les masculinités dans trois romans écrits par des hommes francophones au 21ème siècle. Pour la partie littéraire, je me suis concentré sur des textes écrits depuis la perspective d’un homme, car même si des critiques du patriarcat existent depuis des décennies, voire des siècles, des écrits d’hommes portant un regard critique sur les masculinités sont encore un fait bien trop rare. C’est pourquoi j’ai analysé les dispositifs littéraires complexes mis en place par les auteurs pour aborder cet angle mort de notre société occidentale. En ce qui concerne les études genre, mon étude s’est focalisée sur des concepts tels que le théâtre de genre, la virilité, l’androcentrisme, l’hétéronormativité, l’homophobie, la punition de genre, la culture du viol, ou bien encore la continuité entre le désir hétérosexuel et la violence. Le liant entre les pôles littéraires et sociologique est l’approche épistémologique. Pour éloigner les potentielles filiations avec les mouvements masculinistes, je précise que mon travail s’inscrit en premier lieu dans une perspective féministe, et à celle-ci s’ajoute une autre approche, celle d’effectuer des analyses avec un regard anti-masculiniste incarné. Empruntant cette notion au sociologue Léo Thiers-Vidal, j’ai trouvé sa déontologie cruciale, tant elle met en lumière les nombreux pièges possibles pour des chercheurs-hommes travaillant sur des questions de genre. Brièvement, travailler avec cette perspective veut dire être conscient de sa position vécue de dominant dans la société en tant qu’homme, et de faire état de ce biais fondamental dans notre regard analytique, afin de s’éloigner d’une prétendue objectivité, et aussi pour éviter de neutraliser les questions politiques de rapports de force entre hommes et autres individus non-hommes.
Bande dessinée et enseignement - Les adaptations des classiques en classe de littérature : prescriptions, pratiques et enjeux
Baroni, Raphaël
Longtemps jugée amorale, simpliste et populaire, la bande dessinée a parcouru un long chemin pour être aujourd’hui reconnue comme pratique culturelle légitime. Pourtant, et alors même que ses vertus pédagogiques sont largement admises, sa place au sein de l’enseignement reste questionnée : à quelle branche doit-elle être rattachée ? Est-elle un objet d’abord visuel ou avant tout textuel ? Quel corpus faut-il enseigner ? Et comment ? Est-il « sérieux » d’étudier la BD en classe ? Comment contourner les contraintes matérielles (coûts des albums, format, etc.) ? L’histoire des liens entre école et bande dessinée montre la difficulté de répondre à ces questions, difficulté qui trahit elle-même la relation problématique entre bande dessinée et littérature, entre un art qui peine à trouver sa place au sein de l’enseignement obligatoire et un autre qui se repose sur une hégémonie induite de longue date. Ce mémoire propose de soulever ces différentes questions en s’intéressant d’abord à l’histoire de la BD en classe à travers l’étude des programmes scolaires français, depuis la loi de censure de juillet 1949 jusqu’à nos jours. Cet historique montre qu’un écart existe et perdure entre les prescriptions officielles et les pratiques réelles des enseignants. La deuxième partie de ce mémoire explorera ensuite quelques pistes potentielles pour l’intégration d’une approche de la bande dessinée plus didactisée, par le biais par exemple des adaptations des classiques de la littérature. Enfin, il proposera quelques exemples d’utilisation pédagogiques de la BD, tirées d’expériences personnelles.
Jules Verne : la compétition et les machines dans trois romans
Kunz Westerhoff, Dominique
et Dünne, Jörg (Université Humboldt, Berlin)
Les machines des romans de Jules Verne sont pensées comme des aboutissements de formes de compétitions. C’est le postulat que nous explorons dans ce mémoire à travers trois œuvres : Vingt mille lieues sous les mers, Robur-le-conquérant et Maître du monde. Nous analysons différents types de compétitions présentes dans ces ouvrages : jeu, course au progrès, concurrence économique et guerre national. Mais qu’est-ce qui pousse les compétiteurs verniens ? Progrès moral ou vanité ? La science, centrale aux machines, fait office de juge et aura peut-être une réponse… ou n’est-elle qu’un trophée de plus ?
Notre premier chapitre s’intéresse à la dimension sociale et spectaculaire de la compétition. Elle sert d’accroche au lecteur et possède une dimension narratologique. Elle inclut de plus une question d’appartenance et oppose des groupes. Les équipages des machines sont ainsi comparables à des clubs, des nations voire à des utopies sociales. Notre deuxième chapitre aborde les limites et conditions de la compétition en ciblant d’abord les extrêmes qui menacent et questionnent l’existence de notre sujet de recherche, notamment isolements et massacres insensés. Nous pointons ensuite l’importance de la science dans ces affrontements, elle constitue une base d’entente et un but : la découverte sous toutes ses formes. Au final, nous abordons les règles, juges et témoins à l’œuvre dans les compétitions. Dans notre quatrième et dernière partie nous explorons les formes que prennent les affrontements qui opposent les machines et la société. Ces compétitions font rage sur les terrains suivants : exploits géographiques, distinction bourgeoise, œuvres de civilisation et finalement comparaison de savoirs encyclopédiques.
« Le topos de l’atelier » dans la littérature du XIXe siècle : Rôles des objets de l’atelier : les cas de Manette Salomon des frères Goncourt, de L’Œuvre d’Émile Zola et de La Femme pauvre de Léon Bloy
Caraion, Marta
Ce travail de mémoire étudie le topos de l’atelier d’artiste dans la littérature du XIXe siècle au travers de l’examen de trois œuvres : Manette Salomon d’Edmond et Jules Goncourt, l’Oeuvre d’Émile Zola, et la Femme Pauvre de Léon Bloy. L’analyse porte sur les rôles des objets de l’atelier dans la narration. L’atelier, comme espace dans la ville, est lui-même analysé en tant qu’objet. Cette étude, qui analyse les adresses d’ateliers exposées dans les récits, met en évidence une sémiotique de la cartographie des ateliers. Puis, elle étudie les aménagements des ateliers d’artistes. La description de l’atelier permet dans Manette Salomon et L’Œuvre de brosser le portrait de l’artiste. L’agencement descriptif mis en place dans ces romans met en évidence le système de valeurs des personnages et plus largement un système de pensées sur l’art. À contre-courant, chez Bloy, les objets servent d’intermédiaires privilégiés pour mettre à jour les desseins divins. Enfin, ce mémoire interroge la fonction des objets de l’atelier dans l’organisation du système narratif de ces romans. Il s’agit de montrer que ceux-ci tissent des fils narratifs qui dépassent leur rôle référentiel. Dans Manette Salomon et de L’Œuvre, l’atelier devient le lieu où se joue une lutte de pouvoir, d’abord entre les personnages eux-mêmes, puis entre les personnages et les objets.