Ce mémoire propose d'étudier la réédition des recueils de fabliaux d’Etienne Barbazan (1756) par Dominique Martin Méon (1808) sous le Premier Empire. Une première partie de l’exposé se concentre sur l’histoire de la réception des fabliaux afin de cerner les enjeux propres à chaque actualisation du genre ; dans un deuxième temps, le mémoire se focalise sur la publication et la structure des recueils de Méon. Cette étude éclaircit le rapport du 19ème siècle naissant aux « contes à rire », particulièrement concernant les enjeux de censure. Finalement, ce travail interroge les rapports que l’université moderne entretient avec des arts peu considérés.
Pe(a)nser l'ambiguïté autour de la figure littéraire de l'enfant-soldat : parcours mémoriel de "l'endo-attachement" à la résilience testimoniale
Le Quellec Cottier, Christine
L’enfant-soldat met en coprésence la victime et le bourreau, statuts théoriquement exclusifs l’un de l’autre. Cette figure de l’ambiguïté provoque une crise de sens au sein des romans d’A. Kourouma Allah n’est pas obligé, J.-C. Derey Les Anges cannibales et L. Miano Les Aubes écarlates. Notre étude n’assoit pas une définition univoque de l’enfant-soldat, défi des historiens et des magistrats. Elle ambitionne à réévaluer l’abscondité de l’ambiguïté dans une approche transversale et universelle en interrelation avec les Jeunesses hitlériennes et les Sonderkommandos. En filigrane de la théorie de l’attachement, elle propose de construire une épistémologie autour des déclinaisons antinomiques afin de repenser cet être de papier sous le prisme heuristique d’une figure créatrice d’avenir. Composées d’énonciateurs-enfants, inféodés à un « endo-attachement », les œuvres renferment des systèmes de signes qui dépassent le langage explicite. Nous décrypterons ce double niveau de lecture qui dissimule une vérité en-deçà du spectacularisme coagulé autour de ce moignon d’homme impe(a)nsé. Nous questionnerons comment les possibles de la fiction d’une part, décloisonnent l’enfant-soldat d’une violence insensée, reliquat ethnocentrique d’une Afrique ontologiquement barbare et, d’autre part, réfléchissent à une nouvelle voix testimoniale protéiforme, panacée d’une Humanité en dérive. Les romanciers, en transformant l’incohérence en œuvre d’art, esquissent l’ambiguïté des insignifiants de l’Histoire comme la projection intelligible des peuples qui, sur le modèle du devoir de violence, s’autoflagellent en refusant de mener un travail de mémoire et d’affronter leurs responsabilités dans les meurtrissures humaines.
Récits de guerre et voix d'enfants : paradoxes éthiques sous le signe du grotesque et de l'ironie. Une lecture de La Route des clameurs d'Ousmane Diarra et d'Allah n'est pas obligé d'Ahmadou Kourouma
Le Quellec Cottier, Christine
Cette étude est consacrée aux récits abordant les guerres civiles d’Afrique subsaharienne à travers la figure de l’enfant-soldat. Parmi l’abondante littérature africaine de langue française dédiée à cette figure, deux romans ont retenu notre attention : La Route des clameurs d’Ousmane Diarra et Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma. La raison de ce choix réside dans le travail formel singulier proposé par les deux auteurs pour approcher la thématique aussi délicate qu’actuelle de l’enfant-soldat. En effet, ces derniers usent intensément de l’ironie et du grotesque afin de confronter ludiquement le lecteur à la présence de l’enfant dans la guerre. Toutefois, la dimension ludique de leurs romans ne possède pas une visée purement esthétique, mais renferme une composante axiologique très forte. À travers l’analyse des procédés stylistiques liés à l’ironie et au grotesque, le but de ce travail est donc de démontrer que dans La Route des clameurs et Allah n’est pas obligé, la jouissance esthétique va de pair avec une réflexion d’ordre éthique.
La critique d'art chez Joris-Karl Huysmans. En quête d'un art total : du paragone des arts à la théorie baudelairienne des correspondances.
Kunz Westerhoff, Dominique
Joris-Karl Huysmans, auteur érudit et marginal de la fin du XIXe siècle, est surtout célèbre pour son roman décadent À Rebours, mais encore mal connu pour sa critique d’art, pourtant d’un intérêt majeur au vu de son innovation esthétique et stylistique. De même, peu de recherches portent sur le rapport aux sens dans ses écrits, alors même qu’il s’agit d’une dimension essentielle de son art poétique. Il suffit pour s’en assurer d’observer la structure d’À Rebours divisée en chapitres centrés autour des sens du héros Des Esseintes. Ce travail a pour projet d’étudier la critique d’art de Huysmans, ainsi que les descriptions de tableaux réels qui se déploient dans ses romans , dans la filiation de la théorie baudelairienne des correspondances. Les références à la polysensorialité, les synesthésies, les analogies et les suggestions y sont abondantes, voire omniprésentes, et il me semble que c’est par ce biais que l’auteur parvient non seulement à faire voir le tableau, mais également à le faire vivre. Huysmans joue également sur l’hybridité des genres littéraires pour subsumer les spécificités médiatiques de chaque art. Il parvient à s’inspirer de l’expérience esthétique du spectateur d’œuvres d’art et à développer une poétique de la suggestion transmédiale, afin de rivaliser avec la peinture, voire de la surpasser, dans le but d’accéder à un art total. L’un des enjeux de ce travail consiste également à inscrire cette critique d’art dans le contexte philosophique, médical et scientifique de la fin-de-siècle, marqué par les recherches psychologiques sur la suggestion motrice, notamment dans l’état d’hypnose. Pour les auteurs symbolistes, « la suggestion est le langage des correspondances » (Charles Morice) ; pour les psychologues (Janet, Ribot, Binet), comme pour le philosophe Bergson, la suggestion mentale relève aussi d’un phénomène de correspondance sensorielle, suscité en particulier par les arts. La réception de l’œuvre d’art génère une créativité motrice dans l’imaginaire. Quand Huysmans fait vivre le tableau décrit, il réagit ainsi à ses contemporains.
Transfuges sociaux : autobiographies et auto-sociobiographies, une écriture littéraire sociologiquement inscrite ?
Meizoz, Jérôme
On appelle « transfuges sociaux » des individus qui transitent d’une classe sociale à une autre. Qu’il s’agisse d’une ascension sociale ou d’un déclassement, les transfuges connaissent une mobilité sociale qui leur permet d’éprouver différents milieux sociaux, souvent contradictoires, auprès desquels ils se construisent. Considérés généralement comme des cas d’exception, les expériences qui découlent de leurs trajectoires atypiques n’ont de cesse d’interroger notre représentation du monde social.
Considérée comme une transfuge de classe, Annie Ernaux explicite sa démarche d’écriture ainsi que sa posture d’écrivaine en émettant l’hypothèse selon laquelle un texte pourrait devenir d’autant plus universel qu’il est personnel. En effet, l’auteure semble dresser, à travers son œuvre, des repères permettant de circonscrire des considérations à la fois génériques et formelles quant à la mise en récit d’une expérience liée à sa condition de transfuge social. Mais aussi d’une expérience intime dans laquelle il est possible de se reconnaître au-delà de la variété et de la particularité des histoires individuelles :
Cependant, comment envisager un tel phénomène ? Que signifie s’écrire en articulant sa vie aux structures sociales qui nous façonnent ? Qu’est-ce que ces types de mise en récit nous disent sur le monde et surtout, quelle valeur accorder à ce type de format ? N’est-ce pas une entreprise trop ambitieuse et indéniablement vouée à l’échec que de prétendre parler aux noms des autres ? Comment le récit d’une personne pourrait-il englober suffisamment d’aspects pour circonscrire un environnement social aussi complexe que le nôtre ? À l’instar des factualistes cherchant à saisir un réel qui s’échappe aussitôt qu’on pense avoir mis le doigt dessus, dans quelle mesure pouvons-nous faire surgir le social contenu dans ce qu’Annie Ernaux nomme le destin individuel ? Quels procédés textuels sont mobilisés afin de rendre compte de cette objectivation du vécu à laquelle se livre le scripteur ? De quelle manière s’opère ce mouvement qui tend à estomper son expérience intime et singulière vers des propriétés plus générales, des processus collectifs, voire sociologiques ? Autrement dit, pour reprendre l’expression d’Isabelle Charpentier, comment concevoir une « écriture littéraire sociologiquement instruite » ?
Afin de répondre à toutes ces interrogations, il s’agira dans ce travail d’observer et d’analyser, au regard de l’œuvre d’Annie Ernaux, différents récits autobiographiques d’auteurs transfuges. Une étude comparative dans laquelle je confronterai les textes de deux sociologues et de deux écrivains : l’Esquisse pour une auto-analyse (2004) de Pierre Bourdieu et Retour à Reims (2009) de Didier Eribon, ainsi que Le Chêne Brûlé (1969) de l’écrivain Gaston Cherpillod et En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Edouard Louis.
Paul Valéry (1871-1945), L’Œuvre et l’Auteur, itinéraire d’une disparition ou « l’effet Bartleby »
Escola, Marc
Ce mémoire intitulé « Paul Valéry (1871-1945), L’Œuvre et l’Auteur, itinéraire d’une disparition ou « l’effet Bartleby » » développe un questionnement entre la littérature et la philosophie sur les notions d’œuvres et d’auteurs dans le cas de l’écrivain français Paul Valéry. Il se compose de deux approches particulières : la première consiste en l’analyse d’un texte peu connu et peu ou pas commenté : Petite lettres sur les mythes (1928), dans lequel Paul Valéry propose une réflexion philosophique sur l’acte de création littéraire. La seconde est un approfondissement de la notion de résistance (Giorgio Agamben) présente dans cet acte même de création, dont la finalité est de montrer d’une part que Paul Valéry est plus un écrivain de la résistance qu’un simple poète classique, et d’autre part que cette résistance, passive, trouve un écho fertile dans le personnage de Bartleby, anti-héros moderne de la célèbre nouvelle Bartleby « the scrivener » de l’écrivain américain et auteur de Moby Dick, Herman Melville.
"Aimer est dangereux, le désir est fou, le sexe violent" : la sexualité dans les oeuvres de Catherine Safonoff"
Maggetti, Daniel
Ce travail étudie la sexualité dans les romans de Catherine Safonoff. Dans une approche transversale, il réunit un propos dispersé dans plusieurs récits : "La Part d’Esmé", "Comme avant Galilée", "Au nord du Capitaine", "Autour de ma mère", "Le Mineur et le Canari", "La Distance de fuite" et deux textes inédits, "La Fille" et "Genova". À partir des expériences vécues par les narratrices, il s’agit de reconstituer le rapport particulier de ces dernières à la sexualité. Celui-ci, complexe, est construit sur un sentiment de honte et de culpabilité fort, sur la douleur d’être indésirable, sur la sacralisation du désir et sa concrétisation, sur la présence et l’importance de l’Autre, sur la souffrance induite par les relations vécues et enfin, sur le rôle à la fois salvateur et dévastateur de l’écriture. En outre, ce mémoire s’interroge sur la position féministe éventuelle de Catherine Safonoff.
"Tristan & Yseult" d'Agnès Maupré et Singeon : étudier une adaptation en bande dessinée au gymnase.
Wahlen, Barbara
Ce mémoire propose l’analyse de la bande dessinée Tristan & Yseult d’Agnès Maupré et Singeon parue en 2017 aux éditions Gallimard. Cette adaptation créée à partir des souvenirs de sa scénariste présente un mythe réécrit de façon moderne et actualisante qui se veut fidèle à un esprit et non à un texte en particulier. Dans une perspective pédagogique, ce roman graphique a également été analysé lors d’ateliers mis en place dans trois classes gymnasiales vaudoises. En effet, la bande dessinée n’ayant qu’une faible place dans le système scolaire, nous voulions tester son efficacité lors d’une étude comparative. Alors que la bande dessinée est majoritairement utilisée en classe comme marche-pied à des sujets grammaticaux, nous verrons qu’il est également intéressant d’étudier un album comme une œuvre en soi. Cet exercice permet aux élèves d’endosser le rôle actif de lecteur-interprète.
En annexe figurent des extraits de notre correspondance avec Agnès Maupré, la scénariste.
"Les Italiens" de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, analyse d’un spectacle contemporain
Chaperon, Danielle
A travers une analyse du spectacle "Les Italiens", créé par les artistes lausannois Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, le mémoire interroge la manière dont est construite une production dramatique contemporaine. Divisée en trois étapes, l’investigation entend analyser les phénomènes à l’œuvre dans ce spectacle, ainsi que réfléchir sur les définitions pouvant être associées à une création théâtrale qui mêle différents genres et est composée d’un ensemble apparemment hétérogène d’éléments. La première partie du travail se concentre sur "Les Italiens". Ainsi, de la genèse du spectacle à une analyse dramaturgique de celui-ci, en passant par des questions de division scénique et thématique, la création théâtrale de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre fait l’objet d’une description minutieuse qui tente d’en saisir les procédés de découpage et de montage qui permettent à cette œuvre théâtrale de réaliser une « représentation émancipée » , pour reprendre l’expression de Bernard Dort. Dans la deuxième partie du travail, le spectacle analysé est inscrit dans une suite d’œuvres produites, au fil de la décennie, par Massimo Furlan avec, souvent, la collaboration de Claire de Ribaupierre. Finalement, la troisième et dernière partie sera consacrée à des propositions théoriques portant sur le spectacle contemporain. Plus spécifiquement, au vu de la diversité des matériaux employés par le metteur en scène qui fait l’objet du mémoire, il s’agit de définir dans quels courants du spectacle vivant peut être inscrite "la Compagnie Numero23Prod". et à quels genres de spectacles peut être rattaché "Les Italiens".
Société de consommation et nouveaux rapports à l'objet : les exemples d'Alain Robbe-Grillet et de Georges Perec
Caraion, Marta
Cette étude est consacrée à la manière dont les écrivains en général et Alain Robbe-Grillet et Georges Perec en particulier mettent en avant le nouveau rapport à la possession de l'objet dans un contexte précis : les débuts de la société de consommation. Parmi l'abondante littérature qui se consacre aux objets dans cette période spécifique, trois livres ont essentiellement retenu notre attention : Les Gommes et Le Voyeur d'Alain Robbe-Grillet et Les Choses de Perec. La raison de ce choix réside dans la position littéraire assumée et engagée des deux écrivains, ainsi que dans leur appréhension diamétralement opposée de l'objet. En effet, la volonté de décrire l'objet littéraire comme une chose ou un signe montre une opposition sur leur rapport à la consommation dans les années 1950-1960. De plus, le rapport déviant avec l'objet sera mis en exergue dans ce travail. En effet, la forte autonomie donnée à l'objet paraît concomitante à une perte de contrôle des personnages. À travers l'analyse de la place de l'objet dans ces textes romanesques, nous mettons en évidence une forme parallèle d'évolution sociétale et littéraire.
Rapport des surréalistes à l’œuvre de Proust : à la recherche d’un surréalisme proustien 1919-1928
Buchs, Arnaud
Aujourd’hui, l’année 1919 dans l’histoire de la littérature française marque avant tout la date d’un événement qui défraya la chronique : Marcel Proust reçut le prix Goncourt pour "À l’ombre des jeunes filles en fleurs". Même s’il fallut attendre jusqu’aux années 1960 pour que Marcel Proust fût baptisé comme étant le plus grand écrivain français du XXe siècle et que son œuvre, "A la recherche du temps perdu", devînt un des monuments de la littérature, le prix Goncourt de 1919 annonçait d’une certaine manière, pour nous qui savons la suite de l’histoire, le début de la consécration de Proust et de son roman. Au cours de la même année, André Breton, Philippe Soupault et Louis Aragon, combattants à peine démobilisés, fondent à Paris une revue intitulée "Littérature". Ayant fait la guerre, étant témoins de la boucherie, ces trois jeunes poètes remettent en question toutes les valeurs de la civilisation occidentale, en commençant par la littérature. En 1919, on assiste donc à la fois à la consécration du plus grand romancier français du XXe siècle et à la naissance du mouvement littéraire et artistique le plus important du siècle, qui déclare la guerre à la littérature, en particulier au roman, genre considéré comme inférieur. En constatant que, tant sur le plan littéraire qu’idéologique, tout sépare les surréalistes de l’auteur de "A la recherche du temps perdu", on ne s’est guère intéressé à la relation entre Proust et les trois mousquetaires du surréalisme. Cette étude se propose d’établir la relation entre Proust et ces trois fondateurs du surréalisme dans une perspective littéraire et historique. La deuxième partie du travail est consacrée à la question de l’influence, de la référence et de l’intertextualité entre les œuvres des surréalistes et celle de Proust. Est-ce possible de parler d’une influence de Proust chez les fondateurs du surréalisme, qui figurent parmi les tout premiers lecteurs de la "Recherche" ?
Traduire pour faire revivre. Xavier Hanotte (re)configure l’œuvre de Wilfred Owen
Heidmann, Ute
Ce mémoire porte sur la créativité inhérente à l’acte de traduire et sur le renouvellement d’une œuvre instigué par la pratique de la traduction. Dans son recueil, l’écrivain belge Xavier Hanotte fait résonner la voix à Wilfred Owen, un poète britannique de la Première Guerre mondiale mort durant le conflit. Grâce à un alliage inédit des poèmes d’Owen avec des extrait de sa correspondance, le traducteur offre un ouvrage en français qui dépasse les cadres usuels de la traduction. Ayant érigé Owen comme la figure centrale de son écriture, Hanotte propose une lecture entièrement nouvelle des écrits du poète. Plus encore, ce travail de comparaison démontre qu’il crée un nouvel original à partir des textes d’Owen. Ainsi, sa traduction illumine l’œuvre de Wilfred Owen autant qu’elle la complète et lui réinsuffle de la vie.
L'événement littéraire : une nouvelle culture du livre à l'échelle des territoires
Le Quellec Cottier, Christine
Comment l’histoire du livre va-t-elle de pair avec une transformation des dispositifs, des modes d’apparition, engageant à la fois l’expérience et les pratiques de lecture ? Dans quelle mesure le développement croissant des festivals et manifestations littéraires opère-t-il une reconfiguration de nos relations sociales et esthétiques à la littérature ? À partir d’un territoire, il s’agit d’appréhender l’événementiel littéraire comme un dispositif singulier en mesure de renouveler notre rapport à l’objet livre, de donner place à de nouveaux actes pour éprouver la matière littéraire autrement. L’ambition de ce mémoire ne se résume pas pour autant à dresser un état des lieux du paysage littéraire en Suisse romande ou des événements qui s’y déroulent. Il s’agit bien plus de dégager les enjeux de cet essor événementiel, tout en y liant la problématique de la gestion culturelle – attachée à des choix politiques – à une redéfinition des communautés et des territoires, dans la perspective d’un écosystème culturel.
Projet autobiographique et rapports sociaux de sexe : étude contrastive de "Mémoire de fille" d'Annie Ernaux et "Mémoires d'une jeune fille rangée" de Simone de Beauvoir
Meizoz, Jérôme
Si Annie Ernaux connaît une renommée considérable dans le champ littéraire français – ce qu’attestent la critique prolifique sur son œuvre et les nombreux colloques dédiés à son entreprise d’écriture –, aucune étude ne porte sur son dernier texte publié, Mémoire de fille (2016). Dans ce récit, elle raconte un chapitre de sa vie qui n’a pas encore fait l’objet d’une élaboration littéraire : la découverte des relations sexuelles lors de l’été 1958. Même si des allusions sont faites à cette nuit dans plusieurs de ses textes, c’est un demi-siècle après les faits qu’elle tente de reconstruire et surtout de retrouver, la réalité de la « fille de 58 », qui n’est autre qu’Annie Duchesne. L’auteure effectue de ce fait un va-et-vient entre deux temporalités, « la fille de S » (je narré) et la « femme de 2014 » (je narrant). Le titre de l’ouvrage fait fortement écho aux Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir. Malgré l’écart générationnel qui les sépare et les divergences dans l’entreprise littéraire elle-même, les deux femmes usent de la force de leur plume pour donner à voir la réalité de la condition féminine dans l’univers lettré androcentré. Figure influente pour Ernaux, la convocation du texte beauvoirien permettra d’offrir un point contrastif à l’analyse. Ce travail de mémoire se propose de réfléchir à la manière dont le matériau autobiographique pense les rapports sociaux de sexe. Le plan du travail se scinde en deux chapitres. Le premier pose les jalons du projet autobiographique en contextualisant la démarche littéraire alors que le second analyse la perception de l’autre sexe dans le récit d’existence et le pouvoir de l’écriture, capable de dévoiler les mécanismes de domination entre les sexes.
Les masculinités dans la littérature francophone extra-contemporaine. Étude d’En finir avec Eddy Bellegueule (Édouard Louis), de Faire le garçon (Jérôme Meizoz), et de Ce qu’un homme est aussi (Jean Rainscof) avec une perspective féministe et anti-masculiniste incarnée
Kunz-Westerhoff, Dominique & Cossy, Valérie
Au sein de mon étude, j’ai eu envie de questionner des éléments en lien avec les masculinités dans trois romans écrits par des hommes francophones au 21ème siècle. Pour la partie littéraire, je me suis concentré sur des textes écrits depuis la perspective d’un homme, car même si des critiques du patriarcat existent depuis des décennies, voire des siècles, des écrits d’hommes portant un regard critique sur les masculinités sont encore un fait bien trop rare. C’est pourquoi j’ai analysé les dispositifs littéraires complexes mis en place par les auteurs pour aborder cet angle mort de notre société occidentale. En ce qui concerne les études genre, mon étude s’est focalisée sur des concepts tels que le théâtre de genre, la virilité, l’androcentrisme, l’hétéronormativité, l’homophobie, la punition de genre, la culture du viol, ou bien encore la continuité entre le désir hétérosexuel et la violence. Le liant entre les pôles littéraires et sociologique est l’approche épistémologique. Pour éloigner les potentielles filiations avec les mouvements masculinistes, je précise que mon travail s’inscrit en premier lieu dans une perspective féministe, et à celle-ci s’ajoute une autre approche, celle d’effectuer des analyses avec un regard anti-masculiniste incarné. Empruntant cette notion au sociologue Léo Thiers-Vidal, j’ai trouvé sa déontologie cruciale, tant elle met en lumière les nombreux pièges possibles pour des chercheurs-hommes travaillant sur des questions de genre. Brièvement, travailler avec cette perspective veut dire être conscient de sa position vécue de dominant dans la société en tant qu’homme, et de faire état de ce biais fondamental dans notre regard analytique, afin de s’éloigner d’une prétendue objectivité, et aussi pour éviter de neutraliser les questions politiques de rapports de force entre hommes et autres individus non-hommes.
Bande dessinée et enseignement - Les adaptations des classiques en classe de littérature : prescriptions, pratiques et enjeux
Baroni, Raphaël
Longtemps jugée amorale, simpliste et populaire, la bande dessinée a parcouru un long chemin pour être aujourd’hui reconnue comme pratique culturelle légitime. Pourtant, et alors même que ses vertus pédagogiques sont largement admises, sa place au sein de l’enseignement reste questionnée : à quelle branche doit-elle être rattachée ? Est-elle un objet d’abord visuel ou avant tout textuel ? Quel corpus faut-il enseigner ? Et comment ? Est-il « sérieux » d’étudier la BD en classe ? Comment contourner les contraintes matérielles (coûts des albums, format, etc.) ? L’histoire des liens entre école et bande dessinée montre la difficulté de répondre à ces questions, difficulté qui trahit elle-même la relation problématique entre bande dessinée et littérature, entre un art qui peine à trouver sa place au sein de l’enseignement obligatoire et un autre qui se repose sur une hégémonie induite de longue date. Ce mémoire propose de soulever ces différentes questions en s’intéressant d’abord à l’histoire de la BD en classe à travers l’étude des programmes scolaires français, depuis la loi de censure de juillet 1949 jusqu’à nos jours. Cet historique montre qu’un écart existe et perdure entre les prescriptions officielles et les pratiques réelles des enseignants. La deuxième partie de ce mémoire explorera ensuite quelques pistes potentielles pour l’intégration d’une approche de la bande dessinée plus didactisée, par le biais par exemple des adaptations des classiques de la littérature. Enfin, il proposera quelques exemples d’utilisation pédagogiques de la BD, tirées d’expériences personnelles.
Jules Verne : la compétition et les machines dans trois romans
Kunz Westerhoff, Dominique
et Dünne, Jörg (Université Humboldt, Berlin)
Les machines des romans de Jules Verne sont pensées comme des aboutissements de formes de compétitions. C’est le postulat que nous explorons dans ce mémoire à travers trois œuvres : Vingt mille lieues sous les mers, Robur-le-conquérant et Maître du monde. Nous analysons différents types de compétitions présentes dans ces ouvrages : jeu, course au progrès, concurrence économique et guerre national. Mais qu’est-ce qui pousse les compétiteurs verniens ? Progrès moral ou vanité ? La science, centrale aux machines, fait office de juge et aura peut-être une réponse… ou n’est-elle qu’un trophée de plus ?
Notre premier chapitre s’intéresse à la dimension sociale et spectaculaire de la compétition. Elle sert d’accroche au lecteur et possède une dimension narratologique. Elle inclut de plus une question d’appartenance et oppose des groupes. Les équipages des machines sont ainsi comparables à des clubs, des nations voire à des utopies sociales. Notre deuxième chapitre aborde les limites et conditions de la compétition en ciblant d’abord les extrêmes qui menacent et questionnent l’existence de notre sujet de recherche, notamment isolements et massacres insensés. Nous pointons ensuite l’importance de la science dans ces affrontements, elle constitue une base d’entente et un but : la découverte sous toutes ses formes. Au final, nous abordons les règles, juges et témoins à l’œuvre dans les compétitions. Dans notre quatrième et dernière partie nous explorons les formes que prennent les affrontements qui opposent les machines et la société. Ces compétitions font rage sur les terrains suivants : exploits géographiques, distinction bourgeoise, œuvres de civilisation et finalement comparaison de savoirs encyclopédiques.
« Le topos de l’atelier » dans la littérature du XIXe siècle : Rôles des objets de l’atelier : les cas de Manette Salomon des frères Goncourt, de L’Œuvre d’Émile Zola et de La Femme pauvre de Léon Bloy
Caraion, Marta
Ce travail de mémoire étudie le topos de l’atelier d’artiste dans la littérature du XIXe siècle au travers de l’examen de trois œuvres : Manette Salomon d’Edmond et Jules Goncourt, l’Oeuvre d’Émile Zola, et la Femme Pauvre de Léon Bloy. L’analyse porte sur les rôles des objets de l’atelier dans la narration. L’atelier, comme espace dans la ville, est lui-même analysé en tant qu’objet. Cette étude, qui analyse les adresses d’ateliers exposées dans les récits, met en évidence une sémiotique de la cartographie des ateliers. Puis, elle étudie les aménagements des ateliers d’artistes. La description de l’atelier permet dans Manette Salomon et L’Œuvre de brosser le portrait de l’artiste. L’agencement descriptif mis en place dans ces romans met en évidence le système de valeurs des personnages et plus largement un système de pensées sur l’art. À contre-courant, chez Bloy, les objets servent d’intermédiaires privilégiés pour mettre à jour les desseins divins. Enfin, ce mémoire interroge la fonction des objets de l’atelier dans l’organisation du système narratif de ces romans. Il s’agit de montrer que ceux-ci tissent des fils narratifs qui dépassent leur rôle référentiel. Dans Manette Salomon et de L’Œuvre, l’atelier devient le lieu où se joue une lutte de pouvoir, d’abord entre les personnages eux-mêmes, puis entre les personnages et les objets.
Théâtre contemporain et adolescent·e·s : comment aborder leur pratique spectatorielle à la lumière de la médiation culturelle ?
Chaperon, Danielle
Ce travail vise à reconsidérer la réception du théâtre contemporain à l’aune de la médiation culturelle. Il se focalise sur les adolescent·e·s dans l’optique de les initier à une pratique de spectateur·rice·s émancipé·e·s, d’après le concept de Rancière. La pensée du philosophe fait office de base théorique sur laquelle se construit une proposition d’atelier de médiation culturelle avec une classe de Secondaire II.
Mais pour introduire cela, une analyse du contexte socio-culturel et historique, dans lequel s’inscrit le théâtre contemporain, en Europe et plus particulièrement en Suisse, livre des pistes sur les raisons d’un éventuel éloignement de certain·e·s citoyen·ne·s des salles de spectacle. Il est aussi question de replacer le rôle de l’école dans le réseau d’influences des adolescent·e·s et de questionner sa mission éducative concernant le domaine du théâtre sous sa forme spectaculaire et non littéraire.
Des conclusions de cette analyse, une sélection d’outils conceptuels est faite à partir du champ de la médiation culturelle. Ceux-ci servent à enrichir et concrétiser l’apport de Rancière dans le but de livrer, en fin de mémoire, une proposition concrète prête à être appliquée à un spectacle. Cette proposition inclut sommairement les enjeux administratifs et financiers et se concentre sur le contenu et la structure des ateliers proposés en présence des adolescent·e·s.
Finalement, ce mémoire espère proposer un regard qui invite à questionner les normes intériorisées liées à la réception et reconsidérer positivement la possibilité d’un théâtre contemporain qui s’adresse à tout le monde.
Ecrits sur la mère, Albert Cohen, Romain Gary et Jérôme Meizoz, Analyses comparatives
Heidmann, Ute et Olah Muanasaka, Myriam
L’étude des « écrits sur la mère » et la représentation de la relation mère-fils soulève de nombreuses questions auxquelles les auteurs ont dû précédemment répondre par leur travail d’écriture. Quels choix textuels ont-ils opérés ? Quelles scénographies sont mises en place ? Sommes-nous face à des autobiographies, autofictions ou d’autres pratiques et formes génériques ? Comment chaque narrateur représente-t-il le langage familial dans lequel il a évolué enfant ? Comment représente-t-il la relation qu’il entretient avec sa mère ? Et quel est l’impact de cette dernière sur leur processus d’écriture ?
Dans ce mémoire de master, je m’attacherai à analyser comparativement dans cette optique quatre ouvrages de trois auteurs différents : Le livre de ma mère (1954) et Ô vous, frères humains (1972) d’Albert Cohen, La promesse de l’aube (1960/1980) de Romain Gary et Morts ou vif, Supplément aux lois de la succession, récits (1999) de Jérôme Meizoz.
Pour mener mon analyse, je vais avoir recours une comparaison différentielle et dialogique afin d’étudier mes textes en comparaison. Pour ce faire, je vais aborder les questions de scénographie, d’« inscription générique », de mise en iconotexte ainsi que le dialogisme interdiscursif des représentations suivantes : le langage d’enfance, la relation mère-fils et l’impact maternel sur le processus créatif du fils.
L’analyse comparative montrera alors que les trois auteurs mettent en œuvre des procédés significativement différents pour remémorer et décrire le langage d’enfance, la figure maternelle et l’influence de cette dernière sur leur écriture. Grâce à cette perspective dialogique, la complexité de la construction de ces œuvres sera mise en valeur.