Créolité de l’écriture et écriture de la Créolité - Ecriture de soi et écriture méta-poétique dans "Une enfance créole", "Eloge de la Créolité" et "Ecrire en pays dominé" de Patrick Chamoiseau
Heidmann, Ute
Cette monographie analyse les trois opus d’"Une enfance créole" à travers le prisme de la comparaison différentielle, dont elle suit les principes méthodologiques. Elle est le fruit d’une lecture attentive ("close reading") des textes. Les approches de l’analyse du discours et de la narratologie sont mises en regard afin de dégager la complexité et la cohérence des œuvres au corpus. Des considérations empruntées à la phénoménologie herméneutique complètent également cette analyse. Sont discutés plus particulièrement la paratopie de l’écrivain et de la littérature créole, la mise en texte, la généricité de la trilogie, les aspects liés à la temporalité et à la spatialité, les modalités scénographiques et énonciatives, la mise en langue et le dialogisme intertextuel. Les représentations de l’enfant et les références à l’adulte font l’objet d’une attention particulière visant à mettre en évidence le rôle de la mémoire et de l’imagination dans la construction de l’identité narrative, ainsi que leur alchimie. Cette étude montre non seulement comment certains traits de l’identité créole – en particulier les stratégies de résistance développées au temps de l’esclavage – sont mis en valeur dans l’écriture, mais aussi de quelle manière l’écrivain mobilise dans son œuvre l’actif relationnel des langues, des cultures et des peuples. Elle interroge finalement la manière dont se dessinent et s’articulent l’ethos du peuple créole et l’ethos de l’écrivain, en examinant la fonction de certains embrayeurs paratopiques.
Pouvoirs de femmes et femmes de pouvoir : construction et représentation des héroïnes dans les trilogies La Quête d’Ewilan, Les mondes d’Ewilan et Le Pacte des Marchombres de Pierre Bottero
Wahlen, Barbara
Ce travail de mémoire de master s’intéresse à la construction des personnages d’Ewilan et d’Ellana, héroïnes des trilogies de Pierre Bottero, La Quête d’Ewilan (2003-2006), Les Mondes d’Ewilan (2004-2005), et Le Pacte de Marchombres (2006-2008). Nous avons utilisé pour ce faire la thématique du pouvoir (tant magique que d’influence) afin de montrer à quel point celui-ci était important à la fois dans la construction narrative des personnages, mais également pour l’identification des lecteurs visés, à savoir les jeunes adolescents. Nous avons tout d’abord analysé les illustrations des couvertures ainsi que les incipits des neufs tomes, qui sont les premiers supports offerts au lecteur lui permettant l’identification. Puis nous nous sommes intéressée plus spécifiquement à la nature des pouvoirs des deux héroïnes, à leur découverte et à leur maîtrise, ainsi qu’à leur influence sur leurs relations avec les autres personnages. Finalement, il nous semblait important d’aborder les difficultés que rencontrent les héroïnes : défaillance physique ou magique, remise en question et moment de doute participent tout autant à la construction des personnages en leur donnant une « profondeur » psychologique, et permettent également au lecteur de se sentir plus proche d’un personnage rendu accessible par ses faiblesses. Le mémoire comporte en annexe un entretien exclusif avec l’illustrateur des premières éditions de La Quête d’Ewilan, Les Mondes d’Ewilan, Le Pacte de Marchombres, Jean-Louis Thouard, avec lequel nous avons pu évoquer sa perception des personnages, le processus de mise en illustration, ainsi que sa relation avec Pierre Bottero.
Imaginaire énonciatif et textuel du jeune lecteur. De Vendredi ou les limbes du Pacifique (1967) à Vendredi ou la vie sauvage (1971), de Michel Tournier
Mahrer, Rudolf
Dans une perspective de génétique post-éditoriale, ce mémoire étudie le travail de réécriture effectué par Michel Tournier pour transformer son roman Vendredi ou les limbes du Pacifique (1967) en un texte pour enfants : Vendredi ou la vie sauvage (1971). Anticipant – et, ce faisant, imaginant – ce qui plaira au jeune lecteur, ce qui est nécessaire à sa compréhension de l’histoire et ce que celle-ci doit lui apprendre, l’écrivain modifie son roman. Or, cet imaginaire, qui change le texte, peut être reconstitué à partir de celui-ci.
Dans le premier chapitre du mémoire, consacré aux éléments morpho-syntaxiques et lexicaux, nous analysons la réduction de la longueur et de la complexité des unités syntaxiquement autonomes (clauses), ce qui modifie les phrases ; nous interprétons les remplacements de certains lexèmes, qui témoignent d’une volonté d’adapter les mots du texte au vocabulaire supposé des enfants. Adoptant un point de vue énonciatif, nous observons, dans le deuxième chapitre, que le narrateur de Vendredi ou la vie sauvage est pédagogue et que le destinataire du texte est agentifié – ceci dans le but d’inclure le lecteur à la narration. La partie suivante est consacrée aux changements compositionnels : le chapitrage de Vendredi ou les limbes du Pacifique disparaît – ne subsiste qu’une séparation en sections – et des illustrations apparaissent. Aussi, la séparation et la présentation du texte sont adaptées aux compétences prêtées, par Tournier, aux enfants. Dans le quatrième chapitre du mémoire, nous envisageons les aspects thématiques du roman pour enfants : aux personnages, adultes, sont conférés des actions et des traits de caractère enfantins, afin, dans l’esprit tourniérien, de favoriser l’identification du lecteur aux héros. Enfin, dans la dernière partie, nous nous intéressons au mouvement inverse de réécriture : dans la réédition en 1972 de Vendredi ou les limbes du Pacifique, Tournier insère et modifie, par rapport à l’image qu’il a des lecteurs adultes, deux passages qu’il avait d’abord écrits pour les enfants.
Instagram et placements de produit: une nouvelle manière de penser la publicité ?
Burger, Marcel
Alors que le métier d’influenceur fleurit sur les réseaux sociaux, Instagram est la plateforme la plus utilisée pour faire la promotion de nouveaux produits. Instagram se singularise par le dynamisme qui est véhiculé. En effet, la plateforme offre aux influenceurs la possibilité de publier des stories dans lesquelles ils se filment en train d’adresser un discours à leurs abonnés. Les énoncés peuvent prendre la forme de discours publicitaires, dans la mesure où l’influenceur fait la promotion d’un ou plusieurs produits. Bien que le placement de produit existe à travers le petit et le grand écran, il devient digital. Les influenceurs construisent un discours publicitaire sur Instagram en vantant les qualités des produits présentés, et n’hésitent pas à les tester lorsque cela leur est possible. Les stratégies de communications mises en place par les influenceurs possèdent toutes la même finalité : inciter le consommateur potentiel à réaliser un acte d’achat.
Pour mener à bien ce travail, nous adopterons une approche multimodale de l’analyse des discours. En d’autres termes, les traits linguistiques, non-linguistiques et paralinguistiques des énoncés seront étudiés afin de faire ressortir les stratégies communicationnelles mises en place par l’influenceur. Les résultats obtenus démontrent que l’influenceur cherche à construire une image d’expert. Par ailleurs, il semble que la catégorie auquel appartient le produit présenté a une influence sur le discours publicitaire de l’influenceur.
Nous est un autre. La narration à la quatrième personne
Philippe, Gilles
Phénomène rare dans la littérature de langue française, la narration à la quatrième personne n’en demeure pas moins attestée. Des Éoliennes (1971) de Pierre Silvain à Après le monde (2020) d’Antoinette Rychner, plusieurs romanciers ont ainsi choisi le nous (ou le on), pour tisser l’histoire de groupes restreints ou de communautés. Pour autant, à ce jour, peu d’études ont porté sur les spécificités stylistiques et les enjeux thématiques de ces récits portés par une voix plurielle. Cet essai s’y emploie donc, plaidant pour la reconnaissance de ce type de narration comme étant différent du récit à la première personne (ou homodiégétique), à partir de l’analyse de quelques textes qui mobilisent un nous narrant sans aucune occurrence d’un je auquel le rattacher. À l’image de l’ambiguïté référentielle propre au pronom, les situations narratives qui y ont recours de façon systématique appellent ainsi plusieurs lectures possibles, selon la perspective que l’on choisira d’adopter. Du postulat d’un locuteur unique et anonyme à l’invention du narrateur pluriel, en passant par l’hypothèse polyphonique, nous tenterons de voir comment nos modèles narratologiques résistent à l’épreuve de la narration collective.
Communication et rituels funéraires numériques : Facebook comme nouvel espace pour redéfinir les liens avec les morts et le travail de mémoire
Burger, Marcel
Ce travail de mémoire prend pour objet d’étude l’utilisation du réseau social Facebook dans le contexte d’un deuil. Plus précisément, nous analysons les messages publiés sur le mur personnel de deux défunts afin de faire ressortir les différentes visées communicationnelles, les formes d’expression et les caractéristiques rituelles de cette pratique funéraire.
L’hypothèse défendue ici est que les endeuillés, dont les messages sont essentiellement adressés au défunt, ont recours à Facebook dans le but de communiquer avec ce dernier et de maintenir ainsi une relation continue et significative avec lui. L’analyse fait ressortir trois objectifs communicationnels principaux. Rendre hommage au défunt permet aux endeuillés d’actualiser le nouveau statut social de la personne décédée, mais aussi de donner du sens à la séparation et à la mort. Les survivants utilisent Facebook afin d’exprimer leurs émotions liées à la perte : le partage de phénomènes affectifs similaires permet aux endeuillés de former une communauté émotionnelle, de créer des liens entre eux et avec le défunt. Finalement, Facebook est utilisé afin d’entretenir collectivement la mémoire du défunt, à travers le partage de souvenirs et lors de moments commémoratifs.
En somme, ces différentes pratiques d’écriture maintiennent le défunt dans un nouveau mode d’existence et les endeuillés, à travers la communication avec le mort, poursuivent ainsi leur relation avec lui.
Utopie afrofuturiste : l’hybridité en question dans Rouge Impératrice de Léonora Miano
Le Quellec Cottier, Christine
Ce mémoire s’intéresse au roman "Rouge Impératrice" de l’auteure franco-camerounaise Léonora Miano. En propulsant le lecteur en 2124 dans une Afrique futuriste, Miano propose un récit d’anticipation qui renverse l’ordre établi et les rôles assignés entre Afrique et Europe. Dans un premier temps, ce travail rattache le roman de Miano à l’Afrofuturisme. Né aux États- Unis dans les années 1960, ce mouvement artistique décolonial veut renouveler les imaginaires et rendre compte d’une expérience noire trop souvent invisibilisée.
A travers l’étude des personnages et des différentes stratégies d’écriture, ce mémoire aborde ensuite le concept d’hybridité identitaire, largement discuté dans le roman. Enfin, cette recherche se penche sur le contexte d’édition et les difficultés liées à la publication d’une œuvre « subsaharienne » en France.
La place du Théâtre de l'opprimé d'Augusto Boal dans le théâtre contemporain: d'un spectateur émancipé à un spectateur immergé
Doudet, Estelle
et Escola, Marc
Sur la scène théâtrale contemporaine, le spectateur.rice est souvent enjoint à participer à la représentation en (inter)agissant avec les acteurs.rices sur scène, rendant la délimitation entre la scène et la salle parfois peu évidente. Le lexique employé dans les descriptifs de ces pièces, leurs revendications politiques et le dispositif déployé font échos, parfois explicitement, au Théâtre de l'opprimé d'Augusto Boal, metteur en scène brésilien exilé en France. Son théâtre a pour but d'émanciper le spectateur.rice en lui donnant la possibilité de devenir acteur.rice. Afin de comprendre le lien entre cet auteur et le théâtre contemporain, une première partie du travail est consacrée à l'implantation prometteuse du Théâtre de l'opprimé en France dans les années 70 jusqu'à son cantonnement dans les années 1980 à un théâtre socio-éducatif. Dans un deuxième temps, une analyse de deux pièces présentées au théâtre de l'Arsenic, C'est le silence qui répond d'Yves-Noël Genod et Invisble d'Yan Duyvendack est proposée.
La construction de l'ethos dans les récits du pouvoir : l'usage de l'interrogative chez Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy
Merminod, Gilles
Ce mémoire propose d’analyser d’un point de vue linguistique un objet traditionnellement appréhendé d’un point de vue sociologique : le livre politique. S’il est établi que ce dernier est un moyen pour les politiques de construire une image de soi favorable (à des fins électorales notamment), une analyse linguistique permet de rendre compte des stratégies discursives déployées dans cette optique. En prenant pour observable la forme interrogative, ce travail, ancré dans le champ de l’analyse du discours, étudie ainsi l’articulation entre ethos et formes discursives dans les récits du pouvoir de Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy.
L’analyse de séquences comprenant des interrogatives dans deux livres de Bruno Le Maire (Des Hommes d’État, 2007 ; Jours de pouvoir 2012), révèle comment celui-ci déploie dans ses récits un ethos de spectateur, se montrant impuissant et désabusé face au monde politique.
A contrario, l’analyse des interrogatives chez Nicolas Sarkozy montre que leur emploi, marqué notamment par un recours massif aux interrogatives rhétoriques, contribue dans Le Temps des Tempêtes (2020) à la construction d’un ethos de force et de pugnacité conforme à son statut de Président.
À partir de ces deux études de cas, ce mémoire tente ensuite d’établir une typologie des fonctions des interrogatives dans les récits du pouvoir, notamment en dégageant leurs effets en termes d’ethos. Il propose également d’opérer une distinction entre ethos global et ethos local pour affiner l’analyse de l’ethos et affirme la nécessité de prendre en compte la dimension expérientielle des récits du pouvoir pour y appréhender la construction de l’image de soi. Enfin, une réflexion est menée sur la complémentarité des approches linguistique et sociologique pour étudier les livres politiques.
A la lettre : lettrage et narration dans la "Salammbô" de Philippe Druillet
Corbellari, Alain
Certaines adaptations de classiques littéraires en BD semblent soumises à la littérature. Elles s’effacent derrière ce qu’elles mettent sous les yeux. D’autres manifestent une posture plus complexe dans la mesure où elles se tiennent comme en face du texte-source, donnant à voir et à déchiffrer des degrés variables d’engagement des codes et des conventions de la bande dessinée dans l’expression d’une relation moins servile à l’œuvre adaptée. La "Salammbô" de Druillet est l’une de ces adaptations et il s’agira d’étudier et de mettre en perspectives les effets générés par son lettrage au sein de la narration. Ce travail doit beaucoup à "Traces en cases : travail graphique, figuration narrative et participation du lecteur" (1993), un ouvrage dans lequel Philippe Marion avance la notion de graphiation. Elle permet, dans perspective orientée vers la réception de la bande dessinée, de lier au sein du geste narratif le texte/lettrage au dessin en pensant la question du style graphique.
Poétique et mise en scène d'une écriture de la mémoire familiale et du deuil dans le "Carnet de notes" de Pierre Bergounioux.
Lachat, Jacob
Ce travail propose d’analyser le journal personnel de l’écrivain Pierre Bergounioux. Depuis les années quatre-vingt, l’écrivain contemporain garde trace de son quotidien en annotant ses faits et gestes dans un journal. Dès 2016, ces écrits font l’objet d’une publication aux éditions Verdier sous le titre "Carnet de notes". Nous proposons d’en analyser le contenu en réfléchissant à une notion intrinsèque au genre diaristique : l’intime. Nous interrogerons cette notion à travers deux séquences du journal liés aux parents de l’écrivain. Ces passages rendent visible une écriture de la mémoire familiale sous la forme d’une poétique du deuil. Cet axe nous permettra d’interroger le rapport de l’écrivain au temps et d’en saisir une dimension invisible : celle de l’écriture du présent.
Le roman d'apprentissage africain francophone au défit du récit de soi. Voix et figures d'enfants dans "L'enfant noir" de Camara Laye, "Une vie de boy" de Ferdinand Oyono, "L'Aîné des orphelins" de Tierno Monénembo et "Petit Piment d'Alain Mabanckou".
Le Quellec Cottier, Christine
Nous souhaitons, dans ce travail, questionner les enjeux d’une narration à la première personne sur des récits affiliés à la catégorie du roman d’apprentissage grâce à l’étude de quatre romans issus de la littérature d’Afrique subsaharienne d’expression française : "L’Enfant noir" de Camara Laye (1953), "Une vie de boy" de Ferdinand Oyono (1956), "L’Aîné des orphelins" de Tierno Monénembo (2000) et "Petit Piment" d’Alain Mabanckou (2015). Ce corpus, qui s’étend de la période coloniale jusqu’aux différentes guerres civiles et génocides d’après les Indépendances, illustre la dégradation du modèle du roman d’apprentissage. La scénographie africaine, et plus précisément les contextes politiques violents, conduisent à la prise de parole à la première personne d’une catégorie spécifique d’individus : les enfants. Le récit de soi porté par des voix d’enfants implique une appréhension particulière du monde guidée par le "pathos" des personnages qui met à mal les caractéristiques du roman d’apprentissage ainsi que sa temporalité et son énonciation.
Deux façons d’articuler mémoire historique et mémoire individuelle : Patrick Chamoiseau et Laurent Gaudé
Heidmann, Ute
Le présent travail analyse les divers enjeux relatifs à la mise en scène de la mémoire respectivement déployées dans plusieurs œuvres de Patrick Chamoiseau (Antan d’enfance, Chemin-d’école, A bout d’enfance, Ecrire en pays dominé), mises en comparaison avec des poèmes et récits de Laurent Gaudé (De sang et de lumière, Nous, l’Europe. Banquet des peuples, Paris, mille vies). Les œuvres de ce corpus sont analysées par le biais d’une comparaison « discursive, différentielle et dialogique », élaborée dans les travaux de la comparatiste Ute Heidmann.
Partant de la notion de scénographie définie par le linguiste Dominique Maingueneau et postulant que « quand l’écriture littéraire évoque la mémoire, elle la met en scène », le présent travail montre comment les œuvres du corpus choisi construisent leurs scénographies par le biais de modalités discursives particulières qu’il s’agit d’étudier et de mettre en dialogue.
Partant également de l’observation que Patrick Chamoiseau et Laurent Gaudé articulent tous deux de façon significative « mémoire individuelle » et « mémoire historique », le premier chapitre analyse et compare leurs façons respectives de prendre en charge l’Histoire à la première personne. Dans un second temps, l’analyse comparative met en évidence comment les deux auteurs témoignent d’un engagement éthique et politique, sur la nécessité de (se) raconter et de (re)mettre sur le devant de la scène des figures de l’Histoire reléguées dans l’ombre.
Dans un troisième temps, le présent travail met en lumière les façons respectives de Chamoiseau et de Gaudé d’articuler leurs quêtes identitaires avec les bouleversements socio-politiques vécus. L’expérience de l’errance et de la dérive, ainsi que le déploiement de récits et poèmes polyphoniques opèrent par ailleurs ce que l’on peut appeler une « reconfiguration générique », dont la présente étude cherche à faire apparaître les saillances.
Enfin, l’analyse comparative se conclut par l’analyse de la dialectique entre mémoire personnelle et mémoire historique, en focalisant plus particulièrement sur l’écriture de l’enfance, telle qu’elle est pratiquée par Patrick Chamoiseau. Laurent Gaudé, en ancrant son héritage familial dans la collectivité, mobilise également cette dialectique, tout comme il prend appui sur sa mémoire personnelle pour accéder à une mémoire historique.
Narrations indiciaires : sur les traces de la Shoah. Fonctions d'objets dans les récits du XXIe sur l'Holocauste.
Caraion, Marta
Ce mémoire de maîtrise universitaire porte sur quatre récits autobiographiques publiés au XXIe siècle dans lesquels les auteurs entreprennent de restituer la mémoire d’individus qui ont vécu la Shoah à partir d’objets leur ayant appartenu : "Comment j’ai vidé la maison de mes parents" (2004) de Lydia Flem, "Sur la scène intérieure : faits" (2013) de Marcel Cohen, "209 rue Saint-Maur Paris Xe : autobiographie d’un immeuble" (2020) de Ruth Zylberman et "Des harengs aux cerises (2020)" de Régine Poloniecka. En effet, le lien indiciel qui rattache les disparus à leurs traces matérielles confère à ces dernières une propriété mémorielle dont les écrivains tirent parti dans le but d’évoquer leur souvenir. Cette attention singulière qui est accordé à la trace et au détail dans les œuvres de mon corpus m’amène à convoquer l’approche indiciaire théorisée par Carlo Ginzburg qui est une méthode de recherche considérant que les traces sont signifiantes et que leur interprétation permet de reconstruire un sens et une réalité qui seraient inaccessibles autrement. Or, ce sont les traces matérielles laissées par les victimes et rescapés de l’Holocauste qui permettent à Flem, Cohen, Zylberman et Poloniecka de reconstituer, sous la forme d’un récit, les trajectoires biographiques de ces individus en narrant des souvenirs et des anecdotes à leur sujet. Dès lors, il est nécessaire de s’interroger sur la manière dont un récit complet de soi (ou de l’Autre) parvient à se constituer à partir de traces matérielles et de traces mnésiques. Ce travail propose ainsi de déterminer dans quelle mesure le schéma indiciel tel que défini par Ginzburg est un socle méthodologique et affectif pour restituer la mémoire de la Shoah d’une part, et de mettre en lumière les fonctions remplies par les objets dans ces projets de restitution des mémoires individuelles d’autre part.
Guenièvre, entre procès et réhabilitation : une figure de pouvoir à travers les siècles
Wahlen, Barbara
Ce travail a pour ambition d’apporter un nouvel éclairage sur la figure de Guenièvre au travers de l’étude conjointe du "Chevalier de la Charrette" de Chrétien de Troyes, de "La Fausse Guenièvre" de l’auteur anonyme, du poème de William Morris, intitulé "La Défense de Guenièvre", du roman "Guinevere : la Dame Blanche" de Jean-Louis Fetjaine ainsi que des nouvelles "Une légende est née" de Nicolas Cluzeau et "Le meilleur d’entre eux" de Lionel Davoust. L’étude des procès, mais plus largement, de la découverte de l’adultère montrent les failles du pouvoir d’Arthur. En déstabilisant le règne de son époux par sa relation adultère, la figure féminine révèle son propre pouvoir et dépasse le statut de desiderata dont la critique et les lecteurs l’ont affublée. Cette caractéristique repose sur les composantes de son identité transfictionnelle ; son statut d’amante et de reine et se manifeste déjà dans les œuvres du Moyen Âge.
La construction de la figure du savant au XVIIIe siècle : la querelle entre Pierre Bouguer et Charles-Marie de La Condamine
Chaperon, Danielle
Ce travail de mémoire s’intéresse à la controverse ayant impliqué deux membres de l’Académie royale des Sciences de Paris, Pierre Bouguer (1698-1758) et Charles-Marie de La Condamine (1701-1774), à leur retour d’une expédition géodésique à l’Équateur. En s’appuyant, dans le cadre d’une recherche interdisciplinaire, sur des outils provenant de différents champs du savoir (rhétorique, analyse du discours, linguistique pragmatique, sociologie des controverses et narratologie), cette étude procède à l’examen des récits relatant ce voyage dans le but de déterminer comment les académiciens se sont mis en scène en tant que « savants » dans leurs textes, en regard des exigences spécifiques à l’espace de discussion dans lequel ces relations sont publiées. Pour expliciter la manière dont se construisent ces représentations et les raisons ayant permis le triomphe de La Condamine, cette étude s’attache à comparer le « style » des deux académiciens à travers l’examen de phénomènes à la fois micro et macro-linguistiques, afin de mettre en évidence les innovations formelles, stylistiques et narratives introduites par La Condamine dans le but de reprendre l’ascendant sur son rival en captant l’attention d’un lectorat plus étendu que celui des seuls pairs. L’analyse montre également le déploiement progressif, sous la plume de La Condamine, des linéaments d’une figure de savant plus pragmatique et investi dans le monde que ne l’était son confrère, posant ainsi les jalons d’une bipartition devenue effective dans les premières lueurs du XIXe siècle entre deux modèles : d’une part les savants s’adressant plutôt (pour ne pas dire uniquement) à leurs pairs, et, d’autre part, les savants « vulgarisateurs » ayant réalisé que la science ne devait désormais plus se faire hors du monde, mais au cœur même de la société et avec le concours du public mondain.
Le paysage originel dans le roman contemporain en Suisse romande. Identités nationales et transnationales chez Adrien Pasquali et Bruno Pellegrino
Rodriguez, Antonio
Ce mémoire se propose d’étudier les changements dans la manière de représenter l’identité dans la production romanesque en Suisse romande entre les années 1980 et aujourd’hui. Le passage d’une logique régionale de sélection des œuvres de référence, promue dans les années 1960-1970, à une logique « transnationale », aujourd’hui clairement privilégiée, y est analysé à partir des œuvres de deux auteurs de générations différentes, Adrien Pasquali (1958-1999) et Bruno Pellegrino (1988-). Le travail s’appuie sur la notion de « paysage originel », théorisée par Antonio Rodriguez pour la poésie lyrique, et qui désigne, selon ses mots, un « paysage privilégié, constitutif d’une identité ». En articulant lien au paysage et représentation de l’identité, cette notion, après avoir été adaptée au genre romanesque, permet d’analyser la manière dont les deux auteurs perçoivent leur appartenance plurielle. Si Pasquali, qui ressent l’exil de ses parents comme une blessure originelle, amorce l’ouverture au « transnational » en cherchant à se constituer un lieu de parole entre le français et l’italien, sa démarche reproduit encore, au sein de l’entre-deux, une logique d’identification régionale à la littérature romande. Trois décennies plus tard, chez Pellegrino, l’appartenance plurielle est assumée. L’identification à un lieu reste importante mais ce dernier s’inscrit désormais au sein d’un réseau d’échanges culturels transnational, évitant par ailleurs certains écueils de la mondialisation.
Jeanne d’Arc dans le théâtre québécois (1953 à 1984) : Un ancien mythe pour les luttes du Nouveau Monde
Le Quellec Cottier, Christine
Jeanne d’Arc dans le théâtre québécois : pour la plupart des lecteurs francophones, la formule suscite probablement l’étonnement. Comment comprendre la présence de l’héroïne française dans cette littérature du Nouveau Monde ? Pourtant, la figure johannique a fait l’objet de plusieurs pièces québécoises originales, qui n’ont – jusqu’à présent – pas été prises en compte par la critique : « La Petite Fille en Rouge » [1953], « Jehanne, Fille de Dieu » [1972] du Père Gustave Lamarche, « T’es pas tannée, Jeanne d’Arc ? » [1969] de la troupe le Grand Cirque Ordinaire et « Les Paradis n’existent plus... Jeanne d’Arc » [1984] d’Alice Ronfard. Comment l’héroïne y est-elle construite ? Alors même qu’une trentaine d’années sépare la première et la dernière œuvre, elles mettent toutes en scène une Jeanne d’Arc « historique », à savoir un personnage médiéval, français et chrétien, vivant ou relatant des événements connus de l’histoire johannique ; un choix dramaturgique surprenant lorsque l’on s’intéresse au paysage théâtral franco-canadien de la seconde moitié du XXe siècle. Celui-ci présente en effet plutôt « les forces en lutte dans la société québécoise » à travers la famille. Comment, dans cette disposition, les dramaturges présentent-ils l’héroïne française ? Pourraient-ils tout de même la mobiliser pour représenter les forces en lutte dans le contexte canadien français ? Dans cette recherche, nous observerons la manière dont les auteurs font appel à la figure johannique « d’origine » afin d’aborder leur propre contexte historique. Après cette analyse, nous espérons que le lecteur comprendra mieux la place de l’héroïne johannique dans le théâtre québécois, qui suscitera probablement… moins d’étonnement.
« C’est là que je me tiens vraiment : à l’eau, dérivant. » Poétique du ressac et hybridation du sujet dans l’œuvre romanesque de Bertrand Belin
Caraion, Marta
En amont de ce travail, il y a une découverte littéraire, celle de l’œuvre de Bertrand Belin. Nous invitons avant tout à la lire et d’y trouver, comme ce fut le cas pour nous, une joie renouvelée à la littérature.
Dans ce travail, nous avons constitué une poétique du ressac qui permet de fédérer ces textes si différents sous un même lieu ; l’hydrotope. La poétique du ressac rend compte de la construction diégétique singulière de ces œuvres où l’intrigue peine à se nouer et dans lesquelles des éléments thématiques et syntaxiques font revenance. De même, elle est un outil fécond pour l’analyse de l’intériorité́ des personnages. Il y a leur univers psychique, bloqué par un événement traumatique, mais aussi leur impossibilité de se constituer en individu. Cela se révèle par l’étude des monologues intérieurs ; ils révèlent en effet un empêchement du langage autant que de la pensée. De plus, ils mènent à repenser la notion d’intériorité au prisme non plus du sujet cartésien conçu comme stable et clôturé, mais bien comme une création constante, une interface entre l’extériorité – l’environnement social et biotopique – et l’intériorité qui n’existe pas sans son lien au vivant. Dans une première étape de réparation, un dépôt sur la page aide à remédier à la béance identitaire. L’écriture est en outre une étape nécessaire à l’hybridation du sujet à la fois dans une perspective individuelle et collective. Cette étude permet alors de rendre compte de l’importance littéraire de Bertrand Belin dans le paradigme contemporanéiste, celui-là même qui problématise la notion d’individu.
Entre portrait-talisman et album-sarcophage. La métaphore du sacré dans l'imaginaire photolittéraire
Caraion, Marta
Gardés à portée de main et de cœur, les êtres chers paraissent plus proches lorsque leurs portraits se trouvent enfouis au fond de quelque poche, portefeuille, étui de téléphone portable ou dans le creux d’un médaillon avec, pourquoi pas, une mèche de cheveux. Patinées, craquelées, frottées au quotidien, certaines images voyagent tandis que d’autres sont arrachées au flux de l’existence, défendues par le cuir et le papier gaufré de l’album, le verre et le biseau du cadre. Parmi les innombrables rectangles argentés et colorés qui émaillent les vies depuis plus d’un siècle, quelques-uns rassurent ou intimident comme des fétiches, trônent sur l’autel domestique ou reposent dans le tombeau des boîtes comme des reliques. À la lumière d’un corpus de textes transversal et hétéroclite, ce mémoire se propose de porter un regard sérieux sur un sentiment qui, pourtant inséparable de l’expérience à la fois intime et ordinaire des photographies, se trouve bien souvent rabaissé au rang de superstition. S’il est aujourd’hui passé dans l’impensé des écrivain·e·s qui ne cessent de l’évoquer sans toutefois en interroger la pertinence, le rapport entre sacré et photographique repose sur de solides fondations théoriques et littéraires qu’il s’agit de mettre au jour.
La représentation de la médiation culturelle et de l'action culturelle au prisme de quatre institutions théâtrales suisses romandes : tendances et tensions.
Chaperon, Danielle
Ce mémoire examine les discours produits par plusieurs théâtres suisses romands sur leurs activités de médiation culturelle ou d’action culturelle, en prenant comme lieu d’observation les sites internet de ces institutions. Ces dernières sont au nombre de quatre : le Théâtre de Vidy-Lausanne, le Théâtre Sévelin 36, la Comédie de Genève et Équilibre-Nuithonie. L’objectif est de mettre en avant certaines tendances de cette discipline grâce à une analyse des modes de représentation – autant iconographiques que textuelles –, mais aussi de s’intéresser aux tensions socio-politiques qui s’expriment à travers ces discours, dans une optique interdisciplinaire ; en effet, dans une institution culturelle, le domaine professionnel de la médiation fait souvent le pont entre le champ culturel et d’autres champs, social, scolaire et politique en premier lieu.
Les prix littéraires en Suisse romande (1965-2021) : analyse de l’influence des facteurs externes à l’oeuvre dans le phénomène de consécration
Meizoz, Jérôme
Nombreuses sont les polémiques qui entourent les prix littéraires français, souvent accusés de partialité dans la sélection des œuvres récompensées. Plusieurs études ont confirmé cet état de fait, dévoilant notamment une consanguinité jury-éditeur qui influence le choix des jurys. La sociologie de la littérature a ainsi démontré que le phénomène de consécration ne reposait pas uniquement sur l’évaluation des qualités internes d’une œuvre, mais dépendait également de facteurs externes multiples, tels que du capital symbolique de l’éditeur, de la position de l’auteur·e dans le champ littéraire ou encore du genre pratiqué. Alors que les grands prix littéraires français ont fait l’objet de plusieurs études au vu de ces considérations, la situation est loin d’être la même en Suisse romande. En effet, bien que les prix littéraires romands soient nombreux – Robert Junod en recensait plus d’une cinquantaine dans les années 2000 – ils n’ont retenu que très rarement l’attention des chercheur·euse·e. Par conséquent, ce travail a pour objectif premier de remédier à ce désintérêt, et de participer à une meilleure compréhension du champ littéraire romand en étudiant les prix qui y sont distribués.
Jean Villard-Gilles et le féminin. Ambivalence d'un imaginaire véhiculé en chanson.
Wahlen, Barbara et Sermier, Émilien
Ce travail présente l’imaginaire du féminin tel qu’il circule dans l’intégralité du répertoire de Jean Villard-Gilles. Il consiste en une démarche tripartite: les deux premières relèvent d’analyses purement textuelles alors que la dernière est plus hypothétique, et aborde des questions liées au genre de la chanson.
Dans le premier chapitre, l’analyse se concentre sur les entités marquées par le genre féminin qu’elles soient parfaitement concrètes, tels des personnages, ou abstraites telles des allégories. L’analyse démontre une représentation duelle de la femme, basée sur des descriptions aussi bien physiques que morales. En outre, la femme est généralement présentée à travers un prisme amoureux. Certains états sociétaux illustrant un rapport de force entre les sexes à travers les comportements amoureux sont parfois remis en question de manière subtile à l’aide de l’ironie.
Le deuxième chapitre s’intéresse plus particulièrement aux personnages mis en scène dans les chansons, à leurs actions, à leur identité et aux différents processus d’identification utilisés par le narrateur. Les héroïnes sont généralement présentées comme des êtres passifs, dont l’action relève de la banalité, mais dont la force d’âme est tout de même légitimée et valorisée. Les femmes du « Frauenverein » se distinguent néanmoins des autres ; elles agissent sur la place publique et font de l’ombre au système patriarcal. En ce sens, elles peuvent être perçues comme le parangon de l’anti-héroïsme chez Gilles.
Le troisième chapitre se concentre sur différents aspects constitutifs de la chanson pouvant influencer les représentations liées au féminin. La popularité du genre et la nature du public influencent indéniablement le discours élaboré à travers les chansons. La dimension comique que Gilles attribue à ses chansons affecte également les représentations de la femme. Dans son répertoire, le comique est suscité à la fois par des stéréotypes de genre et l’obscène, suscité par les allusions sexuelles.
"Un bourdonnement ça veut dire "je suis", ça veut dire "j'existe", ça veut dire "je suis là"". "Ça raconte Sarah", poétique d'une passion lesbienne
Kunz Westerhoff, Dominique
Ce mémoire propose une analyse monographique de l’œuvre "Ça raconte Sarah" (2018) de Pauline Delabroy-Allard – qui met en scène un couple lesbien – reçue comme une réécriture d’un mythe d’amour passionnel dans une version "queer".
L’analyse est tout d’abord mise en regard d’un courant littéraire contemporain qui se préoccupe de la représentation du corps et de la rencontre, de façon à souligner la portée incarnée de l’œuvre de Pauline Delabroy-Allard. Par contraste avec des romans où le corps est montré désincarné ("La Possibilité d’une île" de Houellebecq) ou réifié ("De l’amour", Franck Leibovici), celui de Pauline Delabroy-Allard donne à voir un corps féminin qui participe à la singularisation de l’individu, par son incarnation. L’autrice livre ainsi une œuvre teintée d’activisme, proche d’un féminisme phénoménologique tel que théorisé par Camille Froideveaux-Metterie (Cf. "Un corps à soi", 2021). Dans un deuxième temps, c’est la relation amoureuse lesbienne présentée dans l’œuvre de Pauline Delabroy-Allard qui est glosée, dans sa dimension passionnelle et non hétéronormative, notamment à propos d’un « coming out » amoureux et identitaire. Enfin, dans un dernier temps, le deuil est abordé : l’amoureuse embrasse un parcours initiatique où la souffrance liée à la mort de l’autre est vécue au creux de la chair et entraîne la perte intérieure – mais aussi l’éventualité d’une renaissance. Le devenir de la narratrice est ainsi commenté, aux plans spatial et psychique, par deux motifs, celui de la catabase et celui de la matrice.
En conclusion, le rôle de l’écriture est abordé, comme activité nécessaire à l’affirmation du sujet, comme objet de soin intersubjectif ; le livre, lieu privilégié de l’imaginaire, confère au lecteur la possibilité de renouveler ses propres représentations.
Modalités des représentations de l'exploitation des territoires en Afrique centrale Lecture géocritique de trois romans : Petroleum (2004) de Bessora, Congo Inc. Le Testament de Bismarck (2014) de In Koli Jean Bofane et La Danse du Vilain (2020) de Fiston Mwanza Mujila
Le Quellec Cottier, Christine
Selon une perspective géocritique décoloniale, ce mémoire s'intéresse à l'exploitation des ressources naturelles (pétrole, uranium, diamants, cobalt, etc.) en Afrique centrale telle qu'elle est représentée dans la littérature francophone africaine. Cette thématique cristallise plusieurs problématiques liées au continent africain, c'est-à-dire l'impérialisme, la colonisation, l'écologie, la mondialisation, ou encore le racisme. Les trois romans étudiés – Petroleum (2004) de Bessora qui traite de l'exploitation pétrolière au Gabon ; Congo Inc. Le Testament de Bismarck (2014) de In Koli Jean Bofane qui suit le parcours d'un jeune Pygmée mondialiste ; La Danse du Vilain (2020) de Fiston Mwanza Mujila, portrait d'une ville organisée autour des mines et de la fête – sont envisagés en plaçant le lieu au centre de l'analyse, selon la méthode géocritique de Bertrand Westphal. L'analyse est organisée en trois axes : le territoire comme concept, le territoire comme corps et le rapport entre territoire et identité.