L’irrésistible pouvoir de séduction de Flamenca : un modèle provençal de femme fatale.
Zufferey, François
Dès les premières lignes qui nous sont parvenues du « roman de Flamenca » nous constatons la fascination absolue qu’exerce l’héroïne sur quiconque la voit ou en entend parler. Toutes les femmes qui la voient veulent la prendre pour modèle, quant aux hommes, ils tombent tous aussitôt foudroyés sous son charme. Ce sont eux qui nous intéressent dans ce travail. Après avoir constaté dans un premier temps les effets de Flamenca sur son père et sur le roi de France, nous centrons nos observations sur les personnages d’Archambaut et de Guillaume, que nous étudions en parallèle. Bien que ces figures antagonistes soient par certains aspects caricaturalement opposées, le mari et l’amant de Flamenca ont une même dévotion absolue pour leur idole, qui les pousse tous deux à se dépasser en ‘prouesse’ jusqu’à leur pointe extrême : Guillaume atteint pour sa dame les sommets de la fin’amor, tandis qu’Archambaut cultive la jalousie jusqu’à ses confins les plus extrêmes. Nous terminons ce travail en mettant en évidence la parfaite maîtrise langagière dont sait faire preuve Flamenca… et donc l’auteur du roman !
Variations discursives dans les traductions anglaises de deux contes de Charles Perrault La Barbe bleue et La Belle au bois dormant. D’Andrew Lang à Angela Carter.
Adam, Jean-Michel
Ce travail examine les relations d’hypertextualité existant entre les différentes versions de deux contes de Charles Perrault – La Barbe bleue et La Belle au bois dormant – à travers deux traductions anglaises. La première, insérée dans un recueil édité par Andrew Lang, est l’œuvre d’un traducteur anonyme du XVIIIe siècle ; la deuxième, qui nous est proposée par Angela Carter, date du XXe siècle. Vivant à des époques et dans des contextes très différents, les deux anglophones illustrent le fait que « chaque époque retraduit parce qu’elle lit et écrit autrement » (Meschonnic 1973 : 424). A travers de multiples exemples, ce travail s’attache à mettre en relief les variations discursives qui révèlent la manière dont les traducteurs conçoivent le traduire et leur façon de gérer le conflit généré par la complexité de cette opération. Il s’agit d’un « conflit entre le désir d’imiter le modèle et l’obligation de s’exprimer avec les moyens de sa langue d’arrivée » (Meschonnic 1999 : 38). Ce travail s’appuie sur la lecture d’Henri Meschonnic, qui illustre de manière détaillée le paradoxe auquel est confronté tout traducteur, et il développe une réflexion sur le traitement de la généricité, sur les éléments péritextuels et leurs enjeux ainsi que sur les différents aspects de la narration.
[La] « littérature réaliste libérale » […] c’est littéraire comme les cours de la Bourse, réaliste comme un rêve d’affamé et libéral comme une matraque électrique. Les rôles de la comparaison chez Daniel Pennac
Gollut, Jean-Daniel
Ce mémoire, à la suite d’une constatation initiale – Pennac utilise un nombre étonnamment élevé de comparaisons dans sa saga malaussénienne – veut arriver à la conclusion que ces figures de style ne sont pas utilisées au hasard de l’écriture. Elles sont parfois utiles à une meilleures compréhension du comparé, peuvent inciter le lecteur à réfléchir au vrai sens de l’énoncé, ou permettent à l’auteur d’exprimer de façon sous-entendue son véritable point de vue ; mais elles ont plus fréquemment une visée ironique. Les fonctions que la littérature théorique attribue à la comparaison (clarté, pertinence, originalité) seront mises à l’épreuve à travers des exemples extraits de l’œuvre romanesque de Pennac. Les adéquations ou les ruptures vis-à-vis de ces fonctions feront l’objet d’une analyse sémantique. J’en conclurai que l’ironie est décelée de manière plus prononcée dans les comparaisons en rupture avec les principes de clarté et pertinence, et en adéquation avec le principe d’originalité.
Etude du « bonheur » dans l’œuvre de Philippe Delerm et sa réception.
Meizoz, Jérôme
En 1986, au début de son livre intitulé Le Bonheur, tableaux et bavardages, Philippe Delerm affirme qu’il veut « dire son bonheur quand il vient à passer ». Dans ses ouvrages suivants, l’écrivain ne réitèrera pas cette entreprise, mais cette notion de « bonheur » reste toutefois sous-jacente à tous ses écrits. C’est pourquoi, dans le cadre de ce mémoire, nous nous proposons de reconstruire la conception du « bonheur » qu’a l’auteur du tout nouveau Enregistrements Pirates et de regarder comment il dit - et ne dit plus - son bonheur, alors qu’il est plus ou moins admis que les gens heureux n’ont pas d’histoire ou que le bonheur est silencieux. Ensuite, vu le succès qu’a connu Delerm avec La Première gorgée de bière, nous nous intéresserons à la réception de cette œuvre dans la presse et chercherons à voir quels grands axes déterminent les différentes prises de position de la critique, et si celle-ci révèle des clivages marqués. Enfin, en considérant ce que peut dire cette même critique du succès de Delerm et en replaçant les écrits de cet écrivain dans une tendance plus large, nous tenterons de comprendre ce que signifie un tel engouement.
Parodie dans Le Convoi du colonel Fürst de Jean-Marc Lovay : vers un renouvellement littéraire.
Maggetti, Daniele
Notre étude s’interroge sur le statut de la parodie au sein du Convoi du colonel Fürst de Jean-Marc Lovay. Ce genre vise en premier lieu des œuvres instituées de la tradition littéraire, qu’il s’attache à destituer et à transgresser par un traitement ludique. Avant tout intertextuel, il possède une dimension métalangagière et peut être perçu comme une source de renouvellement littéraire. Notre travail se déroule donc en deux temps : la déconstruction du genre parodié, l’épopée, est abordée, d’une part, à travers l’atteinte à la notion classique d’action par une multiplicité de jeux digressifs ; d’autre part, à travers la critique de l’héroïsme et du pouvoir incarnés par des figures représentatives de l’univers épique, les héros et les dieux. Nous envisageons, ensuite, en quoi l’œuvre étudiée contient un fort potentiel d’innovation littéraire, notamment grâce à sa visée comique. Ici, sa dimension reconstructive est abordée : « descendre pour mieux remonter », ou « déconstruire pour mieux reconstruire », ainsi peut se résumer le mouvement général du texte.
Réflexions sur les malheurs d’un personnage tourmenté : Jean-Luc Persécuté de Charles-Ferdinand Ramuz.
Cordonier, Noël
Ce travail décrit la persécution qui s’abat dès le titre du livre sur le personnage éponyme de Jean-Luc persécuté (1909), de Charles Ferdinand Ramuz. Comme les héros de la tragédie, et comme certains figures bibliques dont le Christ, la fatalité s’acharne sans relâche sur Jean-Luc et le contraint à la souffrance, en lui faisant subir une série d’épreuves d’autant plus cruelles qu’il n’est coupable de rien. Pour tenter d’expliquer les tourments du personnage, nous analyserons les apports plus particuliers de la tragédie et de la Bible, deux puissants modèles qui ont influencé l’œuvre de manière incontestable. Mais si ces deux intertextes parviennent jusqu'à un certain point à rendre compte de l'hostilité du sort à l’égard de Jean-Luc, ils ne peuvent cependant suffire à donner le sens, la raison profondes des malheurs qui l’accablent. Cette absence de justification, ces silences rendent le drame de l'existence humaine encore plus aigu.
Le Déserteur de Jean Giono, critique génétique d’une œuvre de commande.
Gollut, Jean-Daniel
En 1964, l’éditeur lausannois René Creux propose à Jean Giono de rédiger la biographie de Charles-Frédéric Brun, surnommé le Déserteur, peintre français au passé mystérieux qui séjourna en Valais dans les années 1850. Giono s’attelle alors à “fabriquer” un personnage à partir de la biographie lacunaire du Déserteur. Dans une perspective génétique, en accord avec la terminologie de de Biasi, nous élaborons un discours critique portant sur les différents processus rédactionnels du Déserteur. En raison de l’inaccessibilité du manuscrit, nous constituons un dossier génétique à partir des informations de l’appareil critique de l’édition Pléiade du texte. Nous nous basons également sur les documents fournis par René Creux et retravaillés par Giono, essentiellement Le livre du souvenir de Jean-Pierre Michelet et Valais/26 itinéraires d’André Beerli. Le processus de crédibilisation – mis en œuvre par l’écriture gionienne – est analysé, afin de comprendre la légitimation de l’invention et son intégration aux faits attestés de la vie du Déserteur. En complément de cette approche génétique, une étude de l’orchestration des voix est développée, à partir de la théorie de la polyphonie d’Oswald Ducrot, pour mettre en évidence les traces d’un travail de genèse véhiculées par l’énonciation. Nous émettons alors l’hypothèse qu’il est possible de découvrir un dialogue entre le narrateur – en partie le point de vue de “Giono” comme processus d’écriture – et les sources documentaires de l’auteur. Cette approche prend en compte les fonctions narratives de la ponctuation. Finalement, nous discutons du genre du Déserteur, au travers des propositions des différents critiques qui ont pratiqué le texte de Giono, œuvre de commande rédigée par un auteur au faîte de sa carrière d’écrivain.
Les contes et leur péri textes. Analyse comparée de « Sole », « Luna e Talia » de Basile et de « La Belle au bois dormant » de Perrault.
Heidmann, Ute
Ce mémoire a pour objet la comparaison de deux contes appartenant à des langues et des cultures différentes : Sole, Luna e Talia de Giambattista Basile et La Belle au bois dormant, de Charles Perrault. Les deux premières parties présentent les textes en relation avec leurs époques et leurs contextes respectifs. Les péritextes sont également analysés et comparés. La troisième partie met en évidence la structure propre à chaque conte, leurs ressemblances et surtout leurs différences. Elle est suivie par l’analyse comparative des contes, qui met en évidence les différences notables qui distinguent le conte de Basile de celui de Perrault. Les contes en langue originale, la traduction française de Sole, Luna e Talia, et les péritextes sont donnés en annexe.
Zazie dans le métro, de Raymond Queneau, conjugue les aspects du roman et ceux du poème. Le texte conserve l’appareil d’une fiction narrative, mais exploite toutes les ressources de la construction par reprises et parallélismes qui caractérise en partie l’écriture poétique. L’objet du mémoire est l’étude des différentes formes de répétitions et de leur degré de manifestation (distance entre les segments réitérés, indices favorisant la reconnaissance). Le niveau métadiscursif est également pris en compte à travers la figure du perroquet Laverdure, emblème de la répétition inlassable.
Les écrivains-voyageurs et les colonies dans l’entre-deux-guerres.
Reichler, Claude
A travers cette étude, nous avons analysé les interactions entre écrivains-voyageurs et indigènes en comparant trois récits de voyage situés à la même époque : Le Voyage au Congo d’André Gide, les Carnets du Congo de Marc Allégret et l’Afrique fantôme de Michel Leiris. Après une approche générale des textes et de leur contexte historique, nous avons sélectionné des situations type – les visites de village, l’enquête auprès des indigènes et les relations de travail avec les indigènes – qui nous ont permis de dégager les différents comportements de nos voyageurs, le jugement qu’ils portent sur tout ce qu’ils voient, l’intérêt plus ou moins grand qu’ils ont d’entrer en contact avec les Africains et d’entretenir des relations sincères avec ces derniers. Cette analyse textuelle a été révélatrice de la difficulté de ce type de rapports, toujours influencés par des images stéréotypées, des à priori racistes et surtout une incompréhension face à l’Autre et à sa culture, son mode de vie et son niveau social complètement différents. Ces journaux de voyage sont la preuve de l’impossibilité d’avoir des rapports vrais et égaux dans ce contexte colonial. Blancs et Noirs sont automatiquement, et parfois malgré eux, influencés par tout ce que peut représenter l’Autre à leurs yeux.
Le Roman : « L’autre paysage » du temps : Jacques Rivière et Alain-Fournier autour du Grand Meaulnes.
Chaperon, Danielle
« Le roman est une oeuvre contre le temps; le roman fabrique du continu contre la discontinuité temporelle existentielle. » (Jean-Paul Goux). C’est le sujet central de ce mémoire : tenter d’expliquer la maîtrise du temps que permet le roman. La crise du roman amorcée au XIXe siècle va amener beaucoup d’écrivains à privilégier la poésie. Néanmoins, beaucoup reviennent vers le genre romanesque en y ajoutant certains traits "poétiques". Les changements effectués concerneront principalement la narratologie et donc la place du temps dans le roman. Afin de délimiter un sujet aussi vaste, deux textes vont être mis en regard : un essai de Jacques Rivière "Le roman d’aventure" (1913) qui répond à la crise susmentionnée et le chef d’oeuvre d’Alain-Fournier "Le Grand Meaulnes" (1913). Ce travail essaie aussi de ré-évaluer ce roman qui a été cantonné dans la littérature pour adolescents et qui semble se présenter comme un texte facile et banal.
L’action dans l’œuvre dramatique de Nathalie Sarraute : un conflit entre statisme apparent et mouvements tropismaux : Le Silence, Le Mensonge, Isma ou ce qui s’appelle rien, C’est beau, Elle est là, Pour un oui ou pour un non.
Chaperon, Danielle
Ce travail a pour dessein de jeter un regard nouveau sur l’œuvre dramatique de Nathalie Sarraute. Les six pièces de notre corpus sont, en effet, fréquemment analysées sous un angle pragmatique et linguistique. Nous avons ici choisi de regarder nos textes comme un lieu d’expérimentation particulier et indépendant du roman. Il s’agira de rechercher quels sont les éléments dramatiques et théâtraux qui nous permettront d’analyser l’action et son déroulement en la détachant le plus possible de l’omnipotence du verbe. Ce nouveau point de vue nous permettra de définir un contour précis du personnage sarrautien par rapport aux tropismes qui le traversent. Nous réfléchirons à quel titre les écrits théoriques de notre auteur, ainsi que ses interviews, sont le reflet de ce qui se passe sur scène.
Le département des manuscrits de la Bibliothèque Cantonale et Universitaire de Lausanne conserve une copie du Roman de la Rose qui n’a jamais, jusqu’ici, fait l’objet d’une étude approfondie. Ce codex, qui nous est parvenu dans un état lacunaire, date du deuxième quart du XIVe siècle et a été produit dans le Nord-Ouest de la France. Nous présentons dans notre étude les particularités matérielles du manuscrit et tentons de reconstituer sa structure primitive ainsi que les différentes étapes de sa genèse. Nous examinons également la méthode de travail du scribe qui a copié quelque vingt mille vers à lui seul, de même que les accidents survenus au cours de cette longue tâche. Le texte transmis contient notamment une trentaine de vers apocryphes dont le contenu peut être interprété en fonction du contexte historique et de la situation géographique dans lesquels s’inscrit la production du manuscrit. Enfin, quelques éléments relatifs à l’histoire externe de celui-ci et une brève analyse scriptologique complètent notre recherche.
Au creuset du "Voyage en Orient" : de l’esthétique d’Adoniram à celle de Nerval.
Barilier, Etienne
À y regarder de plus près, dans son Voyage en Orient, Nerval nous trompe sans cesse : le récit autobiographique qui sert de cadre devient fictif alors que les fictions enchâssées prennent, elles, des couleurs autobiographiques. Pourquoi donc ces dissimulations ? Nerval a toujours eu coutume de « se peindre » sous les traits de ses héros (Restif de La Bretonne, le Calife Hakem, Adoniram…), pourtant, après sa première crise de folie (1841), il veut encore « démontrer aux gens qu’(il n’a) été victime (…) que d’un accident bien isolé ». Ainsi, il mettra en scène une fausse autobiographie dans laquelle son personnage supportera sans peine les aléas d’un Voyage en Orient bien normal, sans expérience mystique, ni descente aux enfers, ni autre folle initiation typiquement nervalienne. Toutefois, il prendra encore tout loisir d’exprimer librement ses obsessions derrière le masque des personnages imaginaires de ses fictions. Mais comment concilier l’esthétique mimétique d’un Nerval affirmant qu’« Inventer au fond c’est se ressouvenir » avec celle d’un Adoniram, artiste novateur tourné a contrario vers le progrès et la poiesis ? Un fois de plus, chez Nerval, tout ne sera que synthèse.
Etude comparée du Rêve de Zola, de La symphonie pastorale de Gide et d'Emerentia 1713 de Bille : Angélique, Gertrude et Emerentia : des destinées aux troublantes ressemblances.