Le Déserteur de Jean Giono, critique génétique d’une œuvre de commande.
Gollut, Jean-Daniel
En 1964, l’éditeur lausannois René Creux propose à Jean Giono de rédiger la biographie de Charles-Frédéric Brun, surnommé le Déserteur, peintre français au passé mystérieux qui séjourna en Valais dans les années 1850. Giono s’attelle alors à “fabriquer” un personnage à partir de la biographie lacunaire du Déserteur. Dans une perspective génétique, en accord avec la terminologie de de Biasi, nous élaborons un discours critique portant sur les différents processus rédactionnels du Déserteur. En raison de l’inaccessibilité du manuscrit, nous constituons un dossier génétique à partir des informations de l’appareil critique de l’édition Pléiade du texte. Nous nous basons également sur les documents fournis par René Creux et retravaillés par Giono, essentiellement Le livre du souvenir de Jean-Pierre Michelet et Valais/26 itinéraires d’André Beerli. Le processus de crédibilisation – mis en œuvre par l’écriture gionienne – est analysé, afin de comprendre la légitimation de l’invention et son intégration aux faits attestés de la vie du Déserteur. En complément de cette approche génétique, une étude de l’orchestration des voix est développée, à partir de la théorie de la polyphonie d’Oswald Ducrot, pour mettre en évidence les traces d’un travail de genèse véhiculées par l’énonciation. Nous émettons alors l’hypothèse qu’il est possible de découvrir un dialogue entre le narrateur – en partie le point de vue de “Giono” comme processus d’écriture – et les sources documentaires de l’auteur. Cette approche prend en compte les fonctions narratives de la ponctuation. Finalement, nous discutons du genre du Déserteur, au travers des propositions des différents critiques qui ont pratiqué le texte de Giono, œuvre de commande rédigée par un auteur au faîte de sa carrière d’écrivain.
Les contes et leur péri textes. Analyse comparée de « Sole », « Luna e Talia » de Basile et de « La Belle au bois dormant » de Perrault.
Heidmann, Ute
Ce mémoire a pour objet la comparaison de deux contes appartenant à des langues et des cultures différentes : Sole, Luna e Talia de Giambattista Basile et La Belle au bois dormant, de Charles Perrault. Les deux premières parties présentent les textes en relation avec leurs époques et leurs contextes respectifs. Les péritextes sont également analysés et comparés. La troisième partie met en évidence la structure propre à chaque conte, leurs ressemblances et surtout leurs différences. Elle est suivie par l’analyse comparative des contes, qui met en évidence les différences notables qui distinguent le conte de Basile de celui de Perrault. Les contes en langue originale, la traduction française de Sole, Luna e Talia, et les péritextes sont donnés en annexe.
Zazie dans le métro, de Raymond Queneau, conjugue les aspects du roman et ceux du poème. Le texte conserve l’appareil d’une fiction narrative, mais exploite toutes les ressources de la construction par reprises et parallélismes qui caractérise en partie l’écriture poétique. L’objet du mémoire est l’étude des différentes formes de répétitions et de leur degré de manifestation (distance entre les segments réitérés, indices favorisant la reconnaissance). Le niveau métadiscursif est également pris en compte à travers la figure du perroquet Laverdure, emblème de la répétition inlassable.
Les écrivains-voyageurs et les colonies dans l’entre-deux-guerres.
Reichler, Claude
A travers cette étude, nous avons analysé les interactions entre écrivains-voyageurs et indigènes en comparant trois récits de voyage situés à la même époque : Le Voyage au Congo d’André Gide, les Carnets du Congo de Marc Allégret et l’Afrique fantôme de Michel Leiris. Après une approche générale des textes et de leur contexte historique, nous avons sélectionné des situations type – les visites de village, l’enquête auprès des indigènes et les relations de travail avec les indigènes – qui nous ont permis de dégager les différents comportements de nos voyageurs, le jugement qu’ils portent sur tout ce qu’ils voient, l’intérêt plus ou moins grand qu’ils ont d’entrer en contact avec les Africains et d’entretenir des relations sincères avec ces derniers. Cette analyse textuelle a été révélatrice de la difficulté de ce type de rapports, toujours influencés par des images stéréotypées, des à priori racistes et surtout une incompréhension face à l’Autre et à sa culture, son mode de vie et son niveau social complètement différents. Ces journaux de voyage sont la preuve de l’impossibilité d’avoir des rapports vrais et égaux dans ce contexte colonial. Blancs et Noirs sont automatiquement, et parfois malgré eux, influencés par tout ce que peut représenter l’Autre à leurs yeux.
Le Roman : « L’autre paysage » du temps : Jacques Rivière et Alain-Fournier autour du Grand Meaulnes.
Chaperon, Danielle
« Le roman est une oeuvre contre le temps; le roman fabrique du continu contre la discontinuité temporelle existentielle. » (Jean-Paul Goux). C’est le sujet central de ce mémoire : tenter d’expliquer la maîtrise du temps que permet le roman. La crise du roman amorcée au XIXe siècle va amener beaucoup d’écrivains à privilégier la poésie. Néanmoins, beaucoup reviennent vers le genre romanesque en y ajoutant certains traits "poétiques". Les changements effectués concerneront principalement la narratologie et donc la place du temps dans le roman. Afin de délimiter un sujet aussi vaste, deux textes vont être mis en regard : un essai de Jacques Rivière "Le roman d’aventure" (1913) qui répond à la crise susmentionnée et le chef d’oeuvre d’Alain-Fournier "Le Grand Meaulnes" (1913). Ce travail essaie aussi de ré-évaluer ce roman qui a été cantonné dans la littérature pour adolescents et qui semble se présenter comme un texte facile et banal.
L’action dans l’œuvre dramatique de Nathalie Sarraute : un conflit entre statisme apparent et mouvements tropismaux : Le Silence, Le Mensonge, Isma ou ce qui s’appelle rien, C’est beau, Elle est là, Pour un oui ou pour un non.
Chaperon, Danielle
Ce travail a pour dessein de jeter un regard nouveau sur l’œuvre dramatique de Nathalie Sarraute. Les six pièces de notre corpus sont, en effet, fréquemment analysées sous un angle pragmatique et linguistique. Nous avons ici choisi de regarder nos textes comme un lieu d’expérimentation particulier et indépendant du roman. Il s’agira de rechercher quels sont les éléments dramatiques et théâtraux qui nous permettront d’analyser l’action et son déroulement en la détachant le plus possible de l’omnipotence du verbe. Ce nouveau point de vue nous permettra de définir un contour précis du personnage sarrautien par rapport aux tropismes qui le traversent. Nous réfléchirons à quel titre les écrits théoriques de notre auteur, ainsi que ses interviews, sont le reflet de ce qui se passe sur scène.
Le département des manuscrits de la Bibliothèque Cantonale et Universitaire de Lausanne conserve une copie du Roman de la Rose qui n’a jamais, jusqu’ici, fait l’objet d’une étude approfondie. Ce codex, qui nous est parvenu dans un état lacunaire, date du deuxième quart du XIVe siècle et a été produit dans le Nord-Ouest de la France. Nous présentons dans notre étude les particularités matérielles du manuscrit et tentons de reconstituer sa structure primitive ainsi que les différentes étapes de sa genèse. Nous examinons également la méthode de travail du scribe qui a copié quelque vingt mille vers à lui seul, de même que les accidents survenus au cours de cette longue tâche. Le texte transmis contient notamment une trentaine de vers apocryphes dont le contenu peut être interprété en fonction du contexte historique et de la situation géographique dans lesquels s’inscrit la production du manuscrit. Enfin, quelques éléments relatifs à l’histoire externe de celui-ci et une brève analyse scriptologique complètent notre recherche.
Au creuset du "Voyage en Orient" : de l’esthétique d’Adoniram à celle de Nerval.
Barilier, Etienne
À y regarder de plus près, dans son Voyage en Orient, Nerval nous trompe sans cesse : le récit autobiographique qui sert de cadre devient fictif alors que les fictions enchâssées prennent, elles, des couleurs autobiographiques. Pourquoi donc ces dissimulations ? Nerval a toujours eu coutume de « se peindre » sous les traits de ses héros (Restif de La Bretonne, le Calife Hakem, Adoniram…), pourtant, après sa première crise de folie (1841), il veut encore « démontrer aux gens qu’(il n’a) été victime (…) que d’un accident bien isolé ». Ainsi, il mettra en scène une fausse autobiographie dans laquelle son personnage supportera sans peine les aléas d’un Voyage en Orient bien normal, sans expérience mystique, ni descente aux enfers, ni autre folle initiation typiquement nervalienne. Toutefois, il prendra encore tout loisir d’exprimer librement ses obsessions derrière le masque des personnages imaginaires de ses fictions. Mais comment concilier l’esthétique mimétique d’un Nerval affirmant qu’« Inventer au fond c’est se ressouvenir » avec celle d’un Adoniram, artiste novateur tourné a contrario vers le progrès et la poiesis ? Un fois de plus, chez Nerval, tout ne sera que synthèse.
Etude comparée du Rêve de Zola, de La symphonie pastorale de Gide et d'Emerentia 1713 de Bille : Angélique, Gertrude et Emerentia : des destinées aux troublantes ressemblances.
Le langage des jeunes en Suisse romande : étude sociolinguistique menée dans un foyer d’accueil à Lausanne.
Durrer, Sylvie
À ce jour, le phénomène de la langue des jeunes fait l’objet de diverses études en Europe. Le présent travail se propose d’analyser de manière empirique les conversations d’adolescents recueillies au sein d’une institution sociale à Lausanne, afin de comprendre le langage des jeunes en Suisse romande dans une perspective à la fois synchronique et diachronique. D’après un corpus établi par observation directe, puis enregistrements et transcriptions de conversations, une analyse des données linguistiques sur le plan phonologique, morphosyntaxique et lexical pourra être menée. Les traits saillants observés par l’analyse du corpus seront alors étudiés de manière comparative et parallèle non seulement au langage populaire (en tant que vernaculaire pratiqué par la même classe socio-générationnelle) décrit rigoureusement par Françoise Gadet, mais aussi parallèlement aux diverses études consacrées au phénomène de la langue des jeunes, observé dans les cités en France par nombre de chercheurs en linguistique et en sociologie ou encore par les médias. Cette étude permettra alors de situer le langage des jeunes en Suisse romande sur le plan linguistique, en tant que variation et indice de changement, et sur le plan sociologique en tant que marqueur identitaire. Enfin, une réflexion sera proposée afin de saisir comment la dimension linguistique s’articule à la dimension psychosociale de la construction de l’identité chez l’adolescent.
Quand l’agneau se couche aux côtés du tigre. Etude comparative de La Belle et la Bête de Jeanne Marie Leprince de Beaumont et de The Courtship of Mr Lyon et The Tiger's Bride d'Angela Carter.
Heidmann, Ute
L’objet de ce mémoire est l’étude comparative du conte de « La Belle et la Bête » de Jeanne Marie Leprince de Beaumont (1756) et des deux réécritures qu’en propose Angela Carter dans « The Courtship of Mr Lyon » et « The Tiger’s Bride » (1979). La méthode comparative et la mise à égalité des deux textes permettent de mettre en lumière les visées esthétiques et idéologiques des auteurs de ce corpus. Le mémoire examine tout particulièrement la façon dont les trois textes explorent les rapports de force entre la Belle et la Bête. Les auteurs se servent de l’histoire du fiancé animal pour tenir un discours critique sur les normes culturelles, sociales, politiques et économiques qui mettent en place une représentation dichotomique des rapports entre hommes et femmes et entre humains et animaux. Dans leurs représentations de ces rapports, Mme de Beaumont et Angela Carter démontrent que contrairement aux apparences, l’agneau et le tigre ne sont pas toujours ce que l’on croit.
L’homme et la Terre. Etude comparative du mythe de Deucalion et Pyrrha dans les Métamorphoses d’Ovide et dans Die letzte Welt de Christoph Ransmayr (Die letzte Welt, chapitre 7.
Heidmann, Ute
Ce mémoire propose une comparaison de l’histoire de Deucalion et Pyrrha telle qu’elle apparaît dans les Métamorphoses d’Ovide et dans Die letzte Welt, récriture contemporaine de l’épopée romaine par l’auteur autrichien Christoph Ransmayr.Prenant comme axe de comparaison les rapports que l’homme entretient avec la terre, cette étude tente de dégager le fonctionnement du livre 1 des Métamorphoses dont les successives anthropogenèses permettent de comprendre étiologiquement le statut de l’être humain. À la bienveillance de la Terre-mère ovidienne à l’égard de ses enfants peu reconnaissants répond dans le roman « écologiste » une revanche de la nature : lasse d’être surexploitée, la terre du dernier monde inflige à l’humanité, inéluctablement décadente, une punition suprême, l’accablant avec acharnement sans la laisser mourir.
L’œuvre dramatique de Jean-Antoine du Cerceau. Le théâtre comme outil au service de l’éducation et d’une sociabilité dans les collèges jésuites au XVIIIe siècle.
Chaperon, Danielle
Ce mémoire met en lumière l'importance de l'art dramatique dans les collèges tenus par les jésuites au XVIIIe siècle. Plusieurs fois par année, les élèves de ces établissements scolaires offraient à un large public (parents, élèves, personnalités du lieu) des ballets et des pièces de théâtre écrites par les professeurs, en latin ou en français. Nous nous sommes concentrés sur l'oeuvre du jésuite Jean-Antoine du Cerceau (1670-1730), très apprécié de ses contemporains pour ses comédies morales. Notre recherche aboutit à la conclusion que la représentation des pièces de du Cerceau avait deux fonctions majeures. Premièrement, ces spectacles permettaient aux adultes de se retrouver autour de valeurs morales et idéologiques communes, telles que la stabilité sociale et les vertus chrétiennes. Deuxièmement, les pièces de du Cerceau prolongent les enseignements de la classe et du sermon. Elles contribuent ainsi à moraliser les élèves et à raffermir la ferveur des parents.
La relation entre le texte et la musique chez les trouvères. L’exemple de Thibaut de Champagne.
Corbellari, Alain
Lorsque l’on aborde le répertoire de la poésie lyrique médiévale, il est très surprenant de constater que les poésies sont présentées sans leur contexte musical. C’est un peu comme si on étudiait un film sans sa bande sonore. Le but de ce travail est de proposer une vue globale des poésies lyriques de Thibaut de Champagne afin de pouvoir les étudier dans leur intégralité, c’est à dire en tenant compte du rapport existant entre le texte et sa musique. Un retour sur les études des philologues et des musicologues du XXe siècle permet de comprendre les raisons qui ont poussé les critiques à s’abstenir d’intégrer la musique aux textes. Mais, en tenant compte des nouvelles études menées sur les pratique instrumentales médiévales, il est désormais possible d’aborder les textes et leurs mélodies dans leur application pratique, notament en tenant compte de la technique d’archet dans l’accentuation rythmique du texte. Dans cette optique pragmatique, les œuvres de Thibaut de Champagne sont particulièrement intéressantes, puisqu’il est avéré par les textes de ses contemporains que d’une part, il jouait lui-même de la vièle et que, d’autre part, la vièle était utilisée pour accompagner les poésies courtoises.
Corinna Bille - Emerentia 1713 - Chemins de création.
Jakubec, Doris
Emerentia 1713 raconte le destin d’Emerentia, petite fille de sept ans. A la mort de sa mère, Emerentia a développé des comportements étranges : elle refuse d’aller à l’église, de prier, de dire son catéchisme. Elle a associé les rites religieux à la mort. Sa famille la confie à un prêtre réputé pour sa sévérité, ils espèrent que son traitement la guérira. Isolée dans une cure sombre, entourée d’adultes qui la considèrent comme une sorcière, Emerentia cherche le réconfort dans la nature. Enfermée, humiliée, martyrisée, Emerentia ne pourra pas longtemps poursuivre sa lutte. Ce travail se propose d’analyser Emerentia 1713 sous différents aspects. Le plus important est celui de la critique génétique : j’ai analysé trois versions manuscrites des deux premiers chapitres, en recherchant leurs différences. J’ai essayé de découvrir de quelle manière le texte de Corinna Bille s’est mis en place, quels ont été ses choix. Puis j’ai comparé Emerentia 1713 au texte qui l’a inspiré, "La petite Mérette" de Gottfried Keller, ce qui m’a permis de mettre en évidence les particularités du texte de Corinna Bille. Enfin j’ai cherché les liens existant entre Emerentia 1713 et Virginia, qui ont été publiées ensemble dans le recueil Deux passions, ce qui m’a permis de mieux comprendre l’univers de Corinna Bille.
A la première lecture des romans de Semprún, tout lecteur est frappé par la récurrence des recours à d'autres langues – en général l'espagnol et l'allemand – dans le texte français. Si ces recours se justifient souvent par un certain souci du réalisme, ce dernier ne suffit toutefois pas à expliquer toutes les occurrences de mots étrangers. La répétition de ce phénomène et par ailleurs la maîtrise que Semprún a de la langue française laissent supposer que ce n'est nullement par incompétence linguistique que ses narrateurs changent ainsi de langue. En réalité, l'alternance entre deux ou plusieurs langues fait partie de ces phénomènes linguistiques que les spécialistes regroupent sous le terme générique de «marques transcodiques». Ces dernières, indissociables du «parler bilingue», renvoient à la compétence plurilingue du locuteur qui les utilise. Or, les études du bilinguisme ont pu démontrer que la présence de marques transcodiques chez un bilingue, et tout particulièrement de l'alternance de codes, répondait à des règles précises et remplissait diverses fonctions interactionnelles. La présence de ces marques transcodiques dans l'œuvre de Semprún ainsi que le rôle narratif et stylistique qu'ils y jouent suggèrent qu'il y aurait un usage littéraire de ces marques, probablement comparable à l'usage que les locuteurs bilingues en font dans l'expression orale spontanée. En changeant spontanément de code, le bilingue est capable de faire un usage maximal de tous les répertoires linguistiques à sa disposition pour référer au monde: il mélange les codes parce que l'énoncé «mixte» correspond mieux à la réalité qu'il veut décrire. En ce sens, l'exploitation du bilinguisme dans l'écriture littéraire peut être considérée comme un atout indéniable de l'écrivain.