« Ne pas écrire etc. » : pratiques de la liste dans l’œuvre de Georges Perec.
Wyss, André
L’énumération est un trait stylistique saillant de l’œuvre de Georges Perec, et s’y manifeste fréquemment sous la forme listique. Mais le statut de la liste et sa lisibilité parfois problématique posent la question de son appartenance au champ littéraire. En parcourant le corpus selon les quatre axes de l’écriture de Perec définis par l’auteur (sociologique, autobiographique, oulipien, romanesque), ce travail se propose de montrer que la liste est indéniablement un objet littéraire et qu’elle ne peut être dissociée du reste de l’œuvre perecquienne, tant s’y retrouvent constamment les mêmes préoccupations, les mêmes thèmes, et des procédés d'écriture similaires. Ce mémoire cherche à dégager et étudier les multiples procédés de composition des listes et à rendre compte des effets contradictoires qu’elles peuvent produire sur le lecteur, tendues toujours entre vrai et faux, jeu et sérieux, lassitude et séduction.
La parole écarlate, L’Ensorcelée de Jules Barbey d’Aurevilly.
Chaperon, Danielle
Dans son roman L’Ensorcelée [1854], Barbey d’Aurevilly citerait en surabondance, jusqu’à saturation, la couleur rouge. C’est du moins l’impression de lecture, toute subjective, que laisse le roman, plus précisément celle d’un rougeoiement progressif de la diégèse. A l’analyse, il appert que de nombreux détails attirent l’attention du lecteur sur la couleur rouge, qui se voit exprimée progressivement par d’autre éléments, le feu et le sang. Les ramifications de la rougeur se révèlent complexes, le thème profondément enraciné dans l’imaginaire aurevillien, traduisant une vision précise de l’Histoire et de la métaphysique. La couleur est considérée comme un élément poétique (au sens bachelardien), ayant sa physique propre. C’est l’écheveau de songerie de la rougeur qui est démêlé, pour observer comment il sous-tend le récit et structure l’imaginaire de Barbey.
Maîtres et domestiques : rapports de force et de places dans les comédies de Molière.
Gollut, Jean-Daniel
La communication est le moyen par lequel les individus construisent entre eux des relations interpersonnelles. A cet égard, les échanges entre maîtres et domestiques occupent une place intéressante dans les comédies de Molière. La distance sociale qui sépare ces personnages est en effet linguistiquement marquée, les serviteurs devant se plier à des règles de politesse bien plus strictes et contraignantes que leurs supérieurs. Bien que les maîtres occupent théoriquement la place dominante en raison de leur naissance, il arrive que ce rapport de places devienne l’enjeu symbolique de l’interaction et qu’il soit modifié, donnant lieu à des situations inattendues et comiques. En effet, grâce à une maîtrise supérieure de la langue, le serviteur parvient parfois, grâce à des stratégies discursives, à se hisser à la position dominante de l’échange, prenant ainsi la place de son maître. Car au théâtre, « dire, c’est faire ». Mais, pour cela, les domestiques doivent exceller dans l’art de la communication et faire preuve d’ingéniosité et de tact dans le choix de leurs mots. Voilà ce que ce mémoire se propose de démontrer.
Les genres discursifs dans Fortunio de Théophile Gautier : tension fictionnelle et co-énonciation.
Adam, Jean-Michel
Notre mémoire de licence éclaire ce que nous pouvons appeler la généricité, c’est-à-dire le caractère rarement monogénérique des textes et plus encore, presque par définition, du roman, particulièrement si nous envisageons ce dernier comme un hypergenre. Cette thèse sera illustrée grâce à l’étude détaillée d’un roman de Théophile Gautier, Fortunio, publié en 1837. Plus précisément, on analysera comment ce texte recycle, transgresse ou détourne deux genres propres au XVIIIème siècle : le roman libertin et le conte de fées. Cette analyse nous permettra, en outre, de répondre à trois autres questions qui sont intrinsèquement liées à la question de l’hétérogénéité architextuelle romanesque. Quel est le rôle du lecteur dans l’actualisation et le repérage de ces différents genres ? On essayera ainsi de déterminer quel lecteur modèle Fortunio dessine. Ensuite quelle est l’influence du contexte particulier des années 1830-1840 dans la construction multigénérique de Fortunio ? Dans cette optique le contexte fera partie des conditions d’interprétation du texte. Enfin, nous regarderons comment les relations architextuelles du roman de Gautier jouent sur ce que nous avons appelé la tension fictionnelle. Nous entendons par-là le savant dosage qui est entretenu par les différents genres entre d’une part l’oubli du lecteur dans la diégèse, ce que J.-M. Schaeffer appelle « l’immersion fictionnelle » et d’autre part la posture de distanciation où le lecteur au contraire prend un recul critique avec l’histoire et les personnages.
Sept poèmes indiens de Leconte de Lisle. Réécriture de la littérature sanskrite.
Rodriguez, Antonio
Les poèmes indiens qui figurent en tête des Poèmes antiques de Leconte de Lisle et datent du milieu du XIXe siècle, sont des réécritures de textes religieux de l’Inde ancienne. L’interprétation littéraire comparée des poèmes et de leurs sources selon le paradigme générique permet de mieux comprendre les enjeux de l’écriture poétique de Leconte de Lisle. L’hiatus contextuel qui sépare trois monuments de la littérature sanskrite, traditionnelle, religieuse et sept poèmes aux seules fins esthétiques et écrits à l’époque où se constitue l’autonomie de la littérature française, est décelable dans les textes mêmes. La stratégie de l’énonciation, la composition textuelle, la relation intertextuelle et l’emploi des personnages portent les traces comparables de mutations génériques. Relever différences et identités entre les poèmes indiens et leurs sources indiennes permet aussi de préciser le projet poétique de Leconte de Lisle.
« Accéder à l’authenticité en partant d’une imposture, avouez que ce serait assez beau ! ». Ajar ou la mise en œuvre de l’imposture. De Pour Sganarelle à Pseudo.
Cernuschi, Alain
Le but de ce travail est de montrer comment il est possible de parvenir à réaliser le projet paradoxal d’accéder à l’authenticité à partir de l’imposture. La première partie de ce travail portera principalement sur Pour Sganarelle qui selon nous permet de mieux comprendre ce que signifie un tel projet pour Gary. L’essai qu’il écrit en 1965 développe en effet la théorie d’un roman total dont Gary dit lui-même que l’aventure d’Emile Ajar en est la réalisation. Nous commençons donc par étudier ce que représente le roman total pour Gary afin de voir par la deuxième partie de ce travail si l’œuvre d’Emile Ajar en est bien la réalisation. Cette deuxième partie est en effet constituée d’une analyse de Pseudo qui tente de montrer comment celui-ci réalise le versant fictif des thèses de Pour Sganarelle.
La représentation de la guerre dans le théâtre du XVIIe s. : dramaturgie de l’ « invisible ».
Chaperon, Danielle
La guerre incarne un sujet littéraire passionnant mais difficile à traiter. Parmi tous les genres, le théâtre semble le moins apte à accueillir le thème de la guerre puisqu’il implique une représentation : la guerre paraît trop grande et trop écrasante pour la scène. Cette incompatibilité fondamentale se voit encore augmentée au dix-septième siècle : en effet, les règles de la doctrine classique qui s’établissent progressivement finissent par interdire toute forme de violence sur scène, réduisent le temps, le lieu et l’action, pour ne laisser que peu de possibilités au déroulement des combats. Mais la guerre trouve toutefois sa place dans les pièces. Les dramaturges doivent alors intégrer le sujet dans la construction logique de l’intrigue, au niveau de l’inventio, en modifiant ses caractéristiques temporelles. Au niveau de la dispositio, ils ont recours au hors-scène et gèrent l’éloignement spatial des conflits. Sur scène, la guerre se transmet par le discours des personnages : les récits de combats varient sur de nombreux critères, selon que la guerre racontée a lieu avant le début de la pièce, pendant les entractes ou dans le hors-scène simultané à l’action scénique.
Devenir soi quand on n’est rien : orphelines et paysans dans les romans de Marivaux.
Reichler, Claude
Une source à la fois d’inquiétude et d’intérêt pour les classes dominantes, au dix-huitième siècle, reste suscitée par les individus de "naissance obscure". Cette notion ne renvoie pas simplement à l’appartenance au Tiers-état, mais au monde inconnu de l’origine, qu’incarnent autant la femme que le paysan. Ce sont ces deux figures énigmatiques qui prennent la plume dans les romans-mémoires de Marivaux, passés à la postérité : l’orpheline de La Vie de Marianne et Jacob dans Le Paysan parvenu. Mais dans ces œuvres, la vraisemblance du narrateur se trouve ruinée par l’inachèvement de son récit : son ascension sociale est contredit par le rappel incessant du néant de ses origines, dont il n’est pas possible d'émerger dans la réalité de l’époque. Le lecteur peut toutefois accorder à Marianne, l’enfant trouvée, le bénéfice du doute : elle a le droit de s’imaginer une plus haute naissance. En fait, ce qui intéresse Marivaux, c'est de raconter "l’histoire d'une conscience" (Robert Mauzi, "Marivaux romancier", p. 14) avant qu'elle ne se fonde dans le corps social. Mais comment devenir soi quand on n'est rien ? C'est surtout la genèse du lien entre récit personnel et naissance obscure que je me suis proposé d'analyser. J’ai donc ajouté à mon corpus trois œuvres de jeunesse : dans Les Effets surprenants de la sympathie, Pharsamon et Le Télémaque travesti, des orphelines et des paysans apparaissent, qui effectivement racontent leur vie. Et il faut constater que, déjà, leur récit émerge du néant pour se perdre ensuite dans le texte, créant un appel d’air dans la cohésion du roman, ou constituant au contraire une cohérence isolée au sein d'un univers grotesque. C’est dans ce contexte que se déploie la naissance obscure dans toute sa polysémie, avec les phases naissance, connaissance, renaissance et reconnaissance que l’on retrouvera dans les mémoires de Marianne et celles de Jacob.
Alain Souchon : vers une expression moderne et populaire de la mélancolie.Etude de quelques procédés stylistiques.
Wyss, André
Depuis trente ans, Alain Souchon enchante notre quotidien de ses refrains aux accents mélancoliques. La longévité de sa carrière et la reconnaissance des professionnels – il est le chanteur le plus primé de l’histoire des Victoires de la musique – font de lui un auteur-compositeur-interprète profondément populaire. Mais au fond, qu’est-ce qui fait le talent et l’originalité de cet artiste ? « Populaire » est-il un gage de qualité ? L’étude des textes de ses chansons, d’un point de vue stylistique, révèle l’exigence d’écriture de cet auteur. Les noms propres, le langage familier, une syntaxe débridée et un travail métaphorique particulier constituent le style « Souchon ». L’auteur fait un usage personnel et original de ces formes, qui reflètent par ailleurs la mélancolie de ses textes. Souchon, par ses choix esthétiques, donne à voir une image originale et unique de la mélancolie, celle d’une affection « moderne » et « populaire » qui, bien plus que la pathologie individuelle du poète, est en fait une pathologie sociale, celle dont souffre la société moderne.
Le handicap en ses miroirs : portrait de la déficience par elle-même.
Meizoz, Jérôme
Le présent Mémoire a pour objectif principal de présenter une figure relativement récente de la littérature : l’écrivain handicapé. Pour ce faire, il se base sur un corpus dont les différents ouvrages sont les productions d’écrivains qui, pour la plupart, souffrent d’un handicap qui rend leur rapport à l’écriture moins aisé que pour l’écrivain ‘traditionnel’. L’analyse de ces textes s’organise selon quatre axes principaux. Un premier chapitre est relatif à la construction, par les différents auteurs, de la notion de handicap ; l’objet de ce chapitre est également d’étudier de quelles manières les écrivains justifient leur droit à la parole. Vient ensuite un chapitre sur les différents ‘masques’ qui peuvent être attribués à la personne souffrant d’un handicap, qui correspondent aux diverses étapes de son évolution. L’étude se poursuit sur une réflexion concernant l’acte d’écriture lui-même, ainsi que sur la nature de ses productions. Enfin, le dernier chapitre analyse le message, ou plus précisément les messages que ces écrivains cherchent à faire passer à travers leurs ouvrages.
Alexandre Dumas : Conteur et Voyageur. Impressions de voyage en Suisse (1833).
Reichler, Claude
Alexandre Dumas (1802-1870), contraint en 1832 de quitter Paris pour échapper au choléra et à la prison, décide de faire un voyage en Suisse, pays visité avec ferveur dès le XVIIIe siècle. C’est un jeune homme brillant : son drame Anthony fit scandale dans toute la France. Mais Dumas est encore au début de sa carrière. Il recherche une nouvelle inspiration, afin de se frayer un chemin dans la littérature et dans le monde. Les Impressions de voyage en Suisse révèleront cet écrivain hors pair. Sous sa plume, récits historiques et légendaires, anecdotes, aventures personnelles et descriptions de paysage se mêlent avec art. De même, fantaisie, drame et humour s’entrechoquent continuellement. La Suisse, par sa variété géographique (bourgades, lacs, plaines, montagnes, vallées, etc.), se prête parfaitement à ce mélange hétérogène. Dumas y rencontre personnages illustres, paysans et étrangers. Tous contribuent, par leurs récits personnels, à rendre l’œuvre de Dumas attrayante, originale et débordante de vie.
L’interculturalisme dans les mémoires d’Amadou Hampâté Bâ.
Meizoz, Jérôme
Amadou Hampâté Bâ ayant vécu en Afrique, au Mali, de 1900 à 1991, il est sans conteste l’un des témoins les plus importants de l’histoire du continent africain, du processus de colonisation à l’indépendance. Dans ses mémoires, il nous raconte sa vie ; sa petite enfance et son éducation traditionnelle dans l’ethnie peule, puis son passage à l’école française et les différents postes qu’il a occupés dans l’administration coloniale. Il a hérité de deux cultures qui se sont opposées et sont encore en contradiction dans certains domaines. Elles furent surtout considérées longtemps comme inégales. La culture du colonisateur était présentée comme la culture de la civilisation face à une culture africaine considérée comme « primitive ». Pourtant c’est en français et dans un genre qui plonge ses racines en Occident qu’Hampâté Bâ revendique sa culture africaine, et tente même de promouvoir et de défendre la perpétuation de certaines coutumes. Une tension réside dans ce choix de défendre sa culture africaine face à la culture française tout en utilisant la langue et le genre d’une littérature occidentale. Mon travail se focalise sur cette tension que l’on retrouve dans l’écriture de ses mémoires à plusieurs reprises, malgré la volonté de l’auteur de minimiser, voire d’effacer le conflit de loyauté devant lequel il se retrouve sans cesse.
Eclats d’enfance. 16 écrivains racontent leur enfance algérienne…
Cordonier, Noël
L’Algérie coloniale, française, fait partie d’un passé révolu, lointain et partiellement oublié. Sa survie au cœur de la mémoire est possible uniquement grâce aux souvenirs de ses acteurs, de ses enfants. Réunissant seize auteurs de confessions, d’origines et de cultures différentes ayant grandi en Algérie, le recueil de nouvelles Une enfance algérienne constitue à cet égard un ouvrage particulièrement riche et inouï. Nous avons tenté, au cœur de ces fragments d’enfance autobiographiques, de comprendre quelle vision de la terre natale les écrivains ont choisi de transmettre. Ainsi s’est dévoilée, au cœur d’une intense et très riche variété de tons, de styles et de langues, une Algérie tantôt sereine et heureuse, tantôt meurtrie par la haine et la violence. Une Algérie presque mythique, presque irréelle aujourd’hui, mais que tous ont profondément aimée et à laquelle leur texte rend une véritable hommage.
Analyse du discours publicitaire sous l’angle de la pyramide des besoins de Maslow.
Lugrin, Gilles et Adam, Jean-Michel
La publicité utilise différents procédés afin d’influencer le consommateur. L’exploitation des besoins fondamentaux de l’homme peut en faire partie. A partir de la pyramide des besoins de Maslow, ce travail tente de montrer l’écart qui peut exister entre les besoins qu’un produit satisfait et ceux que le discours publicitaire construit. Maslow, psychologue des années cinquante, a défini cinq besoins fondamentaux humains (les besoins physiologiques, les besoins de sécurité, les besoins d’amour et d’appartenance, les besoins d’estime et le besoin d’accomplissement de soi). Notre travail tente d’actualiser ces besoins dans l’analyse du discours publicitaire. Notre corpus est formé de publicités pour les eaux minérales plates en bouteille, les petites voitures, les cigarettes et les montres de luxe. Ces produits répondent presque tous objectivement à des besoins humains spécifiques, mais ce ne sont pas forcément ces besoins que la publicité exploite. Par l’analyse du discours publicitaire, ce travail met en avant les besoins que les marques utilisent afin de se créer une image et de se positionner sur le marché.
Si Marguerite Yourcenar définit Alexis tel le portrait d’une voix, ce mémoire se profile comme une esquisse de l’auteur à l’œuvre, c’est-à-dire en fonctionnement mais aussi en contexte et donc dans la durée. A travers une lecture croisée d’Alexis et de sa préface, ce travail espère éclairer la communion d’intérêts dans la quelle se rencontrent, mais peut-être aussi s’affrontent, l’écrivain et son personnage, l’auteur et le narrateur. La question homosexuelle, qui sous-tend le récit, sert de fil conducteur à une réflexion visant à démontrer l’importance de la prise de parole en tant que moyen d’invention et d’affirmation de soi par rapport à un discours socialement et culturellement dominant.