Prélude à Nuages dans la main, étude d’un manuscrit d’Alice Rivaz.
Maggetti, Daniele
A travers le manuscrit de Nuages dans la main, seul manuscrit ayant été conservé par l’auteur, ce travail se propose de retracer l’histoire du premier roman d’Alice Rivaz, histoire qui se fait le reflet de la naissance de la vocation littéraire de la romancière. Le manuscrit contient en germe à la fois le roman qui deviendra Nuages dans la main et à la fois l’ébauche d’un autre roman qui ne verra jamais le jour, dont l’action se déroule lors de la fusillade de 1932 dans les rues de Genève. Les personnages des deux histoires se croisent dans les pages du manuscrit, composées essentiellement de passages déjà fortement rédigés. Une liste de personnages, ainsi que quelques ébauches de plans jalonnent également les pages du manuscrit. Après une lecture approfondie de la matière inédite, une mise en parallèle d’éléments tirés du manuscrit avec des passages extraits du roman publié permet de mesurer le travail réalisé par la romancière, de percevoir l’ampleur des choix opérés, de l’adoption d’une structure en une seule journée allant de pair avec une diminution du nombres des personnages, à l’exécution d’une importante autocensure, en passant par une forte densification textuelle.
Barthes et la lecture : apports et limites d'une nouvelle conception.
Reichler, Claude
Devant la multiplicité des textes et des lectures, de nombreuses théories se sont développées, qui cherchent à comprendre et à analyser ce phénomène mystérieux qu’est l’interprétation. La période d’émulation où les anciens critères sont remis en cause débute en France à la fin des années soixante, moment riche de questions et d’idées prometteuses. Barthes occupe une place prépondérante dans ce bouleversement. Il casse les vieux dogmes, pluralise la lecture et propose une approche qui tienne compte de l’écrit tel qu’il le conçoit, dans sa diversité et son inachèvement. Le sujet est promu producteur à part entière de sa lecture. Longtemps considéré pour la théorie du texte qu’il expose, c’est par sa conception de la lecture que Barthes me semble vraiment intéressant. Suivre son cheminement pour le discuter permet d’en souligner les faiblesses et de montrer tout ce que les théories récentes de la réception lui doivent.
Le point de vue dans les textes narratifs de Nathalie Sarraute.
Chaperon, Danielle
Ce travail s’est intéressé à la question du point de vue dans les premiers textes de Nathalie Sarraute : Portrait d’un inconnu, Martereau, Le Planétarium, Les Fruits d’or et Entre la vie et la mort. Ces textes ont encore quelques caractéristiques des romans traditionnels de type balzaciens : ils racontent une histoire vécue par des personnages. Cependant, il y a dans ces œuvres une remise en question du statut du narrateur et des personnages. Sarraute passe ainsi par une réflexion sur la narration, pour nous offrir une réflexion sur l’identité humaine. Technique narrative et conception de l’homme seront donc liées de manière inextricable dans ses textes. La technique narrative de Sarraute consiste principalement en un emploi systématique de points de vue difficiles à identifier, car le plus souvent non introduits et insérés dans un contexte où les personnages ne sont pas nommés. Ce mémoire s’est donc attaché à essayer de décrire cette technique narrative originale pour la mettre en rapport avec la conception particulière de l’homme qu’à la fois elle présuppose et qui en émane.
Les voix des contes (I). Le discours rapporté dans les contes de Perrault et des frères Grimm.
Heidmann, Ute et Adam, Jean-Michel
Ce mémoire porte sur l'utilisation du discours rapporté dans les contes de Perrault et des frères Grimm. Il tente d'observer la manière dont sont représentées les paroles, les pensées et les perceptions des personnages. La première partie établit des statistiques sur les occurrences et les aspects des discours rapportés, afin d'avoir une vue globale de l'utilisation par les auteurs des différentes formes de discours rapportés. La deuxième partie entreprend une comparaison de La Belle au bois dormant et de Dornröschen pour étudier les effets que crée l'utilisation du discours rapporté sur les textes. Les résultats de ces deux approches complémentaires montrent qu'il faut dépasser les similitudes des motifs des contes de Perrault et des frères Grimm et relever les différences fondamentales de leur mise en texte, pour tenter de les comprendre dans leur contexte de production.
Cent petites histoires de Corinna Bille : une forme hybride ?
Maggetti, Daniele
Notre travail, dans un premier temps, s’efforce d’inclure les Cent petites histoires dans le genre poétique : nous avons pu constater une structuration discursive lyrique - la mise en forme d’une affectivité - rendue tangible dans le discours par certains traits stylistiques. Mais nous avons également remarqué la présence d’éléments narratifs au sein de ces poèmes en prose, qu’ils consistent en une simple ébauche décorative ou en un récit embryonnaire quasiment abouti. Il était dès lors impossible de continuer l’analyse en les ignorant. Nous sommes arrivée à la conclusion que la spécificité des Petites histoires réside dans leur forme hybride : les proto-récits, loin d’être exclus de la poésie, sont au contraire utilisés pour mettre en forme l’affectivité du sujet lyrique. Cette transgression générique, qui permet d’unir deux genres différents, se retrouve également dans la thématique des recueils.
Jeu linguistique au Moyen-Age : de l’influence du français sur la langue anglaise et de l’intégration anglaise de la langue française dans le cas particulier de la traduction du Roman de la Rose par Geoffrey Chaucer.
Le marcheur et la ville. Réenchanter l’espace dans Les Ruines de Paris, La Liberté des rues et Le Citadin de Jacques Réda.
Reichler, Claude
Ce mémoire propose une lecture de Jacques Réda à travers la figure du flâneur, héritée de Baudelaire et de la modernité, figure largement commentée par Walter Benjamin. On s’intéressera à la représentation de la ville chez Réda, à la fois lieu surmoderne et lieu commun. A travers les lieux de la ville et le temps, à travers la marche, on retrouve une thématique et une esthétique du lien. En s’interrogeant sur la lecture et l’écriture, qui sont véritablement au cœur de la problématique du flâneur, on voit émerger la figure d’un flâneur chiffonnier qui tente de sauver du naufrage ce qui peut l’être, qui tente de faire sens alors que le temps même engloutit ce sens. L’image de récupération, de réappropriation, est au centre des textes de Réda, constamment à la recherche de la rencontre, de l’échange, du dialogue. Le réenchantement s’opère à travers la marche et à travers l’écriture qui devient elle-même un trait d’union entre les temps.
Expérience de l’espace et écriture chez Jacques Lacarrière.
Reichler, Claude
Jacques Lacarrière (1925 – 2005) a été parmi les pionniers en France du mouvement dit de « travel writing » et donnait régulièrement des conférences au festival « Etonnants voyageurs » de Saint-Malo. Dans ses deux grands récits de voyages, Chemin faisant (1974) et L’Été grec (1976), il met en place son propre art du voyage et de l’écriture, au sein duquel le rapport entretenu avec l’espace et en particulier avec le paysage joue un rôle essentiel. A la lumière de théories paysagères comme celle d’Augustin Berque et de la phénoménologie, nous nous sommes attachés à montrer l’importance assignée au corps dans l’appréhension de l’espace, faisant de celle-ci une véritable expérience vécue, incarnée. Mais nous avons également pu observer l’intervention d’autres facteurs favorisant une « rencontre du monde » réussie. Toujours sous l’éclairage de la problématique paysagère, nous avons ainsi abordé les questions de la disponibilité, des références culturelles, de la fonction du mouvement imprimé par la marche, des effets du hasard et de la surprise. Par ailleurs, l’expérience spatiale est inséparable de la perception temporelle, que Lacarrière considère comme le principal bouleversement du voyage. Nous avons donc tenté de mettre en évidence comment le temps et la mémoire – personnelle ou collective – interviennent de manière décisive, au moment de l’expérience comme dans la façon qu’a l’auteur de penser cette dernière. Enfin, Lacarrière se veut écrivain autant que voyageur. Après avoir analysé son discours sur la marche, le voyage et l’écriture, nous avons recherché la trace de ce discours dans les textes, en nous demandant comment celui-ci influence l’écriture. Comment l’expérience même du paysage ou de l’espace est-elle transmise dans le texte, ou dans quelle mesure l’écriture traduit-elle une certaine attitude revendiquée face au paysage ? La notion de « cheminement », omniprésente dans l’œuvre de Lacarrière, nous a accompagnés tout au long de notre travail.
L’émergence du fictionnel dans La Pêche miraculeuse de Guy de Pourtalès. Une étude génétique comparée des premiers chapitres des manuscrits autographes.
Jakubec, Doris
Les manuscrits du début de La Pêche miraculeuse de Guy de Pourtalès présentent quatre phases d'écriture, au sein desquelles sont visibles trois modes d'énonciation différents. L'étude de ces variantes permet de suivre la démarche de l'auteur et de constater comment, entre 1933 et 1937, il change radicalement de but: de ce qui devait être, au départ, une autobiographie, il fait un roman, une vaste fresque sociale n'ayant en apparence que peu de rapports avec sa propre vie. La transcription de ces manuscrits constitue la partie majeure de mon travail : elle sert de base à l'étude comparée des différentes étapes de rédaction de La Pêche miraculeuse, étude qui profite des outils de l'analyse thématique et des théories de l’énonciation.
Entre métathéâtre et tragédie. Etude comparative de trois variations sur "le prométhéen" : Prométhée enchaîné d’Eschyle, Prometeo de Rodrigo García et Prometeo equivocado de Miguel Medina Vicario.
Antonio Lara Pozuelo
Ce travail part d’une intuition : la mise en discours théâtral du "mythe de Prométhée" déploie des significations génériques ou effets de généricité (considérés comme instructions pour la production d'un signifié) que l’on peut associer aux formes dramatiques historiques que sont la tragédie et le métathéâtre. Dans les oeuvres étudiées, les concepts interprétatifs du tragique et de la métathéâtralité coexistent et le personnage prométhéen (qu’il apparaisse sous les traits du héros mythique, d’un boxeur ou d’un anti-héros postmoderne) est l’agent qui essaie d'articuler ces significations a priori divergentes afin d’en devenir le lieu d’une synthèse, avec plus ou moins de succès selon les cas. Les oeuvres sont d’abord traitées individuellement en fonction des notions théoriques définies préalablement, puis comparées en fonction des axes de comparaison qui ont surgi au cours de l’analyse individuelle. Dans un premier temps, les significations potentiellement métathéâtrales du Prométhée enchaîné sont mises en exergue, puis la généricité tragique ou métathéâtrale des "réécritures" est étudiée. Enfin, les trois oeuvres sont mises en relation à travers les mécanismes de construction du temps et du sens qu’elles mettent en oeuvre, le prométhéen se définissant comme la capacité "métathéâtrale" de créer les conditions de l’espoir dans un contexte tragique. Les "réécritures" sont comparées en fonction de leur relation à la tragédie d’Eschyle en tant qu’hypotexte et au "genre" de la tragédie en général. En conclusion, en plus du prométhéen, le travail propose les catégories (applicables à d'autres corpus) de corps et conscience de la représentation pour l’analyse du processus de signification théâtral.
De la dorveille à la merveille : L’imaginaire onirique dans les lais féeriques des XIIe et XIIIe siècles.
Corbellari, Alain
A l’origine de ce mémoire, un étonnement : contrairement à la plupart des textes français de la même époque, les lais des XIIe et XIIIe siècles (de Marie de France et des auteurs anonymes) ne comptent pas de rêve, bien qu’on y dorme beaucoup. Pourtant, ils ne semblent pas moins empreints d’un onirisme latent, implicite. L’étude de ce dernier a structuré le mémoire en deux tableaux. Dans une première partie, thématique, l’analyse, tantôt structurale, tantôt linguistique ou énonciative, tend à montrer que dans les lais féeriques le moment privilégié de la rencontre surnaturelle peut être considéré comme une rêverie compensatoire de la part de protagonistes particulièrement malheureux. Ceux-ci, qui souffrent tous d’une injustice ou de quelque frustration, chercheraient ainsi au travers du fantasme ou du rêve éveillé, une source de consolation dans les bras d’un être féerique. La deuxième partie est uniquement consacrée au lai anonyme Désiré qui, dans notre perspective, fait figure d’exception. L’analyse monographique du lai que nous proposons repose sur l’hypothèse forte selon laquelle le passage central du texte ressortirait au registre du rêve, rêve compris ici non plus au sens de rêve éveillé, mais de ‘vrai’ rêve nocturne, même s’il n’est pas donné pour tel. En conclusion, nous éclairons les passages étudiés dans nos deux parties à la lumière de la classification des songes de Macrobe et nous établissons des ponts, en nous méfiant de l’anachronisme, vers cette autre théorie du rêve qu’est la psychanalyse, en confrontant sur la base des lais les deux pensées parentes mais divergentes de Freud et Winnicott. Outre une lecture très personnelle des textes, ce mémoire propose une revalorisation des lais anonymes si souvent – et si injustement – décriés pour leur manque de lisibilité et de cohérence. Notre lecture tire parti de leurs soit-disantes inconséquences les plus dérangeantes par le biais du rêve, dont on sait bien que le contenu manifeste, par essence saugrenu et illogique, résiste à l’entendement.
« Play It Again, René ! Ambivalences parodiques : la délicate négociation entre le Cœur et le corps dans le Livre du Cuer d’Amours espris de René d’Anjou.
Mühlethaler, Jean-Claude
À l’instar de nombreuses oeuvres du Moyen Âge finissant, le Livre du Cuer d’Amours espris de René d’Anjou (1457) se présente comme un texte à caractéristiques formelles hybrides, empruntant aussi bien au réservoir de la personnification allégorique, telle qu’elle fut popularisée par le Roman de la Rose, qu’à celui des romans arthuriens. Une partie récente de la critique a mis en lumière les aspects essentiellement ludiques d’une pareille circulation intertextuelle en plaçant l’emphase de l’analyse sur les indices de la prise de distance parodique de ce texte par rapport aux hypotextes dont il se nourrit. C’est sur ces recherches que le présent travail prend appui, dans sa volonté d’apporter de nouveaux éléments corroborant l’idée d’un dysfonctionnement, dans le Livre du Cuer, des idéaux courtois et chevaleresque. Les séquences étudiées offrent autant d’exemples de jeux parodiques avec des intertextes « sérieux », qu’ils soient biblique, moraliste ou d’inspiration héroïque. L’angle d’approche choisi pour scruter l’attitude parodique est le recours constant du narrateur à la matérialité (aspects corporels, nourriture, argent, etc.) en dissonance avec l’idéalité de la quête courtoise. Enfin, ce travail tente le pari de débusquer, dans l’examen des occurrences parodiques, une constante moins ludique et plus grave. On peut en effet dégager dans le roman les indices d’une séparation inquiétante entre signifiant et signifié, ainsi qu’un mouvement allant de la sauvagerie vers une civilisation excessive, dont le raffinement semble traité par une rhétorique du dégoût malgré le parti pris ludique de la narration. Une telle charge critique, bien que marginale et de caractère éminemment latent dans l’œuvre prise dans son ensemble, serait ainsi le reflet des préoccupations de l’auteur concernant la vie curiale de son époque et l’état de la courtoisie qui apparaissent, du moins à ses contemporains moralistes, comme le règne de la (fausse) semblance et la courtisanerie.
Un roi pour un duc: la figure du roi Arthur dans le manuscrit B.N.F., Fr. 112 (Texte et image).
Mühlethaler, Jean-Claude
Le manuscrit Fr. 112 des fonds français de la Bibliothèque Nationale de France présente la particularité d’avoir comme commanditaire un des bibliophile les plus férus de littérature arthurienne de son temps. Compilation gigantesque, il inclut des romans de chevalerie dont un cycle de la Vulgate. Le propos de cette étude est d’analyser les rapports que le programme iconographique entretient avec le texte dans les miniatures du Lancelot en prose qui mettent en scène le roi Arthur. La recherche débouche tout naturellement sur la question de savoir quelle était l’idée que le commanditaire du manuscrit, Jacques d’Armagnac, duc de Nemours et comte de la Marche, se faisait de la figure royale. En effet, ce bibliophile, serviteur du roi pendant la reconquête du royaume, fut aussi membre de la Ligue du Bien Public et intrigua contre Louis XI. La figure du roi Arthur, dans le programme iconographique du manuscrit 112, reflète-t-elle les orientations politiques de son noble commanditaire ?… Exprime-t-elle — face à la conception de la royauté au XVe siècle — une nostalgie de la société chevaleresque, telle que la décrit le roman de Lancelot deux siècles auparavant ?…
Corps toujours. Autour du corps dans la Trilogie de Samuel Beckett.
Kaempfer, Jean
Depuis une quarantaine d’années, les critiques s’efforcent, avec plus ou moins de succès, d’expliquer la Trilogie de Samuel Beckett. Chacun s’y emploie à sa façon, mais elle est de ces œuvres qu’on ne sait jamais trop par quel bout saisir. Ce travail s’attache à démontrer que, dans ce vaste effort explicatif, le corps n’a pas été suffisamment considéré. En effet, si l’on a constaté la décomposition physique de ses personnages principaux, on a fort peu tenté de l’expliquer. On a relevé aussi une tendance à considérer son corps comme un objet. Curieux ? Pas selon ce travail. Réduire leur anatomie, en émousser les sens, est l’unique solution trouvée par les personnages pour surmonter la difficile relation qu’ils mènent avec leur corps. Nous y abordons donc les divers points concernant cette hypothèse. Sont également traitées la fréquente assimilation du corps au monde des objets et les tentatives de le vivre de manière naturelle.