Poétique de la mort chez Marguerite Duras : deuil, écriture et rhétorique.
Kaempfer, Jean
Dans la dernière période de sa vie (1978-1996), Marguerite Duras a rédigé les textes du Cycle atlantique. Cette époque fut celle de la renommée internationale : le succès fulgurant de L’Amant (1984). Pourtant, la vieillesse sera surtout pour elle synonyme d’une fascination sans bornes pour la mort et le deuil. Dans ce travail, notre objectif est de comprendre comment le thème de la perte de l’autre implique une recherche formelle. Nous pensons que Duras souhaitait créer un genre nouveau qui puisse transcrire la tragédie de la mort grâce au texte : elle voulait transcender l’oubli et provoquer l’avènement d’un souvenir éternel. Il est aisé, en analysant le style de Duras, de dire qu’il est poétique, mais il est plus pertinent de nous arrêter sur cette appellation, l’écriture – un terme métatextuel couramment utilisé par l’auteur – afin de saisir si cette notion peut renvoyer non seulement à une problématique stylistique, mais également formelle. Pour définir l’écriture de la mort, nous avons choisi de recourir aux outils de la rhétorique classique. Après avoir défini les modalités du deuil durassien, nous avons réfléchi à l’affinité de certains écrits de Duras, comme « La Mort du jeune aviateur anglais », avec le genre épidictique. L’intérêt de la rhétorique est de pouvoir investiguer la textualité, d’une part stylistiquement (l’elocutio) et, d’autre part, structurellement (la dispositio).
ECRIVAINER. Le discours épistolaire de Samuel Daiber. Langue, psychose et inventivité.
Adam, Jean-Michel
L’intérêt de ce travail réside dans l’aventure où la langue se trouve embarquée : ECRIVAINER ? Le titre témoigne d’une pratique d’écriture spécifique, qui surprend, puis interroge : nous considérons les écrits épistolaires asilaires de Samuel Daiber (1901-1982) comme ce qu’Emile Benveniste qualifie de “truchement d’un autre « langage »”. C’est donc en des termes relevant du déplacement que nous abordons plus précisément une lettre datée du 28 novembre 1963 adressée à un médecin, “sortie” de la marginalité, de l’enfermement et de la stigmatisation psychiatriques par la Collection de l’Art Brut de Lausanne. Partant de l’articulation de la double dimension textuelle et sociale des pratiques discursives, ce travail reconnaît un genre de discours qui justifie le recours aux essais de Julia Kristeva, “aux frontières de la linguistique et de la psychanalyse”, où texte et contexte s’unissent par une théorie du sujet, faisant l’interdisciplinarité de cette étude. En fréquentant les marges propres au discours psychotique, nous entrons dans un univers total, qui joue sans cesse sur l’univocité du sens : par le désancrage face au code commun et le remaniement du lexique, la lettre de Samuel Daiber dit autant la plainte douloureuse, la dénégation du réel que la création foisonnante. Sachant que les internés sont relativement laissés à eux-mêmes en ce qui concerne l’expression verbale, nous pouvons affirmer nous trouver en face du discours d’un homme qui, comme Antonin Artaud le dit pour lui-même, avoue avoir perdu en partie la connaissance des mots, en faisant l’expérience extrême de se trouver étranger dans sa propre langue. Cet état d’altérité caractérise l’identité de la langue dans la langue de Samuel Daiber, dont la lecture permet d’établir le paradoxe fondateur : celui-ci passe par le double mouvement d’“une mort et d’une réinvention de soi”, si bien qu’il n’empêche pas de placer la question de l’aliénation dans le domaine de l’invention de nouvelles formes.
« Nommer l’incognito : Gauvain dans Le Livre d’Artus ».
Mühlethaler, Jean-Claude
Le Livre d’Artus (après 1235) est une des Suites du Merlin en prose qui prétendent raconter rétrospectivement les débuts du règne d’Arthur. Notre travail part du constat suivant : Gauvain, personnage-clé de la cour arthurienne, est réputé depuis le Conte du Graal de Chrétien de Troyes pour ne jamais cacher son identité à qui la lui demande. Dans le Livre d’Artus, il refuse non seulement de la donner, mais se fait également passer pour un autre, usurpant à plusieurs reprises l’identité peu flatteuse de « Daguenet li Coars ». Par le biais de l’entrelacement et de l’omniprésence de Gauvain, l’incognito du personnage se retrouve au cœur du récit et des problématiques attachées à son pacte d’écriture. Le procédé permet au prosateur de mettre en avant l’importance de la renommée dans la société chevaleresque, de s’interroger sur le statut du nom propre, mais aussi de se positionner dans la réflexion qu’il mène sur la formation des stéréotypes arthuriens, d’asseoir son statut d’anticipation du Lancelot en prose, de développer une esthétique et une tonalité qui lui sont propres ainsi que de répondre aux ambitions totalisantes de la prose romanesque en convoquant un intertexte à la fois cyclique et propre aux romans en vers. Il répond aux ambitions totalisantes de la prose romanesque en convoquant un intertexte qui renvoie à la fois aux romans cycliques et aux récits en vers. A travers l’étude de l’incognito de Gauvain dans Le Livre d’Artus, ce mémoire offre au lecteur un accès à la vision d’une époque sur un personnage récurrent de l’univers arthurien et lui ouvre, en même temps, une porte vers un texte peu connu, mal édité et encore moins étudié, qui pourtant mérite à nos yeux d’être (re)découvert.
« L’arrière dans le récit de guerre : l’évolution d’une représentation ».
Kaempfer, Jean
La représentation des civils subit une profonde évolution dans les trois grandes générations de textes ayant la Première Guerre Mondiale pour objet. Les récits-témoignages écrits par des combattants durant le conflit ou peu après livrent une réaction « à chaud » contre l’arrière, victimisant les soldats et niant les souffrances des civils, et divisent de la sorte la société en deux sphères, combattants contre non-combattants. Les romans publiés dans les années 30 bénéficient d’un certain recul, qui permet la décantation des souvenirs et des sentiments. La représentation des civils s’y fait donc à la fois plus nuancée, mais aussi plus extrême, car le temps permet aussi aux sentiments refoulés de se libérer. Ce n’est qu’à la fin du XXème siècle que se dessinera une véritable tendance à réhabiliter la population civile dans la littérature. Dans les textes parus à ce moment, les civils tentent à la fois de recueillir l’expérience de leurs proches qui ont combattu et de comprendre le conflit ; le dialogue est restauré, et une véritable coopération s’installe même entre civils et combattants, ce qui permet de combler, à la fin du XXème siècle, le fossé entre l’avant et l’arrière.
Blogues_intimes.com : écriture di@ristique sur internet et constitution du genre intime.
Meizoz, Jérôme
Cette étude cherche à appréhender une nouvelle forme d’écriture de soi, incarnée dans les blogues intimes. Les hypothèses ayant conduit à ces recherches sont les suivantes : d’une part, le blogue doit être considéré comme une nouvelle forme de diarisme. Bien que diffusé en ligne, il semble en effet contenir les traits d’une expression intime telle qu'elle pourrait apparaître dans un carnet tenu secret. D’autre part, cette diffusion et la visibilité qui en découle amènent à une progressive constitution d'un genre intime. L’analyse d'un corpus constitué de huit blogues cherchera donc à affirmer ces hypothèses. Les outils seront ceux de l’analyse littéraire, mais un recours à certaines notions telles que celles d’intimité et d’extimité servira également à en établir la validité.
A la lumière de la Bible : Pour une lecture christique du Roman de Mélusine ou La Noble Histoire de Lusignan de Jean d’Arras.
Mühlethaler, Jean-Claude
Le Roman de Mélusine (1393) de Jean d’Arras raconte les origines de la famille des Lusignan dont l’ancêtre merveilleuse est la fée éponyme. Le récit invite à une lecture aussi bien politique, féerique, folklorique que socio-historique, etc. ; si nous avons choisi de nous pencher sur les éléments contribuant à christianiser Mélusine – femme-serpente aux relents inquiétants, sinon diaboliques –, c’est qu’il s’agit d’un aspect largement négligé par les nombreuses études antérieures. Notre recherche a permis de mettre en évidence toute une série de convergences entre le récit de Mélusine et la Bible, que ce soit au niveau du canevas ou de thèmes, sur lesquels Jean d’Arras joue aux moments charnières du texte (rencontre avec la fée, sa disparition) afin d’orienter l’interprétation du passage par le lecteur. L’enjeu de ce mémoire, par le biais de l’analyse de ces épisodes clefs, est de poser un regard nuancé sur la difficile récupération chrétienne du matériau folklorique, d’en cerner à la fois les possibilités et les limites d’un lecture en clé chrétienne (voire christique) de Mélusine, à laquelle Jean d’Arras nous invite dès le prologue, quand il légitime la merveille en s’appuyant sur l’auctoritas des Écritures.
La question du pouvoir et de son exercice dans l’œuvre de François Rabelais.
Mühlethaler, Jean-Claude
En faisant de ses géants des princes, Rabelais inscrit d’emblée ses œuvres dans le cadre d’une réflexion politique. Avant lui, d’autres écrivains et penseurs avaient fait du pouvoir un objet de réflexion ; c’est notamment à travers ce que nous rassemblons sous le terme de miroirs des princes, genre littéraire en vogue du XIIe siècle à la fin du Moyen Age, que se développa l’image du prince idéal. A cheval entre le Moyen Age finissant et le lent avènement de la Renaissance, Rabelais participe d’une conception médiévale du pouvoir, mais il la revoit à la lumière d’idées nouvelles issues notamment de l’humanisme. C’est ce qui apparaît à l’étude des princes dans Pantagruel et Gargantua, qu’ils soient « bons » (Grandgousier, Gargantua ou Pantagruel) ou « mauvais » (Picrochole ou Anarche). Mais Rabelais ne se limite pas à une mise en scène antithétique des « bons » et des « mauvais » princes, il les humanise en leur accolant des personnages empreints d’ambiguïté (Fère Jean et Panurge), propres à suggérer des dérives et des faiblesses possibles dans l’exercice du pouvoir. En conclusion, le prince idéal selon Rabelais ressemble beaucoup à l’idée que s’en font Gilles de Rome, Philippe de Mézières, Christine de Pizan ou encore Erasme : ils sont pacifistes, toutefois capables de s’imposer par les armes, quand cela est nécessaire, des rois lettrés (mais la notion même de sagesse évolue au fil des siècles !) qui savent maîtriser leur passions (et les exigences de leur corps). Comme le roi de France, ils se présentent sous les traits d’un rex christianissimus, font régner la justice et gardent en ligne de mire le bien commun, ce bonum commune issu de la tradition aristotélicienne. Sous le voile du comique, si volontiers relevé par la critique, affleure une réflexion approfondie sur l’Homme au pouvoir.
Les ressorts linguistiques du comique dans un sketch de Raymond Devos. Analyse textuelle de « Mon chien, c’est quelqu’un ».
Adam, Jean-Michel
Dans le cadre académique, l’étude de textes d’un humoriste peut surprendre. Les qualités poétiques et linguistiques des textes de Raymond Devos (1922-2006) sont telles qu’il serait regrettable de les écarter de l’étude universitaire, sous prétexte de manque de « sérieux » et de non littérarité. Ce travail a pour but de montrer comment Devos s’empare des mots et des situations du quotidien et les « travaille » de telle sorte que nous passons progressivement du monde auquel nous sommes habitués vers des mondes imaginaires voire franchement absurdes. La première partie de ce mémoire est consacrée à l’étude des différents procédés linguistiques : de l’homonymie à l’autonymie en passant par la polysémie et la polyisotopie ou la relittéralisation d’expressions figées, etc. Tout devient possible dans l’espace fictionnel du sketch, même les situations et constructions de mondes absurdes. Le dédoublement du langage (polysémie, entre autres) et des personnages permet des passages d’un monde à l’autre par l’intermédiaire des jeux de langage. L’originalité de Devos est d’écrire des sketches destinés non seulement à être joués sur scène, vus et entendus sur des supports audio-visuels mais également publiés. Le but de la deuxième partie est de proposer, sur cette base, une analyse textuelle du sketch intitulé « Mon chien, c’est quelqu’un ». La comparaison de ce texte avec une transcription d’un spectacle permet de mettre en lumière les variations des versions écrite et orale.
Le rapport entre l’homme et l’animal dans L’Autre Monde" de Cyrano de Bergerac".
Paschoud, Adrien
Loin d’être une simple question zoologique, le débat sur l’animal au Grand Siècle se mêle à la théologie et aux questionnements sur l’immortalité de l’âme et la nature de l’homme. Dans L’Autre Monde (1657), une œuvre qui ne cesse de faire dialoguer les savoirs (politique, scientifique, religieux, etc.), Cyrano de Bergerac fait grand usage des enjeux de ce débat. Concevant son œuvre comme un vaste laboratoire fictionnel, Cyrano allie le burlesque et le sérieux, la parodie et la réflexion philosophique ; il met en scène divers procédés d’animalisation et d’anthropomorphisation au sein d’un récit fondé sur la tradition du voyage sub- et supralunaire. Ce travail se propose donc de suivre Dyrcona, l’énigmatique protagoniste de Cyrano, dans ses explorations de la Lune et du Soleil, afin d’examiner de quelle manière la fiction s’approprie un débat ancien pour l’inscrire dans une anthropologie libertine.
Les Belles Images et La Femme rompue : échos du Deuxième Sexe.
Cossy, Valérie
Dans le cadre de ce mémoire, nous nous sommes intéressés aux deux derniers ouvrages de fiction de Simone de Beauvoir : Les Belles Images (1966) et La Femme rompue (1968). Or, nous avons pu constater que ces deux textes faisaient écho au Deuxième Sexe et particulièrement à « Situation » contenu dans le second tome. En effet, bien que Beauvoir distingue radicalement le genre de l’essai de celui du roman et refuse que ses romans soient considérés comme des romans à thèse, ses deux derniers récits paraissent constituer des études de cas de ce qu’elle théorise à propos des femmes dans Le Deuxième Sexe. La situation de ses héroïnes exemplifie notamment ses thèses sur « La Femme mariée » et « La Mère », et permet de démystifier les préjugés véhiculés par la société à ce propos. Les décalage entre ce que vivent réellement les quatre héroïnes de Beauvoir et les mystifications sur l’épanouissement découlant du mariage et de la maternité est ainsi censé mettre en garde ses lectrices en leur permettant de prendre conscience de la réalité de leur propre situation. Les Belles Images et La Femme rompue témoignent donc du même engagement littéraire et féministe que celui dont Beauvoir fait preuve à travers Le Deuxième Sexe. Pourtant, ses deux romans ont été fortement critiqués par les féministes de l’époque et sont loin d’avoir connu le même succès que son fameux essai. On peut ainsi se demander pourquoi et regretter que Le Deuxième Sexe tende à faire de l’ombre aux autres livres de Beauvoir, car il nous semble que Les Belles Images et La Femme rompue seraient particulièrement intéressants à considérer dans le cadre des études genre. En effet, la déconstruction des stéréotypes sexistes à laquelle Beauvoir tend par la mise en scène de femmes ordinaires se rapproche des objectifs féministes actuels.
« L’oiseau peut-il chanter seulement la chanson qu’il connait […] ? » : analyse comparative des dialogues intertextuels dans La Belle au bois dormant de Charles Perrault et dans The Lady of the House of Love d'Angela Carter.
Heidmann, Ute
Cette étude met en lumière certains dialogues intertextuels engagés par « La Belle au bois dormant » de Charles Perrault et par « The Lady of the House of Love » d’Angela Carter. En s’appuyant sur la définition du dialogue intertextuel proposée par Ute Heidmann, elle analyse de quelle manière ces deux textes répondent à d’autres textes appartenant à différents horizons linguistiques et culturels. Cette étude montre les dialogues engagés par « La Belle au bois dormant » avec une version napolitaine du conte de Basile, avec l’histoire de Psyché selon Apulée et avec plusieurs textes de La Fontaine. Elle met également en évidence les dialogues engagés par « The Lady of the House of Love » avec le conte de Perrault, « The Fall of the House of Usher » d’Edgar Allan Poe et Dracula de Bram Stoker. Une fois ces différents dialogues intertextuels mis en lumière, elle compare de quelles manières et à quelles fins chaque texte recourt aux dialogues avec d’autres.
La visite à l’écrivain (1870-1940). Variations autour de la figure d’auteur sous la Troisième République.
Meizoz, Jérôme
La notoriété acquise par l’homme de lettres pendant les Lumières a poussé un nombre important de personnalités et autres admirateurs à se rendre chez les auteurs afin de les voir en chair et en os. Ainsi est né le rituel de "la visite à l’écrivain". Loin de constituer un événement ordinaire, ce genre de rencontre a fait l’objet de multiples témoignages au fil des siècles. La présente étude analyse une quinzaine de textes datant de la Troisième République, corpus mêlant des écrits aux formes différentes d’expressions (interviews, récits élogieux et satiriques). Elle cherche en premier lieu à montrer que la visite constitue un genre littéraire à part entière, défini par un scénario-type et des éléments récurrents. Dans un deuxième temps, elle analyse la figure du grand auteur, construite à la fois par auto- et hétéroreprésentation. Cette partie du travail souligne la manifestation de "postures d’auteur" et définit ce qui, selon nous, caractérise les récits de visites de la Troisième République.
Schématisation et argumentation dans les allocutions des 11 et 16 mai 1968 de Georges Pompidou.
Adam, Jean-Michel
Nous situant dans le champ de l’analyse textuelle des discours politiques, nous nous sommes concentrés sur les allocutions des 11 et 16 mai 1968 de Georges Pompidou. Valorisant une conception active du fait communicatif, nous considérons que tout discours relève d’une certaine intentionnalité illocutoire, qu’il est sous-tendu par une orientation argumentative et pragmatique. Toute description, tout fait de référence, est, suivant Jean-Blaise Grize, affaire de schématisation, c’est-à-dire de systématisation : l’orateur gère et génère un monde, sa composition, disposant les polarités énonciatives et rhétoriques à la manière d’images sur une scène théâtrale. Notre analyse suit le déroulement chronologique des allocutions : les deux discours se suivent et sont eux-mêmes étudiés dans leur progression rhétorique. Dans un premier temps, ces discours posent l’orateur et introduisent la situation (ethos). Dans un deuxième, ils expliquent ou argumentent sur le monde (logos). Enfin, se tournant vers l’auditoire, ils prennent en charge sa composition et l’interpellent pour une action citoyenne (pathos). Dans les deux discours, les ressources séquentielles, rhétoriques et argumentatives sont mises à profit pour légitimer les catégorisations et les actes que l’orateur produit. La description du monde est centrale dans ce jeu rhétorique : aboutissement d’une prise en charge légitimée par l’orateur lui-même et prémisse autant à l’argumentation qu’à l’usage de ressources épidictiques (création d’une communauté de valeur entre l’orateur et l’auditoire face à un tiers exclu), elle est le lieu d’organisation des polarités énonciatives et rhétoriques.
Les stratégies discursives manipulatrices du parti nazi, de l’Union démocratique du centre et du Parti socialiste.
Lugrin, Gilles
Depuis une quinzaine d’années en Europe, plusieurs partis nationaux-populistes remportent des succès électoraux importants et un nombre croissant de citoyens adhère à leur message. En analysant les discours de certaines formations politiques, des chercheurs ont évoqué la similitude entre les stratégies discursives manipulatrices du parti nazi et de la droite populiste française. Les médias et des personnalités politiques en Suisse dénoncent fréquemment le discours d’un parti, l’Union démocratique du centre, comme étant particulièrement manipulateur, mais sans étayer leur accusation sur des éléments tangibles. L’intention de ce mémoire est de montrer si cette affirmation est fondée et qu’il ne s’agit pas d’une tendance généralisée observable dans le champ politique actuel. A cette fin, nous procédons à une analyse comparative. La recherche consiste à prendre comme base un discours avéré hautement manipulateur, celui du parti nazi, dans lequel nous examinons la stratégie discursive et ses dominantes. A partir des données récoltées, nous analysons un discours de l’Union démocratique du centre et celui du parti socialiste et nous confrontons les résultats obtenus.
La manchette : définition d'un genre hybride entre journalisme et publicité.
Lugrin, Gilles
L’enjeu de ce mémoire est de relever les spécificités linguistiques et thématiques d’un genre à la frontière entre la publicité et le journalisme : la manchette. Cette dernière, placardée devant les kiosques et les caissettes à journaux, a pour mission principale de conduire le prospect à un acte d’achat. Dans un premier temps, l’analyse linguistique d’un corpus portant sur les manchettes de deux quotidiens romands, le 24 Heures et Le Matin, permet de saisir les spécificités stylistiques de ces « titres-slogan ». Une définition de ce genre est proposée autour de cette description. Dans un deuxième temps, l’analyse comparative des critères de sélection de l’information permet d’identifier les thématiques privilégiées par les manchettes de ces deux quotidiens. Une approche quantitative confirme la présence prépondérante du critère de captation dans ces « titres-slogans ».
Etude thématique et narratologique de trois personnages de jeunes dévotes dans l’œuvre d’Emile Zola.
Chaperon, Danielle
Ce mémoire se concentre sur l’étude de trois personnages de jeunes dévotes dans l’œuvre d’Émile Zola. Les personnages que nous avons choisi d'étudier sont Angélique dans Le Rêve, Clotilde dans Le Docteur Pascal et Marie dans Lourdes, le premier tome des Trois Villes. Notre travail sera divisé en deux parties complémentaires. La première partie sera composée d’une brève présentation et d'une analyse thématique des trois œuvres dans lesquelles nos jeunes dévotes sont présentes. À travers l’étude de leur hérédité, de leur caractère, de leur milieu, de leur entourage, de leur éducation, de l’influence de la religion et de l’amour dans leur vie, nous ferons ressortir les points communs qui lient nos trois héroïnes. Dans la deuxième partie de ce travail, après avoir mis en évidence les ressemblances entre nos trois protagonistes, nous ferons ressortir les différences entre nos trois romans au niveau des mécanismes narratologiques utilisés. Nous montrerons alors comment Zola glisse du roman expérimental employé dans les Rougon-Macquart au roman à thèse qui caractérise les trois tomes des Trois Villes. Pour terminer notre réflexion, nous essaierons de déterminer dans quelle mesure la modification des techniques narratologiques utilisées par Zola est à mettre en rapport avec l’évolution de ses idées sur la religion et quels effets ces modifications produisent sur le personnage de la jeune dévote en particulier.
Ecrire en français contemporain : Des théories langagières de Raymond Queneau au Chiendent.
Adan, Jean-Michel
Ce mémoire de licence s’intéresse aux théories langagières de Raymond Queneau et à leurs implications et applications dans Le Chiendent. Après une synthèse des principales critiques qui se sont penchées sur les liens qui unissent théorie et pratique linguistique chez Queneau, il sera en particulier question de dégager les lignes fortes de ses textes théoriques sur la langue. On verra que sa pensée théorique se construit essentiellement autour du constat d’un écart entre la langue parlée et la langue écrite. Pour des raisons qui seront mises en évidence, seul le langage parlé peut prétendre être le français actuel. Cette manière d’envisager la langue influence la poétique de Queneau dont un des soubassements fondamentaux est d’écrire dans la langue contemporaine. On verra comment Queneau applique cette nécessité à l’écriture du Chiendent. A travers l’analyse, on pourra aussi juger des innovations que Queneau apporte à la langue et au genre romanesque en hissant le français quotidien et contemporain au rang de langue littéraire.
L’œuvre de Benoîte Groult, ou la question d’un féminisme grand public.
Cossy, Valérie
Sa vie et son œuvre font d’elle un témoin et une actrice privilégiés des bouleversements sociaux dans les rapports hommes-femmes qui ont marqué le 20ème siècle en France. Benoîte Groult étant représentative d’une femme du 20ème siècle, - elle a eu un parcours de femme « exemplaire » (mariages, maternités, amants, désirs, etc.) -, elle peut susciter l’identification des lectrices à travers son témoignage vivant et accessible pour un large public. Mais, après le passage à l’écriture au début des années soixante, son entrée en féminisme est tardive, elle a environ cinquante ans. Simone de Beauvoir et Le Deuxième Sexe ont eu une place prépondérante dans l’ouverture au féminisme de Benoîte Groult. Cette dernière entre vraiment en féminisme avec Ainsi soit-elle en 1975. La particularité du féminisme de Benoîte Groult, c’est qu’il se situe entre action symbolique et militantisme ; à travers son féminisme tantôt « consensuel » tantôt plus subversif, l’auteure conjugue à la fois conservatisme et progressisme. C’est à partir de cette dualité que Benoîte Groult peut construire un féminisme « populaire », qui deviendra la spécificité de notre auteure. En effet, Benoîte Groult cherche avant tout à s’adresser à un grand public. Son féminisme consensuel, « populaire » lui a, dès 1975, finalement apporté, et la reconnaissance, et la célébrité. Mais c’est surtout grâce à son « exemplarité » en laquelle beaucoup de femmes peuvent se reconnaître, et son efficacité en communication, grâce à son expérience dans la presse féminine notamment, que Benoîte Groult est désormais connue en tant qu’écrivaine et féministe ; et malgré ses 87 ans, ses idées restent toujours très actuelles.
Emile Zola : de l’écriture scientifique du réel à l’écriture de l’utopie : analyse de l’évolution de l’écriture zolienne du cycle des Rougon-Macquart à celui des Quatre Evangiles.
Caraion, Marta
Dans le but de cerner la spécificité du courant zolien en littérature, dans ses relations avec le monde scientifique de son temps, il semblait intéressant de se pencher sur les raisons qui ont fait de l’écriture zolienne une écriture dite « scientifique ». L’objectif visé en premier était de montrer comment Zola s’est évertué à mettre en pratique, dès ses débuts, une méthode d’écriture calquée sur des principes scientifiques de son temps. Il s’agit d’abord de donner un aperçu général de ce lien entre science et littérature, de Thérèse Raquin aux premiers ouvrages du cycle des Rougon-Macquart, puis de développer la théorie émise par Zola en personne, contenue dans son ouvrage intitulé Le Roman expérimental. Ses propos permettent de mettre en lumière la méthode d’écriture dite scientifique que l’écrivain tente de transposer dans son univers romanesque. Enfin, il s’agira de donner une vision plus fouillée de la manière dont Zola s’y prend pour construire un roman naturaliste : quelles sont ses méthodes d’investigation scientifique, ainsi que le type de plan utilisé pour mettre sur pied un roman expérimental. Cependant, la rigueur scientifique que lui-même évoque ne se retrouve pas entièrement dans la totalité de sa production littéraire. Nous chercherons ainsi à démontrer que la Science n’a point été l’unique ligne directrice de l’écriture zolienne. Pour étayer cette position, l’accent sera porté sur l’une des compositions du dernier cycle zolien, celui des Quatre Evangiles. L’étude de Travail permettra de faire voir comment l’écriture scientifique du réel chez Zola s'est muée en une écriture de l’utopie. La finalité nouvelle recherchée est celle de proposer, subjectivement, une image d'un monde régénéré, se basant sur des vérités morales farouchement défendues par un Zola profondément transformé au cours des dernières années de son existence. La thèse poursuivie est celle-ci : il s’agit de voir comment la démarche même de l’écrivain se modifie, presque logiquement, au fil de sa production prise dans son ensemble ; comment se traduit l’écriture scientifique du réel du premier Zola et de quelle manière celle-ci va se transformer en une écriture dite de l'utopie. Tel est le sujet exposé.
« Je riz en pleurs » Rire et pleurer dans l’oeuvre de François Villon.
Mühlethaler, Jean-Claude
L’œuvre de François Villon ne cesse d’intriguer ses lecteurs. L’examiner sous l’angle de deux réactions de l’homme, celles du rire et du pleurer, nous a semblé lui attribuer une certaine actualité. Quelle place occupent les rires et les larmes dans le Lais, le Testament et les Poésies diverses de Villon ? Telle était la question qui a guidé notre démarche. Mais accéder et comprendre les rires et les pleurs de l’univers villonien signifie dans un premier temps saisir le sens que le Moyen Age confère à ces deux phénomènes. En effet, inscrits dans l’anthropologie chrétienne de l’époque ils évoluent à travers le temps, subissent des répressions qui s’amenuisent progressivement dans le cas du rire, s’universalisent et deviennent publics dans le cas des larmes. L’analyse de l’oeuvre villonienne marque le second temps de notre recherche. L’auteur du Testament met en scène au niveau explicite du discours poétique les réactions du rire et du pleurer. Son œuvre est pourtant davantage l’espace de l’hilarité que celui des larmes. Rire comme expression de jouissance, rire moqueur et rire jaune, voilà les trois sortes du rire auxquelles l’instance poétique fait recours. Les larmes se laissent saisir à travers leur inscription dans le temps : les pleurs ont surgi dans le passé, inondent aujourd’hui le visage de la femme vieillissante, exprimeront demain la gratitude du sujet poétique gracié de la peine de mort. Or, c’est l’hémistiche « Je riz en pleurs » (Ballade du concours de Blois appelée également Ballade des contradictions, v. 6) qui cristallise, à notre sens, l’attitude du poète face aux deux phénomènes. Le rire comme expression de la jeunesse et de la vie coexiste à tout moment avec les pleurs liés à la vieillesse et à la mort. Pour l’instance poétique, l’hilarité est un moyen d’exorciser les petites et les grandes peurs de l’homme qui parcourt infatigablement de la naissance à la mort une « vallée des larmes ».
A la quête de l’objet : de Balzac à Freud, le désir d’objet dans la littérature du XIXème siècle (1831-1907).
Caraion, Marta
Dans le contexte de l’industrialisation de la société, ce travail analyse la naissance et l’évolution au XIXème siècle d’un topo littéraire. Celui-ci se caractérise par la présence d’une relation de désir idéalisée entre un personnage et un objet. Mortelle et angoissante, cette relation affective s’avère être progressivement aliénante pour le héros lorsque l’objet, se métamorphosant en personnages, domine non seulement le cours de la narration, mais aussi la volonté de celui qui le convoite. À la fin du siècle, certaines œuvres se distancent par l’humour et l’ironie de cet amour de l’objet, devenu un cliché littéraire, en considérant qu’il n’y repose qu’une ridicule illusion appartenant aux vieux romantiques. Ce mémoire envisage le désir d’objet comme une manière pour le siècle de dénoncer une quête d’idéal rendue impossible dans une société où l’objet faisant rêver a cédé sa place à la marchandise. La modernité se distingue dès lors par l’inauthenticité des désirs qu’elle produit, ces derniers étant dominés par le processus infini de la consommation. Dans un monde où se confondent homme et marchandise, cette tension entre personnages et objets pousse finalement les auteurs du siècle à reformuler de l’homme une définition séculaire qui, le distinguant des objets industriels, réaffirme son origine mythique et sacrée.
Quel statut dans la société pour l’individu qu’est Farinet ? : Farinet ou La fausse monnaie de C.F. Ramuz.
Cordonier, Noël
Le roman Farinet ou la fausse monnaie, paru en janvier 1932, est centré sur l’apologie de l’individu libre. Le héros, qui est inspiré d’un personnage réel, occupe une place particulière dans la société et par rapport à ce qui l’entoure : il est un être singulier, proche de la nature, oscillant entre le paysan et l’ermite. Il ne cessera de chercher qui il est, de reformer son identité et de réaliser son idéal de liberté absolue. Même s’il essaye d’établir des rapports avec la société, quoi qu’il fasse, il semble presque prédéterminé à être hors d’elle. Il ne peut se bercer des illusions de liberté qu’elle offre, en cela il est un individu supérieur. Farinet va essayer de vivre en marges, mais la société ne le laisse pas tranquille et le traque. S’il succombe, c’est qu’il a été trahi. Malgré cela, il symbolise la liberté jusqu’au-delà de sa mort, car il n’a pas peur de mourir pour son idéal. Les circonstances de sa mort restent floues : Est-elle l’échec d’une tentative d’individuation, un aveu d’abandon ou un signe d’accomplissement ? Selon moi, et après avoir analysé la réception de l’œuvre, pris en compte l’analyse narratologique, l’apport du point de vue du narrateur et le parallèle entre Farinet et le poète, je dirai que sa mort, qu’elle soit un suicide, un semi-suicide ou par balle, ne signifie pas l’échec de son idéal, mais plutôt la marque de son accomplissement au-delà de la mort.