Le rapport entre l’homme et l’animal dans L’Autre Monde" de Cyrano de Bergerac".
Paschoud, Adrien
Loin d’être une simple question zoologique, le débat sur l’animal au Grand Siècle se mêle à la théologie et aux questionnements sur l’immortalité de l’âme et la nature de l’homme. Dans L’Autre Monde (1657), une œuvre qui ne cesse de faire dialoguer les savoirs (politique, scientifique, religieux, etc.), Cyrano de Bergerac fait grand usage des enjeux de ce débat. Concevant son œuvre comme un vaste laboratoire fictionnel, Cyrano allie le burlesque et le sérieux, la parodie et la réflexion philosophique ; il met en scène divers procédés d’animalisation et d’anthropomorphisation au sein d’un récit fondé sur la tradition du voyage sub- et supralunaire. Ce travail se propose donc de suivre Dyrcona, l’énigmatique protagoniste de Cyrano, dans ses explorations de la Lune et du Soleil, afin d’examiner de quelle manière la fiction s’approprie un débat ancien pour l’inscrire dans une anthropologie libertine.
Les Belles Images et La Femme rompue : échos du Deuxième Sexe.
Cossy, Valérie
Dans le cadre de ce mémoire, nous nous sommes intéressés aux deux derniers ouvrages de fiction de Simone de Beauvoir : Les Belles Images (1966) et La Femme rompue (1968). Or, nous avons pu constater que ces deux textes faisaient écho au Deuxième Sexe et particulièrement à « Situation » contenu dans le second tome. En effet, bien que Beauvoir distingue radicalement le genre de l’essai de celui du roman et refuse que ses romans soient considérés comme des romans à thèse, ses deux derniers récits paraissent constituer des études de cas de ce qu’elle théorise à propos des femmes dans Le Deuxième Sexe. La situation de ses héroïnes exemplifie notamment ses thèses sur « La Femme mariée » et « La Mère », et permet de démystifier les préjugés véhiculés par la société à ce propos. Les décalage entre ce que vivent réellement les quatre héroïnes de Beauvoir et les mystifications sur l’épanouissement découlant du mariage et de la maternité est ainsi censé mettre en garde ses lectrices en leur permettant de prendre conscience de la réalité de leur propre situation. Les Belles Images et La Femme rompue témoignent donc du même engagement littéraire et féministe que celui dont Beauvoir fait preuve à travers Le Deuxième Sexe. Pourtant, ses deux romans ont été fortement critiqués par les féministes de l’époque et sont loin d’avoir connu le même succès que son fameux essai. On peut ainsi se demander pourquoi et regretter que Le Deuxième Sexe tende à faire de l’ombre aux autres livres de Beauvoir, car il nous semble que Les Belles Images et La Femme rompue seraient particulièrement intéressants à considérer dans le cadre des études genre. En effet, la déconstruction des stéréotypes sexistes à laquelle Beauvoir tend par la mise en scène de femmes ordinaires se rapproche des objectifs féministes actuels.
« L’oiseau peut-il chanter seulement la chanson qu’il connait […] ? » : analyse comparative des dialogues intertextuels dans La Belle au bois dormant de Charles Perrault et dans The Lady of the House of Love d'Angela Carter.
Heidmann, Ute
Cette étude met en lumière certains dialogues intertextuels engagés par « La Belle au bois dormant » de Charles Perrault et par « The Lady of the House of Love » d’Angela Carter. En s’appuyant sur la définition du dialogue intertextuel proposée par Ute Heidmann, elle analyse de quelle manière ces deux textes répondent à d’autres textes appartenant à différents horizons linguistiques et culturels. Cette étude montre les dialogues engagés par « La Belle au bois dormant » avec une version napolitaine du conte de Basile, avec l’histoire de Psyché selon Apulée et avec plusieurs textes de La Fontaine. Elle met également en évidence les dialogues engagés par « The Lady of the House of Love » avec le conte de Perrault, « The Fall of the House of Usher » d’Edgar Allan Poe et Dracula de Bram Stoker. Une fois ces différents dialogues intertextuels mis en lumière, elle compare de quelles manières et à quelles fins chaque texte recourt aux dialogues avec d’autres.
La visite à l’écrivain (1870-1940). Variations autour de la figure d’auteur sous la Troisième République.
Meizoz, Jérôme
La notoriété acquise par l’homme de lettres pendant les Lumières a poussé un nombre important de personnalités et autres admirateurs à se rendre chez les auteurs afin de les voir en chair et en os. Ainsi est né le rituel de "la visite à l’écrivain". Loin de constituer un événement ordinaire, ce genre de rencontre a fait l’objet de multiples témoignages au fil des siècles. La présente étude analyse une quinzaine de textes datant de la Troisième République, corpus mêlant des écrits aux formes différentes d’expressions (interviews, récits élogieux et satiriques). Elle cherche en premier lieu à montrer que la visite constitue un genre littéraire à part entière, défini par un scénario-type et des éléments récurrents. Dans un deuxième temps, elle analyse la figure du grand auteur, construite à la fois par auto- et hétéroreprésentation. Cette partie du travail souligne la manifestation de "postures d’auteur" et définit ce qui, selon nous, caractérise les récits de visites de la Troisième République.
Schématisation et argumentation dans les allocutions des 11 et 16 mai 1968 de Georges Pompidou.
Adam, Jean-Michel
Nous situant dans le champ de l’analyse textuelle des discours politiques, nous nous sommes concentrés sur les allocutions des 11 et 16 mai 1968 de Georges Pompidou. Valorisant une conception active du fait communicatif, nous considérons que tout discours relève d’une certaine intentionnalité illocutoire, qu’il est sous-tendu par une orientation argumentative et pragmatique. Toute description, tout fait de référence, est, suivant Jean-Blaise Grize, affaire de schématisation, c’est-à-dire de systématisation : l’orateur gère et génère un monde, sa composition, disposant les polarités énonciatives et rhétoriques à la manière d’images sur une scène théâtrale. Notre analyse suit le déroulement chronologique des allocutions : les deux discours se suivent et sont eux-mêmes étudiés dans leur progression rhétorique. Dans un premier temps, ces discours posent l’orateur et introduisent la situation (ethos). Dans un deuxième, ils expliquent ou argumentent sur le monde (logos). Enfin, se tournant vers l’auditoire, ils prennent en charge sa composition et l’interpellent pour une action citoyenne (pathos). Dans les deux discours, les ressources séquentielles, rhétoriques et argumentatives sont mises à profit pour légitimer les catégorisations et les actes que l’orateur produit. La description du monde est centrale dans ce jeu rhétorique : aboutissement d’une prise en charge légitimée par l’orateur lui-même et prémisse autant à l’argumentation qu’à l’usage de ressources épidictiques (création d’une communauté de valeur entre l’orateur et l’auditoire face à un tiers exclu), elle est le lieu d’organisation des polarités énonciatives et rhétoriques.
Les stratégies discursives manipulatrices du parti nazi, de l’Union démocratique du centre et du Parti socialiste.
Lugrin, Gilles
Depuis une quinzaine d’années en Europe, plusieurs partis nationaux-populistes remportent des succès électoraux importants et un nombre croissant de citoyens adhère à leur message. En analysant les discours de certaines formations politiques, des chercheurs ont évoqué la similitude entre les stratégies discursives manipulatrices du parti nazi et de la droite populiste française. Les médias et des personnalités politiques en Suisse dénoncent fréquemment le discours d’un parti, l’Union démocratique du centre, comme étant particulièrement manipulateur, mais sans étayer leur accusation sur des éléments tangibles. L’intention de ce mémoire est de montrer si cette affirmation est fondée et qu’il ne s’agit pas d’une tendance généralisée observable dans le champ politique actuel. A cette fin, nous procédons à une analyse comparative. La recherche consiste à prendre comme base un discours avéré hautement manipulateur, celui du parti nazi, dans lequel nous examinons la stratégie discursive et ses dominantes. A partir des données récoltées, nous analysons un discours de l’Union démocratique du centre et celui du parti socialiste et nous confrontons les résultats obtenus.
La manchette : définition d'un genre hybride entre journalisme et publicité.
Lugrin, Gilles
L’enjeu de ce mémoire est de relever les spécificités linguistiques et thématiques d’un genre à la frontière entre la publicité et le journalisme : la manchette. Cette dernière, placardée devant les kiosques et les caissettes à journaux, a pour mission principale de conduire le prospect à un acte d’achat. Dans un premier temps, l’analyse linguistique d’un corpus portant sur les manchettes de deux quotidiens romands, le 24 Heures et Le Matin, permet de saisir les spécificités stylistiques de ces « titres-slogan ». Une définition de ce genre est proposée autour de cette description. Dans un deuxième temps, l’analyse comparative des critères de sélection de l’information permet d’identifier les thématiques privilégiées par les manchettes de ces deux quotidiens. Une approche quantitative confirme la présence prépondérante du critère de captation dans ces « titres-slogans ».
Etude thématique et narratologique de trois personnages de jeunes dévotes dans l’œuvre d’Emile Zola.
Chaperon, Danielle
Ce mémoire se concentre sur l’étude de trois personnages de jeunes dévotes dans l’œuvre d’Émile Zola. Les personnages que nous avons choisi d'étudier sont Angélique dans Le Rêve, Clotilde dans Le Docteur Pascal et Marie dans Lourdes, le premier tome des Trois Villes. Notre travail sera divisé en deux parties complémentaires. La première partie sera composée d’une brève présentation et d'une analyse thématique des trois œuvres dans lesquelles nos jeunes dévotes sont présentes. À travers l’étude de leur hérédité, de leur caractère, de leur milieu, de leur entourage, de leur éducation, de l’influence de la religion et de l’amour dans leur vie, nous ferons ressortir les points communs qui lient nos trois héroïnes. Dans la deuxième partie de ce travail, après avoir mis en évidence les ressemblances entre nos trois protagonistes, nous ferons ressortir les différences entre nos trois romans au niveau des mécanismes narratologiques utilisés. Nous montrerons alors comment Zola glisse du roman expérimental employé dans les Rougon-Macquart au roman à thèse qui caractérise les trois tomes des Trois Villes. Pour terminer notre réflexion, nous essaierons de déterminer dans quelle mesure la modification des techniques narratologiques utilisées par Zola est à mettre en rapport avec l’évolution de ses idées sur la religion et quels effets ces modifications produisent sur le personnage de la jeune dévote en particulier.
Ecrire en français contemporain : Des théories langagières de Raymond Queneau au Chiendent.
Adan, Jean-Michel
Ce mémoire de licence s’intéresse aux théories langagières de Raymond Queneau et à leurs implications et applications dans Le Chiendent. Après une synthèse des principales critiques qui se sont penchées sur les liens qui unissent théorie et pratique linguistique chez Queneau, il sera en particulier question de dégager les lignes fortes de ses textes théoriques sur la langue. On verra que sa pensée théorique se construit essentiellement autour du constat d’un écart entre la langue parlée et la langue écrite. Pour des raisons qui seront mises en évidence, seul le langage parlé peut prétendre être le français actuel. Cette manière d’envisager la langue influence la poétique de Queneau dont un des soubassements fondamentaux est d’écrire dans la langue contemporaine. On verra comment Queneau applique cette nécessité à l’écriture du Chiendent. A travers l’analyse, on pourra aussi juger des innovations que Queneau apporte à la langue et au genre romanesque en hissant le français quotidien et contemporain au rang de langue littéraire.
L’œuvre de Benoîte Groult, ou la question d’un féminisme grand public.
Cossy, Valérie
Sa vie et son œuvre font d’elle un témoin et une actrice privilégiés des bouleversements sociaux dans les rapports hommes-femmes qui ont marqué le 20ème siècle en France. Benoîte Groult étant représentative d’une femme du 20ème siècle, - elle a eu un parcours de femme « exemplaire » (mariages, maternités, amants, désirs, etc.) -, elle peut susciter l’identification des lectrices à travers son témoignage vivant et accessible pour un large public. Mais, après le passage à l’écriture au début des années soixante, son entrée en féminisme est tardive, elle a environ cinquante ans. Simone de Beauvoir et Le Deuxième Sexe ont eu une place prépondérante dans l’ouverture au féminisme de Benoîte Groult. Cette dernière entre vraiment en féminisme avec Ainsi soit-elle en 1975. La particularité du féminisme de Benoîte Groult, c’est qu’il se situe entre action symbolique et militantisme ; à travers son féminisme tantôt « consensuel » tantôt plus subversif, l’auteure conjugue à la fois conservatisme et progressisme. C’est à partir de cette dualité que Benoîte Groult peut construire un féminisme « populaire », qui deviendra la spécificité de notre auteure. En effet, Benoîte Groult cherche avant tout à s’adresser à un grand public. Son féminisme consensuel, « populaire » lui a, dès 1975, finalement apporté, et la reconnaissance, et la célébrité. Mais c’est surtout grâce à son « exemplarité » en laquelle beaucoup de femmes peuvent se reconnaître, et son efficacité en communication, grâce à son expérience dans la presse féminine notamment, que Benoîte Groult est désormais connue en tant qu’écrivaine et féministe ; et malgré ses 87 ans, ses idées restent toujours très actuelles.
Emile Zola : de l’écriture scientifique du réel à l’écriture de l’utopie : analyse de l’évolution de l’écriture zolienne du cycle des Rougon-Macquart à celui des Quatre Evangiles.
Caraion, Marta
Dans le but de cerner la spécificité du courant zolien en littérature, dans ses relations avec le monde scientifique de son temps, il semblait intéressant de se pencher sur les raisons qui ont fait de l’écriture zolienne une écriture dite « scientifique ». L’objectif visé en premier était de montrer comment Zola s’est évertué à mettre en pratique, dès ses débuts, une méthode d’écriture calquée sur des principes scientifiques de son temps. Il s’agit d’abord de donner un aperçu général de ce lien entre science et littérature, de Thérèse Raquin aux premiers ouvrages du cycle des Rougon-Macquart, puis de développer la théorie émise par Zola en personne, contenue dans son ouvrage intitulé Le Roman expérimental. Ses propos permettent de mettre en lumière la méthode d’écriture dite scientifique que l’écrivain tente de transposer dans son univers romanesque. Enfin, il s’agira de donner une vision plus fouillée de la manière dont Zola s’y prend pour construire un roman naturaliste : quelles sont ses méthodes d’investigation scientifique, ainsi que le type de plan utilisé pour mettre sur pied un roman expérimental. Cependant, la rigueur scientifique que lui-même évoque ne se retrouve pas entièrement dans la totalité de sa production littéraire. Nous chercherons ainsi à démontrer que la Science n’a point été l’unique ligne directrice de l’écriture zolienne. Pour étayer cette position, l’accent sera porté sur l’une des compositions du dernier cycle zolien, celui des Quatre Evangiles. L’étude de Travail permettra de faire voir comment l’écriture scientifique du réel chez Zola s'est muée en une écriture de l’utopie. La finalité nouvelle recherchée est celle de proposer, subjectivement, une image d'un monde régénéré, se basant sur des vérités morales farouchement défendues par un Zola profondément transformé au cours des dernières années de son existence. La thèse poursuivie est celle-ci : il s’agit de voir comment la démarche même de l’écrivain se modifie, presque logiquement, au fil de sa production prise dans son ensemble ; comment se traduit l’écriture scientifique du réel du premier Zola et de quelle manière celle-ci va se transformer en une écriture dite de l'utopie. Tel est le sujet exposé.
« Je riz en pleurs » Rire et pleurer dans l’oeuvre de François Villon.
Mühlethaler, Jean-Claude
L’œuvre de François Villon ne cesse d’intriguer ses lecteurs. L’examiner sous l’angle de deux réactions de l’homme, celles du rire et du pleurer, nous a semblé lui attribuer une certaine actualité. Quelle place occupent les rires et les larmes dans le Lais, le Testament et les Poésies diverses de Villon ? Telle était la question qui a guidé notre démarche. Mais accéder et comprendre les rires et les pleurs de l’univers villonien signifie dans un premier temps saisir le sens que le Moyen Age confère à ces deux phénomènes. En effet, inscrits dans l’anthropologie chrétienne de l’époque ils évoluent à travers le temps, subissent des répressions qui s’amenuisent progressivement dans le cas du rire, s’universalisent et deviennent publics dans le cas des larmes. L’analyse de l’oeuvre villonienne marque le second temps de notre recherche. L’auteur du Testament met en scène au niveau explicite du discours poétique les réactions du rire et du pleurer. Son œuvre est pourtant davantage l’espace de l’hilarité que celui des larmes. Rire comme expression de jouissance, rire moqueur et rire jaune, voilà les trois sortes du rire auxquelles l’instance poétique fait recours. Les larmes se laissent saisir à travers leur inscription dans le temps : les pleurs ont surgi dans le passé, inondent aujourd’hui le visage de la femme vieillissante, exprimeront demain la gratitude du sujet poétique gracié de la peine de mort. Or, c’est l’hémistiche « Je riz en pleurs » (Ballade du concours de Blois appelée également Ballade des contradictions, v. 6) qui cristallise, à notre sens, l’attitude du poète face aux deux phénomènes. Le rire comme expression de la jeunesse et de la vie coexiste à tout moment avec les pleurs liés à la vieillesse et à la mort. Pour l’instance poétique, l’hilarité est un moyen d’exorciser les petites et les grandes peurs de l’homme qui parcourt infatigablement de la naissance à la mort une « vallée des larmes ».
A la quête de l’objet : de Balzac à Freud, le désir d’objet dans la littérature du XIXème siècle (1831-1907).
Caraion, Marta
Dans le contexte de l’industrialisation de la société, ce travail analyse la naissance et l’évolution au XIXème siècle d’un topo littéraire. Celui-ci se caractérise par la présence d’une relation de désir idéalisée entre un personnage et un objet. Mortelle et angoissante, cette relation affective s’avère être progressivement aliénante pour le héros lorsque l’objet, se métamorphosant en personnages, domine non seulement le cours de la narration, mais aussi la volonté de celui qui le convoite. À la fin du siècle, certaines œuvres se distancent par l’humour et l’ironie de cet amour de l’objet, devenu un cliché littéraire, en considérant qu’il n’y repose qu’une ridicule illusion appartenant aux vieux romantiques. Ce mémoire envisage le désir d’objet comme une manière pour le siècle de dénoncer une quête d’idéal rendue impossible dans une société où l’objet faisant rêver a cédé sa place à la marchandise. La modernité se distingue dès lors par l’inauthenticité des désirs qu’elle produit, ces derniers étant dominés par le processus infini de la consommation. Dans un monde où se confondent homme et marchandise, cette tension entre personnages et objets pousse finalement les auteurs du siècle à reformuler de l’homme une définition séculaire qui, le distinguant des objets industriels, réaffirme son origine mythique et sacrée.
Quel statut dans la société pour l’individu qu’est Farinet ? : Farinet ou La fausse monnaie de C.F. Ramuz.
Cordonier, Noël
Le roman Farinet ou la fausse monnaie, paru en janvier 1932, est centré sur l’apologie de l’individu libre. Le héros, qui est inspiré d’un personnage réel, occupe une place particulière dans la société et par rapport à ce qui l’entoure : il est un être singulier, proche de la nature, oscillant entre le paysan et l’ermite. Il ne cessera de chercher qui il est, de reformer son identité et de réaliser son idéal de liberté absolue. Même s’il essaye d’établir des rapports avec la société, quoi qu’il fasse, il semble presque prédéterminé à être hors d’elle. Il ne peut se bercer des illusions de liberté qu’elle offre, en cela il est un individu supérieur. Farinet va essayer de vivre en marges, mais la société ne le laisse pas tranquille et le traque. S’il succombe, c’est qu’il a été trahi. Malgré cela, il symbolise la liberté jusqu’au-delà de sa mort, car il n’a pas peur de mourir pour son idéal. Les circonstances de sa mort restent floues : Est-elle l’échec d’une tentative d’individuation, un aveu d’abandon ou un signe d’accomplissement ? Selon moi, et après avoir analysé la réception de l’œuvre, pris en compte l’analyse narratologique, l’apport du point de vue du narrateur et le parallèle entre Farinet et le poète, je dirai que sa mort, qu’elle soit un suicide, un semi-suicide ou par balle, ne signifie pas l’échec de son idéal, mais plutôt la marque de son accomplissement au-delà de la mort.
Un parcours engagé : de la poésie à la prose, les premiers écrits de Gaston Cherpillod.
Maggetti, Daniele
Gaston Cherpillod est un écrivain romand, né en 1925, qui entre dans l’écriture à partir des années cinquante par la rédaction de poèmes, parallèlement à des activités militantes menées avec le P.O.P. Dans la première partie de mon travail, la poésie de Cherpillod est ainsi lue à travers le prisme de l’engagement et est mise en perspective par des considérations sur les réseaux sociaux intellectuels de l’époque internes au champ littéraire, sur le milieu éditorial et sur les débats concernant l’engagement en littérature. Une brève présentation de la réception de ces écrits clôt le chapitre. La deuxième partie est consacrée à une lecture de son premier récit, Le Chêne brûlé, comme aboutissement d’une écriture engagée.
Le peuple et la Commune de Paris, ou Regard de Zola sur un événement sanglant Jacques Damour et La Débâcle.
Kaempfer, Jean
Emile Zola, écrivain et journaliste renommé, a été fortement touché par la Commune de Paris, un des événements les plus sanglants du XIXe siècle. De ce fait, il y a consacré de nombreux articles, mais en a aussi fait le thème de récits fictifs. Dans Jacques Damour et dans La Débâcle, respectivement une nouvelle et un roman, Zola dresse le portrait de différents personnages – ouvriers, intellectuels ou soldats versaillais – pris dans la tourmente des événements. En rapportant leur destin, il les définit d’une part à travers leur attitude politique à l’égard de la Commune et d’autre part selon des valeurs morales dont ils deviennent les garants ; il met aussi en place divers procédés de narration et développe différents motifs et métaphores. Finalement, l’étude de ces éléments pousse à se poser une question : en quoi sont-ils représentatifs du point de vue de Zola sur la Commune de Paris ?
Le thème de la cruauté dans Le Grand Cahier, ou la narration vue par Agota Kristof.
Maggetti, Daniele
Le Grand Cahier racontent l’histoire de deux jumeaux pris dans les tourments de la guerre. Dans ce contexte, les enfants tentent de s’adapter au monde qui les entoure et de s’endurcir pour survivre, faisant par là l’apprentissage de la cruauté. De ce fait, ils s’imposent différentes épreuves visant à les rendre insensibles. C’est la violence qui se dégage de ce récit qui rend le roman si particulier. Agota Kristof, l’auteur, a beaucoup travaillé la narration dans son roman. De cette façon, elle parvient à illustrer le monde complètement déshumanisé dans lequel évoluent les enfants : elle a donc adopté un style d’écriture froid et objectif. Le lecteur, quant à lui, est submergé par l’émotion en découvrant le parcours des deux frères. Cette réaction est due d’une part aux procédés narratologiques mis en œuvre par l’écrivain ; d’autre part elle est causée par le récit d’événements choquants.
Etude du personnage sacrificiel dans quatre œuvres romanesques de Maurice Zermatten : Christine, Le Jardin des Oliviers, La Fontaine d’Aréthuse, Le Bouclier d’or.
Vox populi, Vox Poetae ? : présence et voix du petit peuple dans l’œuvre d’Eustache Deschamps.
Mühlethaler, Jean-Claude
Eustache Deschamps, poète peu connu de la fin du XIVe siècle, a laissé une œuvre importante. Dans certaines de ses ballades et chants royaux, le peuple en tant qu’entité pensante, parlante – et parfois hurlante - joue un rôle considérable. Le poète se sert des représentants du peuple (bergers, bergères, paysans) pour faire connaître ses idées morales et politiques ; il donne la parole aux victimes de la guerres de Cent ans, mais dénonce aussi les mouvements de révolte populaire, quand les « petites gens » se transforment en bourreaux impitoyables et deviennent un facteur de désordre. Il n’y a pas, sous la plume de Deschamps, de « peuple » à proprement parler, car le poète convoque tout un éventail de groupes sociaux, les plaçant sous un éclairage changeant au gré des ballades et des années. Voici le paysan, le berger, le pauvre et le mendiant ; voilà le campagnard, le citadin, le bourgeois : l’esthétique du fragment imposée par la brièveté des pièces lyriques conditionne l’évocation du « peuple » par Deschamps. Mais nous fait-il vraiment entendre la voix d’en bas, lui qui est aussi le chantre de la vie de cour, des actions d’éclats des princes de la maison de France ? Le poète est avant tout un praeceptor principis qui recourt à la « voix du peuple » pour conseiller les puissants qui, selon une conception du gouvernement largement partagée à l’époque, doivent être le père de leurs sujets, assurant paix et sécurité d’une nation conçue comme un corps dont les parties sont solidaires. Il est intéressant de relever que Deschamps se pose en médiateur entre le peuple et le prince à un moment où émerge l’idée de la nation France et celle, corollaire, d’un engagement de l’écrivain en des temps difficiles pour le pays.
La rivalité entre l’art et l’amour du Chef-d’œuvre inconnu de Balzac à L’Œuvre de Zola.
Barilier, Etienne
Cette étude confronte deux ouvrages du XIXe siècle : Le Chef-d’oeuvre inconnu d’Honoré de Balzac et L’œuvre d’Émile Zola. Ils présentent tous deux des personnages habités par la passion artistique, en quête perpétuelle d'absolu, et qui ne parviennent pas à concilier amour et art, ou qui parfois les confondent. Malgré le parallélisme frappant de ces deux oeuvres, cette étude tente d’en analyser les caractéristiques singulières. Dans sa nouvelle, Balzac n’avait fait qu’évoquer le sujet de la rivalité entre l'amour et l’art ; mais Zola parvient à donner de l’ampleur à ce thème en inscrivant son héros dans une temporalité bien plus large que celle du Chef-d’œuvre inconnu, et en réunissant la folie d'un artiste amoureux d’une femme peinte et les sentiments d'un homme à l’égard de son épouse dans un seul personnage : Claude Lantier. Au terme de notre étude, nous arrivons à la conclusion que la folie artistique de Claude semble plus intense que celle de Frenhofer, le peintre balzacien. Zola, en amplifiant la démence de l’artiste, a certainement voulu rappeler à ses lecteurs l'importance de rester fidèle au naturalisme, d’avoir foi en la science et la raison, et de réprimer les forces obscures qui sommeillent en chaque être humain.
La vielle femme séductrice dans La Suite du Merlin.
Mühlethaler, Jean-Claude
Dans la dernière partie de La Suite du Roman de Merlin (appelé aussi Suite-Huth ou Suite-Post-Vulgate), un épisode retrace la tentative de séduction exercée par une vieille femme sur deux chevaliers, Gauvain et le Morholt. Il s’agit d’un épisode secondaire qui aborde les questions fondamentales de la vieillesse au féminin et de la place de la femme âgée dans le roman médiéval. Dans ce but, l’auteur de La Suite du Merlin propose une double approche du personnage de la vieille femme séductrice : tout en établissant un premier lien – peu fréquent dans la littérature courtoise – entre la vieillesse et l’érotisme, il réfléchit aussi sur la vieillesse et la face inquiétante du merveilleux féminin. En sachant que la vieillesse est perçue, au Moyen Âge, comme un obstacle majeur à l’accomplissement de l’amour, il s’agit, pour l’auteur de ce roman, de démontrer qu’un corps féminin vieilli habité par le désir est synonyme d’œuvre diabolique. De plus, la vieille femme séductrice incarne le versant négatif de la fée – l’enchanteresse – et représente la magie qui nuit, qui détruit. L’utilisation purement maléfique du pouvoir de la métamorphose par ce personnage féminin en fait une sorte d’anti-Merlin (le Merlin positif du Merlin en prose) tout en venant confirmer les liens entretenus avec le diable.
Analyse linguistique et informatique des données textuelles : les intensifs dans les contes en prose de Perrault.
Adam, Jean-Michel
Notre travail a pour objectif de mettre à jour quelques pistes pour l’analyse de l’intensification lexicale dans les contes en prose de Perrault. En particulier, nous examinons les intensifs, c’est-à-dire les petits éléments lexicaux qui renforcent des notions ou des structures textuelles plus vastes. En partant de l’observation que les intensifs apparaissent à des endroits spécifiques dans le texte, nous décrivons leur contenu, leur distribution et les effets qu’ils produisent à la lecture. Ayant le but de comprendre les fonctions qu’ils occupent dans le corpus des contes en prose, nous les étudions à différents niveaux linguistiques, à savoir phonologique, lexical, syntaxique et macro-textuel. L’analyse des donnes textuelles, puisant à la fois dans les domaines de la linguistique, de l’informatique et de la statistique textuelle, nous sert à procéder de manière systématique. Grâce à cette méthode, nous dégageons les faits intéressants à un niveau global avant de les étudier plus en détail dans un retour au texte.
De La Scène au Roman. Les Antigones de Sophocle et de Bauchau en dialogue.
Heidmann, Ute
Ce travail compare deux œuvres mettant en scène la figure mythique d’Antigone : la pièce du tragique grec Sophocle et la récriture homonyme faite par l’écrivain et psychanalyste Henry Bauchau. L’analyse montre l’impact du choix générique initial (une tragédie antique versus un roman poétique) sur la manière dont ces textes racontent l’histoire de l’héroïne. Insistant sur la conception de la tragédie grecque comme spectacle chanté et dansé pour le citoyen athénien, le travail montre que c’est cette dimension performative et le régime de rationalité particulier qu’elle crée qui intéressent la récriture moderne. Grâce à un dialogue intertextuel très serré avec la tragédie sophocléenne, le roman moderne réactive en effet une dimension dialogique déjà présente dans le spectacle antique. La récriture bauchalienne fait ainsi sienne la théâtralité sophocléenne, l’intégrant dans sa fiction romanesque. Séparés par plus de vingt-cinq siècles et n’appartenant pas à la même sphère culturelle, ces deux œuvres nouent pourtant un véritable dialogue, comme permet de le montrer une lecture proche des textes.
« De la peinture du temps dans les Essais de Montaigne ».
Tinguely, Frédéric
Si aujourd’hui nous retenons essentiellement deux vues majeures du temps (à savoir celle – léguée par les Anciens – d’un temps cyclique où tout se répéterait périodiquement et celle – adoptée par les Modernes – d’un temps linéaire orienté vers l’avenir), les penseurs ne se sont de loin pas limités à ces deux seules visions, développant à travers les âges une pluralité de conceptions aussi diverses les unes que les autres. La littérature française n’a pas manqué d’en faire, elle aussi, une de ses sources d’inspiration privilégiée. Ronsard invite à « cueillir » le moment présent dans ses Sonnets pour Hélène ; Pascal, lui, constate dans ses Pensées l’inadaptabilité de l’homme à son présent ; les poètes romantiques se souviennent du passé avec nostalgie ; tandis que Verlaine et Baudelaire crient douloureusement les ravages du temps. La présente étude se penche sur l’approche montaignienne du temps dans les Essais. Nous partons d’un constat premier : l’angoisse de Montaigne face à la fuite du temps. De là, nous tentons alors de dégager les différentes stratégies de défense qu’adopte l’auteur, au fil du temps… Trois mouvements composent notre travail : d’abord nous défendons l’idée d’une conception subjective du temps, où celui-ci est réversible ; ensuite nous glissons vers une approche sceptique du temps, où celui-ci se meut à la façon de l’esprit montaignien ; et finalement nous aboutissons à la thèse de la saisie de l’instant, admise par la majorité des critiques, mais que nous nuançons à l’aide d’une reformulation de l’instant. Après ce long voyage à travers le temps, nous concluons enfin par l’atteinte d’un état ataraxique et exempt de toute angoisse chez Montaigne.