Ecrire en français contemporain : Des théories langagières de Raymond Queneau au Chiendent.
Adan, Jean-Michel
Ce mémoire de licence s’intéresse aux théories langagières de Raymond Queneau et à leurs implications et applications dans Le Chiendent. Après une synthèse des principales critiques qui se sont penchées sur les liens qui unissent théorie et pratique linguistique chez Queneau, il sera en particulier question de dégager les lignes fortes de ses textes théoriques sur la langue. On verra que sa pensée théorique se construit essentiellement autour du constat d’un écart entre la langue parlée et la langue écrite. Pour des raisons qui seront mises en évidence, seul le langage parlé peut prétendre être le français actuel. Cette manière d’envisager la langue influence la poétique de Queneau dont un des soubassements fondamentaux est d’écrire dans la langue contemporaine. On verra comment Queneau applique cette nécessité à l’écriture du Chiendent. A travers l’analyse, on pourra aussi juger des innovations que Queneau apporte à la langue et au genre romanesque en hissant le français quotidien et contemporain au rang de langue littéraire.
L’œuvre de Benoîte Groult, ou la question d’un féminisme grand public.
Cossy, Valérie
Sa vie et son œuvre font d’elle un témoin et une actrice privilégiés des bouleversements sociaux dans les rapports hommes-femmes qui ont marqué le 20ème siècle en France. Benoîte Groult étant représentative d’une femme du 20ème siècle, - elle a eu un parcours de femme « exemplaire » (mariages, maternités, amants, désirs, etc.) -, elle peut susciter l’identification des lectrices à travers son témoignage vivant et accessible pour un large public. Mais, après le passage à l’écriture au début des années soixante, son entrée en féminisme est tardive, elle a environ cinquante ans. Simone de Beauvoir et Le Deuxième Sexe ont eu une place prépondérante dans l’ouverture au féminisme de Benoîte Groult. Cette dernière entre vraiment en féminisme avec Ainsi soit-elle en 1975. La particularité du féminisme de Benoîte Groult, c’est qu’il se situe entre action symbolique et militantisme ; à travers son féminisme tantôt « consensuel » tantôt plus subversif, l’auteure conjugue à la fois conservatisme et progressisme. C’est à partir de cette dualité que Benoîte Groult peut construire un féminisme « populaire », qui deviendra la spécificité de notre auteure. En effet, Benoîte Groult cherche avant tout à s’adresser à un grand public. Son féminisme consensuel, « populaire » lui a, dès 1975, finalement apporté, et la reconnaissance, et la célébrité. Mais c’est surtout grâce à son « exemplarité » en laquelle beaucoup de femmes peuvent se reconnaître, et son efficacité en communication, grâce à son expérience dans la presse féminine notamment, que Benoîte Groult est désormais connue en tant qu’écrivaine et féministe ; et malgré ses 87 ans, ses idées restent toujours très actuelles.
Emile Zola : de l’écriture scientifique du réel à l’écriture de l’utopie : analyse de l’évolution de l’écriture zolienne du cycle des Rougon-Macquart à celui des Quatre Evangiles.
Caraion, Marta
Dans le but de cerner la spécificité du courant zolien en littérature, dans ses relations avec le monde scientifique de son temps, il semblait intéressant de se pencher sur les raisons qui ont fait de l’écriture zolienne une écriture dite « scientifique ». L’objectif visé en premier était de montrer comment Zola s’est évertué à mettre en pratique, dès ses débuts, une méthode d’écriture calquée sur des principes scientifiques de son temps. Il s’agit d’abord de donner un aperçu général de ce lien entre science et littérature, de Thérèse Raquin aux premiers ouvrages du cycle des Rougon-Macquart, puis de développer la théorie émise par Zola en personne, contenue dans son ouvrage intitulé Le Roman expérimental. Ses propos permettent de mettre en lumière la méthode d’écriture dite scientifique que l’écrivain tente de transposer dans son univers romanesque. Enfin, il s’agira de donner une vision plus fouillée de la manière dont Zola s’y prend pour construire un roman naturaliste : quelles sont ses méthodes d’investigation scientifique, ainsi que le type de plan utilisé pour mettre sur pied un roman expérimental. Cependant, la rigueur scientifique que lui-même évoque ne se retrouve pas entièrement dans la totalité de sa production littéraire. Nous chercherons ainsi à démontrer que la Science n’a point été l’unique ligne directrice de l’écriture zolienne. Pour étayer cette position, l’accent sera porté sur l’une des compositions du dernier cycle zolien, celui des Quatre Evangiles. L’étude de Travail permettra de faire voir comment l’écriture scientifique du réel chez Zola s'est muée en une écriture de l’utopie. La finalité nouvelle recherchée est celle de proposer, subjectivement, une image d'un monde régénéré, se basant sur des vérités morales farouchement défendues par un Zola profondément transformé au cours des dernières années de son existence. La thèse poursuivie est celle-ci : il s’agit de voir comment la démarche même de l’écrivain se modifie, presque logiquement, au fil de sa production prise dans son ensemble ; comment se traduit l’écriture scientifique du réel du premier Zola et de quelle manière celle-ci va se transformer en une écriture dite de l'utopie. Tel est le sujet exposé.
« Je riz en pleurs » Rire et pleurer dans l’oeuvre de François Villon.
Mühlethaler, Jean-Claude
L’œuvre de François Villon ne cesse d’intriguer ses lecteurs. L’examiner sous l’angle de deux réactions de l’homme, celles du rire et du pleurer, nous a semblé lui attribuer une certaine actualité. Quelle place occupent les rires et les larmes dans le Lais, le Testament et les Poésies diverses de Villon ? Telle était la question qui a guidé notre démarche. Mais accéder et comprendre les rires et les pleurs de l’univers villonien signifie dans un premier temps saisir le sens que le Moyen Age confère à ces deux phénomènes. En effet, inscrits dans l’anthropologie chrétienne de l’époque ils évoluent à travers le temps, subissent des répressions qui s’amenuisent progressivement dans le cas du rire, s’universalisent et deviennent publics dans le cas des larmes. L’analyse de l’oeuvre villonienne marque le second temps de notre recherche. L’auteur du Testament met en scène au niveau explicite du discours poétique les réactions du rire et du pleurer. Son œuvre est pourtant davantage l’espace de l’hilarité que celui des larmes. Rire comme expression de jouissance, rire moqueur et rire jaune, voilà les trois sortes du rire auxquelles l’instance poétique fait recours. Les larmes se laissent saisir à travers leur inscription dans le temps : les pleurs ont surgi dans le passé, inondent aujourd’hui le visage de la femme vieillissante, exprimeront demain la gratitude du sujet poétique gracié de la peine de mort. Or, c’est l’hémistiche « Je riz en pleurs » (Ballade du concours de Blois appelée également Ballade des contradictions, v. 6) qui cristallise, à notre sens, l’attitude du poète face aux deux phénomènes. Le rire comme expression de la jeunesse et de la vie coexiste à tout moment avec les pleurs liés à la vieillesse et à la mort. Pour l’instance poétique, l’hilarité est un moyen d’exorciser les petites et les grandes peurs de l’homme qui parcourt infatigablement de la naissance à la mort une « vallée des larmes ».
A la quête de l’objet : de Balzac à Freud, le désir d’objet dans la littérature du XIXème siècle (1831-1907).
Caraion, Marta
Dans le contexte de l’industrialisation de la société, ce travail analyse la naissance et l’évolution au XIXème siècle d’un topo littéraire. Celui-ci se caractérise par la présence d’une relation de désir idéalisée entre un personnage et un objet. Mortelle et angoissante, cette relation affective s’avère être progressivement aliénante pour le héros lorsque l’objet, se métamorphosant en personnages, domine non seulement le cours de la narration, mais aussi la volonté de celui qui le convoite. À la fin du siècle, certaines œuvres se distancent par l’humour et l’ironie de cet amour de l’objet, devenu un cliché littéraire, en considérant qu’il n’y repose qu’une ridicule illusion appartenant aux vieux romantiques. Ce mémoire envisage le désir d’objet comme une manière pour le siècle de dénoncer une quête d’idéal rendue impossible dans une société où l’objet faisant rêver a cédé sa place à la marchandise. La modernité se distingue dès lors par l’inauthenticité des désirs qu’elle produit, ces derniers étant dominés par le processus infini de la consommation. Dans un monde où se confondent homme et marchandise, cette tension entre personnages et objets pousse finalement les auteurs du siècle à reformuler de l’homme une définition séculaire qui, le distinguant des objets industriels, réaffirme son origine mythique et sacrée.
Quel statut dans la société pour l’individu qu’est Farinet ? : Farinet ou La fausse monnaie de C.F. Ramuz.
Cordonier, Noël
Le roman Farinet ou la fausse monnaie, paru en janvier 1932, est centré sur l’apologie de l’individu libre. Le héros, qui est inspiré d’un personnage réel, occupe une place particulière dans la société et par rapport à ce qui l’entoure : il est un être singulier, proche de la nature, oscillant entre le paysan et l’ermite. Il ne cessera de chercher qui il est, de reformer son identité et de réaliser son idéal de liberté absolue. Même s’il essaye d’établir des rapports avec la société, quoi qu’il fasse, il semble presque prédéterminé à être hors d’elle. Il ne peut se bercer des illusions de liberté qu’elle offre, en cela il est un individu supérieur. Farinet va essayer de vivre en marges, mais la société ne le laisse pas tranquille et le traque. S’il succombe, c’est qu’il a été trahi. Malgré cela, il symbolise la liberté jusqu’au-delà de sa mort, car il n’a pas peur de mourir pour son idéal. Les circonstances de sa mort restent floues : Est-elle l’échec d’une tentative d’individuation, un aveu d’abandon ou un signe d’accomplissement ? Selon moi, et après avoir analysé la réception de l’œuvre, pris en compte l’analyse narratologique, l’apport du point de vue du narrateur et le parallèle entre Farinet et le poète, je dirai que sa mort, qu’elle soit un suicide, un semi-suicide ou par balle, ne signifie pas l’échec de son idéal, mais plutôt la marque de son accomplissement au-delà de la mort.
Un parcours engagé : de la poésie à la prose, les premiers écrits de Gaston Cherpillod.
Maggetti, Daniele
Gaston Cherpillod est un écrivain romand, né en 1925, qui entre dans l’écriture à partir des années cinquante par la rédaction de poèmes, parallèlement à des activités militantes menées avec le P.O.P. Dans la première partie de mon travail, la poésie de Cherpillod est ainsi lue à travers le prisme de l’engagement et est mise en perspective par des considérations sur les réseaux sociaux intellectuels de l’époque internes au champ littéraire, sur le milieu éditorial et sur les débats concernant l’engagement en littérature. Une brève présentation de la réception de ces écrits clôt le chapitre. La deuxième partie est consacrée à une lecture de son premier récit, Le Chêne brûlé, comme aboutissement d’une écriture engagée.
Le peuple et la Commune de Paris, ou Regard de Zola sur un événement sanglant Jacques Damour et La Débâcle.
Kaempfer, Jean
Emile Zola, écrivain et journaliste renommé, a été fortement touché par la Commune de Paris, un des événements les plus sanglants du XIXe siècle. De ce fait, il y a consacré de nombreux articles, mais en a aussi fait le thème de récits fictifs. Dans Jacques Damour et dans La Débâcle, respectivement une nouvelle et un roman, Zola dresse le portrait de différents personnages – ouvriers, intellectuels ou soldats versaillais – pris dans la tourmente des événements. En rapportant leur destin, il les définit d’une part à travers leur attitude politique à l’égard de la Commune et d’autre part selon des valeurs morales dont ils deviennent les garants ; il met aussi en place divers procédés de narration et développe différents motifs et métaphores. Finalement, l’étude de ces éléments pousse à se poser une question : en quoi sont-ils représentatifs du point de vue de Zola sur la Commune de Paris ?
Le thème de la cruauté dans Le Grand Cahier, ou la narration vue par Agota Kristof.
Maggetti, Daniele
Le Grand Cahier racontent l’histoire de deux jumeaux pris dans les tourments de la guerre. Dans ce contexte, les enfants tentent de s’adapter au monde qui les entoure et de s’endurcir pour survivre, faisant par là l’apprentissage de la cruauté. De ce fait, ils s’imposent différentes épreuves visant à les rendre insensibles. C’est la violence qui se dégage de ce récit qui rend le roman si particulier. Agota Kristof, l’auteur, a beaucoup travaillé la narration dans son roman. De cette façon, elle parvient à illustrer le monde complètement déshumanisé dans lequel évoluent les enfants : elle a donc adopté un style d’écriture froid et objectif. Le lecteur, quant à lui, est submergé par l’émotion en découvrant le parcours des deux frères. Cette réaction est due d’une part aux procédés narratologiques mis en œuvre par l’écrivain ; d’autre part elle est causée par le récit d’événements choquants.
Etude du personnage sacrificiel dans quatre œuvres romanesques de Maurice Zermatten : Christine, Le Jardin des Oliviers, La Fontaine d’Aréthuse, Le Bouclier d’or.
Vox populi, Vox Poetae ? : présence et voix du petit peuple dans l’œuvre d’Eustache Deschamps.
Mühlethaler, Jean-Claude
Eustache Deschamps, poète peu connu de la fin du XIVe siècle, a laissé une œuvre importante. Dans certaines de ses ballades et chants royaux, le peuple en tant qu’entité pensante, parlante – et parfois hurlante - joue un rôle considérable. Le poète se sert des représentants du peuple (bergers, bergères, paysans) pour faire connaître ses idées morales et politiques ; il donne la parole aux victimes de la guerres de Cent ans, mais dénonce aussi les mouvements de révolte populaire, quand les « petites gens » se transforment en bourreaux impitoyables et deviennent un facteur de désordre. Il n’y a pas, sous la plume de Deschamps, de « peuple » à proprement parler, car le poète convoque tout un éventail de groupes sociaux, les plaçant sous un éclairage changeant au gré des ballades et des années. Voici le paysan, le berger, le pauvre et le mendiant ; voilà le campagnard, le citadin, le bourgeois : l’esthétique du fragment imposée par la brièveté des pièces lyriques conditionne l’évocation du « peuple » par Deschamps. Mais nous fait-il vraiment entendre la voix d’en bas, lui qui est aussi le chantre de la vie de cour, des actions d’éclats des princes de la maison de France ? Le poète est avant tout un praeceptor principis qui recourt à la « voix du peuple » pour conseiller les puissants qui, selon une conception du gouvernement largement partagée à l’époque, doivent être le père de leurs sujets, assurant paix et sécurité d’une nation conçue comme un corps dont les parties sont solidaires. Il est intéressant de relever que Deschamps se pose en médiateur entre le peuple et le prince à un moment où émerge l’idée de la nation France et celle, corollaire, d’un engagement de l’écrivain en des temps difficiles pour le pays.
La rivalité entre l’art et l’amour du Chef-d’œuvre inconnu de Balzac à L’Œuvre de Zola.
Barilier, Etienne
Cette étude confronte deux ouvrages du XIXe siècle : Le Chef-d’oeuvre inconnu d’Honoré de Balzac et L’œuvre d’Émile Zola. Ils présentent tous deux des personnages habités par la passion artistique, en quête perpétuelle d'absolu, et qui ne parviennent pas à concilier amour et art, ou qui parfois les confondent. Malgré le parallélisme frappant de ces deux oeuvres, cette étude tente d’en analyser les caractéristiques singulières. Dans sa nouvelle, Balzac n’avait fait qu’évoquer le sujet de la rivalité entre l'amour et l’art ; mais Zola parvient à donner de l’ampleur à ce thème en inscrivant son héros dans une temporalité bien plus large que celle du Chef-d’œuvre inconnu, et en réunissant la folie d'un artiste amoureux d’une femme peinte et les sentiments d'un homme à l’égard de son épouse dans un seul personnage : Claude Lantier. Au terme de notre étude, nous arrivons à la conclusion que la folie artistique de Claude semble plus intense que celle de Frenhofer, le peintre balzacien. Zola, en amplifiant la démence de l’artiste, a certainement voulu rappeler à ses lecteurs l'importance de rester fidèle au naturalisme, d’avoir foi en la science et la raison, et de réprimer les forces obscures qui sommeillent en chaque être humain.
La vielle femme séductrice dans La Suite du Merlin.
Mühlethaler, Jean-Claude
Dans la dernière partie de La Suite du Roman de Merlin (appelé aussi Suite-Huth ou Suite-Post-Vulgate), un épisode retrace la tentative de séduction exercée par une vieille femme sur deux chevaliers, Gauvain et le Morholt. Il s’agit d’un épisode secondaire qui aborde les questions fondamentales de la vieillesse au féminin et de la place de la femme âgée dans le roman médiéval. Dans ce but, l’auteur de La Suite du Merlin propose une double approche du personnage de la vieille femme séductrice : tout en établissant un premier lien – peu fréquent dans la littérature courtoise – entre la vieillesse et l’érotisme, il réfléchit aussi sur la vieillesse et la face inquiétante du merveilleux féminin. En sachant que la vieillesse est perçue, au Moyen Âge, comme un obstacle majeur à l’accomplissement de l’amour, il s’agit, pour l’auteur de ce roman, de démontrer qu’un corps féminin vieilli habité par le désir est synonyme d’œuvre diabolique. De plus, la vieille femme séductrice incarne le versant négatif de la fée – l’enchanteresse – et représente la magie qui nuit, qui détruit. L’utilisation purement maléfique du pouvoir de la métamorphose par ce personnage féminin en fait une sorte d’anti-Merlin (le Merlin positif du Merlin en prose) tout en venant confirmer les liens entretenus avec le diable.
Analyse linguistique et informatique des données textuelles : les intensifs dans les contes en prose de Perrault.
Adam, Jean-Michel
Notre travail a pour objectif de mettre à jour quelques pistes pour l’analyse de l’intensification lexicale dans les contes en prose de Perrault. En particulier, nous examinons les intensifs, c’est-à-dire les petits éléments lexicaux qui renforcent des notions ou des structures textuelles plus vastes. En partant de l’observation que les intensifs apparaissent à des endroits spécifiques dans le texte, nous décrivons leur contenu, leur distribution et les effets qu’ils produisent à la lecture. Ayant le but de comprendre les fonctions qu’ils occupent dans le corpus des contes en prose, nous les étudions à différents niveaux linguistiques, à savoir phonologique, lexical, syntaxique et macro-textuel. L’analyse des donnes textuelles, puisant à la fois dans les domaines de la linguistique, de l’informatique et de la statistique textuelle, nous sert à procéder de manière systématique. Grâce à cette méthode, nous dégageons les faits intéressants à un niveau global avant de les étudier plus en détail dans un retour au texte.
De La Scène au Roman. Les Antigones de Sophocle et de Bauchau en dialogue.
Heidmann, Ute
Ce travail compare deux œuvres mettant en scène la figure mythique d’Antigone : la pièce du tragique grec Sophocle et la récriture homonyme faite par l’écrivain et psychanalyste Henry Bauchau. L’analyse montre l’impact du choix générique initial (une tragédie antique versus un roman poétique) sur la manière dont ces textes racontent l’histoire de l’héroïne. Insistant sur la conception de la tragédie grecque comme spectacle chanté et dansé pour le citoyen athénien, le travail montre que c’est cette dimension performative et le régime de rationalité particulier qu’elle crée qui intéressent la récriture moderne. Grâce à un dialogue intertextuel très serré avec la tragédie sophocléenne, le roman moderne réactive en effet une dimension dialogique déjà présente dans le spectacle antique. La récriture bauchalienne fait ainsi sienne la théâtralité sophocléenne, l’intégrant dans sa fiction romanesque. Séparés par plus de vingt-cinq siècles et n’appartenant pas à la même sphère culturelle, ces deux œuvres nouent pourtant un véritable dialogue, comme permet de le montrer une lecture proche des textes.
« De la peinture du temps dans les Essais de Montaigne ».
Tinguely, Frédéric
Si aujourd’hui nous retenons essentiellement deux vues majeures du temps (à savoir celle – léguée par les Anciens – d’un temps cyclique où tout se répéterait périodiquement et celle – adoptée par les Modernes – d’un temps linéaire orienté vers l’avenir), les penseurs ne se sont de loin pas limités à ces deux seules visions, développant à travers les âges une pluralité de conceptions aussi diverses les unes que les autres. La littérature française n’a pas manqué d’en faire, elle aussi, une de ses sources d’inspiration privilégiée. Ronsard invite à « cueillir » le moment présent dans ses Sonnets pour Hélène ; Pascal, lui, constate dans ses Pensées l’inadaptabilité de l’homme à son présent ; les poètes romantiques se souviennent du passé avec nostalgie ; tandis que Verlaine et Baudelaire crient douloureusement les ravages du temps. La présente étude se penche sur l’approche montaignienne du temps dans les Essais. Nous partons d’un constat premier : l’angoisse de Montaigne face à la fuite du temps. De là, nous tentons alors de dégager les différentes stratégies de défense qu’adopte l’auteur, au fil du temps… Trois mouvements composent notre travail : d’abord nous défendons l’idée d’une conception subjective du temps, où celui-ci est réversible ; ensuite nous glissons vers une approche sceptique du temps, où celui-ci se meut à la façon de l’esprit montaignien ; et finalement nous aboutissons à la thèse de la saisie de l’instant, admise par la majorité des critiques, mais que nous nuançons à l’aide d’une reformulation de l’instant. Après ce long voyage à travers le temps, nous concluons enfin par l’atteinte d’un état ataraxique et exempt de toute angoisse chez Montaigne.
Stratégies et contraintes de la traduction publicitaire : le cas des publicités françaises et espagnoles.
Lugrin, Gilles
Ce mémoire a pour but de comprendre comment une annonce publicitaire est traduite lorsqu’elle est destinée à un marché étranger. Pour ce faire, différents paramètres doivent être pris en compte, tels que la fonction persuasive de la publicité, le cadre légal et les éléments liés au système économique du pays visé. Le contexte socioculturel du consommateur qui, d’un pays à l’autre varie considérablement, est également pris en compte pour comprendre le processus traductionnel d’une publicité. Nous observerons ensuite les théories de la traduction communicative, ainsi que les stratégies dont le traducteur dispose pour transposer une annonce. Une vingtaine d’annonces françaises et espagnoles sera ensuite analysée par le biais d’une comparaison différentielle, ceci afin de dégager les effets de sens que chaque texte, dans son contexte social et linguistique, construit. Que faut-il prendre en compte pour traduire une annonce ? Quelle stratégie est la plus souvent employée en traduction publicitaire ? Quelles modifications une traduction peut-elle entraîner et quelles en sont les raisons ? Telles sont les questions auxquelles nous seront amenée à répondre en nous appuyant, d’une part, sur les théories de la traduction et d’autre part, sur l’analyse du corpus.
1944-2002 : de la pensée néoclassique au néolibéralisme réalisé : analyse textuelle d’un paradigme économique depuis sa marginalisation jusqu’à son omniprésence discursive à travers trois auteurs significatifs.
Adam, Jean-Michel
Ce travail tente de définir les caractéristiques de la pensée néoclassique en tant qu’utilisation particulière de la langue de l’après-guerre à l’aube du vingt-et-unième siècle. Par l’analyse linguistique de textes d'obédience néoclassique, il a l’ambition d’attester l’existence d'un « discours néolibéral » mais également de définir ce qui le constitue de manière méthodique. L’analyse textuelle des discours comme ancrage théorique permet l’étude de chaque texte en prenant en compte son contexte socio-historique d’énonciation. Toutefois cette démarche traite la textualité de manière rigoureuse et ne réduit pas les processus discursifs à une simple superstructure. Au terme de ce mémoire, l’analyse textuelle des écrits néoclassiques démontre l’importance fondamentale du discours dans la compréhension du passage d’une théorie marginale à un discours dominant. Cette approche montre également l’importance de l’interdisciplinarité entre l’histoire et l’analyse des discours afin d’éclaircir les mécanismes d’acceptation sociale de certaines « solutions » aux problèmes économiques et politiques. On n’accepte pas n’importe quelle idée à n’importe quel moment mais la formulation elle-même de ces idées est fondamentale pour assurer leur réception.
Physique & métaphysique du Mal, dans l’œuvre de Charles Baudelaire.
Rodriguez, Antonio
Le Mal, Charles Baudelaire l’a tellement côtoyé dans sa vie que l’intégralité de son œuvre littéraire en porte les traces : souffrances, ennui, mort... Néanmoins, au-delà des clichés et contrairement à une idée fausse bien trop répandue, le poète ne s’est jamais complu dans le Mal, qu’il a voulu dépasser. Il n’est pas ce « poète maudit » ; expression faussement élégante, usée à force d’avoir trop servi et bien trop réductrice s’agissant de Baudelaire. Car « l’ombre au tableau » contient nombre d’éléments constitutifs de son esthétique. Enjeu poético-philosophique contenu dans l’antithèse Fleurs du Mal : le projet, c’est « l’extraction du Beau dans le Mal », qui dès lors ne s’opposent plus de façon trop manichéenne. Mais l’observation du gouffre comporte des dangers. Art, Amour, vin, drogue et révolte ne sauraient échapper au Mal. Apparaît le spleen, qui fait aspirer à la Mort, dont le thème, obsédant et lancinant, parcourt le recueil. Les tentatives d’affranchissement des limites et toutes les voies en quête d’un « ailleurs » sont vouées à l’échec. La seule réponse, contre tous les maux, sera la création poétique. Mais le verbe, fragile, ne suffit pas s’il est seul à lutter. Pour « trouver du nouveau », pour que la Mort change de signe et que la victoire sur l’effroi métaphysique soit totale, que l’aspiration au néant se mue en aspiration d’infini, il manque quelque chose. Ce sera la fonction de la synesthésie et plus encore, la raison d’être de l’imagination. Porté par la sorcellerie évocatoire, par les pouvoirs rédempteurs et libérateurs de la poésie, activement soutenue par l’imagination créatrice, Baudelaire n’atteindra le salut que dans son esthétique métaphysique. Et le Mal, dépassé…
Le Voyage de la Vie de Vera Sormani née Zur Gosen : édition critique.
Kaempfer, Jean et Maggetti, Daniele
Le Voyage de la vie est avant tout l’histoire d’une petite fille qui devient femme, avec ses joies et ses chagrins, ses rêves et ses désillusions. Son auteur, Vera Sormani née Zur Gosen, est devenue mon arrière-grand-mère quelque quarante ans après la rédaction de ce tapuscrit autobiographique. Ce texte, que l’ont peut situer entre le genre de l’autobiographie et celui des Mémoires, est constitué de sept parties, couvrant quarante-sept ans de l’existence de son auteur (1890-1947). Vera Sormani née Zur Gosen y évoque tant des souvenirs personnels que des événements sociaux-politiques survenus durant cette période. L’édition critique est constituée du récit complété par deux appareils critiques distincts et d’une partie introductive. Le Voyage de la vie ne se limite pas au simple héritage familial. Sa valeur réside dans son originalité, tant dans le parcours de vie de son auteur, que dans sa façon de le raconter.
« Homo plasticator » : figures de créateurs dans la littératture du XIXe siècle : artistes et savants.
Caraion, Marta
Le XIXe siècle est riche en événements et en textes critiques et littéraires mêlant étroitement les arts et la science. Ce mémoire de licence se donne pour ambition de confronter différentes figures d’artistes et de savants, représentés dans la littérature de ce siècle, tels qu’ils apparaissent dans leur travail de créateurs d’êtres anthropomorphes. Ces créateurs, aussi bien dans le domaine artistique que scientifique, sont tributaires non seulement d’une longue tradition mythique et littéraire, mais aussi philosophique et technique. Leur volonté inflexible d’animer l’inerte ne se fait pas sans heurts avec la société, forçant le créateur à se retirer du monde, de son cercle familial, jusqu’à s’aliéner soi-même. Son travail de création l’accapare, pour lequel même la vie est sacrifiée. De Frankenstein à L’Eve future, du Chef-d’œuvre inconnu à L’Œuvre, le travail de création touche à la transgression et conduit souvent, paradoxalement, à l’anéantissement de l’œuvre humaine et du responsable de son existence.
Le genre de la critique littéraire journalistique : questions génériques et analyse du corpus.
Adam, Jean-Michel
Le sujet de ce mémoire est le genre de la critique littéraire. Le corpus choisi contient des articles qui ont tous comme point commun de traiter de près ou de loin de deux romans parus lors de la rentrée littéraire 2007. La question principale est de savoir s’il existe une définition claire et précise de la critique littéraire journalistique, et si les articles du corpus peuvent être rattachés à ce genre. L’étude des manuels de journalisme a permis dans un premier temps, de catégoriser les genres journalistiques et de définir, dans les grandes lignes, la critique littéraire journalistique. Les premiers résultats obtenus n’ont pas permis de faire correspondre chaque article à un genre journalistique bien précis. Une analyse selon les critères de typologisation, définis par les spécialistes de l’analyse des médias, a donc été nécessaire. Les critères utilisés ont permis, par exemple, d’analyser la position de l’article dans le journal, de mettre en évidence les thèmes traités dans les articles, d’étudier la position de l’énonciateur, de découvrir si ces textes sont informatifs ou d’opinion, etc. Cette analyse a mis en évidence la difficulté à vouloir classer absolument les articles à cause de la tendance qu’a le journalisme à l‘hybridation. Les observations qui ont été faites on alors surtout conduit à constater que les caractéristiques propres à un genre peuvent se retrouver aussi dans d’autres ce qui fait que les frontières des genres ne sont pas imperméables et par conséquent, qu’il est difficile de les classer définitivement.
L’étrange destin de Wangrin : ambiguïtés paratextuelles et instabilité générique.
Le Quellec Cottier, Christine
L’Etrange Destin de Wangrin d’Amadou Hampâté Bâ (auteur malien né en 1900 et mort en 1991) est le fruit d’une promesse faite à un homme qui désirait que son expérience serve d’enseignement et de divertissement. Dans l’avertissement et la postface, l’écrivain apparente le livre à un récit de vie alors que l’univers fictionnel se fait ressentir, certaines incohérences viennent se glisser dans ses commentaires. Les paratextes nous permettent déjà de mettre en évidence quelques ambiguïtés. Une impossibilité de classification, une instabilité générique, apparaît. A quelle catégorie Wangrin appartient-il ? Cette incertitude est-elle positive pour le texte ? Ou joue-t-elle en sa défaveur ? La mise en perspective du récit dévoile les nombreuses intrusions du narrateur, l’importance du réel ainsi que les procédés qui participent de la mise en fiction. Aussi, nous observons une oscillation entre deux principes opposés de prime abord (réalité et fiction). L’auteur prouve sa fabuleuse maîtrise de l’écriture tant il fait sien le concept de paradoxe, terme qui illustre parfaitement bien son unique roman. Par conséquent, le dessein de ce travail est de mettre en relief l’intérêt de ces ambivalences ainsi que leurs apports à l’œuvre d’Hampâté Bâ. Nous tentons de comprendre l’importance de ce phénomène dans la délicate question de la détermination générique du texte et de découvrir où nous emmène cette instabilité, ce qu’elle permet sur le plan littéraire.