Petites frappes sur ruban noir : le néopolar chez Jean-Patrick Manchette, Jean Echenoz et Tanguy Viel.
Kaempfer, Jean
Manchette, Echenoz et Viel réinvestissent le polar, comme genre littéraire et cinématographique, en recyclant ses scénarios convenus et ses personnages stéréotypés. Mais cette incorporation du répertoire hard-boiled est distancée, puisqu'elle se réalise au travers d'un jeu avec les conventions du récit romanesque et avec celles du roman noir.
Les figures de style dans les romans de Boris Vian : le rôle des jeux sur la langue dans la construction de l’univers fictionnel.
Kaempfer, Jean
Ce mémoire est l’occasion de se pencher sur ce qui fait l’ossature d’un texte. Chez Boris Vian, l’usage particulier que cet écrivain fait de la langue est à la base de l’édification, de la mise en place de l’univers fictionnel. En étudiant les figures de style présentes dans les six romans qu’il écrivit sous son vrai nom, nous pouvons dégager trois de leurs fonctions principales : elles sont à la fois créatrices, subversives et contractuelles. En effet, les figures de style sont à l’origine d’une grande partie des éléments spécifiques de l’univers vianesque, elles remettent en cause les structures de la langue et de la société dont elle est issue et enfin elles permettant de faire adhérer le lecteur au texte et d’établir un contrat de lecture entre lui et l’écrivain. Ces divers éléments permettant d’expliquer, en partie, comment Boris Vian est parvenu à construire un univers à la fois étrange et parfaitement cohérent.
Le Manuscrit P2 dans la tradition de la Vie de saint Alexis.
Zufferey, François
Depuis l’édition de Gaston Paris publiée en 1872, le texte critique de la Vie de saint Alexis n’a guère progressé. C’est pour combler cette lacune que le professeur François Zufferey a entrepris un vaste travail de recherche qui débouchera sur une nouvelle édition de ce texte fondamental de la littérature médiévale. L’étude du manuscrit French 6 de la John Rylands University Library de Manchester, siglé P2, s’inscrit dans ce contexte. La recherche vise à apporter des informations sur un manuscrit particulier (constitution codicologique, histoire, aire dialectologique) et à les exploiter pour confirmer un point spécifique du stemma de la tradition de la Vie de saint Alexis. L’enjeu de l’étude est donc directement lié à la future édition du texte hagiographique. Le mémoire propose d’abord une présentation synoptique des versions contenues dans les manuscrits A, L, P2 et P. Le texte du manuscrit P2 a été entièrement collationné, et quelques erreurs contenues dans sa précédente édition ont pu être relevées. Une seconde partie, analytique, est consacrée aux divers aspects du manuscrit. Le travail se termine par l’étude de la place du manuscrit dans l’ensemble de la tradition textuelle de la Vie de saint Alexis. L’appartenance de P2 à une version deux fois remaniée du texte original, l’existence d’une source commune unissant P et P2, et enfin le lien direct entre P2 et une version primitive du texte constituent les points principaux que cette recherche a établis. La démonstration de l’existence de ce lien n'est pas anodine : la nouvelle édition de la Vie de saint Alexis ne pourra plus ignorer cette source trop souvent mise de côté en raison de son caractère lacunaire.
Les personnages et les valeurs d’engagement dans La Condition Humaine et L’Espoir d’André Malraux.
Meizoz, Jérôme
Le présent mémoire a pour objectif principal d’étudier les formes de l’engagement dans les romans d’André Malraux. Pour ce faire, il se base sur un corpus incluant La Condition Humaine (1933) et L’Espoir (1937). Ce mémoire s’organise en deux parties. Un premier chapitre expose l’historique et les modalités de l’engagement littéraire puis la conception de celui-ci chez Malraux. On présente ensuite les fonctions du personnage romanesque, afin d’aborder l’étude des valeurs mises en jeu dans les deux ouvrages du corpus. Vient ensuite l’étude des romans qui permet de mettre en évidence l’axiologie des personnages et les stratégies narratives de Malraux. La discussion porte alors sur la question du « roman à thèse » et de ses actualisations chez l’écrivain français.
Scénarios du Possible / Possibles du Scénario : esthétique d’une tendance générique chez Marguerite Duras.
Kaempfer, Jean
Marguerite Duras – à l’image de plusieurs écrivains qui lui sont contemporains – a écrit et publié une quantité de « scénarios ». Le présent mémoire propose de se pencher, dans une perspective diachronique, sur les textes de l’écrivaine qui participent de ce genre de manière plus ou moins explicite. Il a également pour ambition de cerner les enjeux esthétiques d’ une tendance générique qui se prolonge au-delà de ses propres frontières. L’écriture scénaristique que pratique intensément Marguerite Duras à partir des années soixante n’est pas uniquement un moyen en vue d’une fin cinématographique ; elle sert progressivement de prétexte à une réflexion éthique et esthétique portant sur le rapport entre l’écrit et le filmique. Loin d’être accessoire, cet usage particulier du genre investit le centre de l’écriture durassienne : les traits génériques s’écartent graduellement de leur fonction première et deviennent de véritables traits de style.
Le « pleurer-rire » d’Emmanuel Dongala : modalités énonciatives et représentations du discours dans les romans d’Emmanuel Dongala.
Le Quellec Cottier, Christine
Par désir d’étudier l’œuvre romanesque d’Emmanuel Dongala, nous avons décidé de l’aborder à partir de nos principaux constats de lecture, constats qui touchent à des questions d’énonciation et de représentation des discours. Un fusil dans la main, un poème dans la poche et Le feu des origines sont racontés au mode hétérodiégétique, tandis que les deux plus récents, Les petits garçons naissent aussi des étoiles et Johnny Chien Méchant sont énoncés par des jeunes racontant leur propre histoire. Dans ce travail, nous désirons savoir si la mise en discours modifie la manière dont l’écrivain s’implique à travers sa littérature. Dans notre corpus le discours se retrouve, à divers degrés, en état d’instabilité dans le cours de la narration, ce qui peut être le signe d’une ambiguïté et d’une manière détournée de l’auteur de s’impliquer en utilisant par exemple les procédés de l’humour et de l’ironie. Nous aimerions savoir comment la mise en discours se constitue et se transforme, et aussi si une transformation est signe d’une évolution qui irait d’un élan de combativité défendu dans Un fusil dans la main, un poème dans la poche à une représentation du désenchantement du personnage de Johnny et du monde qu’il symbolise ? Pour répondre à nos interrogations, le travail s’intéresse au discours, c'est-à-dire qu’il va analyser de près les fonctions du ou des narrateurs et la manière dont il s’énonce et énonce ses personnages. Le travail s’intéresse alors aussi aux discours représentés mais également à la relation que le narrateur entretient avec son narrataire. Nous regarderons qu’elles sont les différences entre les deux types de modes et quels en sont les enjeux au sein même de chaque œuvre mais aussi quant à l’esthétique de l’écrivain. Pour cela nous utilisons des outils de linguistique textuelle et de narratologie avant de voir en quoi nos analyses textuelles permettent de mettre en lumière des thèmes tels que l’identité ou la violence, thèmes contemporains mais notamment exploités par le biais d’une ambiguïté au sein du discours.
Essai de définition d'un genre de la presse écrite : les rubriques nécrologiques.
Adam, Jean-Michel
Cette étude porte sur un genre particulier de la presse écrite : les nécrologies. L’examen de cinq quotidiens suisses et français – le 24 Heures, Le Temps, Le Monde, Le Figaro et Libération – récoltés sur une période de un mois, nous a permis de procéder, dans un premier temps, à l’établissement de critères définitoires permettant de classer les nécrologies dans deux catégories distinctes : les « longues », que l’on appelle communément "nécrologies", et les « brèves », que l’on connaît davantage sous l’appellation d’"avis mortuaires". Dans un deuxième temps, nous avons observé quels étaient les traits caractéristiques de ces nécrologies. Pour ce faire, nous avons tout d’abord étudié les éléments paratextuels afin d’observer en quoi ceux-ci peuvent influer sur la rubrique nécrologique elle-même. Ensuite, afin d’établir un cadre d’analyse précis, nous avons appliqué cinq critères de définition d’un genre : le critère pragmatique, le critère énonciatif, le critère sémantique, le critère compositionnel et le critère stylistique (Revaz 2001). Prenant enfin une certaine distance par rapport à celles-ci, nous avons examiné le genre du "souvenir" qui permet, contrairement au genre nécrologique, une écriture plus personnelle et donc également plus émouvante, ce qui n'empêche pas certaines nécrologiques d'être poétiques ou tragiques, comme nous avons également pu l’observer.
Réhabiliter un auteur sulfureux ? : le Marquis de Sade et ses biographes, enjeux d’une relation critique.
Rosset, François
La censure a pendant près de cent cinquante ans surdéterminé la réception des œuvres du marquis de Sade, tout comme elle aura créé à son sujet une forme de consensus : l’auteur tout comme ses écrits auraient en effet façonné la notion de sadisme. On se figure alors un homme qui, pour distraire son corps inactif et son esprit malade, écrivit en prison d’infâmes récits à l’érotisme cruel. La redécouverte des textes proprement dits, initiée dans les années 1900, interrompue par les première et deuxième guerres mondiales, pour être reprise et poursuivie à partir de 1950, aura généré une grande effervescence autours de l’écrivain, devenu une figure littéraire majeure pour de nombreuses avant-gardes. Parallèlement, un certain nombre d’ouvrages critiques, dont des biographies érudites, apparurent. Au final, Sade, d’auteur censuré, figure depuis 1990 aux côtés de Balzac et Flaubert dans la prestigieuse Bibliothèque de La Pléiade. De nouveaux défis liés à la biographie sadienne sont ainsi survenus au cours de ces trente dernières années : comment, dans un tel contexte de réhabilitation des textes, les biographies du marquis de Sade relient-elles la vie et l’œuvre de l’écrivain ? Perpétuent-elles les poncifs créés au XIXe siècle ? Notre choix s’est porté sur quatre biographies dont les auteurs ont tous édité Sade durant la grande aventure que fut la parution de ses textes. Il s’agit de l’ouvrage de Gilbert Lely, Vie du marquis de Sade (1959-1989), du volumineux Sade vivant de Jean-Jacques Pauvert (1985-1989), de la biographie de Maurice Lever, Donatien Alphonse François, marquis de Sade (1991) et du récent travail de Michel Delon, Les vies de Sade (2007).
De la simple exubérance au problème clinique, la folie sur scène se décline sous de multiples formes. Considérée non en tant que thématique, mais comme mécanisme perturbateur, elle révèle une volonté de liberté, un affranchissement des règles, aussi bien pour le dramaturge que pour son personnage. Si cette confusion, ce désordre peut s’immiscer à tous les niveaux (intrigue, espace, temps, parole etc.), elle n’en réserve pas moins, paradoxalement, une organisation et une logique implacables. Les deux « patrons » du théâtre, Dionysos et Apollon, s’en trouvent ainsi satisfaits. De Shakespeare à Thomas Bernhard, il s’agira d’analyser les mutations de cette folie théâtrale, qui semble, au fil des époques, perdre son panache, et se faire plus discrète, mais aussi plus profonde. Les exubérances baroques et les fureurs tragiques se verront ainsi remplacées par une folie beaucoup plus intériorisée, mais qui mène vers une vérité.
Le roman policier humoristique : le cas Charles Exbrayat à travers ses trois personnages récurrents, Romeo Tarchinini, Malcom McNamara et Imogène Mc Carthery.
Kaempfer, Jean
Au départ, le but de ce mémoire devait être d’analyser l’usage de l’humour dans le cadre du roman policier, le type d’humour utilisé. En progressant dans le travail, il a fallu constater que chez cet auteur, l’humour n’était pas accessoire mais central. C’est plutôt l’aspect policier qui passait au second plan. En effet, la volonté humoristique de l’auteur l’obligeait à transgresser certaines règles « canoniques » du roman policier et c’est finalement sur ces transgressions que porte le mémoire. Dans le cadre de ce travail, nous nous posons aussi la question de la qualité de ces ouvrages au niveau du type policier : ces transgressions ne gâchent-elles pas le suspens ou le déroulement de l’enquête ? Cette recherche de la transgression nous a aussi mis face à un problème de matériel théorique. La grande vague d’intérêt des théoriciens pour le roman policier date du deuxième quart du XIXème siècle. Depuis cette période, le volume et les styles de cette littérature ont connus une expansion énorme et la théorie n’a pas été actualisée assez vite et assez complètement. Ce qui limite la portée de notre travail à l’analyse de la transgression que représentaient ces romans de Charles Exbrayat par rapport aux théories de l’époque.
Voir et entendre au XIIe siècle : Convaincre, Croire, Aimer.
Corbellari, Alain
De par son titre, le sujet d'étude de ce mémoire paraît ambitieux. Les rôles respectifs ou parallèles joués par la vue et par l'ouïe dans les domaines de la conviction, de la foi et de l'amour au XIIe siècle ne peuvent s'aborder de manière exhaustive ou satisfaisante dans un travail aussi court. C'est pourquoi nous avons limité notre étude à deux oeuvres en particulier: quels rôles Béroul fait-il jouer à ces deux sens dans le processus qui mène à la conviction? Le Roman de Tristan , qui fait passer le roi Marc et sa cour d'un soupçon à la conviction de la culpabilité des deux amants, puis à la conviction de leur innocence, nous a semblé un bon point de départ à notre réflexion sur le sujet. L'attitude d'Eneas dans le roman du même nom transposera cette même question dans le domaine de la foi. L'innamoramento de Lavine en dernière partie de cette même oeuvre sera le point de départ à nos hypothèses sur l'importance de la vue et de l'ouïe dans la naissance de l'amour.
De l’épopée au roman, une lecture de Monnè, outrages et défis d’Ahmadou Kourouma.
Le Quellec Cottier, Christine
Le second roman de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma, Monnè, outrages et défis (1990), a été associé dès sa parution, aussi bien par la critique que par l’auteur, à une catégorie littéraire bien connue ; celle de l’épopée. Et cette notion s’est avérée particulièrement pertinente pour en cerner les enjeux. Si, d’une part, l’imaginaire épique africain est un matériau essentiel de l’écriture de Kourouma, le roman lui-même peut, en effet, être lu comme une épopée. Et, paradoxalement, analyser la manière dont il actualise certains procédés littéraires propres à l’épopée mondiale – envisagée comme récit ayant pour thème la société et particulièrement sa structure politique - s’avère même un moyen idéal pour cerner avec précision les enjeux de la référence à l’épopée (traditionnelle) au sein du projet qui fonde toute l’œuvre de Kourouma : penser l’histoire africaine.
Le statut du fantastique dans le Manuscrit trouvé à Saragosse : entre emprunts et demystification.
Rosset, François
Roman initiatique, gothique, fantastique, picaresque, d’aventures, d’éducation, conte philosophique, le Manuscrit trouvé à Saragosse aborde et parodie bon nombre de genres littéraires, sans pour autant s’inscrire fidèlement dans un seul genre en particulier. Ainsi, l’écrivain ne cesse d’appliquer des stratégies de construction, puis de déconstruction du fantastique, suscitant ainsi une tension entre deux mouvements contradictoires. Il est alors nécessaire de se demander de quelle manière l’écrivain développe et fait coexister ces deux pôles antithétiques. L’accent sera ainsi mis, dans un premier temps, sur les divers procédés de construction du fantastique. Quels sont les poncifs traditionnels du genre que Potocki recycle ? De quelle manière ces éléments archétypaux sont-ils intégrés dans le roman, avec sérieux ou ironie ? Ces emprunts favorisent-il réellement l’atmosphère du fantastique ou contribuent-ils déjà à la démystification ? Puis, dans un deuxième temps, les modalités de la déconstruction qu’opère le romancier seront mises en évidence. Quels sont les enjeux de cette démarche de déconstruction pour le protagoniste et le lecteur ? De quelle manière évolue le statut du fantastique ? Ces questions permettront de dégager le lien qui unit le statut du fantastique au parcours du héros, considéré dans le rapport entre fiction et réalité, ainsi que d’observer la manière dont le fantastique varie entre la version de 1804 et celle de 1810.
L’allusion pour témoigner des violences de l’Histoire : autour d’Une vie de boy de Ferdinand Oyona et de L’aîné des orphelins de Tierno Monénembo.
Le Quellec Cottier, Christine
Ce mémoire aborde et compare deux romans de littérature africaine : Une vie de boy, de Ferdinand Oyono, et L’aîné des orphelins, de Tierno Monénembo. Le premier récit relate le destin funeste d’un jeune Camerounais sous la colonisation française ; le second est centré sur la figure paradoxale d’un enfant qui bascule dans la misère, le cynisme et la criminalité, après avoir perdu ses parents lors du génocide rwandais perpétré en 1994. Ces deux œuvres « mettent en fiction » les conflits meurtriers qui ont secoué le continent africain, qu’il s’agisse de la confrontation coloniale (Oyono) ou du génocide (Monénembo). Dans chacune d’elles, la question de la violence, et les nombreux enjeux qu'elle soulève, acquièrent une importance fondamentale : comment caractériser l’oppression coloniale ? comment dire le génocide ? Selon notre approche, ces récits adoptent des stratégies discursives visant à la fois à contourner l’évocation directe des événements, source d’horreur, et à poser un regard interrogateur sur ce qui les fonde et les conséquences qu’ils impliquent. Notre travail s’articule en deux parties : dans un premier temps, nous nous penchons sur des enjeux éthiques et esthétiques, liés à l’écriture de la violence, qui ont pu conditionner le discours des écrivains ; puis, nous analysons les procédés allusifs auxquels ils ont recours pour traiter indirectement leur sujet. Nous défendons l’idée que chacun de ces textes, qui oscillent entre fiction et témoignage, peut se concevoir comme une sorte de « témoignage en profondeur », où le lecteur, par le biais d’un discours allusif, est amené à réfléchir sur les événements, sans les avoir nécessairement vécu, en mobilisant son propre univers de connaissances. Un rapport s'établit entre allusion et témoignage.
L’ethos du sauveur dans la rhétorique de Fidel Castro : traduction et analyse des discours du 8 janvier 1959 et du 1er janvier 1984.
Adam, Jean-Michel
La langue de Fidel Castro est complexe, digressive, répétitive. Ses phrases périodiques sont longues et curieusement agencées, leur tournure grammaticale souvent déconcertante, parfois même chaotique. C’est là sa façon de s’exprimer, ce qu’une traduction stylistiquement élégante ne rendrait pas. Le traducteur doit tenter de reproduire ces aspects rythmiques et discursifs, s’il ne veut pas passer à côté de la langue et de la rhétorique du Comandante. En choisissant de traduire et d’analyser les discours du 8 janvier 1959 et du 1er janvier 1984, notre objectif était triple. Premièrement, nous désirions faire découvrir à un public francophone la rhétorique de ce grand orateur peu étudié et donner à lire, en ces jours anniversaires de sa prise de pouvoir, les mécanismes du discours totalitaire d’un des plus grands dictateurs du XXe siècle. Deuxièmement, nous avons cherché à produire et à présenter des traductions dans lesquelles le lecteur pourrait découvrir et ressentir cet art oratoire si particulier d’un chef d’état qui a, pendant un demi-siècle, fasciné, troublé et parfois inquiété le monde. Enfin, nous avons souhaité insister sur un aspect de cette rhétorique : la mise en place d’un ethos du sauveur. Véritable icône, utilisant et véhiculant de façon très habile les images d’un Christ, d’un guérillero en costume militaire et d’un bienveillant « Petit père du peuple », Fidel Castro n’a jamais cessé de re-fabriquer, à l’occasion de chaque discours, l’histoire de la Révolution cubaine, légitimant ainsi ses choix politiques et son pouvoir absolu.