Vision et poétique romanesques : une lecture rétrospective de Jean Rouaud.
Adam, Jean-Michel
En 1999 Jean Rouaud publie Sur la scène comme au ciel, volume qui, à en croire la quatrième de couverture de l’édition originale, met un terme à sa « suite romanesque », commencée en 1990 avec Les champs d’honneur. Au travers de ce qu’il nomme lui-même une « comédie de commentaires », l’auteur affiche sa volonté de revenir sur ses romans précédents et d’en expliquer les recoins obscurs. Or, par le biais de cette relecture, c’est non seulement ses écrits, mais surtout son écriture (au sens de « procédé de création ») qu’il met en lumière. Ainsi apparaît un véritable art poétique à l’intérieur même de l’œuvre romanesque de Rouaud. L’enjeu de ce travail de recherche a donc été de reconstituer les différents aspects de cet art poétique, fils d’Ariane aboutissant à la (re)découverte d’un auteur à considérer avant tout comme un stylisticien…
Au début du XXe siècle, Maurice Renard est l’un des rares écrivains français à prendre la relève de la littérature d’anticipation scientifique après Jules Verne. Grand admirateur de H. G. Wells, il se consacre à ce genre nouveau, né de la rencontre de la science et du fantastique, et lui donne le nom de « merveilleux scientifique ». A la fois précurseur de la future science-fiction et héritier d’une tradition littéraire, il convoque souvent dans ses romans et nouvelles la figure mythique du savant fou, illustrée pour la première fois par Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley (1817). Cet archétype de l’homme de science dévoyé lui permet de condamner les excès d’un positivisme trop confiant, à une époque où les progrès de la science inquiètent autant qu’ils fascinent. Mais le romancier ne s’est pas contenté de reproduire un modèle littéraire déjà très codifié. A travers les nombreux avatars du savant fou qui peuplent son œuvre, il nous livre une interprétation très personnelle de la folie savante. Avant que le cinéma en fasse un cliché, Maurice Renard lui donnait une résonance bien plus menaçante, en considérant qu’il n’y a pas de savants fous, car tous les savants sont fous.
La « nouvelle-instant », un cas-limite de narrativité ? L’exemple de deux nouvelles d’Albert Camus.
Adam, Jean-Michel
Ce mémoire prend pour point de départ la notion de « nouvelle-instant » proposée par le critique René Godenne dans ses travaux sur la nouvelle moderne. Selon Godenne, « certains auteurs [notamment Marcel Arland ou Albert Camus] ne prétendent plus vouloir raconter une histoire en bonne et due forme, mais ramènent le sujet de la nouvelle à la seule évocation, et à l’approfondissement, d’un instant précis de vie (...). La notion n’inclut pas - ou si peu - une idée narrative ». Le but du travail est de reprendre ces hypothèses sur la narrativité pour tenter de les affiner théoriquement et de les mettre à l’épreuve d’une approche linguistique de deux nouvelles tirées de L’Exil et le Royaume d’Albert Camus (La femme adultère et Les muets). La première partie est entièrement consacrée à une mise au point théorique où les termes-clés d’instant, d’action et de mise en intrigue sont soumis à une tentative de redéfinition. La deuxième partie s’ouvre quant à elle à une analyse stylistique des nouvelles du corpus. L’enjeu central est de montrer que la dilatation temporelle dans l’instant va de pair avec un effritement de l’action humaine et de son organisation textuelle par la mise en intrigue. Les nouvelles camusiennes apparaissent alors comme des cas-limites de narrativité où le récit est fondamentalement décevant. Ce mémoire vise ainsi à une réflexion sur le processus de dénarrativisation à l’oeuvre dans la « nouvelle-instant » par une approche située au carrefour de la poétique de la nouvelle, des théories du récit et de l’action, ainsi que d’une stylistique linguistique.
La figure de l’Autre à travers une variation épistolaire : Prague d’Étienne Barilier.
Jakubec, Doris
Le roman épistolaire d’Étienne Barilier, Prague (1979), fait partie d’un vaste ensemble romanesque qui se présente dans son entier comme un laboratoire de formes où sont expérimentés les possibles narratifs et défiées les formes romanesques traditionnelles. Cette exploration formelle s’articule étroitement avec la réflexion sur l’Autre et le sujet qui travaille chaque œuvre de l’auteur. Dans Prague, Barilier adopte un parti pris narratif singulier, qui fonde la signification et la richesse du texte : il réactualise la forme ancienne du roman par lettres pour la problématiser, en créant une polyphonie unilatérale, où toutes les lettres du personnage à qui écrivent différents épistoliers sont cachées au lecteur. Ce choix formel, lié à la question de la subjectivité, permet au romancier de mettre en scène la problématique du sujet, de l’identité et de l’altérité, en créant de multiples jeux de miroirs entre le « je » et le « tu ».
Les objets symboliques dans la relation amoureuse à travers Julie ou la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau.
Reichler, Claude
Ce travail, qui s’attache à analyser les objets symboliques et leurs fonctions dans la relation amoureuse à travers Julie ou La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, tend à expliquer la raison, le cheminement, et le but de l’utilisation des objets symboliques par l’auteur. L’objet symbolique, tel qu’il apparaît à travers La Nouvelle Héloïse, est un troisième élément dans la passion de Julie et de Saint-Preux. Objet matériel ou encore lieu essentiellement associé à la nature, comme le symbole, il a pour fonction de donner une signification à un destin et de transformer une réalité décevante. S’identifiant, voire se substituant, à l’être aimé, l'objet symbolique contribue à la création d’un univers fictif propice à la rencontre amoureuse innocente. Cette fiction se déroule dans un cadre référentiel existant, soit l’environnement pastoral de Vevey et Clarens au pied des Alpes. Rousseau recourt, par l’intermédiaire de l’écriture (elle-même objet symbolique) à ce mode de représentation, pour tenter de trouver l’amour pur et idéal qu’il ne parvient pas à atteindre dans la réalité, son sentiment de culpabilité lui interdisant d'assumer et de vivre une sexualité épanouie avec une femme. Afin de bien cerner l’objet symbolique, il faut s'intéresser à sa construction en se référant au livre IX des Confessions, récit de la vie réelle qui relate l’époque de la genèse de La Nouvelle Héloïse et la relation de Rousseau avec Mme d’Houdetot, ainsi qu'à la correspondance de l’auteur à cette période. Dans La Nouvelle Héloïse, nous constatons les différentes étapes de la recherche de l’amour purifié à travers les objets symboliques, qui participent au déroulement et à la signification du roman. Nous tentons de démontrer si la création d'un monde fictif à l’aide d’objets symboliques permet d'accéder à la passion terrestre sublimée, donc délivrée du désir charnel.
Yves Adrien, Michel Houellebecq : deux écrivains rock ? Excès, rupture et fulgurance vers une vision du monde moderne.
Wyss, André
Dès son apparition en France à l’aube des années soixante, le rock a très vite suscité un grand nombre de vocations dépassant le registre strictement musical. Totalement fasciné par l’émergence de cette nouvelle « mythologie », le rock-critic, journaliste au ton volontairement partial et subjectif, a rapidement su conquérir une certaine reconnaissance au sein de la culture « rock », véritable porte-parole de ce nouvel univers symbolique. Yves Adrien en est une figure emblématique des plus notoires. Moins directement, d’autres écrivains, et notamment Michel Houellebecq, ont ouvert de nouveaux horizons littéraires, influencés autant par le charisme du rocker que par celui des rock-critics, à la fois excessif, provocateur, brutal et visionnaire. L’étude présentée ici a eu pour objectif de proposer une lecture de ces deux écrivains en posant l’hypothèse d’une écriture rock. C’est à la lumière de cette définition symbolique que sera examiné tout l’impact de leurs œuvres respectives.
Alexandre à travers les espaces merveilleux de l’Orient. Oxford, ms. Bodley 264.
Mühlethaler, Jean-Claude et Romano, Serena
La problématique qui est au centre de ce travail est celle de la relation entre le texte et l’image dans le manuscrit Bodley 264 (milieu du XIVe siècle), contenant entre autres la version d’Alexandre de Paris du Roman d’Alexandre (fin du XIIe siècle). La réflexion se concentre d'abord sur l’aspect littéraire. Sont pris en considération six épisodes de la troisième branche du roman, lors du voyage d’Alexandre en Orient : le voyage sous-marin, le franchissement des bornes d’Hercule, l’enfermement d’Alexandre au Val Périlleux, les épisodes des filles de l'eau et de la forêt des filles-fleurs et enfin le voyage aérien. À travers l’analyse de ces passages il apparaît clairement que le comportement d’Alexandre est jugé négativement: surtout, il pêche par orgueil et démesure. Alexandre est un mauvais roi. L’interprétation des enluminures et des marges qui illustrent ces mêmes épisodes (folio 50r ; folio 62r ; folios 64r, 64v, 65r, 66r ; folio 66v ; folios 69v, 70r, 70v, 71v ; folios 80v, 81r, 81v) apparaît plus problématique. Puisque les images ne possèdent pas le langage adapté à la figuration du caractère d’Alexandre tel qu’il est exposé dans le récit, elles le représentent simplement dans sa relation à l’espace et aux autres. Alexandre apparaît alors soit comme simple persona qui accepte les défis et les mises à l’épreuve auxquelles il est soumis, soit comme un rex qui exerce son pouvoir et fait usage de son autorité.
la problématique de l’errance chez Tahar Ben Jelloun : La Prière de l’absent, entre écriture de la quête et quête d’une écriture.
Reichler, Claude
L’écriture de Tahar Ben Jelloun est une écriture qui circule dans les langues, dans les existences et dans l’Histoire. Parce qu’elle fait le tour de nos sens, qu’elle se déplace continuellement entre Orient et Occident, entre ville et désert, nous la voyons comme une écriture migratoire. Articulé autour de la question de l’errance, La Prière de l’absent est peut-être le roman benjellounien qui met en scène de la façon la plus subtile cette écriture migratoire. A la fois expérience de nomadisme et quête d’une écriture, celui-ci offre un intérêt tant au niveau de la diégèse que de la recherche linguistique. C’est le rapport entre ces deux axes de lecture que ce mémoire se propose d’étudier. Partagé entre deux cultures, entre deux univers symboliques, Tahar Ben Jelloun ne pouvait que se sentir concerné par la problématique de l’identité et du rapport à l’autre. En effet., c’est bien de cela qu’il s’agit dans La Prière de l’absent : comment vivre l’écriture comme lieu de rencontres, comme espace d’affirmation d’un Moi hétérogène.
Jules Roy et la guerre d’Algérie : du témoignage au roman.
Reichler, Claude
Né en Algérie en 1907 dans une famille de petits colons, Jules Roy est élevé dans une atmosphère anti-arabe. Alors que son établissement en France dans les années 30 lui permet de se découvrir une passion pour la littérature, sa rencontre avec Jean Amrouche et Albert Camus lui permet de donner à la littérature un but, celui du témoignage. En dévoilant les injustices, les horreurs de la guerre d’Algérie dont il est témoin et en se plaçant du côté des Algériens, alors que lui-même est pied-noir, Jules Roy apporte un éclairage nouveau sur le conflit. Cette vision des événements apparaît dans plusieurs de ses ouvrages, notamment dans son témoignage, La Guerre d’Algérie, écrit en 1960, et dans son roman, Le Tonnerre et les anges, écrit en 1972. Ce travail propose de montrer l’évolution qui s’est produite entre les deux livres, tant au niveau de l’écriture (passage de JE à Il, multiplication des points de vue) qu’au niveau de l’auteur lui-même, puisque l’écriture a été tour à tour révélatrice, destructrice et réparatrice pour Jules Roy.
De l’automne de la courtoise à sa reverdie par l’imprimé de Vérard : genèse d’une récupération courtoise du "livre d'amis" de Charles d’Orléans.
Mühlethaler, Jean-Claude
A travers l’étude d’un imprimé publié en 1509 à Paris par Antoine Vérard (un des éditeurs-imprimeurs les plus actifs au temps de l’essor de l’imprimerie), on constate qu'un intérêt pour la courtoisie subsiste à côté de l’engouement plus communément avéré de cette époque pour les œuvres humanistes. Un des intérêts principaux de cet imprimé-anthologie, "La Chasse et le Départ d’Amours", réside en ce qu’il rassemble, en plus d’une partie de l’œuvre politique d’Octovien de Saint-Gelais et du "Départ d’Amours" de Blaise d’Auriol, près de la moitié de l’œuvre poétique de Charles d’Orléans (regroupée dans son "livre d'amis", Bn 25458). Celle-ci se trouve fondue dans un nouveau co-texte qui témoigne d'une intention de redonner confiance en un idéal courtois qui a été fortement ébranlé dans "La Belle dame sans merci" d'Alain Chartier (1424). Mû semble-il par un tel désir, le compilateur anonyme de cet imprimé a gommé systématiquement le nom du prince-poète, ainsi que certaines pièces dont le contenu a pu paraître discourtois au compilateur. Par conséquent, on trouve tout d'abord dans ce mémoire les traces d’une démarche qui a consisté à resituer l’omission du nom de l’auteur dans son contexte historico-éditorial. Cette première étape permet d’émettre l’hypothèse que cette pratique est due à une volonté de dégager la courtoisie d’un ancrage référentiel trop réducteur qui risque d’entraver la célébration d'un amour idéal. Ensuite, une attention particulière est donnée à une pièce qui fait office de prologue au recueil amoureux. "La Chasse d’Amours", œuvre également attribuée à Octovien de Saint-Gelais, nous expose le parcours d’un "amant parfait", qui libère un royaume en crise, figure que l'on retrouve dans la partie de l’imprimé qui reprend les œuvres de Charles d’Orléans (les pièces lyriques du prince apparaissent comme les compositions de l’amant éloigné de sa dame). Finalement, les deux recueils, séparés d’environ un demi-siècle seulement, sont abordés par le biais d'une thématique, la mélancolie, étude plus proche du texte qui permet de souligner avantageusement les divergences de tonalité entre les deux recueils.
La réception de la psychanalyse dans l’œuvre romanesque de Pierre Jean Jouve.
Chaperon, Danielle
La réception de la psychanalyse dans l’œuvre romanesque de Pierre Jean Jouve se présente sous la forme d’un déchirement entre deux positions, apparemment paradoxales, qui en viennent néanmoins à se compléter. Notre travail, portant principalement sur les deux romans qu’il a écrit suite à la rupture du début des années ’20, à savoir Paulina 1880 et Le Monde désert, a permis de préciser la nature et le sens de l’hésitation qu’il a éprouvé entre la psychanalyse, d’une part, et le christianisme de l’autre. Le tiraillement ressenti par ses personnages entre une pulsion et son refoulement, à cause de leur conscience profonde du péché, est symptomatique de l’hésitation théorique de l’auteur qui ne parvient pas encore à opter pour un modèle de compréhension. Bien qu’aucune allusion explicite à la psychanalyse ne figure dans ces deux textes, l’approche freudienne est sous-jacente et l’on perçoit clairement que Jouve y fait appel pour expliquer ses personnages.
Du « je » au jeu : polyphonie, poétique de la vocalité et représentation, trois aspects de la voix dans « Les Aventures de Plumette et de son premier amant » d’Amélie Plume.
Du texte à la mise en scène contemporaine : la remise en question du mensonge. L’exemple de Molière.
Chaperon, Danielle
Bien souvent le mensonge prend la forme d’une nébuleuse difficilement saisissable, conséquence de l’utilisation par le critique littéraire d’un vocabulaire métaphorique qui favorise la confusion entre les notions pourtant bien distinctes de mensonge, d’erreur, d’ironie, d’hypocrisie, de mauvaise foi et de secret. Rien de plus précis pourtant que le mensonge : la linguistique permet de le définir avec clarté ; l’analyse des pièces d’en faire une typologie, de relever son rôle avant tout fonctionnel et surtout de constater son éclat, éclat que le dramaturge révèle au moyen de nombreuses techniques guidant le spectateur dans ses jugements de véridicité. L’édifice du mensonge s’ébranle pourtant lorsque la mise en scène donne âme au texte. Si à l’époque classique le dramaturge se contente d’illustrer le sens apparent du texte, le metteur en scène contemporain cherche au contraire à en exprimer le non-dit : le mensonge, si clair dans le texte, se révèle bien plus complexe lorsqu’il est représenté. Le metteur en scène contemporain influence ainsi la vision du mensonge donnée préalablement dans le texte et surtout attribue au spectateur un rôle bien plus actif dans la construction du sens de la pièce. Cette remise en question du mensonge s’avère donc à la fois novatrice et créatrice.
Les Lettres portugaises de Guilleragues. Analyse discursive d’une passion épistolaire.
Gollut, Jean-Daniel
L’étude de ce roman par lettres du XVIIe siècle prend en compte les deux dimensions qui font la particularité de l’ouvrage : le discours amoureux et la monodie épistolaire. Elle cherche à mettre en évidence les aspects de l’expression passionnelle et à montrer en quoi le régime d'écriture de la Lettre convient idéalement à la dramatisation d'un scénario d’abandon. Les chapitres du mémoire traitent tour à tour différentes composantes de l’énonciation : jeu des personnes, images des interactants, modalités, argumentation. Ces analyses permettent de montrer l’évolution de l'épistolière, à la fois dans le sens d'un désespoir accru et dans celui d'une lucidité toujours plus aiguisée.
Le Tibet révolté entre seuils et deuils : rhétoriques du monde et du soi dans un récit de voyage de 1910.
Reichler, Claude
Ce travail porte sur un récit de voyage, Le Tibet révolté : Vers Népémakö, la Terre promise des Tibétains, qu’a publié en 1912 Jacques Bacot, philologue et spécialiste du Tibet. L’analyse tente de rendre compte des dimensions littéraires, contextuelles et anthropologiques de ce récit. Il s'agit de voir quelles catégories littéraires et anthropologiques propres ou non au « récit de voyage » en général son auteur reprend. De ce parcours de figures, il s'agit de mettre en évidence les particularités de l’écriture du monde (l’aspect de l’Autre) et du soi (l’aspect du Même), et les interactions qu’instaure la rencontre de ces deux polarités dans le voyage. Il ressort de l’analyse que Jacques Bacot dans Le Tibet révolté élabore toute une poétique du seuil et du mystère (il se situe aux franges de multiples discours et visions du monde) dont les issues font écho à la conscience d’un désenchantement du monde, que formuleront peu après lui plusieurs grands représentants de la littérature « exotique » française.
Cendrillon n’est pas Aschenputtel. Analyse comparée des contes de Perrault et des frères Grimm.
Heidmann, Ute
Nous avons tendance à considérer les contes comme des histoires atemporelles et universelles. Ces présupposés, aussi convaincants qu’ils puissent paraître, doivent pourtant être remis en question. Les contes populaires et tous les contes littéraires sont en effet aussi des "documents historiques", qui révèlent la présence du conteur/auteur ainsi que l’idéologie de la société à laquelle ils appartiennent. Autrement dit, tout conte de fées est un "produit symbolique". L’analyse comparative de la mise en discours des célèbres contes de Cendrillon de Perrault et d'Aschenputtel des frères Grimm le révèle. Elle expose d’une part les différences notables entre la Cendrillon des frères Grimm et l’Aschenputtel des frères Grimm. Elle permet par ailleurs de remettre en question le statut que l’on attribue généralement aux contes des frères Grimm. Loin d’être le fruit objectif d'une tradition dite populaire, les contes du recueil Kinder-und Hausmärchen sont davantage les produits symboliques de deux auteurs, qui adaptent leurs différentes versions aux valeurs et attentes bourgeoises et moralisatrices de l'époque Biedermeier. Par le biais de la comparaison des différentes versions d’Aschenputtel, que nous avons traduites en annexe, nous avons analysé les importantes modifications que les frères Grimm ont apportées à leurs versions successives, remaniées au fil des sept éditions parues entre 1812 et 1857. Cette dernière problématique mériterait d' être poursuivie. Traductions et analyses discursives portant sur les différentes versions des contes des frères Grimm font en effet défaut dans la critique franco-suisse.
L’élaboration littéraire d’un « socio-régio-lecte ». L’image du parler paysan chez Maupassant.
Gollut, Jean-Daniel
Nombreux sont les récits de Maupassant qui ont pour cadre la campagne et qui mettent en scène des paysans. Cette catégorie de personnages fait l’objet d'une caractérisation par le langage. L’élaboration littéraire du parler paysan est étudiée ici sur la base d’un corpus de quatorze contes. Après une introduction qui souligne l’importance de la parole dans la caractérisation des personnages romanesques et rappelle les enjeux idéologiques et esthétiques de la représentation de la parole dans la littérature du XIXe siècle, l’analyse linguistique du langage paysan comprend trois volets : le premier l’envisage en tant que langage parlé, le second comme parler populaire, le troisième comme parler régional. A chaque fois, les traits caractéristiques sont répertoriés selon leur niveaux de manifestation (prosodique, phonique, morphosyntaxique, lexical, sémantique et pragmatique). La conclusion fait la synthèse des procédés utilisés par l'auteur pour produire une image littérairement acceptable de ce langage particulier.