Le roman policier humoristique : le cas Charles Exbrayat à travers ses trois personnages récurrents, Romeo Tarchinini, Malcom McNamara et Imogène Mc Carthery.
Kaempfer, Jean
Au départ, le but de ce mémoire devait être d’analyser l’usage de l’humour dans le cadre du roman policier, le type d’humour utilisé. En progressant dans le travail, il a fallu constater que chez cet auteur, l’humour n’était pas accessoire mais central. C’est plutôt l’aspect policier qui passait au second plan. En effet, la volonté humoristique de l’auteur l’obligeait à transgresser certaines règles « canoniques » du roman policier et c’est finalement sur ces transgressions que porte le mémoire. Dans le cadre de ce travail, nous nous posons aussi la question de la qualité de ces ouvrages au niveau du type policier : ces transgressions ne gâchent-elles pas le suspens ou le déroulement de l’enquête ? Cette recherche de la transgression nous a aussi mis face à un problème de matériel théorique. La grande vague d’intérêt des théoriciens pour le roman policier date du deuxième quart du XIXème siècle. Depuis cette période, le volume et les styles de cette littérature ont connus une expansion énorme et la théorie n’a pas été actualisée assez vite et assez complètement. Ce qui limite la portée de notre travail à l’analyse de la transgression que représentaient ces romans de Charles Exbrayat par rapport aux théories de l’époque.
Voir et entendre au XIIe siècle : Convaincre, Croire, Aimer.
Corbellari, Alain
De par son titre, le sujet d'étude de ce mémoire paraît ambitieux. Les rôles respectifs ou parallèles joués par la vue et par l'ouïe dans les domaines de la conviction, de la foi et de l'amour au XIIe siècle ne peuvent s'aborder de manière exhaustive ou satisfaisante dans un travail aussi court. C'est pourquoi nous avons limité notre étude à deux oeuvres en particulier: quels rôles Béroul fait-il jouer à ces deux sens dans le processus qui mène à la conviction? Le Roman de Tristan , qui fait passer le roi Marc et sa cour d'un soupçon à la conviction de la culpabilité des deux amants, puis à la conviction de leur innocence, nous a semblé un bon point de départ à notre réflexion sur le sujet. L'attitude d'Eneas dans le roman du même nom transposera cette même question dans le domaine de la foi. L'innamoramento de Lavine en dernière partie de cette même oeuvre sera le point de départ à nos hypothèses sur l'importance de la vue et de l'ouïe dans la naissance de l'amour.
De l’épopée au roman, une lecture de Monnè, outrages et défis d’Ahmadou Kourouma.
Le Quellec Cottier, Christine
Le second roman de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma, Monnè, outrages et défis (1990), a été associé dès sa parution, aussi bien par la critique que par l’auteur, à une catégorie littéraire bien connue ; celle de l’épopée. Et cette notion s’est avérée particulièrement pertinente pour en cerner les enjeux. Si, d’une part, l’imaginaire épique africain est un matériau essentiel de l’écriture de Kourouma, le roman lui-même peut, en effet, être lu comme une épopée. Et, paradoxalement, analyser la manière dont il actualise certains procédés littéraires propres à l’épopée mondiale – envisagée comme récit ayant pour thème la société et particulièrement sa structure politique - s’avère même un moyen idéal pour cerner avec précision les enjeux de la référence à l’épopée (traditionnelle) au sein du projet qui fonde toute l’œuvre de Kourouma : penser l’histoire africaine.
Le statut du fantastique dans le Manuscrit trouvé à Saragosse : entre emprunts et demystification.
Rosset, François
Roman initiatique, gothique, fantastique, picaresque, d’aventures, d’éducation, conte philosophique, le Manuscrit trouvé à Saragosse aborde et parodie bon nombre de genres littéraires, sans pour autant s’inscrire fidèlement dans un seul genre en particulier. Ainsi, l’écrivain ne cesse d’appliquer des stratégies de construction, puis de déconstruction du fantastique, suscitant ainsi une tension entre deux mouvements contradictoires. Il est alors nécessaire de se demander de quelle manière l’écrivain développe et fait coexister ces deux pôles antithétiques. L’accent sera ainsi mis, dans un premier temps, sur les divers procédés de construction du fantastique. Quels sont les poncifs traditionnels du genre que Potocki recycle ? De quelle manière ces éléments archétypaux sont-ils intégrés dans le roman, avec sérieux ou ironie ? Ces emprunts favorisent-il réellement l’atmosphère du fantastique ou contribuent-ils déjà à la démystification ? Puis, dans un deuxième temps, les modalités de la déconstruction qu’opère le romancier seront mises en évidence. Quels sont les enjeux de cette démarche de déconstruction pour le protagoniste et le lecteur ? De quelle manière évolue le statut du fantastique ? Ces questions permettront de dégager le lien qui unit le statut du fantastique au parcours du héros, considéré dans le rapport entre fiction et réalité, ainsi que d’observer la manière dont le fantastique varie entre la version de 1804 et celle de 1810.
L’allusion pour témoigner des violences de l’Histoire : autour d’Une vie de boy de Ferdinand Oyona et de L’aîné des orphelins de Tierno Monénembo.
Le Quellec Cottier, Christine
Ce mémoire aborde et compare deux romans de littérature africaine : Une vie de boy, de Ferdinand Oyono, et L’aîné des orphelins, de Tierno Monénembo. Le premier récit relate le destin funeste d’un jeune Camerounais sous la colonisation française ; le second est centré sur la figure paradoxale d’un enfant qui bascule dans la misère, le cynisme et la criminalité, après avoir perdu ses parents lors du génocide rwandais perpétré en 1994. Ces deux œuvres « mettent en fiction » les conflits meurtriers qui ont secoué le continent africain, qu’il s’agisse de la confrontation coloniale (Oyono) ou du génocide (Monénembo). Dans chacune d’elles, la question de la violence, et les nombreux enjeux qu'elle soulève, acquièrent une importance fondamentale : comment caractériser l’oppression coloniale ? comment dire le génocide ? Selon notre approche, ces récits adoptent des stratégies discursives visant à la fois à contourner l’évocation directe des événements, source d’horreur, et à poser un regard interrogateur sur ce qui les fonde et les conséquences qu’ils impliquent. Notre travail s’articule en deux parties : dans un premier temps, nous nous penchons sur des enjeux éthiques et esthétiques, liés à l’écriture de la violence, qui ont pu conditionner le discours des écrivains ; puis, nous analysons les procédés allusifs auxquels ils ont recours pour traiter indirectement leur sujet. Nous défendons l’idée que chacun de ces textes, qui oscillent entre fiction et témoignage, peut se concevoir comme une sorte de « témoignage en profondeur », où le lecteur, par le biais d’un discours allusif, est amené à réfléchir sur les événements, sans les avoir nécessairement vécu, en mobilisant son propre univers de connaissances. Un rapport s'établit entre allusion et témoignage.
L’ethos du sauveur dans la rhétorique de Fidel Castro : traduction et analyse des discours du 8 janvier 1959 et du 1er janvier 1984.
Adam, Jean-Michel
La langue de Fidel Castro est complexe, digressive, répétitive. Ses phrases périodiques sont longues et curieusement agencées, leur tournure grammaticale souvent déconcertante, parfois même chaotique. C’est là sa façon de s’exprimer, ce qu’une traduction stylistiquement élégante ne rendrait pas. Le traducteur doit tenter de reproduire ces aspects rythmiques et discursifs, s’il ne veut pas passer à côté de la langue et de la rhétorique du Comandante. En choisissant de traduire et d’analyser les discours du 8 janvier 1959 et du 1er janvier 1984, notre objectif était triple. Premièrement, nous désirions faire découvrir à un public francophone la rhétorique de ce grand orateur peu étudié et donner à lire, en ces jours anniversaires de sa prise de pouvoir, les mécanismes du discours totalitaire d’un des plus grands dictateurs du XXe siècle. Deuxièmement, nous avons cherché à produire et à présenter des traductions dans lesquelles le lecteur pourrait découvrir et ressentir cet art oratoire si particulier d’un chef d’état qui a, pendant un demi-siècle, fasciné, troublé et parfois inquiété le monde. Enfin, nous avons souhaité insister sur un aspect de cette rhétorique : la mise en place d’un ethos du sauveur. Véritable icône, utilisant et véhiculant de façon très habile les images d’un Christ, d’un guérillero en costume militaire et d’un bienveillant « Petit père du peuple », Fidel Castro n’a jamais cessé de re-fabriquer, à l’occasion de chaque discours, l’histoire de la Révolution cubaine, légitimant ainsi ses choix politiques et son pouvoir absolu.
Le motif du double dans les récits fantastiques du milieu du XIXème siècle.
Rosset, François
De Hoffmann à Poe, en passant par Gautier et Nerval, le motif du double a fasciné les auteurs de récits fantastiques au XIXème siècle. Qu'il soit vampire, sosie, ou reflet, le double hante une grande partie des textes de cette époque. Ce travail cherche le lien entre ces différentes manières de traiter le motif du double, il se concentre sur les phénomènes intertextuels. Hoffmann semble être le précurseur du fantastique en France et celui qui a amené le sosie dans ce genre littéraire. Mais ses textes ont été repris, réutilisés, refaçonnés et réappropriés par les écrivains français. Au milieu du XIXème siècle Poe fait son apparition en France et fascine. A son tour il est repris et réécrit. Ce travail met d'abord en parallèle deux récits de doubles : Les Elixirs du Diable de Hoffmann et William Wilson de Poe. Des éléments semblables se retrouvent dans les deux textes et une stucture commune apparaît. Y aurait-il un modèle réutilisé systématiquement dans les récits de doubles ? La suite du travail examine cette supposition en mettant en parallèle quatre textes francophones peu connus traitant du motif du double. Des détails et une structure récurrents se retrouvent dans tous les textes, il est possible de tisser des liens entre les récits de Hoffmann et de Poe et les quatre nouvelles écrites au milieu du XIXème siècle. Un modèle standard présents dans la plupart des histoires de double semble se dessiner. La dernière partie du travail cherche à savoir ce qui se cache derrière l'intertextualité saturée des récits fantastiques traitant du double. L'auto-réflexivité ou une certaine ironie envers le genre sont certaines des pistes explorées. Mais la question reste ouverte et rien n'est résolu, tout est encore à dédoubler.
Marc-Théodore Bourrit et la représentation des Alpes à la fin du XVIIIe siècle.
Reichler, Claude
L’œuvre de Marc-Théodore Bourrit se situe à une période charnière de l’histoire, à la fois aux confins du siècle des Lumières et à l’aube de celui des Romantiques. Ses écrits sont ainsi emprunts d’un héritage culturel omniprésent, tout comme d’éléments nouveaux qui deviendront emblématiques du genre des récits de voyage dans les Alpes au XIXe siècle. Mais s’il est impératif de comprendre l’œuvre de Bourrit comme faisant partie d’un ensemble plus vaste, il ne faut en aucun cas négliger qu’il s’agit avant tout d’un témoignage unique. Cet amoureux de la montagne n’était en effet ni un savant, ni un intellectuel. Écrivain parfois maladroit, il a pourtant su exploiter les thèmes chers au public pour garantir son succès.
« Ja orés mout tres grant merveille » : le merveilleux à l’épreuve de la réécriture dans le roman de Cristal et Clarie, roman en vers du XIIIe siècle (1267-1268).
Mühlethaler, Jean-Claude
Le roman de Cristal et Clarie est un roman anonyme de la fin du XIIIe siècle conservé dans un manuscrit unique. Ce mémoire propose d’aborder cette œuvre, dans son ensemble, au travers de la thématique du merveilleux. Une analyse détaillée de chaque épisode où le merveilleux intervient a permis de montrer un effacement de la topique merveilleuse qui provoque la mise en place de mécanismes nouveaux tels que la déconstruction, le détournement, le retardement de l’explication merveilleuse ou la tonalité ludique. Ainsi, cet effacement n’est pas le signe de la faillite de l’écriture mais celui d’une nouvelle poétique du merveilleux. Le roman de Cristal et Clarie présente une écriture plus elliptique qui repose sur l’intertextualité. Cette évolution est possible grâce à un ancrage certain du merveilleux dans la littérature médiévale où les motifs véhiculent au travers des textes et où la mémoire des œuvres antérieures joue un rôle important. L’intertextualité permet de comprendre l’incomplétude présentée par la topique merveilleuse.
Première personne, Première journée : herméneutique du sujet narratif dans la Première journée de Théophile de Viau (1623).
Rosset, François
« Ce jour-là, comme le ciel fut serein, mon esprit se trouva gai. » Qui se cache – ou se signale… – derrière la première personne dans la Première journée, bref texte en prose (parfois interprété comme le fragment d’une œuvre avortée) écrit en 1623 par le poète libertin Théophile de Viau ? La question est peut-être trompeuse – du moins est-ce là l’une des hypothèses directrices de ce travail portant sur un « ancêtre » de l’autobiographie dans le domaine français. La prose narrative en première personne n’est pas née toute armée de la tête d’un unique auteur ; des Confessions de Saint Augustin aux mémoires d’Aubigné, du roman picaresque espagnol aux Essais de Montaigne, divers modèles discursifs antérieurs semblent avoir rendu possible l’avènement de cette Première Journée… Si la frontière ontologique entre réalité et fiction du « moi » constitue à l’heure actuelle le soubassement des théories de l’autofiction, elle ne paraît cependant pas avoir affecté les lecteurs de 1623, bien plus soucieux de déterminer le degré d’exemplarité (à l’image des récits pieux) de ce « discours », que la censure s’était par ailleurs empressée de juger « libertin ». Faut-il en conclure que l’expression en première personne, en ce début de 17e siècle, est reçue comme une forme de provocation ? La dissidence se loge-t-elle dans le mode d’énonciation avant de paraître dans le contenu même du propos ? Chronologiquement antérieure au Discours de la Méthode, il semble que la Première Journée ait beaucoup à nous apprendre sur la genèse de la subjectivité dite « moderne », ainsi que sur la façon dont un « moi » se déploie narrativement et entreprend de se mettre en scène par le bais de la littérature.
A la poursuite de la figure maternelle disparue : L’hybridité pronominale dans Les saisons de passage d’Andrée Chedid.
Adam, Jean-Michel
Née en 1920 au Caire d’une mère d’origine syrienne et d’un père libanais, exilée dès 1946 en France, Andrée Chedid est une auteure multiculturelle. Au sein de son œuvre, constituée des divers genres que sont la poésie, le théâtre, le roman, un texte à part fait véritablement régner le principe d’hybridité fondamental à l’écrivaine. Dans le récit Les saisons de passage, publié en 1996 en hommage à la mère décédée, les temps verbaux se mélangent, les souvenirs vrais et imaginaires s’entrelacent et enfin deux pronoms s’entrecroisent pour désigner la figure maternelle, personnage central. En se basant sur les distinctions pronominales opérées par les linguistes, ce travail se propose d’étudier et de confronter les emplois des pronoms de deuxième et de troisième personne s’entremêlant dans le récit pour indiquer la mère. Si le « tu », toujours implanté par un « je », dépeint une relation de promiscuité, d’intimité entre la narratrice et la mère ; le « elle », moins lié à l’énonciatrice, instaure une certaine distance, une pudeur, permettant à la fille de présenter la mère avec plus de recul. Au-delà des systématiques relatives à leurs usages respectifs, les deux pronoms s’inscrivent surtout dans le besoin de la narratrice d’offrir un portrait maternel ouvert, en mouvement, libre.
Réflexions méthodologiques et étude de terrain portant sur les représentations qu'ont les francophones dans le District du Lac (Fribourg) des communautés et pratiques linguistiques de leur région.
Burger, Marcel et Singy, Pascal
Ce travail, basé sur une réflexion méthodologique et une tentative d’élaboration d’étude de terrain en sociolinguistique, a pour visée d’explorer la manière qu’ont les locuteurs de se positionner linguistiquement au sein d’un environnement plurilingue. La négociation du soi et de l’autre se joue à la convergence de la dimension officielle, des représentations et des expériences individuelles. Nous proposons ici de mettre en perspective deux polarités de l’espace social en dressant d’une part le panorama des langues en contact dans la région tel que le définissent les instances légiférantes de type étatique, communales et académique, puis en explorant la matérialité textuelle d’un corpus d’entretiens réalisés auprès de la population civile, scolaire et politique. Notre ambition est d’observer si les découpages et les labels officiels sont relayés par les discours des particuliers et, si tel est le cas, si ces derniers perçoivent la zone de mixité linguistique dans laquelle ils évoluent comme le lieu d’une rencontre ou d’un conflit de langues.
De la littérature sentimentale en Suisse romande dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle : Isabelle de Charrière et les romancières lausannoises.
Rosset, François
L’oeuvre d’Isabelle de Charrière (1740-1805) rayonne dans le paysage littéraire de la Suisse romande à la fin du XVIIIe siècle. Moins célèbre que Germaine de Staël ou Benjamin Constant, cette femme des Lumières mérite pourtant une pleine reconnaissance de son talent d’écriture et de sa vivacité de pensée. Pionnière, elle remet en cause les préjugés de classe, de sexe et les modèles littéraires de son temps. Mais d’autres femmes, telles Isabelle de Montolieu, Constance de Cazenove d’Arlens ou Jeanne-Françoise Polier de Bottens ont aussi écrit, principalement à Lausanne, à la même époque. C’est à travers la littérature sentimentale, très à la mode, que s’expriment ces romancières moins connues. Certes, elles véhiculent souvent des clichés banals en réitérant des topoï, mais toutes rendent compte de l’envie des femmes de participer au monde, comme les hommes, par l’écriture, que ce soit en respectant des conventions littéraires ou en innovant. L’acte d’écrire est déjà liberté. MFM 960
Regards croisés sur le Maroc au XVIIIe siècle : Jean Potocki Versus Louis Sauveur de Chénier et Pierre-Raymond Brisson.
Rosset, François
Ce mémoire a pour objectif de soumettre le Voyage dans l’Empire de Maroc de Jean Potocki à des éclairages différents afin de mettre en évidence son positionnement face aux écrits précédents sur le Maroc. L’accent est mis sur la dichotomie entre la réalité perçue par l’intellectuel polonais et les représentations propres à la littérature de voyage sur le Maroc, par le biais d’une comparaison entre les écrits du voyageur polonais et deux de ses prédécesseurs. A travers deux modèles narratifs différents, deux voyageurs au Maroc au XVIIIe siècle, on livré leur propre vision du Maroc : l’ouvrage mixte de Louis de Chénier1, consul de France au Maroc durant une quinzaine d’années, relève du travail scientifique et du compte-rendu officiel, tandis que le récit de Pierre Raymond de Brisson2 - un captif libéré dont le navire avait fait naufrage au large des côtes marocaines - appartient à un genre narratif spécifique : le récit de captivité. La relation de voyage de Jean Potocki occupe une place à part dans la littérature consacrée à cette partie de l’Afrique. Au contraire de Chénier, qui s’efforçait de montrer les carences politiques, économiques et culturelles du Maroc par rapport à la France, Jean Potocki s’attache, avec une probité scientifique remarquable, à saisir, sans se laisser influencer par ses lectures, toutes les nuances du pays qu’il traverse. Cette démarche, qui fait de Potocki un digne héritier des Lumières, lui permet de découvrir un nouveau Maroc. Au-delà de l’analyse de Potocki, c’est le processus qu’il suit qui donne à sa relation de voyage son intérêt. L’intellectuel polonais offre au lecteur une leçon de sensibilité culturelle. La diversité des mœurs et des coutumes est appréhendée d’une façon résolument moderne. Potocki dépasse la seule peinture d’une réalité exotique ou d’aventures curieuses pour s’interroger sur la notion de civilisation.
Métaphores croisées. Examen formel et thématique des métaphores dans les œuvres d’Anne Perrier et de José-Flore Tappy.
Maggetti, Daniele
Le point de vue de la métaphore s’avère très éclairant dans l’approche de deux poétesses romandes. La Présence supra-humaine qui se devine dans les vers d’Anne Perrier est ainsi largement tributaire de métaphores anthropomorphisantes, qui douent les éléments naturels d’un corps ou d’un langage : « Les chemins avaient dit / Séparons-nous ici / Où le jour a des pieds de cristal » (Feu les oiseaux). Autre versant de cet échange de qualités entre le monde et le je : le sujet lyrique se présente sous des traits végétaux, souvent teintés d’humilité. Sur un plan formel, l’utilisation de métaphores-attributs participe à la limpidité de son écriture. Chez José-Flore Tappy, les métaphores concrétisantes font éclater le paysage en fragments durcis et vouent le sujet à « Bander étroitement / les deux parts de [lui]-même » (Terre battue). D’autres occurrences métaphoriques investissent la nature d’intentions agressives et dévoratrices ; témoin cette « gueule béante / de la mer » (Lunaires). Ces tensions et ces fractures s’inscrivent parfois dans la composition graphique des poèmes, à travers une utilisation subtile des blancs typographiques.
L’autoportrait entre écriture et photographie. Marie NDiaye et la collection « Traits et portraits » des Éditions du Mercure de France.
Rodriguez, Antonio
À travers l’exemple d’Autoportrait en vert de Marie NDiaye, ce travail se propose d’étudier la relation texte/image dans les ouvrages mixtes afin d’évaluer la place accordée au medium photographique lorsqu’il rejoint la littérature au sein d’un projet commun. Relevant de l’écriture intime, le récit de NDiaye permet également de considérer les moyens mis en œuvre par l’écrivain pour se dire, entre mots et images. Afin d’établir le contexte dans lequel s’inscrit cet ouvrage, la première partie présente l’état actuel de la recherche sur ce type de réalisation ainsi qu’un exposé succinct de l’histoire de cette pratique par l’intermédiaire de certaines œuvres marquantes. La définition de l’ « autoportrait » proposée par Michel Beaujour permet, quand à elle, d’acquérir les outils théoriques nécessaires à la pleine compréhension de ce genre. Après une recontextualisation d’Autoportrait en vert dans l’ensemble de l’œuvre de Marie NDiaye et la présentation de la collection « Traits et portraits » dans laquelle il prend place, la deuxième partie porte essentiellement sur l’analyse des rôles et fonctions de la photographie au sein de ce projet ainsi que de son inscription supposée dans le genre de l’autoportrait. En dernier lieu, la troisième partie propose un contrepoint dans cette même collection avec la brève évocation de Ce jour-là du photographe Willy Ronis, qui permet de cerner avec plus de précision les enjeux du recours aux images des autres pour se dire soi-même.
“Voilà les délicatesses du païs” : Risques et enjeux du rire dans trois premières “Relations” de Paul Lejeune (1633-1635).
Tinguely, Frédéric
Notre travail se base sur les trois premières Relations écrites par le jésuite Paul Lejeune, supérieur de la Résidence de Québec dès 1632, Relations qui décrivent les premières années de Lejeune auprès des Indiens Hurons et Montagnais. Notre travail cherche à mettre en évidence, par la thématique du rire, les mécaniques d'intégration, de compréhension et d'exclusion de l'Autre. Le constat d'un double niveau de rire, celui, complice, échangé avec le lecteur de la Relation et celui, testimonial, qui retranscrit la "risée sauvage" dont Lejeune fut l'observateur privilégié, permet d'émettre l'hypothèse d'un double niveau d'accommodation : si le jésuite entreprend de "séduire" le sauvage, de s'adapter à son mode de vie, à son raisonnement, toujours dans l'objectif de le convaincre, le même processus d'adaptation se fait en ce qui concerne le lecteur auxquelles sont destinées les Relations: l'écriture légère et les anecdotes plaisantes dont sont garnies ces textes leur confèrent un intérêt qui dépasse la simple visée d'édification pour s'inscrire dans une stratégie de séduction.
La Guerre selon Claude Simon : entre confusion et reconstruction.
Kaempfer, Jean
Sans être le sujet principal des romans de Claude Simon, le thème de la guerre hante l’œuvre entière de cet auteur. Ce travail propose un panorama de l’écriture de la guerre sous l’angle de l’ordre et la débâcle. Il se base sur cinq ouvrages, La Corde raide, La Route des Flandres, Les Géorgiques, L’Acacia, et Le Jardin des Plantes. Dans ses romans, Claude Simon cherche à nous perdre à travers la vision d’une guerre chaotique et désordonnée. Il nous transmet sa perception de la débâcle, autant au niveau des thèmes qu’au niveau stylistique. Cependant certains passages des textes dévoilent des moments de glissement entre l’ordre et la débâcle. Ces instants de confusion contiennent les prémices d’une reconstruction future, d’un début d’ordre. Malgré le chaos de la guerre, Claude Simon cherche en permanence à constituer un lieu stable et ordonné pour donner sens à ce phénomène qui le dépasse.
L’Âme et le corps de quatre femmes balzaciennes : étude comparée du Lys dans la vallée et de La Cousine Bette.
Kaempfer, Jean
Le corps et l’âme, notions qui intéressent particulièrement Balzac, représentent deux versants de la nature humaine. Ces termes-clés transparaissent dans ses écrits en particulier à travers les personnages féminins. Henriette de Mortsauf et Adeline Hulot, qui proviennent toutes les deux de la campagne, symbolisent le côté animique de la dichotomie, ce qui fait d’elles des anges. Cependant, seule la première parvient à transcender la chair pour atteindre le Monde Divin. Arabelle Dudley et Valérie Marneffe, séductrices parisiennes, adoptent plutôt un style de vie matérialiste impliquant ainsi la disparition de leurs sentiments. Narcissiques, elles ne pensent qu’à leur propre personne alors que les deux autres figures se consacrent à la famille. Le pessimisme balzacien croît avec les années et dans les dix ans qui séparent l’écriture du Lys dans la vallée de La Cousine Bette, le spiritualisme perd de sa valeur tandis que le matérialisme gagne du territoire.