Le motif du double dans les récits fantastiques du milieu du XIXème siècle.
Rosset, François
De Hoffmann à Poe, en passant par Gautier et Nerval, le motif du double a fasciné les auteurs de récits fantastiques au XIXème siècle. Qu'il soit vampire, sosie, ou reflet, le double hante une grande partie des textes de cette époque. Ce travail cherche le lien entre ces différentes manières de traiter le motif du double, il se concentre sur les phénomènes intertextuels. Hoffmann semble être le précurseur du fantastique en France et celui qui a amené le sosie dans ce genre littéraire. Mais ses textes ont été repris, réutilisés, refaçonnés et réappropriés par les écrivains français. Au milieu du XIXème siècle Poe fait son apparition en France et fascine. A son tour il est repris et réécrit. Ce travail met d'abord en parallèle deux récits de doubles : Les Elixirs du Diable de Hoffmann et William Wilson de Poe. Des éléments semblables se retrouvent dans les deux textes et une stucture commune apparaît. Y aurait-il un modèle réutilisé systématiquement dans les récits de doubles ? La suite du travail examine cette supposition en mettant en parallèle quatre textes francophones peu connus traitant du motif du double. Des détails et une structure récurrents se retrouvent dans tous les textes, il est possible de tisser des liens entre les récits de Hoffmann et de Poe et les quatre nouvelles écrites au milieu du XIXème siècle. Un modèle standard présents dans la plupart des histoires de double semble se dessiner. La dernière partie du travail cherche à savoir ce qui se cache derrière l'intertextualité saturée des récits fantastiques traitant du double. L'auto-réflexivité ou une certaine ironie envers le genre sont certaines des pistes explorées. Mais la question reste ouverte et rien n'est résolu, tout est encore à dédoubler.
Marc-Théodore Bourrit et la représentation des Alpes à la fin du XVIIIe siècle.
Reichler, Claude
L’œuvre de Marc-Théodore Bourrit se situe à une période charnière de l’histoire, à la fois aux confins du siècle des Lumières et à l’aube de celui des Romantiques. Ses écrits sont ainsi emprunts d’un héritage culturel omniprésent, tout comme d’éléments nouveaux qui deviendront emblématiques du genre des récits de voyage dans les Alpes au XIXe siècle. Mais s’il est impératif de comprendre l’œuvre de Bourrit comme faisant partie d’un ensemble plus vaste, il ne faut en aucun cas négliger qu’il s’agit avant tout d’un témoignage unique. Cet amoureux de la montagne n’était en effet ni un savant, ni un intellectuel. Écrivain parfois maladroit, il a pourtant su exploiter les thèmes chers au public pour garantir son succès.
« Ja orés mout tres grant merveille » : le merveilleux à l’épreuve de la réécriture dans le roman de Cristal et Clarie, roman en vers du XIIIe siècle (1267-1268).
Mühlethaler, Jean-Claude
Le roman de Cristal et Clarie est un roman anonyme de la fin du XIIIe siècle conservé dans un manuscrit unique. Ce mémoire propose d’aborder cette œuvre, dans son ensemble, au travers de la thématique du merveilleux. Une analyse détaillée de chaque épisode où le merveilleux intervient a permis de montrer un effacement de la topique merveilleuse qui provoque la mise en place de mécanismes nouveaux tels que la déconstruction, le détournement, le retardement de l’explication merveilleuse ou la tonalité ludique. Ainsi, cet effacement n’est pas le signe de la faillite de l’écriture mais celui d’une nouvelle poétique du merveilleux. Le roman de Cristal et Clarie présente une écriture plus elliptique qui repose sur l’intertextualité. Cette évolution est possible grâce à un ancrage certain du merveilleux dans la littérature médiévale où les motifs véhiculent au travers des textes et où la mémoire des œuvres antérieures joue un rôle important. L’intertextualité permet de comprendre l’incomplétude présentée par la topique merveilleuse.
Première personne, Première journée : herméneutique du sujet narratif dans la Première journée de Théophile de Viau (1623).
Rosset, François
« Ce jour-là, comme le ciel fut serein, mon esprit se trouva gai. » Qui se cache – ou se signale… – derrière la première personne dans la Première journée, bref texte en prose (parfois interprété comme le fragment d’une œuvre avortée) écrit en 1623 par le poète libertin Théophile de Viau ? La question est peut-être trompeuse – du moins est-ce là l’une des hypothèses directrices de ce travail portant sur un « ancêtre » de l’autobiographie dans le domaine français. La prose narrative en première personne n’est pas née toute armée de la tête d’un unique auteur ; des Confessions de Saint Augustin aux mémoires d’Aubigné, du roman picaresque espagnol aux Essais de Montaigne, divers modèles discursifs antérieurs semblent avoir rendu possible l’avènement de cette Première Journée… Si la frontière ontologique entre réalité et fiction du « moi » constitue à l’heure actuelle le soubassement des théories de l’autofiction, elle ne paraît cependant pas avoir affecté les lecteurs de 1623, bien plus soucieux de déterminer le degré d’exemplarité (à l’image des récits pieux) de ce « discours », que la censure s’était par ailleurs empressée de juger « libertin ». Faut-il en conclure que l’expression en première personne, en ce début de 17e siècle, est reçue comme une forme de provocation ? La dissidence se loge-t-elle dans le mode d’énonciation avant de paraître dans le contenu même du propos ? Chronologiquement antérieure au Discours de la Méthode, il semble que la Première Journée ait beaucoup à nous apprendre sur la genèse de la subjectivité dite « moderne », ainsi que sur la façon dont un « moi » se déploie narrativement et entreprend de se mettre en scène par le bais de la littérature.
A la poursuite de la figure maternelle disparue : L’hybridité pronominale dans Les saisons de passage d’Andrée Chedid.
Adam, Jean-Michel
Née en 1920 au Caire d’une mère d’origine syrienne et d’un père libanais, exilée dès 1946 en France, Andrée Chedid est une auteure multiculturelle. Au sein de son œuvre, constituée des divers genres que sont la poésie, le théâtre, le roman, un texte à part fait véritablement régner le principe d’hybridité fondamental à l’écrivaine. Dans le récit Les saisons de passage, publié en 1996 en hommage à la mère décédée, les temps verbaux se mélangent, les souvenirs vrais et imaginaires s’entrelacent et enfin deux pronoms s’entrecroisent pour désigner la figure maternelle, personnage central. En se basant sur les distinctions pronominales opérées par les linguistes, ce travail se propose d’étudier et de confronter les emplois des pronoms de deuxième et de troisième personne s’entremêlant dans le récit pour indiquer la mère. Si le « tu », toujours implanté par un « je », dépeint une relation de promiscuité, d’intimité entre la narratrice et la mère ; le « elle », moins lié à l’énonciatrice, instaure une certaine distance, une pudeur, permettant à la fille de présenter la mère avec plus de recul. Au-delà des systématiques relatives à leurs usages respectifs, les deux pronoms s’inscrivent surtout dans le besoin de la narratrice d’offrir un portrait maternel ouvert, en mouvement, libre.
Réflexions méthodologiques et étude de terrain portant sur les représentations qu'ont les francophones dans le District du Lac (Fribourg) des communautés et pratiques linguistiques de leur région.
Burger, Marcel et Singy, Pascal
Ce travail, basé sur une réflexion méthodologique et une tentative d’élaboration d’étude de terrain en sociolinguistique, a pour visée d’explorer la manière qu’ont les locuteurs de se positionner linguistiquement au sein d’un environnement plurilingue. La négociation du soi et de l’autre se joue à la convergence de la dimension officielle, des représentations et des expériences individuelles. Nous proposons ici de mettre en perspective deux polarités de l’espace social en dressant d’une part le panorama des langues en contact dans la région tel que le définissent les instances légiférantes de type étatique, communales et académique, puis en explorant la matérialité textuelle d’un corpus d’entretiens réalisés auprès de la population civile, scolaire et politique. Notre ambition est d’observer si les découpages et les labels officiels sont relayés par les discours des particuliers et, si tel est le cas, si ces derniers perçoivent la zone de mixité linguistique dans laquelle ils évoluent comme le lieu d’une rencontre ou d’un conflit de langues.
De la littérature sentimentale en Suisse romande dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle : Isabelle de Charrière et les romancières lausannoises.
Rosset, François
L’oeuvre d’Isabelle de Charrière (1740-1805) rayonne dans le paysage littéraire de la Suisse romande à la fin du XVIIIe siècle. Moins célèbre que Germaine de Staël ou Benjamin Constant, cette femme des Lumières mérite pourtant une pleine reconnaissance de son talent d’écriture et de sa vivacité de pensée. Pionnière, elle remet en cause les préjugés de classe, de sexe et les modèles littéraires de son temps. Mais d’autres femmes, telles Isabelle de Montolieu, Constance de Cazenove d’Arlens ou Jeanne-Françoise Polier de Bottens ont aussi écrit, principalement à Lausanne, à la même époque. C’est à travers la littérature sentimentale, très à la mode, que s’expriment ces romancières moins connues. Certes, elles véhiculent souvent des clichés banals en réitérant des topoï, mais toutes rendent compte de l’envie des femmes de participer au monde, comme les hommes, par l’écriture, que ce soit en respectant des conventions littéraires ou en innovant. L’acte d’écrire est déjà liberté. MFM 960
Regards croisés sur le Maroc au XVIIIe siècle : Jean Potocki Versus Louis Sauveur de Chénier et Pierre-Raymond Brisson.
Rosset, François
Ce mémoire a pour objectif de soumettre le Voyage dans l’Empire de Maroc de Jean Potocki à des éclairages différents afin de mettre en évidence son positionnement face aux écrits précédents sur le Maroc. L’accent est mis sur la dichotomie entre la réalité perçue par l’intellectuel polonais et les représentations propres à la littérature de voyage sur le Maroc, par le biais d’une comparaison entre les écrits du voyageur polonais et deux de ses prédécesseurs. A travers deux modèles narratifs différents, deux voyageurs au Maroc au XVIIIe siècle, on livré leur propre vision du Maroc : l’ouvrage mixte de Louis de Chénier1, consul de France au Maroc durant une quinzaine d’années, relève du travail scientifique et du compte-rendu officiel, tandis que le récit de Pierre Raymond de Brisson2 - un captif libéré dont le navire avait fait naufrage au large des côtes marocaines - appartient à un genre narratif spécifique : le récit de captivité. La relation de voyage de Jean Potocki occupe une place à part dans la littérature consacrée à cette partie de l’Afrique. Au contraire de Chénier, qui s’efforçait de montrer les carences politiques, économiques et culturelles du Maroc par rapport à la France, Jean Potocki s’attache, avec une probité scientifique remarquable, à saisir, sans se laisser influencer par ses lectures, toutes les nuances du pays qu’il traverse. Cette démarche, qui fait de Potocki un digne héritier des Lumières, lui permet de découvrir un nouveau Maroc. Au-delà de l’analyse de Potocki, c’est le processus qu’il suit qui donne à sa relation de voyage son intérêt. L’intellectuel polonais offre au lecteur une leçon de sensibilité culturelle. La diversité des mœurs et des coutumes est appréhendée d’une façon résolument moderne. Potocki dépasse la seule peinture d’une réalité exotique ou d’aventures curieuses pour s’interroger sur la notion de civilisation.
Métaphores croisées. Examen formel et thématique des métaphores dans les œuvres d’Anne Perrier et de José-Flore Tappy.
Maggetti, Daniele
Le point de vue de la métaphore s’avère très éclairant dans l’approche de deux poétesses romandes. La Présence supra-humaine qui se devine dans les vers d’Anne Perrier est ainsi largement tributaire de métaphores anthropomorphisantes, qui douent les éléments naturels d’un corps ou d’un langage : « Les chemins avaient dit / Séparons-nous ici / Où le jour a des pieds de cristal » (Feu les oiseaux). Autre versant de cet échange de qualités entre le monde et le je : le sujet lyrique se présente sous des traits végétaux, souvent teintés d’humilité. Sur un plan formel, l’utilisation de métaphores-attributs participe à la limpidité de son écriture. Chez José-Flore Tappy, les métaphores concrétisantes font éclater le paysage en fragments durcis et vouent le sujet à « Bander étroitement / les deux parts de [lui]-même » (Terre battue). D’autres occurrences métaphoriques investissent la nature d’intentions agressives et dévoratrices ; témoin cette « gueule béante / de la mer » (Lunaires). Ces tensions et ces fractures s’inscrivent parfois dans la composition graphique des poèmes, à travers une utilisation subtile des blancs typographiques.
L’autoportrait entre écriture et photographie. Marie NDiaye et la collection « Traits et portraits » des Éditions du Mercure de France.
Rodriguez, Antonio
À travers l’exemple d’Autoportrait en vert de Marie NDiaye, ce travail se propose d’étudier la relation texte/image dans les ouvrages mixtes afin d’évaluer la place accordée au medium photographique lorsqu’il rejoint la littérature au sein d’un projet commun. Relevant de l’écriture intime, le récit de NDiaye permet également de considérer les moyens mis en œuvre par l’écrivain pour se dire, entre mots et images. Afin d’établir le contexte dans lequel s’inscrit cet ouvrage, la première partie présente l’état actuel de la recherche sur ce type de réalisation ainsi qu’un exposé succinct de l’histoire de cette pratique par l’intermédiaire de certaines œuvres marquantes. La définition de l’ « autoportrait » proposée par Michel Beaujour permet, quand à elle, d’acquérir les outils théoriques nécessaires à la pleine compréhension de ce genre. Après une recontextualisation d’Autoportrait en vert dans l’ensemble de l’œuvre de Marie NDiaye et la présentation de la collection « Traits et portraits » dans laquelle il prend place, la deuxième partie porte essentiellement sur l’analyse des rôles et fonctions de la photographie au sein de ce projet ainsi que de son inscription supposée dans le genre de l’autoportrait. En dernier lieu, la troisième partie propose un contrepoint dans cette même collection avec la brève évocation de Ce jour-là du photographe Willy Ronis, qui permet de cerner avec plus de précision les enjeux du recours aux images des autres pour se dire soi-même.
“Voilà les délicatesses du païs” : Risques et enjeux du rire dans trois premières “Relations” de Paul Lejeune (1633-1635).
Tinguely, Frédéric
Notre travail se base sur les trois premières Relations écrites par le jésuite Paul Lejeune, supérieur de la Résidence de Québec dès 1632, Relations qui décrivent les premières années de Lejeune auprès des Indiens Hurons et Montagnais. Notre travail cherche à mettre en évidence, par la thématique du rire, les mécaniques d'intégration, de compréhension et d'exclusion de l'Autre. Le constat d'un double niveau de rire, celui, complice, échangé avec le lecteur de la Relation et celui, testimonial, qui retranscrit la "risée sauvage" dont Lejeune fut l'observateur privilégié, permet d'émettre l'hypothèse d'un double niveau d'accommodation : si le jésuite entreprend de "séduire" le sauvage, de s'adapter à son mode de vie, à son raisonnement, toujours dans l'objectif de le convaincre, le même processus d'adaptation se fait en ce qui concerne le lecteur auxquelles sont destinées les Relations: l'écriture légère et les anecdotes plaisantes dont sont garnies ces textes leur confèrent un intérêt qui dépasse la simple visée d'édification pour s'inscrire dans une stratégie de séduction.
La Guerre selon Claude Simon : entre confusion et reconstruction.
Kaempfer, Jean
Sans être le sujet principal des romans de Claude Simon, le thème de la guerre hante l’œuvre entière de cet auteur. Ce travail propose un panorama de l’écriture de la guerre sous l’angle de l’ordre et la débâcle. Il se base sur cinq ouvrages, La Corde raide, La Route des Flandres, Les Géorgiques, L’Acacia, et Le Jardin des Plantes. Dans ses romans, Claude Simon cherche à nous perdre à travers la vision d’une guerre chaotique et désordonnée. Il nous transmet sa perception de la débâcle, autant au niveau des thèmes qu’au niveau stylistique. Cependant certains passages des textes dévoilent des moments de glissement entre l’ordre et la débâcle. Ces instants de confusion contiennent les prémices d’une reconstruction future, d’un début d’ordre. Malgré le chaos de la guerre, Claude Simon cherche en permanence à constituer un lieu stable et ordonné pour donner sens à ce phénomène qui le dépasse.
L’Âme et le corps de quatre femmes balzaciennes : étude comparée du Lys dans la vallée et de La Cousine Bette.
Kaempfer, Jean
Le corps et l’âme, notions qui intéressent particulièrement Balzac, représentent deux versants de la nature humaine. Ces termes-clés transparaissent dans ses écrits en particulier à travers les personnages féminins. Henriette de Mortsauf et Adeline Hulot, qui proviennent toutes les deux de la campagne, symbolisent le côté animique de la dichotomie, ce qui fait d’elles des anges. Cependant, seule la première parvient à transcender la chair pour atteindre le Monde Divin. Arabelle Dudley et Valérie Marneffe, séductrices parisiennes, adoptent plutôt un style de vie matérialiste impliquant ainsi la disparition de leurs sentiments. Narcissiques, elles ne pensent qu’à leur propre personne alors que les deux autres figures se consacrent à la famille. Le pessimisme balzacien croît avec les années et dans les dix ans qui séparent l’écriture du Lys dans la vallée de La Cousine Bette, le spiritualisme perd de sa valeur tandis que le matérialisme gagne du territoire.
Marie-Madeleine : de la figure du Nouveau Testament au personnage littéraire contemporain
Kaempfer, Jean
Marie-Madeleine est une figure religieuse, culturelle et littéraire digne d’intérêts. Une étude historico-culturelle permet de comprendre comment s’est élaborée cette personnalité, inspirée de trois femmes du Nouveau Testament – «la femme au parfum», Marie de Béthanie et Marie de Magdala. Certains textes gnostiques tels que les évangiles apocryphes datés entre le Ier et le Ve siècles après J.-C., les homélies du pape Grégoire le Grand au VIe siècle, certaines sources médiévales, notamment La Légende dorée de Jacques de Voragine, ainsi que plusieurs romans modernes et contemporains présentent la construction progressive de cette figure unique. Marie-Madeleine est ainsi devenue une référence pour sa beauté et sa féminité, son amour, sa sensualité et son érotisme, et également pour sa dimension mystique, sa croyance absolue en Dieu et sa mission apostolique.
Littérature féminine francophone d’Afrique noire : la féminité est-elle dans l’assiette ? La représentation de la femme par le biais de la nourriture dans “Un Chant écarlate” de Mariama Bâ, “Comment cuisiner son mari à l'africaine” de Calixthe Beyala et “Solo” de Léonora Miano.
Le Quellec Cottier, Christine
Ce travail considère les représentations des personnages féminins par le biais du thème de la nourriture, dans les romans Un Chant écarlate de Mariama Bâ, Comment cuisiner son mari à l’africaine de Calixthe Beyala et la nouvelle Solo tirée du recueil Soulfood équatoriale de Léonora Miano. À partir d’une réflexion générale sur la cuisine et en partant du principe que les romancières africaines veulent se détacher de l’image stéréotypée ou idéalisée que les auteurs masculins ont longtemps donnée de l’Africaine, nous nous demanderons si la mise en scène des figures centrales des ouvrages susmentionnés justifient ou, au contraire, remettent en question la place traditionnellement réservée à la femme noire.
Une écriture en mouvement comme réponse à la dictature dans Le Cercle des Tropiques" et "Le Récit du Cirque de la Vallée des Morts" d'Alioum Fantouré".
Le Quellec Cottier, Chrsitine
Ce mémoire se penche sur deux œuvres de littérature africaine francophone : "Le Cercle des Tropiques" et "Le Récit de la Vallée des Morts", de Alioum Fantouré, écrivain Guinéen. Ces romans des années 1970 peignent tous deux le tableau d'un pays africain imaginaire tombé sous le joug d'une dictature sanguinaire. Malgré ce lien thématique, les orientations formelles sont complètement différentes. A la facture classique du "Cercle des Tropiques" s’oppose l’écriture novatrice et radicale du "Récit du Cirque". Pourtant, un principe organisateur relie les œuvres. La lutte contre la dictateur passe dans les deux cas par une écriture en mouvement, permettant d’attaquer le régime tout en passant inaperçu. Le mouvement préside également aux nombreux renversements qui ont lieu du premier roman au second. Le plus notable de ces basculements concerne le rôle du récepteur : soutenu par le narrateur dans le "Cercle des Tropiques", il devient une cible au même titre que la dictateur dans "Le Récit du Cirque".
La transposition comme fondement esthétique chez Ramuz et sa mise en perspective diégétique dans Aimé Pache, peintre vaudois et Vie de Samuel Belet.
Cordonier, Noël
L’esthétique de Ramuz s’appuie sur une double exigence, celle de l’ancrage et celle du dépassement, comme il le met lui-même en exergue à maintes reprises dans ses écrits théoriques. Le terme de transposition, qui apparaît fréquemment sous la plume de l’auteur, notamment dans son Journal, nous a semblé le plus adapté pour éclairer cette démarche apparemment paradoxale, selon laquelle un double mouvement fonde la possibilité d’une expression « authentique ». Tout d’abord, une position fondamentale, irréductiblement première, doit être réinvestie. Selon nous, l’aspiration à pouvoir nouer une relation fusionnelle avec l’environnement fonde la « mythologie » ramuzienne, permettant l’inscription dans une permanence et une unité toujours problématiques dans une œuvre où le transitoire et la séparation exercent une si grande emprise. Ensuite, la transposition proprement dite renverse le rapport entre le sujet et l’objet en donnant à l’homme, devenu artiste, la tutelle de l’être à travers l’expression. De la modestie première de l’effacement devant la réalité préexistante succède une absolutisation du rôle de l’artiste, dont le vannier Besson représente, par sa manière de réenchanter le monde, un aboutissement. Revenant en deçà des romans « de la collectivité », nous nous sommes intéressé aux deux derniers romans de la période dite « réaliste » de Ramuz car Aimé Pache, peintre vaudois et Vie de Samuel Belet nous confrontent aux deux personnages qui, de toute cette œuvre romanesque, entretiennent les rapports les plus intimes avec l’auteur lui-même, ainsi qu’avec ses préoccupations esthétiques fondamentales. A un moment charnière de sa carrière, Ramuz transpose au sein de l’univers fictionnel ses propres préoccupations. La question essentielle, pour nous, fut de comprendre pour quelles raisons l’auteur avait entrepris la rédaction de Vie de Samuel Belet immédiatement après celle d’Aimé Pache, peintre vaudois. L’hypothèse qui est la nôtre met en avant un double dépassement de Samuel Belet, le vieil homme apaisé revenant sur les vicissitudes de son existence à travers son récit autobiographique, vis-à-vis d’Aimé Pache : sa position paraît nettement plus affermie, sa transposition (par l’écriture), plus aboutie. Aimé Pache aurait ainsi assuré le rôle de double rétrospectif; Samuel Belet, celui de double projectif.
La théorie de l'engagement littéraire selon Points de vue : étude sur la contribution d'une revue chaux-de-fonnière au renouveau politique de la gauche locale des années 1950.
Cordonier, Noël
Points de vue est une revue publiée entre 1957 et 1958 à La Chaux-de-Fonds et qui peut se targuer d’avoir compté parmi ses auteurs des noms comme Yves Velan, Jacques Chessex ou encore Roland Barthes. Profondément engagée à gauche, cette revue met en évidence certaines contradictions de la société suisse. Cette revue est extrêmement intéressante, parce qu’elle questionne par une analyse rigoureusement marxiste les différentes positions des partis ouvriers suisses et internationaux. Elle les bouscule et les déborde par la gauche. Nous nous sommes ainsi posé la question de l’incidence et du rapport de l’écriture sur la société dans ce cas précis. Pour cela, nous avons décrit le contexte politique et historique du monde intellectuel francophone et chaux-de-fonnier de la moitié du XXe siècle, afin de cerner les motivations et les enjeux liés à la revue. Ensuite, nous avons concentré notre analyse sur la volonté des auteurs de la revue d’intervenir sur la société par leur écriture. Nous avons donc porté notre intérêt sur les moyens que se sont donnés les auteurs pour parvenir à leur fin en vérifiant, selon le mode de fonctionnement propre à la revue, comment les auteurs souhaitent s’inscrire dans la « cité » pour y jouer un rôle de changement et d’édification.
Le groupe Octobre (1932-1936). Un théâtre militant, ou l’utilisation de la performance et du rire comme arme politique et sociale.
Meizoz, Jérôme
En partant de la question de l’engagement dans la littérature, le groupe Octobre peut servir d’exemple de théâtre militant ou politique. Ce dernier, qui évolue dans le contexte de crise socio-économique et de polarisation politique gauche-droite propre aux années 1930, propose des pièces qui ont pour thèmes principaux l’anticapitalisme, l’anticléricalisme et l’antimilitarisme. Emmenée par Jacques Prévert qui est le principal auteur des textes, cette troupe, constituée d’une bande d’amis, descend dans la rue et improvise des scènes dans le but de produire un théâtre pour tous. Celui-ci peut être assimilé à une performance sociale car il oscille constamment entre le domaine de la représentation et celui de l’action directe. La lutte est portée sur scène grâce à ce théâtre populaire qui souhaite inciter à la révolte et participe lui-même à la lutte des classes. Un certain nombre de stratégies textuelles sont mises en œuvre par Prévert dans le but de provoquer l’adhésion du public et sa réaction future. Il reconstruit la langue populaire dans ses textes et utilise l’humour dans un retournement carnavalesque des valeurs. Le renversement permet non seulement l’adhésion du public, mais également une euphorisation comme palliatif à la peur et comme victoire symbolique sur l’ennemi. Ce travail questionne le groupe Octobre dans sa structure, son fonctionnement et ses objectifs pour ensuite réfléchir à une nouvelle conception du rôle de l’artiste dans la société.