Le Tibet révolté entre seuils et deuils : rhétoriques du monde et du soi dans un récit de voyage de 1910.
Reichler, Claude
Ce travail porte sur un récit de voyage, Le Tibet révolté : Vers Népémakö, la Terre promise des Tibétains, qu’a publié en 1912 Jacques Bacot, philologue et spécialiste du Tibet. L’analyse tente de rendre compte des dimensions littéraires, contextuelles et anthropologiques de ce récit. Il s'agit de voir quelles catégories littéraires et anthropologiques propres ou non au « récit de voyage » en général son auteur reprend. De ce parcours de figures, il s'agit de mettre en évidence les particularités de l’écriture du monde (l’aspect de l’Autre) et du soi (l’aspect du Même), et les interactions qu’instaure la rencontre de ces deux polarités dans le voyage. Il ressort de l’analyse que Jacques Bacot dans Le Tibet révolté élabore toute une poétique du seuil et du mystère (il se situe aux franges de multiples discours et visions du monde) dont les issues font écho à la conscience d’un désenchantement du monde, que formuleront peu après lui plusieurs grands représentants de la littérature « exotique » française.
Cendrillon n’est pas Aschenputtel. Analyse comparée des contes de Perrault et des frères Grimm.
Heidmann, Ute
Nous avons tendance à considérer les contes comme des histoires atemporelles et universelles. Ces présupposés, aussi convaincants qu’ils puissent paraître, doivent pourtant être remis en question. Les contes populaires et tous les contes littéraires sont en effet aussi des "documents historiques", qui révèlent la présence du conteur/auteur ainsi que l’idéologie de la société à laquelle ils appartiennent. Autrement dit, tout conte de fées est un "produit symbolique". L’analyse comparative de la mise en discours des célèbres contes de Cendrillon de Perrault et d'Aschenputtel des frères Grimm le révèle. Elle expose d’une part les différences notables entre la Cendrillon des frères Grimm et l’Aschenputtel des frères Grimm. Elle permet par ailleurs de remettre en question le statut que l’on attribue généralement aux contes des frères Grimm. Loin d’être le fruit objectif d'une tradition dite populaire, les contes du recueil Kinder-und Hausmärchen sont davantage les produits symboliques de deux auteurs, qui adaptent leurs différentes versions aux valeurs et attentes bourgeoises et moralisatrices de l'époque Biedermeier. Par le biais de la comparaison des différentes versions d’Aschenputtel, que nous avons traduites en annexe, nous avons analysé les importantes modifications que les frères Grimm ont apportées à leurs versions successives, remaniées au fil des sept éditions parues entre 1812 et 1857. Cette dernière problématique mériterait d' être poursuivie. Traductions et analyses discursives portant sur les différentes versions des contes des frères Grimm font en effet défaut dans la critique franco-suisse.
L’élaboration littéraire d’un « socio-régio-lecte ». L’image du parler paysan chez Maupassant.
Gollut, Jean-Daniel
Nombreux sont les récits de Maupassant qui ont pour cadre la campagne et qui mettent en scène des paysans. Cette catégorie de personnages fait l’objet d'une caractérisation par le langage. L’élaboration littéraire du parler paysan est étudiée ici sur la base d’un corpus de quatorze contes. Après une introduction qui souligne l’importance de la parole dans la caractérisation des personnages romanesques et rappelle les enjeux idéologiques et esthétiques de la représentation de la parole dans la littérature du XIXe siècle, l’analyse linguistique du langage paysan comprend trois volets : le premier l’envisage en tant que langage parlé, le second comme parler populaire, le troisième comme parler régional. A chaque fois, les traits caractéristiques sont répertoriés selon leur niveaux de manifestation (prosodique, phonique, morphosyntaxique, lexical, sémantique et pragmatique). La conclusion fait la synthèse des procédés utilisés par l'auteur pour produire une image littérairement acceptable de ce langage particulier.
« Je n’en feray que che que j’en ay empensé ! » Le nain Tronc dans Ysaÿe le Triste.
Mühlethaler, Jean-Claude
Ysaÿe le Triste raconte les aventures du héros éponyme, fils de Tristan et Yseut, et celles de leur petit-fils, Marc l’Essilié. Ce mémoire est une étude du personnage du nain, Tronc, fidèle serviteur des deux chevaliers, qui, sous son apparence misérable et hideuse, cache le roi de Féerie, le bel Aubéron. Personnage fascinant, Tronc oscille entre deux pôles, endroit et envers de la morale chrétienne, subtil mélange de sagesse et de machiavélisme démoniaque, de générosité et de cruauté. Trickster aux mille tours, il introduit la surprise, le décalage de tons dans la succession attendue des exploits chevaleresques et entraîne le récit sur des voies obliques : celles du burlesque et du fabliau, détours de la narration qui se multiplient de façon jubilatoire. Après avoir esquissé un portrait du nain, ce mémoire analyse les enjeux liés à sa présence aux côtés des chevaliers : gauchissements et renouvellements des motifs traditionnels, transformation de l’idéal chevaleresque, etc. La troisième partie questionne la relation privilégiée qu’entretient Tronc avec l’écriture du roman et offre un nouveau portrait du nain : Tronc le trickster, le créateur de fictions, le maître des mots et de l’illusion.
Fête des Vignerons 1999 : le rôle du « Choeur rouge » dans le spectacle : son rapport au Verbe, au Son et à l’Espace (Mémoire présenté conjointement au Conservatoire de Lausanne, études pour l’obtention du brevet d’enseignement de la musique).
Un Hérétique de l’espace ; Notations de l’expérience chez Henri Michaux.
Reichler, Claude
Ce mémoire a pour objet l'expérience de l’espace dans les écrits hallucinogènes d’Henri Michaux. Après avoir rappelé que l’espace des recueils précédents la drogue est le plus souvent intérieur et hostile, on cherche à montrer en quoi cet espace est d’abord utile à l’écrivain pour mettre en forme son expérience ; sont étudiés le genre des livres, leur mise en page, mais aussi le recours aux métaphores spatiales, et en général les moyens mis en œuvre pour traduire la violence de la drogue. Dans un second temps, l’attention est portée sur la dimension proprement spatiale de l'expérience ; sont alors mises en évidence la relation essentielle de l’espace et du corps, ainsi que la contribution de la drogue à la réconciliation du poète avec ce qu’il appelait, dans ses premiers recueils, « cet horrible en dedans-en dehors qu'est le vrai espace ».
Le grand lien de l’espèce. L’atavisme à l’oeuvre chez J.-H. Rosny aîné.
Chaperon, Danielle
J.-H. Rosny (1854-1940) : l’homme et l’œuvre sont inconnus, en dépit de la profonde originalité du premier – considéré comme l'initiateur de la science-fiction en langue française – et de l’incroyable richesse de la seconde – 170 romans et autant de nouvelles, allant des récits préhistorique ou sociaux à l’anticipation la plus extrême via l’invention de quantités d’autres Règnes aux noms évocateurs (Tripèdes, Zoomorphes, Ferromagnétaux, Xipéhuz...). Cette étude vise à monter qu’en dépit de la grande diversité des thématiques abordées, l’œuvre de Rosny peut se comprendre comme une seule expérience littéraire de type naturaliste, dont l’extension serait illimitée. Le recours au phénomène de l’atavisme lui permet en effet de dépasser le cadre de la recherche zolienne, qui s’appuyait sur les théories de l’hérédité classique, vers une réflexion sur la naissance et la mort de la vie elle-même, et sur les liens qui embrassent les êtres par-delà les espèces et le temps.
Approches descriptive et didactique du français oral : le français langue étrangère dans les méthodes de langue (1950-1990).
Durrer, Sylvie
Ce mémoire, divisé en trois chapitres, a pour but de décrire le français oral et de montrer comment ce français oral est transformé en classe de langue, quand il est un objet d’apprentissage pour un public non francophone. L’objectif de ce travail est donc la description des idéalisations imposées à l’objet "oral" pour en faire un objet d'apprentissage. Le premier chapitre est consacré à l’étude de la communication orale et aux caractéristiques de la conversation en milieu francophone. On tente d’y saisir les spécificités de la communication orale et d’y présenter quelques principes-clés de l'analyse des conversations. Le second chapitre est centré sur l’oral en classe de langue. Des exemples pratiques tirés de méthodes de français langue étrangère des années 1950 à 1990 sont analysés et discutés. On y décrit les différences entre les dialogues des méthodes et les échanges conversationnels authentiques en montrant que ces différences vont en s'atténuant. Finalement un troisième et dernier chapitre porte sur la notion d’authenticité. On tente là de mettre en évidence les enjeux didactiques sous-tendant l’opposition entre documents fabriqués et documents authentiques en classe de langue.
Les jeux de l’absurde dans La Leçon d’Eugène Ionesco.
Gollut, Jean-Daniel
L’entreprise de Ionesco consiste à mettre en question le langage en faisant voir que son exercice est souvent dominé par des mécanismes illogiques ou absurdes. Démonstration exemplaire de cette opération critique, La Leçon met en scène une parole tantôt vide tantôt déviante et fait apparaître le caractère potentiellement aberrant des automatismes de la conversation. La présente étude traite des divers cas de dysfonctionnements discursifs manifestés dans la pièce. Sont d'abord examinés les faits relevant de la dimension monologique du discours (accidents ou détournements d’expressions) ; la seconde partie du mémoire porte sur les aspects dialogiques (dérèglement de l’interaction, détraquement des lois conversationnelles). L’analyse met ainsi en évidence une série de procédés distincts d'un point de vue formel, mais qui se rejoignent dans leur fonction de dénonciation, étape nécessaire - selon Ionesco – sur la voie d'une souhaitable revitalisation du langage.
Par ce travail, j’ai cherché à extraire de l’œuvre de Balzac l’image que l’auteur a choisi de retenir de Napoléon. J’ai donc essayé de déterminer dans quelle mesure l’auteur livre un portrait objectif de l’Empereur ou si au contraire, il ne fait que perpétuer la légende napoléonienne. Comme le montre ma recherche, Balzac semble procéder à une réécriture du mythe. C’est pourquoi on rencontre dans la Comédie humaine et les Contes bruns différentes représentations traditionnelles de l’Empereur : un petit homme gras, d’une grande perspicacité, père de ses soldats et considéré comme une figure quasi divine. Ainsi, l’auteur s’inscrit parfaitement dans son époque, époque imprégnée du souvenir impérial omniprésent. Toutefois, il en retient principalement la légende dorée en minimisant celle dite de « l’Ogre ».Voilà également un des aspects que j’ai essayé de faire ressortir dans mon travail.
Le rap français. Caractérisation en regard de la chanson.
Wyss, André
Souvent mis à l’index à cause de son aspect jugé trop violent et subversif, le rap, derrière l’apparente virulence de ses textes, sait faire montre de qualités tout à fait littéraires, que ce soit en jouant avec toutes les possibilités offertes par la langue (du point de vue syntaxique, lexical, phonétique, etc…), par la mise en scène d’un univers centré sur la compétition, où il s’agira de rivaliser d’originalité dans l’écriture et la diction pour se distinguer des autres, ou encore au travers de sa richesse référentielle qui va de la grande littérature aux jeux vidéo. Afin de mettre en lumière les particularités développées par le genre, il sera comparé à celui bien connu de la chanson française, tout d’abord du point de vue thématique, puis du point de vue formel, tout en veillant à illustrer abondamment le propos par le recours à de nombreux morceaux aux interprètes variés.
Que sait la fiction ? Essai d’épistémologie littéraire.
Kaempfer, Jean
Que sait la fiction, ou plutôt : que permet-elle de savoir ? Quel genre de connaissances peuvent donc formaliser puis transmettre des récits portant sur des événements et des entités (partiellement) inexistants ? Telle est la problématique survolée dans ce travail essentiellement théorique envisagé comme un panorama, une esquisse de la situation actuelle de la question. L’intérêt pour le concept de fiction s’est en effet ravivé à la fin du siècle passé avec la parution de plusieurs textes fondamentaux sur le sujet : Univers de la fiction de Thomas Pavel, Fiction et diction de Gérard Genette et Pourquoi la fiction ? de Jean-Marie Schaeffer, en particulier. Ces différents ouvrages, aux côtés principalement de ceux de Paul Ricœur et de Ludwig Wittgenstein, m’ont servi de guides au long de cette réflexion autour du savoir fictionnel qui s’est révélée, en fin de compte, une étude du savoir littéraire, voire même un plaidoyer pour une utilité de la littérature. Enfin, mon approche de la question s’est en grande partie focalisée sur la subjectivité tant du rédacteur que du lecteur, sur la manière dont les éléments biographiques sont en même temps offerts et ouverts à la configuration, donc à la signification, par leur traversée du récit.
Une unité de sens et de narration : la planche dans la bande dessinée humoristique « populaire ».
Adam, Jean-Michel
Un mémoire sur la bande dessinée et qui plus est humoristique peut paraître surprenant, voire inattendu. Or, la bande dessinée a tout à fait sa place dans l’analyse des discours : elle est digne d’intérêt pour plus d’un(e) universitaire. Nous voulons prouver le bien-fondé de cette affirmation et les richesses que recèle le 9e art au moyen de notre travail qui commence par retracer en introduction les débuts historiques de la bande dessinée qui naît en Europe comme aux Etats-Unis dans le domaine de l’humour avec des auteurs tels Töpffer, Busch, Outcault, Feininger, McCay et Saint-Ogan pour ne citer que les précurseurs. Il y est aussi question du support utilisé : la planche. Puisque nous nous situons dans le domaine de l’humour, nous avons analysé les mécanismes des histoires drôles pour pouvoir les mettre en parallèle avec ceux de nos planches. Grâce à cela, ainsi qu’à des notions de narratologie aussi bien générales que propres à la bande dessinée, il nous a été possible de regrouper nos analyses du corpus (contenant des planches d’auteurs comme Franquin, Brétécher, Roba, Zep et bien d’autres) en trois types de planches-gags, à savoir les gags narrativisés mettant en scène une séquence narrative, voire deux, les gags proposant des oppositions entre deux « situations » ou deux « mondes » et ceux que nous avons classés dans le degré zéro de narrativité ou ce que nous avons nommé l’effet de tableau. C’est à la description d’un genre avec ses différentes variantes que nous pensons avoir abouti.
Vers un nouveau drame lyrique ? La musique de scène selon Claudel.
Wyss, André
Le poète Claudel et les compositeurs Milhaud et Honegger sont liés par une quête et une passion commune, celle d’un drame lyrique où la musique occuperait sa juste place sans empiéter sur le domaine de la parole, et inversement. Deux oeuvres constituent le centre d’intérêt principal de ce travail : Christophe Colomb (texte de Claudel, musique de Milhaud), qui est à l’origine de la plupart des écrits théoriques de Claudel au sujet de la musique de scène, et Jeanne d’Arc au bûcher, qui constitue l’œuvre-phare de la collaboration Honegger-Claudel et qui présente de nombreuses similitudes avec Christophe Colomb. Claudel tente de réaliser une nouvelle forme de rapport entre "librettiste" et musicien. Il souhaite obtenir du compositeur une musique précise qui naisse du texte et non de l’émotion de lecteur du musicien. L’analyse littéraire puis musicale des oeuvres citées plus haut tend à démontrer que cet objectif du poète est atteint plus facilement et plus rapidement lors de son travail avec Honegger. C’est cependant grâce à sa longue collaboration avec Milhaud qu'il a pu mettre à l’épreuve et approfondir ses idées.
“ Elégie de la mort violente ”, le deuil dans l’œuvre de Claude Esteban.
Wyss, André
Ce mémoire traite du thème de la mort et du deuil dans l’œuvre de Claude Esteban, poète franco-espagnol né en 1935 à Paris. Il analyse principalement “ Elégie de la mort violente ” (1989), recueil rédigé après la mort de sa femme, et qui se situe à une place charnière de l’œuvre. En effet, si l’on compare l’œuvre antérieure à 1989 avec celle ultérieure, on prend conscience du bouleversement occasionné par la confrontation à la mort réelle. Ce mémoire est donc divisé en trois parties : l’œuvre antérieure où le thème de la mort occupe déjà une place essentielle,“ Elégie de la mort violente ”, et l’œuvre postérieure, dont je tente de cerner la réorientation radicale. La seconde partie, la plus importante, insiste sur trois enjeux du texte élégiaque : la question du langage, celle du sujet de l’écriture, et enfin celle du rapport au monde extérieur et aux hommes. Le premier enjeu, que j’ai nommé “ le langage poétique et la mort ”, traite du double aspect de la parole poétique face à la mort : menacée dans ses fondements par la confrontation au néant, elle frôle le mutisme ; cependant, malgré la douleur et les doutes, elle s’impose comme la seule possibilité de survie, construisant une œuvre qui se fait mémoire de la disparue et chemin de deuil. L’analyse des trois parties stylistiquement très différentes du recueil met en lumière l’évolution au sein même du langage. Ce dernier passe en effet de l’expression brute de l’événement tragique et de la douleur à son élargissement dans un chant qui permet l’universalisation et le partage de la plainte. Le second enjeu, nommé “ la douleur du poète ”, met en lumière la perte des repères suscitée par la mort de la personne aimée, ainsi que la prise de conscience de sa propre finitude en miroir à celle de l’autre. Ce recueil retrace tout un parcours allant de la révolte face à l’inacceptable jusqu’à l’acceptation de la perte et de sa propre mort. Le troisième enjeu, nommé “ L’absence de l’autre ; l’absence aux autres ” traite du rapport à la femme disparue et au monde extérieur. Si au départ la douleur ainsi que la tentative de maintenir un contact avec la morte se font au détriment du rapport aux autres, l’acceptation progressive de la disparition se fera au bénéfice d’une réouverture au monde extérieur. Au vu de l’évolution interne à “ Elégie de la mort violente ” ainsi que de sa mise en perspective avec le reste de l’œuvre, je suis arrivée à la conclusion que ce recueil, né d’un bouleversement total, amorce une poésie plus lyrique, c’est-à-dire ancrée dans l’intimité même du poète, et résolument tournée vers le lecteur. Il s’y dessine la nécessité d’un rapport nouveau à la mort, au langage et à la poésie. Dans la lucidité douloureuse de la fragilité humaine, cette poésie se recentre sur l’essentiel. Partant de l’expérience la plus intime qui soit, elle parvient à en faire une parole qui rassemble.