Les jeux de l’absurde dans La Leçon d’Eugène Ionesco.
Gollut, Jean-Daniel
L’entreprise de Ionesco consiste à mettre en question le langage en faisant voir que son exercice est souvent dominé par des mécanismes illogiques ou absurdes. Démonstration exemplaire de cette opération critique, La Leçon met en scène une parole tantôt vide tantôt déviante et fait apparaître le caractère potentiellement aberrant des automatismes de la conversation. La présente étude traite des divers cas de dysfonctionnements discursifs manifestés dans la pièce. Sont d'abord examinés les faits relevant de la dimension monologique du discours (accidents ou détournements d’expressions) ; la seconde partie du mémoire porte sur les aspects dialogiques (dérèglement de l’interaction, détraquement des lois conversationnelles). L’analyse met ainsi en évidence une série de procédés distincts d'un point de vue formel, mais qui se rejoignent dans leur fonction de dénonciation, étape nécessaire - selon Ionesco – sur la voie d'une souhaitable revitalisation du langage.
Par ce travail, j’ai cherché à extraire de l’œuvre de Balzac l’image que l’auteur a choisi de retenir de Napoléon. J’ai donc essayé de déterminer dans quelle mesure l’auteur livre un portrait objectif de l’Empereur ou si au contraire, il ne fait que perpétuer la légende napoléonienne. Comme le montre ma recherche, Balzac semble procéder à une réécriture du mythe. C’est pourquoi on rencontre dans la Comédie humaine et les Contes bruns différentes représentations traditionnelles de l’Empereur : un petit homme gras, d’une grande perspicacité, père de ses soldats et considéré comme une figure quasi divine. Ainsi, l’auteur s’inscrit parfaitement dans son époque, époque imprégnée du souvenir impérial omniprésent. Toutefois, il en retient principalement la légende dorée en minimisant celle dite de « l’Ogre ».Voilà également un des aspects que j’ai essayé de faire ressortir dans mon travail.
Le rap français. Caractérisation en regard de la chanson.
Wyss, André
Souvent mis à l’index à cause de son aspect jugé trop violent et subversif, le rap, derrière l’apparente virulence de ses textes, sait faire montre de qualités tout à fait littéraires, que ce soit en jouant avec toutes les possibilités offertes par la langue (du point de vue syntaxique, lexical, phonétique, etc…), par la mise en scène d’un univers centré sur la compétition, où il s’agira de rivaliser d’originalité dans l’écriture et la diction pour se distinguer des autres, ou encore au travers de sa richesse référentielle qui va de la grande littérature aux jeux vidéo. Afin de mettre en lumière les particularités développées par le genre, il sera comparé à celui bien connu de la chanson française, tout d’abord du point de vue thématique, puis du point de vue formel, tout en veillant à illustrer abondamment le propos par le recours à de nombreux morceaux aux interprètes variés.
Que sait la fiction ? Essai d’épistémologie littéraire.
Kaempfer, Jean
Que sait la fiction, ou plutôt : que permet-elle de savoir ? Quel genre de connaissances peuvent donc formaliser puis transmettre des récits portant sur des événements et des entités (partiellement) inexistants ? Telle est la problématique survolée dans ce travail essentiellement théorique envisagé comme un panorama, une esquisse de la situation actuelle de la question. L’intérêt pour le concept de fiction s’est en effet ravivé à la fin du siècle passé avec la parution de plusieurs textes fondamentaux sur le sujet : Univers de la fiction de Thomas Pavel, Fiction et diction de Gérard Genette et Pourquoi la fiction ? de Jean-Marie Schaeffer, en particulier. Ces différents ouvrages, aux côtés principalement de ceux de Paul Ricœur et de Ludwig Wittgenstein, m’ont servi de guides au long de cette réflexion autour du savoir fictionnel qui s’est révélée, en fin de compte, une étude du savoir littéraire, voire même un plaidoyer pour une utilité de la littérature. Enfin, mon approche de la question s’est en grande partie focalisée sur la subjectivité tant du rédacteur que du lecteur, sur la manière dont les éléments biographiques sont en même temps offerts et ouverts à la configuration, donc à la signification, par leur traversée du récit.
Une unité de sens et de narration : la planche dans la bande dessinée humoristique « populaire ».
Adam, Jean-Michel
Un mémoire sur la bande dessinée et qui plus est humoristique peut paraître surprenant, voire inattendu. Or, la bande dessinée a tout à fait sa place dans l’analyse des discours : elle est digne d’intérêt pour plus d’un(e) universitaire. Nous voulons prouver le bien-fondé de cette affirmation et les richesses que recèle le 9e art au moyen de notre travail qui commence par retracer en introduction les débuts historiques de la bande dessinée qui naît en Europe comme aux Etats-Unis dans le domaine de l’humour avec des auteurs tels Töpffer, Busch, Outcault, Feininger, McCay et Saint-Ogan pour ne citer que les précurseurs. Il y est aussi question du support utilisé : la planche. Puisque nous nous situons dans le domaine de l’humour, nous avons analysé les mécanismes des histoires drôles pour pouvoir les mettre en parallèle avec ceux de nos planches. Grâce à cela, ainsi qu’à des notions de narratologie aussi bien générales que propres à la bande dessinée, il nous a été possible de regrouper nos analyses du corpus (contenant des planches d’auteurs comme Franquin, Brétécher, Roba, Zep et bien d’autres) en trois types de planches-gags, à savoir les gags narrativisés mettant en scène une séquence narrative, voire deux, les gags proposant des oppositions entre deux « situations » ou deux « mondes » et ceux que nous avons classés dans le degré zéro de narrativité ou ce que nous avons nommé l’effet de tableau. C’est à la description d’un genre avec ses différentes variantes que nous pensons avoir abouti.
Vers un nouveau drame lyrique ? La musique de scène selon Claudel.
Wyss, André
Le poète Claudel et les compositeurs Milhaud et Honegger sont liés par une quête et une passion commune, celle d’un drame lyrique où la musique occuperait sa juste place sans empiéter sur le domaine de la parole, et inversement. Deux oeuvres constituent le centre d’intérêt principal de ce travail : Christophe Colomb (texte de Claudel, musique de Milhaud), qui est à l’origine de la plupart des écrits théoriques de Claudel au sujet de la musique de scène, et Jeanne d’Arc au bûcher, qui constitue l’œuvre-phare de la collaboration Honegger-Claudel et qui présente de nombreuses similitudes avec Christophe Colomb. Claudel tente de réaliser une nouvelle forme de rapport entre "librettiste" et musicien. Il souhaite obtenir du compositeur une musique précise qui naisse du texte et non de l’émotion de lecteur du musicien. L’analyse littéraire puis musicale des oeuvres citées plus haut tend à démontrer que cet objectif du poète est atteint plus facilement et plus rapidement lors de son travail avec Honegger. C’est cependant grâce à sa longue collaboration avec Milhaud qu'il a pu mettre à l’épreuve et approfondir ses idées.
“ Elégie de la mort violente ”, le deuil dans l’œuvre de Claude Esteban.
Wyss, André
Ce mémoire traite du thème de la mort et du deuil dans l’œuvre de Claude Esteban, poète franco-espagnol né en 1935 à Paris. Il analyse principalement “ Elégie de la mort violente ” (1989), recueil rédigé après la mort de sa femme, et qui se situe à une place charnière de l’œuvre. En effet, si l’on compare l’œuvre antérieure à 1989 avec celle ultérieure, on prend conscience du bouleversement occasionné par la confrontation à la mort réelle. Ce mémoire est donc divisé en trois parties : l’œuvre antérieure où le thème de la mort occupe déjà une place essentielle,“ Elégie de la mort violente ”, et l’œuvre postérieure, dont je tente de cerner la réorientation radicale. La seconde partie, la plus importante, insiste sur trois enjeux du texte élégiaque : la question du langage, celle du sujet de l’écriture, et enfin celle du rapport au monde extérieur et aux hommes. Le premier enjeu, que j’ai nommé “ le langage poétique et la mort ”, traite du double aspect de la parole poétique face à la mort : menacée dans ses fondements par la confrontation au néant, elle frôle le mutisme ; cependant, malgré la douleur et les doutes, elle s’impose comme la seule possibilité de survie, construisant une œuvre qui se fait mémoire de la disparue et chemin de deuil. L’analyse des trois parties stylistiquement très différentes du recueil met en lumière l’évolution au sein même du langage. Ce dernier passe en effet de l’expression brute de l’événement tragique et de la douleur à son élargissement dans un chant qui permet l’universalisation et le partage de la plainte. Le second enjeu, nommé “ la douleur du poète ”, met en lumière la perte des repères suscitée par la mort de la personne aimée, ainsi que la prise de conscience de sa propre finitude en miroir à celle de l’autre. Ce recueil retrace tout un parcours allant de la révolte face à l’inacceptable jusqu’à l’acceptation de la perte et de sa propre mort. Le troisième enjeu, nommé “ L’absence de l’autre ; l’absence aux autres ” traite du rapport à la femme disparue et au monde extérieur. Si au départ la douleur ainsi que la tentative de maintenir un contact avec la morte se font au détriment du rapport aux autres, l’acceptation progressive de la disparition se fera au bénéfice d’une réouverture au monde extérieur. Au vu de l’évolution interne à “ Elégie de la mort violente ” ainsi que de sa mise en perspective avec le reste de l’œuvre, je suis arrivée à la conclusion que ce recueil, né d’un bouleversement total, amorce une poésie plus lyrique, c’est-à-dire ancrée dans l’intimité même du poète, et résolument tournée vers le lecteur. Il s’y dessine la nécessité d’un rapport nouveau à la mort, au langage et à la poésie. Dans la lucidité douloureuse de la fragilité humaine, cette poésie se recentre sur l’essentiel. Partant de l’expérience la plus intime qui soit, elle parvient à en faire une parole qui rassemble.
Vautrin, une figure emblématique du secret balzacien - Un personnage qui oscille entre le déchiffrement et la dissimulation du secret.
Kaempfer, Jean
Vautrin, personnage de La Comédie Humaine, est à la fois un déchiffreur et un dissimulateur. Il est déchiffreur du secret du monde par ses compétences de chasseur, son don d’intuition, et d’observateur. Il maîtrise également diverses techniques (le regard perçant, l’habilité à pénétrer les endroits clos, l’utilisation de ses connaissances pour reconnaître les masques) qui lui permettent de décoder les apparences et voir la vérité cachée derrière les masques. En tant que déchiffreur, il doit se rendre lui-même indéchiffrable. Pour ce faire, il maîtrise le secret de sa propre identité et la cache sous des déguisements (du physique, de l’attitude, etc.) qui ont pour but de détourner l'attention ailleurs.
Le Chemin de long estude : Réclusion ou éclosion ?
Mühlethaler, Jean-Claude
Le Chemin de long estude est un ouvrage charnière dans la carrière de Christine de Pizan. Il marque le passage entre ses débuts lyriques et ses ouvrages les plus sérieux. Le texte même du Chemin reproduit en son sein cette évolution de l’écrivaine : d’abord poète chantre de son deuil, finalement prophète, messagère céleste porteuse d’une requête aux princes français. Le Chemin de longue estude représente l’entrée du poète dans le champ politique. Cette évolution se résume bien dans le concept d’ouverture. Ouverture au niveau formel, puisque Christine abandonne la forme close du poème pour la marche en avant du récit, ouverture personnelle puisqu’elle passe du chant de deuil, qui est repli sur soi, à l’adresse aux princes. Pourtant le chemin, voie de l’ouverture, est jalonné de lieux clos, lieux de refuge pour la narratrice. La valorisation positive de ces lieux impose de penser la réclusion comme second modèle, antagoniste et complémentaire au premier. Au travers de ces deux attitudes se dessinent les hésitations d’une écrivaine qui tente de se positionner face aux troubles de son temps.
Ce mémoire s’inscrit dans une approche historico-littéraire de la condition féminine au XVIIe siècle. A travers les huit comédies cornéliennes, nous avons tenté d’établir l’image de la femme (des femmes) telle qu’elle est véhiculée par la dramaturge et pour cela nous avons dû créer une typologie des personnages féminins Puis, dans un deuxième temps, nous avons voulu voir s’il y avait des liens avec une certaine réalité historico-sociale. Il s’agissait d’observer en quoi Corneille s’inscrit dans son époque et dans les débats concernant la gent féminine, fort en vogue à cette époque-là. En ce début de XXIe siècle, nous pouvions nous interroger sur la pertinence d’une nouvelle étude. Pour notre part, nous souhaitions indiquer une approche différente des comédies cornéliennes et arpenter ainsi une voie de lecture de celles-ci quasiment inexplorée : les situant dans un rapport relativement détaché de la production tragique. Cette perspective devrait nous permettre de jeter quelque lumière sur la condition et la mentalité de la femme, et tout particulièrement de la jeune fille, dans la première moitié du XVIIe siècle.
Trois façons différentes de mettre en intrigue des histoires semblables. Cap o' Rushes, La Gatta Cenerentola de Basile, Cendrillon ou la Petite Pantoufle de Verre de Perrault.
Heidmann, Ute
Si ces trois contes ont en commun une intrigue de base, une histoire semblable de perte et de récupération d'une identité, ils la mettent en intrigue de trois façons différentes. En partant d’un important travail de traduction des textes italien et anglais, ce mémoire s’attache à une comparaison différentielle de ces trois « Cendrillon ». Le nouement et le dénouement de l'intrigue se construisent à travers un processus dynamique d'interdépendance entre la stylistique et les langues (elocutio), la composition et la structure (dispositio), les thèmes et les motifs (inventio).
Le pur et le puissant : Callimaque et Segalen – enquêtes sur l’énoncé littéraire.
Cordonier, Noël
A partir de Callimaque et Segalen, il s’agit de reposer la question de la littérarité, en posant la question de son sujet, ou des postures subjectives propres à l’énoncé littéraire (énoncé étant pris en son sens foucaldien). Dans un cas comme dans l’autre, les auteurs revendiquent une pureté littéraire – que celle-ci s’incarne en simple qualité (Callimaque) ou en procès de purification (Segalen). On ne confondra pas cette pureté avec une prétendue autonomie du poétique; démontant la prétention, on en conclura plutôt que comme cette pureté, l’autonomie du poétique n’est pas une conquête, mais un abandon : l’énoncé littéraire gît en rupture de déterminations tant génériques que pragmatiques, – en mal d’occasion. L’occasion faisait de la poésie un discours en acte ; la mort de l’occasion condamne celle-ci à la virtualité, ainsi que son sujet, qui se loge en puissance. Dès lors, « entre ces deux usages de la page, (ou entre ces deux pratiques de la négativité du langage) la différence peut être exprimée en termes aristotélisants : l’inscription alexandrine correspondrait à une potentia passiva, puissance considérée comme réserve et retenue loin de toute effectuation, tandis qu’[au sujet segalénien] reviendrait une potentia activa, toute entière tournée vers son accomplissement actuel. » (p. 68.) L’indétermination touche aussi les rapports censés se nouer entre le poète et son lecteur. Et comme la langue est le virtuel nécessaire à la parole, ceux-ci se tourneront vers un virtuel du rapport qui soit sa condition de possibilité. C’est ainsi que de ces zigzags, on conclut qu’ « il y a des exemples (Callimaque et Segalen) où « la littérature », c’est de se tourner vers quelque a priori de l’être-ensemble, et d’y faire sentir quelque chose (p. 106) ». En l’occurrence, un vide.
Du genre au texte : une approche linguistique de la poétique ramuzienne du "tableau" à partir de l'analyse de quelques aspects des « Signes parmi nous » (tableau), Charles Ferdinand Ramuz, 1919.
«“Je baptise ce bateau le Queen Elizabeth.” [...] Il semble clair qu’énoncer la phrase, [...] ce n’est ni décrire ce qu’il faut bien reconnaître que je suis en train de faire en parlant ainsi, ni affirmer que je le fais : c’est le faire. [...] Je propose de l’appeler une phrase performative » (J. L. Austin). Or, « Le mystère de la magie performative se résout dans [...] l’alchimie de la représentation [...] par laquelle le représentant fait le groupe qui le fait : le porte-parole doté du plein pouvoir de parler et d’agir au nom du groupe, et d’abord sur le groupe par la magie du mot d’ordre, est le substitut du groupe qui existe seulement par cette procuration » (P. Bourdieu). Dès lors, « Toute parole prononcée avec autorité détermine un changement dans le monde, crée quelque chose ; cette qualité mystérieuse, c’est ce que augeo exprime : le pouvoir qui fait surgir les plantes, qui donne existence à une loi. Celui qui est auctor, qui promeut, celui-là seul est pourvu de cette qualité que l’indien appelle ojah. [...] Des valeurs obscures et puissantes demeurent dans cette auctoritas, ce don réservé à peu d’hommes de faire surgir quelque chose et – à la lettre – de produire à l’existence » (E. Beveniste). Du reste, « No book on religion or the origine of language fails to refer to this ancient belief in the creative power of the word » (S. J. Tambiah). C’est pourquoi « La parole qui sort de ma bouche [...] ne retourne pas à moi sans effet, sans avoir accompli ce que je voulais et réalisé ce pour quoi je l’avais envoyée » (Isaïe 55, 11).
Du cahier d’écolier au recueil : Genèse du début de la nouvelle "Juliette éternelle" de Corinna Bille.
Jakubec, Doris
Les oeuvres de Corinna Bille sont comme des cailloux polis par la mer : elles semblent en avoir la simplicité, et pourtant il a bien fallu d'abord des mots imparfaits pour trouver les mots les plus justes. Partie d’une ébauche jetée dans un cahier d'écolier, j’ai donc suivi le cheminement de la nouvelle "Juliette éternelle", des manuscrits aux dactylogrammes, jusqu’à la nouvelle publiée, afin de soulever un coin du voile. J’ai découvert une écriture-rivière, qui bien que contenue finalement dans les limites de la page, garde une liberté qui est celle d'un univers étrange qui n'est ni tout-à-fait le nôtre, ni tout-à-fait autre.
Deux écritures du mythe de Pygmalion : Ovide, Métamorphoses (Livre X) et Rousseau, Pygmalion (scène lyrique).
Heidmann, Ute
Cette étude propose une comparaison de deux écritures du mythe de Pygmalion selon une définition du mythe qui considère chaque écriture de mythe comme une mise en discours à des fins spécifiques, indissociable de ses conditions d’énonciation. Dans les Métamorphoses, le mythe de Pygmalion, qui apparaît comme un élément au service d’une grande démonstration, reçoit une dimension sémantique particulière. Le poète Orphée, narrateur de l’histoire de Pygmalion, ayant échoué dans sa propre quête, désire disposer de la puissance du sculpteur Pygmalion qui, lui, parvient à changer la réalité. Dans un monde irrémédiablement voué à la dégénérescence et sous un climat politique qu’il ne peut que déplorer, cela s’avère impossible. Rousseau, en créant le monodrame, peut, quant à lui, concentrer son regard sur l’état de crise d'un Pygmalion qui, véritable "sujet", ne peut trouver dans le monde réel un autre "sujet" qui n’entre en conflit avec lui. Aussi ce Pygmalion du 18ème, comme Rousseau, doit-il lui-même créer et animer un être de sa propre "belle âme" pour pouvoir entretenir avec ce dernier une relation satisfaisante.
Une Approche du Problème des Lieux chez Blaise Cendrars : de La Prose du Transsibérien à Bourlinguer.
Wyss, André
Les lieux revêtent dans l’œuvre de Blaise Cendrars une importance toute particulière. A la fois espaces concrets, ensemble des lieux dans lesquels se joue nécessairement l’existence, et espaces textuels, où le monde se donne à la subjectivité comme le texte d’un infini déchiffrement. Ainsi les récits de voyage de Blaise Cendrars sont-ils également qualifiés d’autobiographiques, non seulement parce que l’auteur parle en son nom, à la première personne, mais aussi parce qu’en racontant le monde le poète, dans un même mouvement, se raconte nécessairement lui-même. D’un lieu à l’autre, d’un texte à l’autre : l’œuvre retrace par touches successives un parcours physique et intellectuel, où bourlingue et intertextualité se donnent confusément comme les composantes inextricables d’une vie d’écrivain. Au cœur de tous les problèmes littéraires et philosophiques qu’aborde Blaise Cendrars, la redéfinition du rôle de l’espace et des lieux entraîne de même une refonte originale des concepts de réalité, de subjectivité et de temporalité, dans une œuvre miroir du monde où l’auteur se pose en véritable démiurge.