Ce mémoire s’inscrit dans une approche historico-littéraire de la condition féminine au XVIIe siècle. A travers les huit comédies cornéliennes, nous avons tenté d’établir l’image de la femme (des femmes) telle qu’elle est véhiculée par la dramaturge et pour cela nous avons dû créer une typologie des personnages féminins Puis, dans un deuxième temps, nous avons voulu voir s’il y avait des liens avec une certaine réalité historico-sociale. Il s’agissait d’observer en quoi Corneille s’inscrit dans son époque et dans les débats concernant la gent féminine, fort en vogue à cette époque-là. En ce début de XXIe siècle, nous pouvions nous interroger sur la pertinence d’une nouvelle étude. Pour notre part, nous souhaitions indiquer une approche différente des comédies cornéliennes et arpenter ainsi une voie de lecture de celles-ci quasiment inexplorée : les situant dans un rapport relativement détaché de la production tragique. Cette perspective devrait nous permettre de jeter quelque lumière sur la condition et la mentalité de la femme, et tout particulièrement de la jeune fille, dans la première moitié du XVIIe siècle.
Trois façons différentes de mettre en intrigue des histoires semblables. Cap o' Rushes, La Gatta Cenerentola de Basile, Cendrillon ou la Petite Pantoufle de Verre de Perrault.
Heidmann, Ute
Si ces trois contes ont en commun une intrigue de base, une histoire semblable de perte et de récupération d'une identité, ils la mettent en intrigue de trois façons différentes. En partant d’un important travail de traduction des textes italien et anglais, ce mémoire s’attache à une comparaison différentielle de ces trois « Cendrillon ». Le nouement et le dénouement de l'intrigue se construisent à travers un processus dynamique d'interdépendance entre la stylistique et les langues (elocutio), la composition et la structure (dispositio), les thèmes et les motifs (inventio).
Le pur et le puissant : Callimaque et Segalen – enquêtes sur l’énoncé littéraire.
Cordonier, Noël
A partir de Callimaque et Segalen, il s’agit de reposer la question de la littérarité, en posant la question de son sujet, ou des postures subjectives propres à l’énoncé littéraire (énoncé étant pris en son sens foucaldien). Dans un cas comme dans l’autre, les auteurs revendiquent une pureté littéraire – que celle-ci s’incarne en simple qualité (Callimaque) ou en procès de purification (Segalen). On ne confondra pas cette pureté avec une prétendue autonomie du poétique; démontant la prétention, on en conclura plutôt que comme cette pureté, l’autonomie du poétique n’est pas une conquête, mais un abandon : l’énoncé littéraire gît en rupture de déterminations tant génériques que pragmatiques, – en mal d’occasion. L’occasion faisait de la poésie un discours en acte ; la mort de l’occasion condamne celle-ci à la virtualité, ainsi que son sujet, qui se loge en puissance. Dès lors, « entre ces deux usages de la page, (ou entre ces deux pratiques de la négativité du langage) la différence peut être exprimée en termes aristotélisants : l’inscription alexandrine correspondrait à une potentia passiva, puissance considérée comme réserve et retenue loin de toute effectuation, tandis qu’[au sujet segalénien] reviendrait une potentia activa, toute entière tournée vers son accomplissement actuel. » (p. 68.) L’indétermination touche aussi les rapports censés se nouer entre le poète et son lecteur. Et comme la langue est le virtuel nécessaire à la parole, ceux-ci se tourneront vers un virtuel du rapport qui soit sa condition de possibilité. C’est ainsi que de ces zigzags, on conclut qu’ « il y a des exemples (Callimaque et Segalen) où « la littérature », c’est de se tourner vers quelque a priori de l’être-ensemble, et d’y faire sentir quelque chose (p. 106) ». En l’occurrence, un vide.
Du genre au texte : une approche linguistique de la poétique ramuzienne du "tableau" à partir de l'analyse de quelques aspects des « Signes parmi nous » (tableau), Charles Ferdinand Ramuz, 1919.
«“Je baptise ce bateau le Queen Elizabeth.” [...] Il semble clair qu’énoncer la phrase, [...] ce n’est ni décrire ce qu’il faut bien reconnaître que je suis en train de faire en parlant ainsi, ni affirmer que je le fais : c’est le faire. [...] Je propose de l’appeler une phrase performative » (J. L. Austin). Or, « Le mystère de la magie performative se résout dans [...] l’alchimie de la représentation [...] par laquelle le représentant fait le groupe qui le fait : le porte-parole doté du plein pouvoir de parler et d’agir au nom du groupe, et d’abord sur le groupe par la magie du mot d’ordre, est le substitut du groupe qui existe seulement par cette procuration » (P. Bourdieu). Dès lors, « Toute parole prononcée avec autorité détermine un changement dans le monde, crée quelque chose ; cette qualité mystérieuse, c’est ce que augeo exprime : le pouvoir qui fait surgir les plantes, qui donne existence à une loi. Celui qui est auctor, qui promeut, celui-là seul est pourvu de cette qualité que l’indien appelle ojah. [...] Des valeurs obscures et puissantes demeurent dans cette auctoritas, ce don réservé à peu d’hommes de faire surgir quelque chose et – à la lettre – de produire à l’existence » (E. Beveniste). Du reste, « No book on religion or the origine of language fails to refer to this ancient belief in the creative power of the word » (S. J. Tambiah). C’est pourquoi « La parole qui sort de ma bouche [...] ne retourne pas à moi sans effet, sans avoir accompli ce que je voulais et réalisé ce pour quoi je l’avais envoyée » (Isaïe 55, 11).
Du cahier d’écolier au recueil : Genèse du début de la nouvelle "Juliette éternelle" de Corinna Bille.
Jakubec, Doris
Les oeuvres de Corinna Bille sont comme des cailloux polis par la mer : elles semblent en avoir la simplicité, et pourtant il a bien fallu d'abord des mots imparfaits pour trouver les mots les plus justes. Partie d’une ébauche jetée dans un cahier d'écolier, j’ai donc suivi le cheminement de la nouvelle "Juliette éternelle", des manuscrits aux dactylogrammes, jusqu’à la nouvelle publiée, afin de soulever un coin du voile. J’ai découvert une écriture-rivière, qui bien que contenue finalement dans les limites de la page, garde une liberté qui est celle d'un univers étrange qui n'est ni tout-à-fait le nôtre, ni tout-à-fait autre.
Deux écritures du mythe de Pygmalion : Ovide, Métamorphoses (Livre X) et Rousseau, Pygmalion (scène lyrique).
Heidmann, Ute
Cette étude propose une comparaison de deux écritures du mythe de Pygmalion selon une définition du mythe qui considère chaque écriture de mythe comme une mise en discours à des fins spécifiques, indissociable de ses conditions d’énonciation. Dans les Métamorphoses, le mythe de Pygmalion, qui apparaît comme un élément au service d’une grande démonstration, reçoit une dimension sémantique particulière. Le poète Orphée, narrateur de l’histoire de Pygmalion, ayant échoué dans sa propre quête, désire disposer de la puissance du sculpteur Pygmalion qui, lui, parvient à changer la réalité. Dans un monde irrémédiablement voué à la dégénérescence et sous un climat politique qu’il ne peut que déplorer, cela s’avère impossible. Rousseau, en créant le monodrame, peut, quant à lui, concentrer son regard sur l’état de crise d'un Pygmalion qui, véritable "sujet", ne peut trouver dans le monde réel un autre "sujet" qui n’entre en conflit avec lui. Aussi ce Pygmalion du 18ème, comme Rousseau, doit-il lui-même créer et animer un être de sa propre "belle âme" pour pouvoir entretenir avec ce dernier une relation satisfaisante.
Une Approche du Problème des Lieux chez Blaise Cendrars : de La Prose du Transsibérien à Bourlinguer.
Wyss, André
Les lieux revêtent dans l’œuvre de Blaise Cendrars une importance toute particulière. A la fois espaces concrets, ensemble des lieux dans lesquels se joue nécessairement l’existence, et espaces textuels, où le monde se donne à la subjectivité comme le texte d’un infini déchiffrement. Ainsi les récits de voyage de Blaise Cendrars sont-ils également qualifiés d’autobiographiques, non seulement parce que l’auteur parle en son nom, à la première personne, mais aussi parce qu’en racontant le monde le poète, dans un même mouvement, se raconte nécessairement lui-même. D’un lieu à l’autre, d’un texte à l’autre : l’œuvre retrace par touches successives un parcours physique et intellectuel, où bourlingue et intertextualité se donnent confusément comme les composantes inextricables d’une vie d’écrivain. Au cœur de tous les problèmes littéraires et philosophiques qu’aborde Blaise Cendrars, la redéfinition du rôle de l’espace et des lieux entraîne de même une refonte originale des concepts de réalité, de subjectivité et de temporalité, dans une œuvre miroir du monde où l’auteur se pose en véritable démiurge.
Surnaturel, réalisme et comique dans les nouvelles de Marcel Aymé, à travers le recueil Le Passe-muraille.
Kaempfer, Jean
Aymé a écrit tout au long de sa carrière quelques 80 nouvelles, ce qui en fait un des auteurs français de récits courts les plus prolifiques, et malgré une récente désaffection pour le genre, ses recueils ont su se faire une place dans la production littéraire du XXe siècle. Contrairement à certains nouvellistes contemporains qui sont à la recherche de formes nouvelles, Aymé reste attaché à la tradition de la nouvelle narrative, dont le propre est de raconter une histoire qui sache divertir le lecteur. Et Aymé se révèle être un remarquable « raconteur », qui allie à la richesse de l’imagination une grande maîtrise des contraintes du genre. Ses histoires, souvent fantaisistes, font fréquemment intervenir le surnaturel. Aymé introduit de façon naturelle l’extraordinaire dans le quotidien, extraordinaire qui vient chambouler l’existence d’un personnage. Il crée ainsi un genre hybride, mêlant le merveilleux du conte au réalisme de la nouvelle. Le surnaturel est pour Aymé moteur du récit, il lui fournit un postulat de départ qu’il va exploiter logiquement pour créer des histoires aux multiples facettes, où le comique est souvent présent et apparaît sous des formes diverses qui vont d’un jeu verbal plutôt léger à une ironie plus amère. Divertissantes pour le lecteur qu’elles égayent et dont elles stimulent l’imagination, ses nouvelles n’excluent pas des aspects plus sérieux (métaphysiques, moraux) et laissent paradoxalement apparaître, derrière le rire, une vision assez sombre de la nature humaine.
Le merveilleux féerique chez Maurice Maeterlinck : de l’angoisse des premiers drames au pessimisme ironique de « L’Oiseau bleu » et des « Fiançailles ».
Chaperon, Danielle
Châteaux insalubres, fées ambiguës, princesses plongées dans un sommeil sépulcral, hantent l’univers théâtral de Maurice Maeterlinck. Le dramaturge belge introduit de nombreux aspects du merveilleux féerique au sein de ses pièces. La Princesse Maleine, Pelléas et Mélisande, Ariane et Barbe Bleue, Les Sept Princesses, L’Oiseau bleu et Les Fiançailles regorgent ainsi d’éléments magiques et de références aux contes de fées. C’est dans le contexte du merveilleux de la fin du XIXe siècle, avec ses réécritures de contes, ses féeries qui s’éloignent de la tradition et une vision symboliste qui s’échappe constamment vers des ailleurs oniriques, qu’il s’agira de considérer les œuvres théâtrales de Maurice Maeterlinck. Notre travail se propose d’étudier l’évolution du merveilleux féerique de La Princesse Maleine aux Fiançailles, tout en soulignant la spécificité de l’auteur belge par rapport aux écrivains fin-de-siècle. Angoissant dans les premières pièces, le merveilleux maeterlinckien semble se rapprocher des perversions ironiques du conte de fées des écrivains décadents dans L’Oiseau bleu et Les Fiançailles. En effet, Maeterlinck ne nous propose pas un merveilleux féerique homogène mais utilise la tradition de différentes manières qui lui sont propres. Avant de s’intéresser aux oeuvres, il s’agira d’examiner la place occupée par le merveilleux féerique à la fin du XIXe siècle et ses significations au sein du pessimisme décadent. Il conviendra également de s’attarder sur le théâtre symboliste qui, proposant une scène dépouillée de la matérialité, de l’illusionnisme et de la parole ordinaire, paraît favorable au merveilleux onirique du conte de fées.
Variation énonciative : mise en parallèle de deux récits autobiogaphiques de Guy de Pourtalès.
Gollut, Jean-Daniel
Dans l’œuvre de Guy de Pourtalès, figurent deux récits autobiographiques : d’une part, le début de l’esquisse à la première personne de La Pêche miraculeuse (1934) ; d’autre part, les Mémoires intitulés Chaque mouche a son ombre (1940). Les événements de la mort de la mère et l’annonce du remariage du père constituent deux souvenirs marquants relatés dans chacun des deux textes, mais de manière sensiblement différente. Partant d’une analyse comparative des passages relatifs à ces deux épisodes, l’étude vise à rattacher les variations discursives observées à une modification de la posture de narration adoptée par l’auteur. L’analyse du dispositif énonciatif (personnes, temps verbaux, modalités, point de vue, discours rapporté) occupe la partie centrale du travail. En conclusion, les textes examinés sont replacés sous l’éclairage des projets d’écriture annoncés par Pourtalès.
Personnages féminins entourant des figures d’artistes : l’incompatibilité entre amour et art dans des romans et nouvelles du XIXè siècle (1830-1886).
Kaempfer, Jean
Dans les romans et nouvelles du XIXe siècle qui mettent en scène des artistes, les personnages féminins jouent un rôle important. Les femmes, et, de façon plus générale, l’amour, sont représentés comme étant incompatibles avec la création : soit l’art détruit la femme, soit la femme détruit l’art. L’analyse se concentre sur 14 textes qui vont de Balzac à Zola, et propose une typologie des personnages féminins rencontrés. Deux grands moments sont perceptibles : jusque vers 1860, la femme (qui se montre essentiellement inspiratrice ou maternelle ) est sacrifiée au profit de l’art ; passé cette date, avec les Goncourt, elle apparaît comme un être qui détruit l’artiste qu’elle accompagne. Elle est cupide, arriviste et séductrice. Le mariage est considéré comme étant néfaste à la création. Finalement, L’Œuvre de Zola est analysé comme étant une sorte de synthèse des divers personnages féminins des textes précédents.
Configuration de la Une : le discours de la presse écrite entre exigences de crédibilité, d’actualité et séduction du lecteur
Burger, Marcel
L’étude porte sur l’effet de captation engendré par les pages de titre de journaux. Il s’agit de voir comment le titre et l’illustration de la Une peuvent séduire le lecteur et quel contrat de lecture ils établissent. Pour cela, nous avons sélectionné un corpus de quotidiens et d'hebdomadaires présentant tous le même événement en couverture (attentats contre les Etats-Unis du 11 septembre 2001). Il s’agira donc de comprendre les effets produits et voulus par les instances de communication et de cerner le lectorat idéal auquel elles s’adressent. De plus, cette analyse nous permettra d'identifier les moyens de séduction mis en œuvre par les journaux dans un contexte relativement grave et face à une concurrence inhabituelle ne leur permettant pas de se distinguer par le choix du sujet figurant à la Une. Grâce à l’étude détaillée de ces Unes d’exception, étude où l’image prend une importance considérable, nous montrerons comment les médias tentent de déjouer la concurrence tant sur l’axe intramédias que sur l’axe intermédias dans le contexte de surinformation inhabituel mis en place par les médias audiovisuels le 11 septembre 2001. A travers ce travail, nous verrons comment la presse remplit la double fonction imposées aux médias, à savoir la visée civique consistant à informer et la visée économique commune à toute entreprise commerciale. Quels seront donc les choix adoptés par les quotidiens et hebdomadaires pour vendre malgré l'homogénéité de l’actualité au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 ? En conséquence, quels seront les moyens et les mots employés pour nommer l'innommable, dire le déjà-dit et montrer le déjà-vu ?