Du cahier d’écolier au recueil : Genèse du début de la nouvelle "Juliette éternelle" de Corinna Bille.
Jakubec, Doris
Les oeuvres de Corinna Bille sont comme des cailloux polis par la mer : elles semblent en avoir la simplicité, et pourtant il a bien fallu d'abord des mots imparfaits pour trouver les mots les plus justes. Partie d’une ébauche jetée dans un cahier d'écolier, j’ai donc suivi le cheminement de la nouvelle "Juliette éternelle", des manuscrits aux dactylogrammes, jusqu’à la nouvelle publiée, afin de soulever un coin du voile. J’ai découvert une écriture-rivière, qui bien que contenue finalement dans les limites de la page, garde une liberté qui est celle d'un univers étrange qui n'est ni tout-à-fait le nôtre, ni tout-à-fait autre.
Deux écritures du mythe de Pygmalion : Ovide, Métamorphoses (Livre X) et Rousseau, Pygmalion (scène lyrique).
Heidmann, Ute
Cette étude propose une comparaison de deux écritures du mythe de Pygmalion selon une définition du mythe qui considère chaque écriture de mythe comme une mise en discours à des fins spécifiques, indissociable de ses conditions d’énonciation. Dans les Métamorphoses, le mythe de Pygmalion, qui apparaît comme un élément au service d’une grande démonstration, reçoit une dimension sémantique particulière. Le poète Orphée, narrateur de l’histoire de Pygmalion, ayant échoué dans sa propre quête, désire disposer de la puissance du sculpteur Pygmalion qui, lui, parvient à changer la réalité. Dans un monde irrémédiablement voué à la dégénérescence et sous un climat politique qu’il ne peut que déplorer, cela s’avère impossible. Rousseau, en créant le monodrame, peut, quant à lui, concentrer son regard sur l’état de crise d'un Pygmalion qui, véritable "sujet", ne peut trouver dans le monde réel un autre "sujet" qui n’entre en conflit avec lui. Aussi ce Pygmalion du 18ème, comme Rousseau, doit-il lui-même créer et animer un être de sa propre "belle âme" pour pouvoir entretenir avec ce dernier une relation satisfaisante.
Une Approche du Problème des Lieux chez Blaise Cendrars : de La Prose du Transsibérien à Bourlinguer.
Wyss, André
Les lieux revêtent dans l’œuvre de Blaise Cendrars une importance toute particulière. A la fois espaces concrets, ensemble des lieux dans lesquels se joue nécessairement l’existence, et espaces textuels, où le monde se donne à la subjectivité comme le texte d’un infini déchiffrement. Ainsi les récits de voyage de Blaise Cendrars sont-ils également qualifiés d’autobiographiques, non seulement parce que l’auteur parle en son nom, à la première personne, mais aussi parce qu’en racontant le monde le poète, dans un même mouvement, se raconte nécessairement lui-même. D’un lieu à l’autre, d’un texte à l’autre : l’œuvre retrace par touches successives un parcours physique et intellectuel, où bourlingue et intertextualité se donnent confusément comme les composantes inextricables d’une vie d’écrivain. Au cœur de tous les problèmes littéraires et philosophiques qu’aborde Blaise Cendrars, la redéfinition du rôle de l’espace et des lieux entraîne de même une refonte originale des concepts de réalité, de subjectivité et de temporalité, dans une œuvre miroir du monde où l’auteur se pose en véritable démiurge.
Surnaturel, réalisme et comique dans les nouvelles de Marcel Aymé, à travers le recueil Le Passe-muraille.
Kaempfer, Jean
Aymé a écrit tout au long de sa carrière quelques 80 nouvelles, ce qui en fait un des auteurs français de récits courts les plus prolifiques, et malgré une récente désaffection pour le genre, ses recueils ont su se faire une place dans la production littéraire du XXe siècle. Contrairement à certains nouvellistes contemporains qui sont à la recherche de formes nouvelles, Aymé reste attaché à la tradition de la nouvelle narrative, dont le propre est de raconter une histoire qui sache divertir le lecteur. Et Aymé se révèle être un remarquable « raconteur », qui allie à la richesse de l’imagination une grande maîtrise des contraintes du genre. Ses histoires, souvent fantaisistes, font fréquemment intervenir le surnaturel. Aymé introduit de façon naturelle l’extraordinaire dans le quotidien, extraordinaire qui vient chambouler l’existence d’un personnage. Il crée ainsi un genre hybride, mêlant le merveilleux du conte au réalisme de la nouvelle. Le surnaturel est pour Aymé moteur du récit, il lui fournit un postulat de départ qu’il va exploiter logiquement pour créer des histoires aux multiples facettes, où le comique est souvent présent et apparaît sous des formes diverses qui vont d’un jeu verbal plutôt léger à une ironie plus amère. Divertissantes pour le lecteur qu’elles égayent et dont elles stimulent l’imagination, ses nouvelles n’excluent pas des aspects plus sérieux (métaphysiques, moraux) et laissent paradoxalement apparaître, derrière le rire, une vision assez sombre de la nature humaine.
Le merveilleux féerique chez Maurice Maeterlinck : de l’angoisse des premiers drames au pessimisme ironique de « L’Oiseau bleu » et des « Fiançailles ».
Chaperon, Danielle
Châteaux insalubres, fées ambiguës, princesses plongées dans un sommeil sépulcral, hantent l’univers théâtral de Maurice Maeterlinck. Le dramaturge belge introduit de nombreux aspects du merveilleux féerique au sein de ses pièces. La Princesse Maleine, Pelléas et Mélisande, Ariane et Barbe Bleue, Les Sept Princesses, L’Oiseau bleu et Les Fiançailles regorgent ainsi d’éléments magiques et de références aux contes de fées. C’est dans le contexte du merveilleux de la fin du XIXe siècle, avec ses réécritures de contes, ses féeries qui s’éloignent de la tradition et une vision symboliste qui s’échappe constamment vers des ailleurs oniriques, qu’il s’agira de considérer les œuvres théâtrales de Maurice Maeterlinck. Notre travail se propose d’étudier l’évolution du merveilleux féerique de La Princesse Maleine aux Fiançailles, tout en soulignant la spécificité de l’auteur belge par rapport aux écrivains fin-de-siècle. Angoissant dans les premières pièces, le merveilleux maeterlinckien semble se rapprocher des perversions ironiques du conte de fées des écrivains décadents dans L’Oiseau bleu et Les Fiançailles. En effet, Maeterlinck ne nous propose pas un merveilleux féerique homogène mais utilise la tradition de différentes manières qui lui sont propres. Avant de s’intéresser aux oeuvres, il s’agira d’examiner la place occupée par le merveilleux féerique à la fin du XIXe siècle et ses significations au sein du pessimisme décadent. Il conviendra également de s’attarder sur le théâtre symboliste qui, proposant une scène dépouillée de la matérialité, de l’illusionnisme et de la parole ordinaire, paraît favorable au merveilleux onirique du conte de fées.
Variation énonciative : mise en parallèle de deux récits autobiogaphiques de Guy de Pourtalès.
Gollut, Jean-Daniel
Dans l’œuvre de Guy de Pourtalès, figurent deux récits autobiographiques : d’une part, le début de l’esquisse à la première personne de La Pêche miraculeuse (1934) ; d’autre part, les Mémoires intitulés Chaque mouche a son ombre (1940). Les événements de la mort de la mère et l’annonce du remariage du père constituent deux souvenirs marquants relatés dans chacun des deux textes, mais de manière sensiblement différente. Partant d’une analyse comparative des passages relatifs à ces deux épisodes, l’étude vise à rattacher les variations discursives observées à une modification de la posture de narration adoptée par l’auteur. L’analyse du dispositif énonciatif (personnes, temps verbaux, modalités, point de vue, discours rapporté) occupe la partie centrale du travail. En conclusion, les textes examinés sont replacés sous l’éclairage des projets d’écriture annoncés par Pourtalès.
Personnages féminins entourant des figures d’artistes : l’incompatibilité entre amour et art dans des romans et nouvelles du XIXè siècle (1830-1886).
Kaempfer, Jean
Dans les romans et nouvelles du XIXe siècle qui mettent en scène des artistes, les personnages féminins jouent un rôle important. Les femmes, et, de façon plus générale, l’amour, sont représentés comme étant incompatibles avec la création : soit l’art détruit la femme, soit la femme détruit l’art. L’analyse se concentre sur 14 textes qui vont de Balzac à Zola, et propose une typologie des personnages féminins rencontrés. Deux grands moments sont perceptibles : jusque vers 1860, la femme (qui se montre essentiellement inspiratrice ou maternelle ) est sacrifiée au profit de l’art ; passé cette date, avec les Goncourt, elle apparaît comme un être qui détruit l’artiste qu’elle accompagne. Elle est cupide, arriviste et séductrice. Le mariage est considéré comme étant néfaste à la création. Finalement, L’Œuvre de Zola est analysé comme étant une sorte de synthèse des divers personnages féminins des textes précédents.
Configuration de la Une : le discours de la presse écrite entre exigences de crédibilité, d’actualité et séduction du lecteur
Burger, Marcel
L’étude porte sur l’effet de captation engendré par les pages de titre de journaux. Il s’agit de voir comment le titre et l’illustration de la Une peuvent séduire le lecteur et quel contrat de lecture ils établissent. Pour cela, nous avons sélectionné un corpus de quotidiens et d'hebdomadaires présentant tous le même événement en couverture (attentats contre les Etats-Unis du 11 septembre 2001). Il s’agira donc de comprendre les effets produits et voulus par les instances de communication et de cerner le lectorat idéal auquel elles s’adressent. De plus, cette analyse nous permettra d'identifier les moyens de séduction mis en œuvre par les journaux dans un contexte relativement grave et face à une concurrence inhabituelle ne leur permettant pas de se distinguer par le choix du sujet figurant à la Une. Grâce à l’étude détaillée de ces Unes d’exception, étude où l’image prend une importance considérable, nous montrerons comment les médias tentent de déjouer la concurrence tant sur l’axe intramédias que sur l’axe intermédias dans le contexte de surinformation inhabituel mis en place par les médias audiovisuels le 11 septembre 2001. A travers ce travail, nous verrons comment la presse remplit la double fonction imposées aux médias, à savoir la visée civique consistant à informer et la visée économique commune à toute entreprise commerciale. Quels seront donc les choix adoptés par les quotidiens et hebdomadaires pour vendre malgré l'homogénéité de l’actualité au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 ? En conséquence, quels seront les moyens et les mots employés pour nommer l'innommable, dire le déjà-dit et montrer le déjà-vu ?
A une époque où l’image semble prédominer au sein d’une publicité de plus en plus omniprésente, pour ne pas dire envahissante, force est de constater que la composante textuelle reste fondamentale dans la conception des annonces publicitaires de presse écrite, cela notamment à travers le slogan. Notre travail porte précisément sur cette petite formule, bien souvent éphémère, qui arrive à captiver les regards et amuser les esprits. C’est dans le divertissement verbal que se trouve la pierre de touche du slogan publicitaire, et pour cause, nous nous sommes intéressés plus particulièrement au phénomène linguistique de l’ambiguïté. Notre mémoire se propose d’étudier les mécanismes qui permettent à ce phénomène inhérent à la langue d’être récupéré de manière ludique dans la presse publicitaire. A partir d’une synthèse théorique générale de l’ambiguïté dans la langue française, nous avons tenté d’élaborer une typologie qui rende compte de la spécificité des ambiguïtés publicitaires que nous avons analysées au travers d’un corpus de slogans issus de magazines et d’affiches urbaines. Cette analyse nous aura non seulement permis de mettre en évidence les différents éléments qui favorisent la perception et l’élucidation du jeu sur l’ambiguïté mais elle aura également contribué à discerner la stratégie publicitaire sous-jacente à l’émergence simultanée de deux sens.
Un parfum de scandale ou l’esthétique scatologique dans la littérature française du Nord du XIIe au XIVe siècle
Hicks, Eric
La question principale de ce travail était de savoir pourquoi des textes, que nous qualifions de scatologiques, ont été écrit plus de sept siècles en arrière ? D’autant que ces derniers nous choquent, nous, lecteurs qui nous pensons comme modernes. Or, si nous postulons que toute littérature est un cri, la question est de savoir qui crie, pour quelle raison et par-dessus tout à qui ce cri s’adresse-il ? Peut-être que l’être humain, d’une manière générale, se faisant fi de toutes barrières spatio-temporelles, ne peut tout simplement pas gérer au niveau symbolique ses excrétions sans recourir à tout un faisceau de tabous — au sens aussi bien de sacré que d’interdit — et que nous retrouvons de manière prégnante ce phénomène au sein de la littérature médiévale. En effet, nos ancêtres semblent avoir eu une vision bien plus saine de la joyeuse matière si chère à Rabelais. C’est pourquoi nous nous sommes efforcés de cerner ces textes, leurs contextes d’énonciations ainsi que leurs significations. Or, que constatons-nous ? L’époque médiévale semble jouir d’une relative liberté face à la matière fécale aussi bien solide que gazeuse. Nous la mettons en situation pour mieux en jouer et en rire. En revanche, la diarrhée — qui par sa liquidité se rattache au niveau symbolique à l’urine — est connotée de manière négative. Nous sommes confrontés là non au corps joyeux qui excrète un trop plein mais au corps souffrant qui se vide et se meurt. Un changement radical de mœurs va intervenir au XVIe siècle et faire glisser tout le corpus scatologique dans cette nouvelle catégorie littéraire fourre-tout que va être la pornographie.
Jardins d’Hiver et de Papier : regards croisés sur le jardin d’hiver dans le Paris et la littérature fin-de-siècle : un espace entre science et imaginaire
Reichler, Claude et Philippe Junod
La présente étude repose sur le désir de mieux comprendre la profonde dichotomie séparant les jardins d’hiver édifiés dans le Paris de la fin du XIXe siècle de leurs homologue « de papier » créés par des auteurs contemporains tels Zola, Huysmans ou Rachilde : il s’agit d’appréhender le rapport apparemment antinomique que ces serres littéraires , monstrueuses et repoussantes, entretiennent avec ce qui est alors considéré comme l’un des fleurons en matière de science et d’esthétique. Aussi la problématique autour de laquelle s’articule ce mémoire se veut-elle double, puisqu’elle envisage, au travers du motif du jardin d’hiver, d’une part les résonances et la vision au sein de quelques romans de la Fin-de-Siècle d’une époque dominée par le scientisme et, d’autre part, l’inscription de cette même littérature dans son contexte social. En s’intéressant au rôle dévolu aux jardins d’hiver parisiens dans la relation triangulaire entre science, nature et société, il apparaît alors que ces derniers, au travers des théories et des pratiques qui les sous-tendent, ne sont pas sans receler nombre d’ambiguïtés et de doutes dont le discours officiel ne rend pas compte, mais que les serres de la Fin –de-Siècle s’ingénient précisément à mettre en lumière. La mise en place d’une perspective comparatiste – entre littérature et histoire de l’art et, plus généralement, histoire sociale - permet de constater comment les serres littéraires tour à tour prennent le contre-pied des jardins d’hivers réels ou agissent comme un révélateur à leur égard, témoignant ainsi de la posture éminemment ambivalente entretenue par a Fin-de-Siècle avec son époque.
Hypertextualité ou intertextualité ? Voltaire et Jean Cocteau réécrivent l’Œdipe-Roi de Sophocle.
Heidmann, Ute
L’objet de ce mémoire est le phénomène de la « réécriture ». Ce terme est souvent utilisé pour caractériser les textes qui empruntent un sujet ou une intrigue, par exemple, à un texte antérieur. Comparer un texte à celui qu’il réécrit ne peut se limiter à un relevé des similitudes et des différences. Pour que la comparaison révèle des éléments essentiels des textes, la prise en compte de la relation intertextuelle est importante. Ce travail propose de faire de l’intertextualité un outil pertinent pour l’analyse comparée des discours. L’examen de la terminologie que Genette développe dans Palimpsestes conduit à écarter la notion d’hypertextualité au profit de celle de relation graduelle d’intertextualité. Afin de préciser son rôle dans la constitution des textes, cette étude compare les relations intertextuelles d’Œdipe de Voltaire, d’Œdipe Roi et de La Machine infernale de Jean Cocteau par rapport à l’Œdipe Roi de Sophocle. L’étude porte sur la dramaturgie, la structure narrative des intrigues et la comparaison des épisodes, qui permettent de dégager la singularité des quatre mises en texte du mythe d’Œdipe.
Dialogues sur l’Allemagne et l’avenir de l’Europe de l’entre-deux-guerres. Correspondances de Guy de Pourtalès avec Hermann von Keyserling et Stefan Zweig.
Jakubec, Doris
Ce mémoire est une présentation des correspondances de Guy de Pourtalès, écrivain franco-suisse, avec le philosophe germano-balte Hermann von Keyserling et l’écrivain autrichien Stefan Zweig. La configuration et les recherches qui ont été entreprises pour mener à bien ce travail sont celles que demande un travail d’édition : les lettres inédites ont été retranscrites en respectant au mieux leur mise en page et en suivant des règles de retranscription en usage. Les correspondances sont, d’une part, précédées d’une partie importante de présentation de leurs contextes d’énonciation et des perspectives de lecture, et sont suivies d’une synthèse ; d’autre part, elles sont accompagnées de notes de bas de page et de textes de liaison facilitant leur lecture. Situé dans le domaine de l’histoire des idées, ce mémoire met en évidence, au moyen de la comparaison, la résistance à la décadence culturelle, morale et spirituelle de l’Europe – point commun aux trois auteurs étudiés –, mais tout en insistant sur les différences dans l’attitude de chacun, dues à des origines diverses et à des destins particuliers. Des visions de l’Europe différentes y sont donc confrontées. En outre, le rapport particulier et différencié entretenu par chaque auteur avec l’Allemagne est mis en évidence et est analysé. Ce travail propose également, par l’intermédiaire de Guy de Pourtalès, de réfléchir à la place de la Suisse dans l’Europe de l’entre-deux-guerres et à sa valeur de modèle du fédéralisme pour une part des contemporains pensant l’Europe.