"Monsieur Vénus" de Rachilde (1884) : un siècle de lectures perverses. Etude de réception sur l'usage successif d'un texte dans le temps et l'espace
Escola Marc ; Kunz Westerhoff, Dominique
Ce mémoire sur "Monsieur Vénus" de Rachilde est consacré à l'étude synchronique puis diachronique de la réception de ce court roman pornographique fin-de-siècle. Ce dernier a fait scandale de plusieurs manière : non seulement a-t-il été écrit par une jeune femme, mais en plus met-il en scène des relations sexuelles entre une aristocrate dominante et masculine et un jeune ouvrier efféminé et soumis. La structure elliptique de ce roman pornographique – qui n'en est pas un à nos yeux avertis – en fait un texte dont il est facile de faire usage et qui suscite de multiples réappropriations au fil de l'histoire du féminisme et de la pensée du genre. C'est ainsi que ce roman écrit par une autrice antiféministe devient un texte qui influencera énormément, aux États-Unis, la critique "queer" et qui résonne à l'aune des conceptions du genre les plus contemporaines.
Ecologie dans le théâtre : une notion à choix multiples
Michel, Lise
Ce travail enquête sur la diversité des démarches écologiques dans les pratiques du théâtre romand entre 2018 et 2022. Après avoir explicité les différentes acceptions de la notion d’écologie, il ébauche un panorama des formes que prend l’écologie dans le théâtre romand en identifiant, sur la base des catégories utilisées par Julie Sermon, trois types de démarches. Il propose ensuite une analyse plus spécifique de trois créations suisses : "Notre Cabane" par Maria Da Silva, "Une Rose et un balai" par Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier et "Temple du présent - Solo pour Octopus" par Stefan Kaegi.
« Enchanter, intéresser, faire fondre en larmes tout Paris » : le tournant sensible et moral du merveilleux féérique, de la Comédie-Italienne aux boulevards (1762-1789)
Michel, Lise
Ce mémoire étudie les enjeux dramaturgiques et scénographiques du tournant sensible et moral du théâtre féérique qui se réinvente sur les scènes de la Comédie-Italienne et des boulevards dans les années 1760-1780, notamment en réaction aux critiques du merveilleux scénique par les philosophes des Lumières.
"Fiction et Tabou". L'hybridité et la bestialité humain-animal dans la littérature (1785-1935)
Kunz Westerhoff, Dominique
La pensée occidentale a, dans son histoire, privilégié une nette séparation entre l'humain et la nature, mais aussi entre l'humanité et l'animalité. La dignité de l'homme s'est inscrite par comparaison avec la nature animale et dans l'exploitation de cette dernière. Le XIXe siècle offre un cadre d'analyse précieux, puisque l'émergence des abattoirs, l'industrialisation du bétail et l'essor des animaux domestiques constituent autour de phénomènes qui placent plus que jamais l'animal comme l'objet aux mains d'un acteur humain, maître de la nature.
Le même siècle connaît une autre révolution, de caractère épistémologique, à travers la théorie évolutionniste propagée dès 1859 par Charles Darwin. La thèse que défend le naturaliste britannique replace l'humain au sein de la dynamique de la nature et invite à considérer l'empreinte animale qui reste prégnante au sein de l'homme.
Plusieurs œuvres littéraires mettent en relief cette dichotomie à travers des figures d'hybrides et des séquences de bestialité. Ce mémoire interroge divers auteurs, notamment Sade, Lautréamont et Lovecraft, qui explorent à travers les fictions les différentes modalités du rapport entre l'humain et l'animal. En questionnant la place et la fonction de l'hybridité et de la bestialité dans ces œuvres, le mémoire offre une pluralité de discours sur l'ontologie humaine, démontrant qu'entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XXe siècle s'est joué une profonde et riche réflexion sur les limites existentielles et éthiques accordées à l'espèce humaine.
Aujourd’hui, Antoine de Saint-Exupéry est surtout connu pour l’œuvre qui est la plus vendue et la plus traduite à travers le monde après la Bible, "Le Petit Prince". Si ce texte est indéniablement l’une des œuvres les plus importantes du XXIe siècle, il n’est en réalité que la pointe de l’iceberg de l’ensemble de la pensée Saint-Exupérienne. L’aviateur est très constant dans son écriture, travaillant un nombre important de sujets du premier au dernier livre, de ses premiers écrits (1910) au dernier (1944). L’une des raisons de cette constance est l’essence même de l’écrivain, qu’il ressent lui-même toute sa vie et qu’il sait profondément indicible. Il comprit rapidement que la réalité son expérience vécue ne pouvait être fausse, et donc que c’est sa compréhension du monde, par le langage, qui devait le tromper. Ainsi de livre en livre, l’auteur formula de nouveaux langages pour mieux exprimer sa réalité, jusqu’à écrire "Le Petit Prince". Sous ses aires de conte pour enfants innocent, il représente en réalité la forme la plus aboutie, la plus épurée du langage de Saint-Exupéry, et contient l’essentiel de toute son œuvre. Dans son essence, "Le Petit Prince" raconte l’histoire d’Antoine de Saint-Exupéry. L’auteur condense toute son œuvre dans ce récit. Il y met ses amours, ses craintes et ses réflexions.
Marcel Gotlib : la parodie langagière au service de l’humour à travers la "Rubrique-à-brac" et l’œuvre d’un auteur.
Corbellari, Alain
Marcel Gotlib est un auteur dont le style linguistique reste peu exploré par la recherche. Figure importante d’un nouveau mouvement de l’humour dans la bande dessinée française, Marcel Gotlib participe à un renouvellement du genre. Ce mémoire a pour but d’explorer les différents procédés de parodie langagière présents dans « La Rubrique-à-brac », mais également d’autres œuvres de l’auteur. Ainsi, ce travail présente la manière dont Gotlib présente son amour, non seulement au travers d’une représentation graphique très expressive, mais principalement à travers le fonctionnement de la langue. Le mémoire propose une analyse de l’humour gotlibien, en s’attardant sur les « parlures », l’absurde, les exagérations, les calembours, les répétitions, et les imitations de langage. Une seconde partie est consacrée à une étude de la parodie de genre au travers des outils linguistiques, tels que les classiques de la littérature, le langage scientifique et le cinéma. Une troisième partie se concentre sur la parodie du narrateur, permettant ainsi une grande diversité dans l’adresse aux lecteurs. Finalement, le travail propose une ouverture sur un thème plus nuancé dans la parodie : l’enfance. Revenant sur des évènements tragiques de sa jeunesse durant la Seconde Guerre mondiale, ce thème est parfois, pour l’auteur, l’occasion de délaisser la parodie pour laisser place à la tragédie. Ainsi, Gotlib se révèle en maître de l’humour et de ses codes, parfois poussé dans ses retranchements, jusqu’à laisser entrevoir les traits d’un auteur à l’enfance tragique et à une vie marquée de pertes tragiques et de grandes phases de dépression.
Etonnement théâtral, étonnement philosophique : philosopher avec les enfants à partir des spectacles jeune public.
Michel, Lise et Schniewind, Alexandrine
Le mémoire propose un modèle d’atelier pratique de philosophie avec des enfants à partir de spectacles de théâtre jeune public. Après une étude théorique, il propose une analyse critique du déroulement d’un atelier qui a pu être mis en place à l’issue de trois spectacles auprès du public du Petit Théâtre de Lausanne au cours de l’année 2022.
"La grâce de Dieu est comme le vent: elle chasse les mauvaises odeurs..."Étude de l'olfaction religieuse dans les contes et légendes de Suisse romande (XIXème-XXIème siècles)
Wahlen, Barbara et Borloz, Sophie-Valentine
Ce mémoire porte sur l’olfaction religieuse dans les contes et légendes romands entre le XIXe et le XXIe siècles. L’odeur constitue un moyen privilégié pour révéler les enjeux moraux propres aux récits étudiés, interprétables par leur intégration dans le contexte chrétien. Dans le même temps, l’élément olfactif est également un axe particulièrement efficace dans la mise au jour des modes d’existence et de fonctionnement du surnaturel dans les contes populaires romands. Cette intrication entre morale chrétienne et expression du surnaturel est au cœur du fonctionnement des éléments olfactifs dans les récits romands et se déploie ainsi tout au long de la recherche. La première partie constitue une étude transversale du corpus dressant une typologie générale des manifestations olfactives dans les récits populaires romands, interrogeant à la fois les éléments odorants et la nature de leurs exhalaisons. La seconde partie, qui adopte une perspective plus littéraire et narratologique, analyse les fonctions des odeurs dans l’économie du récit, en insistant sur leur caractère éminemment signifiant.
La communication publicitaire d’une marque de luxe à l’ère digitale : le sac Lady Dior
Burger, Marcel
Les réseaux sociaux sont devenus des outils omniprésents dans la communication de notre société moderne, notamment à travers les applications comme Whatsapp, qui permet des discussions et des appels instantanés entre les individus. Alors que les conversations quotidiennes deviennent de plus en plus digitalisées, d’autres plateformes numériques ont étendu leur usage à des fins publicitaires spécifiques. Prenons pour exemple Instagram, qui par sa portée mondiale et ses milliards d’utilisateurs.trices s’avère être aujourd’hui un moyen incontournable pour les marques afin de construire une publicité digitale interactionnelle et attrayante. Les marques de luxe, plus précisément, investissent dans ce réseau social pour adapter leur communication à l’air du temps et diffuser leur image et identité de marque dans le but de séduire leur public cible pour inciter un acte d’achat. Ce mémoire s’intéresse à la communication publicitaire de la marque Dior pour la promotion d’un sac iconique sur Instagram en l’appréhendant par une analyse multimodale afin de faire ressortir les marqueurs multimodaux que l’on peut associer à la stratégie communicationnelle de la marque. Les résultats obtenus soulèvent que Dior opte pour une publicité complexe et spécifique qui reste proche de son univers luxueux auquel elle fait sans cesse allusion par différents moyens, tout en s’adaptant à la multimodalité présente sur Instagram.
La narration comme terrain de jeu. Étude des dispositifs (vidéo)ludiques et de leurs effets narratifs dans La nuit je suis Buffy Summers et Corpus Simsi
Pante, Isaac
Ce mémoire propose une analyse comparée des dispositifs ludiques mobilisés par deux œuvres de Chloé Delaume ainsi que leurs effets narratifs : « La nuit je suis Buffy Summers », en tant que livre-jeu, et « Corpus Simsi », en tant que journal du jeu vidéo « Les Sims ». En explorant le domaine ludique dans sa démarche littéraire, Chloé Delaume investit d’autres formes de narrativités telles que le récit à embranchements et les amorces narratives laissées à l’état de potentialité. Cet investissement du domaine (vidéo)ludique a permis à Chloé Delaume de mettre en place un trope dans sa production littéraire : une réflexion sur la fiction et le réel au prisme de la littérature.
La demoiselle d'Escalot. Etude textuelle et iconographique du personnage dans "La Mort Artu"
Wahlen, Barbara
Cette étude, qui emploie à la fois l’analyse textuelle et iconographique, cherche à démontrer l’importance de la demoiselle d’Escalot dans "La Mort Artu", roman du XIIIe siècle qui conclut le cycle arthurien en prose du "Lancelot-Graal". Les programmes iconographiques des manuscrits enluminés (XIIe-XVe siècle) constituent l’un des éléments qui prouvent la singularité de ce personnage. Victime de la fatalité, la demoiselle d’Escalot, est une des figures qui incarne le dérèglement du code courtois qui frappe le royaume de Logres lorsque prennent fin les temps aventureux. Grâce à diverses entreprises de réécritures, ce personnage accède à la postérité, en particulier dans le monde anglo-saxon.
Féminisme et militantisme sur les réseaux sociaux : Comment les comptes Instagram dénoncent-ils les discours sexistes prononcés lors d’événements politiques (débats, interviews, conseils municipaux) ?
Burger, Marcel
Ce travail a pour objectif d’analyser des dénonciations publiques de discours sexistes prononcés lors d’événements politiques français (interviews, conseils municipaux, débats politiques) publiées par quatre comptes Instagram : « period.studio », « preparez_vous_pour_la_bagarre », « camilletjustine » et « les_coquettes_off ». Il s’agit de quatre communautés en ligne francophones, engagées et féministes qui, à travers leurs diverses publications, dénoncent, à leur manière, des propos problématiques de politiciens (Khalifé, Darmanin) et d’une journaliste politique (Laurence Ferrari). Cet écrit prétend à comparer, par le biais d’une analyse à la fois discursive (différents niveaux discursifs), énonciative (embrayage/ désembrayage énonciatif et modalités énonciatives) et multimodale (affordances et modes), les structures des dénonciations publiques postées sur Instagram et leur prise en charge par les communautés en ligne militantes sur Instagram.
Le fonctionnement de l’espace dans le théâtre de Samuel Beckett
Chaperon, Danielle
Le fonctionnement de l’espace dans les pièces de théâtre de Samuel Beckett révèle d’un grand intérêt et marque une rupture avec le théâtre classique. Les personnages, qui se savent parfois observés, se font manipuler, soit directement, soit indirectement par des instances tant visibles qu’invisibles. Les didascalies, telles un narrateur, imposent aux personnages les confins de l’espace dans lequel ils peuvent agir. En parallèle, dans les espaces plus exigus, les personnages appliquent les mêmes contraintes sur des objets, et même sur d’autres personnages. Ainsi, les rapports au monde diégétique et au monde dramatique, tant scénique qu’extrascénique, se retrouvent mis en parallèle et obéissent aux mêmes jeux de domination. Ce mémoire a pour objectif de considérer l’œuvre de l’auteur irlandais de manière transversale afin de démontrer que certains phénomènes se répliquent d’une œuvre à l’autre, soulignant ainsi une continuité du traitement de l’espace.
"L’enfant de sable" et "La nuit sacrée" de Tahar Ben Jelloun : Le récit d’une identité impossible
Le Quellec Cottier, Christine
Ce travail possède pour objectif d’analyser le diptyque littéraire « L’enfant de sable » (1985) et « La nuit sacrée » (1987), deux œuvres majeures de l’auteur franco-marocain Tahar Ben Jelloun, en se focalisant sur la notion d’identité. Cette dernière réside au cœur des intrigues romanesques, puisque chacun des romans aborde la trajectoire de vie du personnage principal, né sous le signe d’un conflit identitaire inconciliable. Inspiré d’un fait divers authentique, « L’enfant de sable » raconte l’histoire folle d’un père qui fit de sa dernière fille, un garçon. L’intrigue est orientée autour de l’existence de cet enfant, se prénommant Ahmed, jusqu’à sa vie de jeune adulte. « La nuit sacrée » reprend et continue cette intrigue mais cette fois-ci Ahmed n’est plus, il est devenu ou redevenue Zahra. Ce second roman s’intéresse à la quête du personnage, désireux de retrouver la féminité dont il a été privé.
La problématique de ce travail propose l’hypothèse suivante ; la problématique identitaire inhérente au contenu des intrigues se reflète également sur la structure de ces dernières. Par des moyens différents pour chacun des romans, l’instabilité identitaire du personnage dans la fiction se répercute sur la forme de cette dernière créant, de ce fait, une instabilité structurelle. L’analyse de ses œuvres se déroule ainsi sur deux versants mis en parallèle, une analyse narrative liée à une dimension thématique, et une analyse méta-narrative liée à une dimension formelle. Les conclusions de cette étude permettent de relever que cette alliance du fond et de la forme, par rapport à la question d’une identité en péril, se retrouve aussi dans un autre roman de l’auteur « La nuit de l’erreur » (1997). Cette ultime œuvre fait l’objet d’une courte analyse dans la dernière partie de ce travail, tentant de mettre en lumière les liens unissant ces trois romans.
Représenter les personnages féminins dans le drame romantique : entre conformisme et individualisation. Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne [1834] et George Sand, Gabriel [1839], à la lumière de As You Like It [1600] et Twelfth Night, Or What You Will [1602] de Shakespeare.
Ponzetto, Valentina
Mon sujet porte sur les héroïnes dans le drame romantique et sur la façon dont les dramaturges les ont construites. Ainsi, j’ai centré l’analyse comparative des œuvres de mon corpus sur l’intertextualité avec deux comédies de Shakespeare, « As You Like It » et « Twelfth Night », qui jouent un rôle essentiel dans cette construction. J’ai ainsi défendu la thèse selon laquelle l’aspect anticonformiste des héroïnes de « Gabriel » et « Les Caprices de Marianne » est imprégné de l’empreinte shakespearienne et notamment la notion d’harmonie des contraires évoquée par Victor Hugo dans la préface de « Cromwell ». Il s’agissait donc de comprendre comment cette notion, présente dans le drame romantique et héritée de Shakespeare, a été interprétée par les dramaturges romantiques dans le sens d’un déplacement des frontières entre les genres, les registres et les styles, en matière de conventions et de distinctions sociales. La structure même du plan de mon mémoire visait à montrer que l’anticonformisme des personnages de Gabriel et Marianne intègre des éléments des personnages de Rosalind et Viola. Cela inclut la construction des stéréotypes (définir un univers, des personnages avec leurs idéologies, une société choisie autour de ces héroïnes), leur mise en tension par le processus du travestissement (dualité identitaire), ainsi que les possibilités de leur déconstruction.
Se dire politicienne, Construction d'un ethos discursif de "femme politique" dans les discours de la suffragiste suisse, Gertrude Girard-Montet (1968-1971)
Pahud, Stéphanie
Durant les trois années précédant la date historique de 1971, des discriminations liées au genre pèsent particulièrement sur les femmes suisses qui tentent, à ce moment-là, d’obtenir le droit de vote. Le genre, qui établit alors un ordre symbolique en organisant l’univers privé et public par l’attribution à chacun et à chacune d’un rôle dans le champ social et familial ou encore politique et intellectuel, impose une hiérarchie et fait subir aux femmes trois types de violences : structurelle, qui dénie un droit ; symbolique, qui exclut d’un espace ; verbale, qui méprise le féminin. Afin de s’introduire dans l’espace du pouvoir, jusque-là réservé aux hommes, les femmes suisses ont donc dû s’imposer dans un univers public qui leur était hostile. Comment ces dernières ont-elles fait reconnaître leur droit en tant que citoyennes à part entière ? Quelles sont les stratégies discursives qui leur ont permis de faire entendre leurs revendications sans être décrédibilisées ?
Afin d’apporter des éléments de réponse à ces questions, nous étudierons plusieurs discours et déclarations d’une suffragiste, active au sein de plusieurs comités en faveur du droit de vote des femmes, Gertrude Girard-Montet, et analyserons l’ethos discursif, c’est-à-dire l’image qu’elle construit d’elle-même, au sein de ses discours. Présidente centrale de l’Association suisse pour le suffrage féminin (ASSF) à partir de 1968, Gertrude Girard-Montet se doit de formuler des discours dans divers contextes et d’utiliser les moyens de communication publique pour s’adresser à la population suisse, mais aussi aux hommes politiques de ce pays. En effet, à partir de 1968, jusqu’à la votation du 7 février 1971, date à laquelle les suissesses obtiennent le droit de vote et d’éligibilité sur le plan fédéral, la présidente centrale de l’Association intervient dans les médias, mais également lors d’assemblées politiques.
A la lumière de cet exemple, nous observerons la construction discursive d’un ethos de femme politique, appellation foncièrement oxymorique à l’époque durant laquelle Gertrude Girard-Montet s’investit publiquement en faveur du suffrage féminin. Ainsi, nous analyserons comment Gertrude Girard-Montet offre une représentation nouvelle : celle d’une femme investie dans l’espace politique et publique.
Entre hommage et enquête : les usages littéraires du portrait photographique dans "La Place" d'Annie Ernaux, "Mécanique" de François Bon et "Atelier 62" de Martine Sonnet
Lachat, Jacob
L' enjeu du présent travail réside dans la conviction que, dans les textes de mon corpus, qui, tous, interrogent la figure du père, le portrait photographique représente un opérateur par lequel s’effectue une généralisation de l’expérience paternelle. En d’autres termes, il s’agit de se demander comment Annie Ernaux, François Bon et Martine Sonnet se chargent d’attribuer une épaisseur sociale et historique à des portraits personnels a priori ordinaires. Il semblerait en effet que nos trois auteurs mettent en place des dispositifs textuels complexes où la photo personnelle produit une généralisation du père et, partant, une mise
à distance du souci proprement singularisant qui structure ce qu’on a pris l’habitude d’appeler avec Dominique Viart le « récit de filiation ». Plus précisément, mon étude, menée de façon monographique, se confronte à la question suivante : comment écrire un récit de filiation en maintenant un équilibre entre l’hommage personnel et la contextualisation socio-historique ? Comment, en somme, l’attention accordée au portrait photographique permet à nos auteurs de faire tenir ensemble une généralisation de l’expérience paternelle et un souci singularisant qui correspond plus proprement aux enjeux émotionnels du récit de filiation. Aussi il ne s’agit pas de tirer entièrement nos analyses du côté des sciences sociales – les textes de notre corpus ne sont pas des études sociologiques –, mais plutôt de se demander en quoi l’opération de généralisation qui structure nos œuvres s’incarne par les spécificités propres à chacun de nos dispositifs textuels. Si l’intérêt manifesté à l’égard du portrait relève à la fois du sociologique et de l’affectif, il convient surtout d’observer comment s’enchevêtrent, au sein de mon corpus, l’explicatif et le descriptif, l’historique et le mémoriel.
Réécrire "La Belle et la Bête" de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont en littérature de jeunesse contemporaine : adaptations et réimaginations à la lumière des fonctions de personnages
Wahlen, Barbara
Depuis sa publication en 1756, le conte de « La Belle et la Bête » de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont n’a cessé de se réinventer, d’explorer de nouvelles formes, de métamorphoser ses personnages et leurs ambitions. Reprenant lui-même les éléments du « Mythe d’Éros et Psyché », rédigé au deuxième siècle de notre ère par Apulée, ce texte est en constante évolution et occupe, aujourd’hui encore, une place centrale en littérature de jeunesse. Albums illustrés, bandes dessinées, romans, mangas ou encore séries télévisées, les réécritures de « La Belle et la Bête » ne manquent pas et continuent de faire exister cette histoire maintes fois revisitées. Il est alors intéressant de s’interroger sur la manière dont on écrit aujourd’hui ce conte. Sur la base d’un corpus composé de nombreuses réécritures de « La Belle et la Bête », destinées aussi bien aux jeunes enfants qu’aux adolescents, adolescentes et jeunes adultes, ce travail entreprend d’étudier la représentation des différents personnages de l’intrigue de Madame Leprince de Beaumont, à travers des œuvres diverses. Ce faisant, il se propose d’analyser les évolutions de ce texte en littérature de jeunesse contemporaine, les enjeux qui motivent ces réécritures, à partir de ce que le folkloriste Vladimir Propp nomme « fonctions de personnages ». Ce sont ainsi deux types d’œuvres qui nous intéressent ici : d’un côté, les « adaptations », entretenant un lien étroit avec le conte de Madame Leprince de Beaumont – revendiqué souvent dès la couverture – , de l’autre, les « réimaginations », qui s’en éloignent pour explorer de nouvelles voies.
L’infidélité de Guenièvre : l’orchestration d’un féminicide
Wahlen, Barbara
L’adultère est indissociable du personnage de Guenièvre. Dès ses origines, la reine de Logres est poussée par la narration dans d’autres bras que ceux de son époux ; à tel point que certain·es théoricien·nes s’arrêtent à cet aspect de la figure littéraire. Dans son ouvrage « Les grandes oubliées : Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes », Titiou Lecoq prétend que : « Guenièvre, elle ne fichait pas grand-chose, à part bécoter Lancelot ». Jean Markale, lui, va jusqu’à donner au personnage le nom de « Prostituée Royale ».
Cette interprétation de l’histoire littéraire de la reine est, selon nous, lacunaire. Dans notre corpus qui comprend les « Lancelot I-V » des Lettres gothiques ainsi que « La Mort du roi Arthur », Guenièvre est bien plus que l’adultéresse qui entraine le royaume de son époux vers la chute. À vrai dire, son agentivité est parfois si grande que la raison de sa condamnation au bûcher dans « La Mort du roi Arthur » nous semble discutable. L’infidélité n’est pas le seul reproche adressé à la reine. Accusée d’usurpation, de meurtre et de trahison, Guenièvre est victime d’un acharnement masculin qui tend vers le féminicide. Le meurtre de la femme comme outil de contrôle est une arme brandie contre Guenièvre qui, grâce à Lancelot, quitte ponctuellement son rôle de reine et d’épouse. Celle qui fait chevalier et dirige des hommes est une véritable menace pour l’ordre patriarcal établi. Ce n’est pas seulement l’adultéresse qui est menée à la mort sans jugement, c’est aussi la reine dont le pouvoir symbolique et réel peut faire de l’ombre, voire renverser, celui des hommes. Notre hypothèse est que l’infidélité de la reine est un prétexte misogyne à l’élimination d’une sérieuse menace féminine.
Sartre autobiographe : enjeux de posture auctoriale autour des "Mots"
Meizoz, Jérôme
De par sa dimension critique et contestataire, "Les Mots" de Jean-Paul Sartre est un récit original occupant une place singulière dans la pratique autobiographique du XXème siècle.
Si les particularités de ce texte ont déjà fait l’objet de conséquentes analyses critiques, il
semble néanmoins que celui-ci n’ait été que plus rarement considéré dans une perspective de sociologie de la littérature, notamment eu égard à son influence sur la construction d’une posture d’auteur originale. Ce travail se propose précisément d’examiner le geste autobiographique sartrien au prisme de son influence sur l’image de son auteur. La réflexion s’appuie principalement sur la confrontation discursive entre "Les Mots" de Jean-Paul Sartre et certains des entretiens accordés en marge de cette publication, sélectionnés pour leur apport sur la thématique du récit de soi. Elle emprunte aux apports théoriques et méthodologiques de l’analyse du discours et à de récents travaux autour de la question de la posture d’auteur, tout en se nourrissant d’études critiques embrassant des perspectives très diverses (études thématiques et structurelles, génétique des textes, pragmatique textuelle).
Dans un premier temps, ce travail examine les raisons motivant la réticence de Sartre à l’égard de l’écriture de soi, tout en montrant que cette dernière occupe paradoxalement une place centrale dans son œuvre. Il s’emploie ensuite à mettre en lumière les conditions de possibilité du geste autobiographique sartrien. Certains des choix textuels opérés par l’écrivain sont dans un second temps appréhendés au prisme de leur influence sur la construction d’une posture auctoriale singulière. Finalement, la confrontation interdiscursive du texte des "Mots" avec un corpus contrastif d’entretiens permettra de réexaminer la posture auctoriale sartrienne selon trois axes : l’impératif d’authenticité, la notion d’universel singulier, et enfin le rapport ambivalent entretenu avec la littérature.
L’anthropomorphisation des paysages dans la littérature française. Du roman réaliste à l’écoféminisme contemporain, 1834 – 2019.
Kunz Westerhoff, Dominique
Alors que les anthropomorphismes, soit les attributions de propriétés et caractéristiques humaines au non-humain, accompagnent l’évolution de l’humain dès la préhistoire, ceux-ci perdurent, étant particulièrement identifiables dans les créations artistiques. Leurs occurrences concernant les représentations paysagères en littérature n’ont cependant été que ponctuellement étudiées. Or, l’anthropomorphisation des paysages entrelace divers enjeux socio-culturels, stylistiques, transgénériques, mais aussi ontologiques.
Cette étude non-exhaustive explore alors la potentialité d’une évolution stylistique, structurelle et sémiotique de l’anthropomorphisation des paysages dans la littérature française du XIXe au XXIe siècles, autour du moment névralgique de la modernité – moment d’une redéfinition de l’humain, en considérant l’œuvre de quatre écrivains : Honoré de Balzac, Émile Verhaeren, Marie Darrieussecq et Aurélie Foglia.
L’analyse du corpus révèle deux configurations signifiantes de la forme littéraire : celle d’un environnement anthropomorphe « paysagé » et celle d’un environnement anthropomorphe « paysageant ». L’inscription socio-culturelle de ces deux configurations diffèrent : la première repose sur un anthropocentrisme certain, alors que la seconde, plus critique, permet l’exploration et l’expression d’un certain allocentrisme, voire d’un biocentrisme. Les deux genres littéraires considérés : le roman et la poésie se révèlent inégaux quant à la dimensionnalité de l’anthropomorphisation paysagère – la poésie proposant une plus grande complexité de cette forme et demandant ainsi un engagement du lectorat plus conséquent.
La fabrication du réel dans les récits d’enquête contemporains : paradoxes de la quête d’un savoir authentique et modalités de réception. L’Adversaire d’Emmanuel Carrère, L’Inconnu de la poste de Florence Aubenas, Claustria de Régis Jaufrret et Laëtitia ou la fin des hommes d’Ivan Jablonka.
Caraion, Marta
Ce travail interroge les paradoxes qui sous-tendent la représentation du réel dans quatre récits d’enquêtes contemporains. L’Adversaire d’Emmanuel Carrère, L’Inconnu de la poste de Florence Aubenas, Claustria de Régis Jaufrret et Laëtitia ou la fin des hommes d’Ivan Jablonka engagent le lecteur dans une investigation immersive sur les lieux du crime pour porter sur les faits un savoir neutre et authentique. Or, les discours que les auteurs mettent en avant, de même que leurs stratégies d’approche du réel comportent de nombreuses contradictions. Il s’agira, d’une part, de s’intéresser aux présupposés de vérité et d’attestation de ce type de littérature qui revendique sa factualité. D’autre part, nous interrogerons les contradictions formelles et discursives des textes ainsi que leurs modalités de réception, c’est-à-dire, les réactions et les attentes que la prise en charge du discours auctorial cherche à induire chez le lecteur.
L'architecture dans les écofictions cataclysmiques
Kunz Westerhoff, Dominique
Quand les éléments naturels se déchaînent, l’architecture menace de ne plus nous protéger. Cet amer constat n’échappe pas aux écofictions cataclysmiques: les abris construits, investis ou recherchés par les protagonistes y sont légion et multiformes. En choisissant “Terminus Radieux” de Volodine, “Viendra le temps du feu“ de Wendy Delorme, “Tè Mawon” de Michael Roch et “La Horde du Contrevent“ d’Alain Damasio, je m’attache à montrer comment ces écrivains thématisent régulièrement la fonction protectrice des édifices face aux désastres climatiques, tant d’un point de vue narratif qu’esthétique. Il est ensuite question de définir dans quelle mesure les cataclysmes écologiques métamorphosent l’élaboration architecturale imaginée par l’écrivain; ce dernier y intègre-t-il une couleur fondamentalement utopique ou dystopique? Les édifices imaginés se révèlent en effet être le cœur de réflexions socio-politiques et écosystémiques. J’ai voulu enfin faire l’hypothèse, grâce au concept du Moi-peau de Didier Anzieu, que la représentation de l’architecture diégétique dans notre corpus recèle une symbolisation singulière: la perméabilité ou l’imperméabilité des murs, leurs matériaux, la façon dont ils délimitent l’intérieur et l’extérieur, leur capacité à filtrer ou non l’environnement, sont des paramètres parmi d’autres permettant de dessiner l’enveloppe psychique et de la mettre en jeu dans un récit. Par un glissement métaphorique, la peau des bâtiments deviendrait alors le lieu idéal pour expérimenter les délimitations du Moi.
Le faucon et le pinson : une analyse des pastourelles du XIIIe siècle par la recherche-création théâtrale
Doudet, Estelle
Les pastourelles du XIIIe siècle sont des poèmes narratifs, dialogués et chantés : un chevalier raconte sa rencontre avec une bergère et sa tentative de séduction. Elles ont à l’origine une visée comique, mais sont plus complexes qu’elles n’y paraissent. Aujourd’hui, les pastourelles alimentent le débat du consentement. Mon intérêt pour la variation des rapports entre le chevalier et la bergère m’a amené à réfléchir à une méthode de travail qui puisse rendre concrète cette diversité, en incarnant physiquement le langage du corps au travers du texte. Il m’a paru donc nécessaire de proposer une étude incarnée. J’ai analysé le jeu sexuel du chevalier qu’il propose ou impose à son interlocutrice, ainsi que le regard moderne que l’on pose sur ces textes et qui nous fait voir un viol.
Pour dépasser cette interprétation anachronique, la recherche-création permet d’une part de répondre aux besoins de corporalité des pastourelles afin de restituer la voix et les gestes des protagonistes. D’autre part, les réactions du public ne permettent pas une comparaison à celles des spectateurs du XIIIe siècle, mais autorisent des analogies et des réflexions sur les mutations des contextes et des formes d’interprétation. En outre, l’exposition au public met en tension l’analyse historique des sources et les enjeux de leur actualisation. La recherche-création apporte donc de nouvelles interprétations sur ce corpus en l’envisageant d’une manière à la fois historique et artistique.
Le motif du simulacre féminin dans la littérature du XIXe siècle : analyse de quatre modalités de substitution de la femme dans "Le Marchand de sable" d’Hoffmann, "La Vénus d’Ille" de Mérimée, "Arria Marcella" et "Spirite" de Gautier, et "L’Ève future" de Villiers de L’Isle-Adam
Kunz Westerhoff, Dominique
Ce travail examine la recrudescence du motif du simulacre féminin dans la littérature fantastique du XIXe siècle en s’appuyant sur un corpus de cinq œuvres, publiées entre 1816 et 1886, mettant en scène des figures de femme-simulacre (automate, statue, esprit, etc.) qui se substituent aux femmes humaines. L'analyse proposée s'articule autour de quatre déclinaisons du simulacre féminin : technique, fantasmatique, idéaliste et esthétique. Elle met en lumière la manière dont ces représentations spécifiques – qui s’accompagnent très largement d’une disqualification du sujet féminin original – cristallisent des angoisses engendrées par des bouleversements sociaux et idéologiques majeurs du XIXe siècle, tels que la révolution industrielle, la consolidation de la bourgeoisie comme classe dominante, ou encore la tension entre matérialisme et idéalisme romantique. À travers une étude approfondie des textes, ce travail révèle non seulement le fonctionnement de ces différentes formes de simulacres au sein des œuvres littéraires, mais également la façon dont elles métaphorisent des enjeux culturels plus larges. Ce faisant, il contribue à une meilleure compréhension de la manière dont la littérature fantastique du XIXe siècle a utilisé et détourné les représentations du féminin pour exprimer des peurs et des désirs profonds issus de la conscience masculine.