L’anthropomorphisation des paysages dans la littérature française. Du roman réaliste à l’écoféminisme contemporain, 1834 – 2019.
Kunz Westerhoff, Dominique
Alors que les anthropomorphismes, soit les attributions de propriétés et caractéristiques humaines au non-humain, accompagnent l’évolution de l’humain dès la préhistoire, ceux-ci perdurent, étant particulièrement identifiables dans les créations artistiques. Leurs occurrences concernant les représentations paysagères en littérature n’ont cependant été que ponctuellement étudiées. Or, l’anthropomorphisation des paysages entrelace divers enjeux socio-culturels, stylistiques, transgénériques, mais aussi ontologiques.
Cette étude non-exhaustive explore alors la potentialité d’une évolution stylistique, structurelle et sémiotique de l’anthropomorphisation des paysages dans la littérature française du XIXe au XXIe siècles, autour du moment névralgique de la modernité – moment d’une redéfinition de l’humain, en considérant l’œuvre de quatre écrivains : Honoré de Balzac, Émile Verhaeren, Marie Darrieussecq et Aurélie Foglia.
L’analyse du corpus révèle deux configurations signifiantes de la forme littéraire : celle d’un environnement anthropomorphe « paysagé » et celle d’un environnement anthropomorphe « paysageant ». L’inscription socio-culturelle de ces deux configurations diffèrent : la première repose sur un anthropocentrisme certain, alors que la seconde, plus critique, permet l’exploration et l’expression d’un certain allocentrisme, voire d’un biocentrisme. Les deux genres littéraires considérés : le roman et la poésie se révèlent inégaux quant à la dimensionnalité de l’anthropomorphisation paysagère – la poésie proposant une plus grande complexité de cette forme et demandant ainsi un engagement du lectorat plus conséquent.
La fabrication du réel dans les récits d’enquête contemporains : paradoxes de la quête d’un savoir authentique et modalités de réception. L’Adversaire d’Emmanuel Carrère, L’Inconnu de la poste de Florence Aubenas, Claustria de Régis Jaufrret et Laëtitia ou la fin des hommes d’Ivan Jablonka.
Caraion, Marta
Ce travail interroge les paradoxes qui sous-tendent la représentation du réel dans quatre récits d’enquêtes contemporains. L’Adversaire d’Emmanuel Carrère, L’Inconnu de la poste de Florence Aubenas, Claustria de Régis Jaufrret et Laëtitia ou la fin des hommes d’Ivan Jablonka engagent le lecteur dans une investigation immersive sur les lieux du crime pour porter sur les faits un savoir neutre et authentique. Or, les discours que les auteurs mettent en avant, de même que leurs stratégies d’approche du réel comportent de nombreuses contradictions. Il s’agira, d’une part, de s’intéresser aux présupposés de vérité et d’attestation de ce type de littérature qui revendique sa factualité. D’autre part, nous interrogerons les contradictions formelles et discursives des textes ainsi que leurs modalités de réception, c’est-à-dire, les réactions et les attentes que la prise en charge du discours auctorial cherche à induire chez le lecteur.
L'architecture dans les écofictions cataclysmiques
Kunz Westerhoff, Dominique
Quand les éléments naturels se déchaînent, l’architecture menace de ne plus nous protéger. Cet amer constat n’échappe pas aux écofictions cataclysmiques: les abris construits, investis ou recherchés par les protagonistes y sont légion et multiformes. En choisissant “Terminus Radieux” de Volodine, “Viendra le temps du feu“ de Wendy Delorme, “Tè Mawon” de Michael Roch et “La Horde du Contrevent“ d’Alain Damasio, je m’attache à montrer comment ces écrivains thématisent régulièrement la fonction protectrice des édifices face aux désastres climatiques, tant d’un point de vue narratif qu’esthétique. Il est ensuite question de définir dans quelle mesure les cataclysmes écologiques métamorphosent l’élaboration architecturale imaginée par l’écrivain; ce dernier y intègre-t-il une couleur fondamentalement utopique ou dystopique? Les édifices imaginés se révèlent en effet être le cœur de réflexions socio-politiques et écosystémiques. J’ai voulu enfin faire l’hypothèse, grâce au concept du Moi-peau de Didier Anzieu, que la représentation de l’architecture diégétique dans notre corpus recèle une symbolisation singulière: la perméabilité ou l’imperméabilité des murs, leurs matériaux, la façon dont ils délimitent l’intérieur et l’extérieur, leur capacité à filtrer ou non l’environnement, sont des paramètres parmi d’autres permettant de dessiner l’enveloppe psychique et de la mettre en jeu dans un récit. Par un glissement métaphorique, la peau des bâtiments deviendrait alors le lieu idéal pour expérimenter les délimitations du Moi.
Le faucon et le pinson : une analyse des pastourelles du XIIIe siècle par la recherche-création théâtrale
Doudet, Estelle
Les pastourelles du XIIIe siècle sont des poèmes narratifs, dialogués et chantés : un chevalier raconte sa rencontre avec une bergère et sa tentative de séduction. Elles ont à l’origine une visée comique, mais sont plus complexes qu’elles n’y paraissent. Aujourd’hui, les pastourelles alimentent le débat du consentement. Mon intérêt pour la variation des rapports entre le chevalier et la bergère m’a amené à réfléchir à une méthode de travail qui puisse rendre concrète cette diversité, en incarnant physiquement le langage du corps au travers du texte. Il m’a paru donc nécessaire de proposer une étude incarnée. J’ai analysé le jeu sexuel du chevalier qu’il propose ou impose à son interlocutrice, ainsi que le regard moderne que l’on pose sur ces textes et qui nous fait voir un viol.
Pour dépasser cette interprétation anachronique, la recherche-création permet d’une part de répondre aux besoins de corporalité des pastourelles afin de restituer la voix et les gestes des protagonistes. D’autre part, les réactions du public ne permettent pas une comparaison à celles des spectateurs du XIIIe siècle, mais autorisent des analogies et des réflexions sur les mutations des contextes et des formes d’interprétation. En outre, l’exposition au public met en tension l’analyse historique des sources et les enjeux de leur actualisation. La recherche-création apporte donc de nouvelles interprétations sur ce corpus en l’envisageant d’une manière à la fois historique et artistique.
Le motif du simulacre féminin dans la littérature du XIXe siècle : analyse de quatre modalités de substitution de la femme dans "Le Marchand de sable" d’Hoffmann, "La Vénus d’Ille" de Mérimée, "Arria Marcella" et "Spirite" de Gautier, et "L’Ève future" de Villiers de L’Isle-Adam
Kunz Westerhoff, Dominique
Ce travail examine la recrudescence du motif du simulacre féminin dans la littérature fantastique du XIXe siècle en s’appuyant sur un corpus de cinq œuvres, publiées entre 1816 et 1886, mettant en scène des figures de femme-simulacre (automate, statue, esprit, etc.) qui se substituent aux femmes humaines. L'analyse proposée s'articule autour de quatre déclinaisons du simulacre féminin : technique, fantasmatique, idéaliste et esthétique. Elle met en lumière la manière dont ces représentations spécifiques – qui s’accompagnent très largement d’une disqualification du sujet féminin original – cristallisent des angoisses engendrées par des bouleversements sociaux et idéologiques majeurs du XIXe siècle, tels que la révolution industrielle, la consolidation de la bourgeoisie comme classe dominante, ou encore la tension entre matérialisme et idéalisme romantique. À travers une étude approfondie des textes, ce travail révèle non seulement le fonctionnement de ces différentes formes de simulacres au sein des œuvres littéraires, mais également la façon dont elles métaphorisent des enjeux culturels plus larges. Ce faisant, il contribue à une meilleure compréhension de la manière dont la littérature fantastique du XIXe siècle a utilisé et détourné les représentations du féminin pour exprimer des peurs et des désirs profonds issus de la conscience masculine.