Réflexion sur la notion de narrateur à partir des « Misérables » de Victor Hugo. Une introduction au concept de supra-énonciateur.
Mahrer, Rudolf
Le mémoire étudie la posture du narrateur dans « Les Misérables » (1862) de Victor Hugo. À partir d’une typologie des interventions du narrateur, le travail ouvre un questionnement sur la narration en fiction. L’étude envisage alors la possibilité d’introduire la notion de supra-énonciateur à l’analyse narratologique, afin de distinguer le narrateur racontant l’histoire, le narrateur composant et construisant le texte, et l’auteur.
Comme d’autres narrateurs, celui des « Misérables » est interventionniste. Il s’adresse fréquemment à son lecteur, s’en moque parfois, et commente le récit qu’il partage en désignant, par exemple, le livre en tant que tel. Pour comprendre les effets de cette narration sur le texte et le lecteur, nous avons réalisé une typologie regroupant 211 extraits et avons évalué la face discursive qu’ils révèlent du narrateur. La première catégorie évalue la prise en charge de la narration par le narrateur, la deuxième présente les commentaires du narrateur fragilisant la séparation entre la fiction et le réel, et la troisième catégorie rend compte des provocations du narrateur au lecteur. Cette typologie dévoile un narrateur en décalage avec les règles classiques de la fiction, car si l’immersion du lecteur est parfois mise en exergue, elle peut également être, l’instant suivant, mise à mal. Le lecteur s’interroge : qui parle ? La notion de supra-énonciateur, introduite en dernière partie, aide à y répondre. Toutefois, si cette notion permet de poser une figure responsable de la construction du texte, elle oblige également à considérer le caractère profondément paradoxal du narrateur, son hétérogénéité constitutive : il ne peut se définir en dehors du texte dont il est l’énonciateur.
Finalement, le supra-énonciateur, en tant qu’il est celui qui “supervise” l’ensemble d’un texte, invite à une réflexion sur le livre comme objet.
Migrance au féminin : La (re)construction identitaire à travers la scénographie dans les œuvres Le Baobab fou de Ken Bugul, Le Ventre de l’Atlantique de Fatou Diome et Tels des astres éteints de Léonora Miano
Le Quellec Cottier, Christine
Ce travail se propose d’explorer la reconstruction identitaire des personnages féminins dans les œuvres Le Baobab fou de Ken Bugul, Le Ventre de l’Atlantique de Fatou Diome et Tels des astres éteints de Léonora Miano. En s’appuyant sur les trois dimensions scénographiques essentielles – la voix narrative, la chronographie et la topographie – il s’agit d’examiner et de comparer comment ces protagonistes féminines naviguent entre différentes cultures et contextes géographiques pour redéfinir leur identité. Cette recherche s’intéresse à la manière dont ces identités complexes et en perpétuelle évolution se construisent au sein d’un entre-deux culturel, où le passé et le présent s’entrecroisent, unissant les expériences entre l’Afrique et l’Europe, pour façonner de nouvelles identités.
Avec et contre les mots. L'aveu d'échec chez Michel Leiris, Georges Perec et Claude Simon
Philippe, Gilles
et Escola, Marc
Ce mémoire s’intéresse aux œuvres de Michel Leiris, Georges Perec et Claude Simon en tant qu’elles sont représentatives d’une « passion de l’impossible » partagée par plusieurs écrivains du XXe siècle, ainsi que de la forme d’expression privilégiée, sinon la seule possible, de cette passion : l’aveu d’échec. Ce dernier, logé au sein même des mots dont il dénonce l’infirmité, permet aux trois auteurs de se libérer de leurs impuissances scripturales en ménageant un surplomb analytique, un point de vue détaché du sujet et du langage. Ce travail de mémoire postule qu’en ce procédé « avec et contre » les mots résident la signature et le modus operandi de la posture postmoderne, bâtie sur le démantèlement des illusions ontologiques, idéologiques et langagières et dès lors fondée sur la positivité de ses négations.
Controverses autour du « storytelling ». Critiques, usages et marchandisations de Christian Salmon à Alain Damasio.
Jérôme Meizoz et Laurence Kaufmann
"En trois parties, j'interroge dans ce mémoire la notion de « storytelling ». En commençant par éclaircir l’apparition et la diffusion de ce terme en francophonie (Christian Salmon, 2007), la première partie expose les positionnements critiques autour des controverses du storytelling : de la mise en garde contre ses pratiques à ses laudateurs, tout en passant par l’interrogation de l’usage même de ce mot.
Ensuite, j’ai profité de la formation journalière « Storytelling pour la durabilité » (Lausanne, 2024) pour mener un deuxième pan de la réflexion. Cette partie met en lumière les normes et les tensions entre les injonctions narratives du formateur et les pratiques des participant·es, des « professionnel·les de la durabilité ». De plus, une seconde section approfondit plus amplement l’interrogation quant à la légitimité du storytelling face aux théories littéraires.
Enfin, dans la dernière étape, j’analyse comment une œuvre contemporaine s’empare et détourne le « storytelling ». Le chapitre 3, « ""L’empuissantement"" par ""Les Furtifs"" d’Alain Damasio : de l’analyse de ses storytellings à sa diffusion » consiste en une lecture rapprochée de l’utilisation de la notion dans ce roman. Ma recherche se conclut avec une proposition originale : dégager de ce livre des storytellings – autrement nommés motifs – qui auraient les caractéristiques nécessaires pour se retrouver dans l’espace public, comme dans des manifestations pour le climat."