Trois "Romes": Stendhal, Taine et Zola face à la Ville éternelle
Caraion, Marta
Si la ville de Rome, lorsque s’ouvre le XIXe siècle littéraire, constitue un passage obligé pour l’écrivain romantique, sensible aux ruines et aux vestiges qui jalonnent la cité latine, cette dernière devient, à l’instar de Paris, l’occasion d’exercer les possibilités d’un nouveau regard, à la fois esthétique et sociologique, que l’obsession réaliste met, peu à peu, en place. En témoignent principalement les œuvres romaines de Stendhal – la troisième version du triptyque Rome, Naples et Florence (1826) ainsi que les Promenades dans Rome (1829) –, le Voyage en Italie de Taine (1866) et le deuxième volet du Cycle des Trois Villes de Zola, Rome (1896), véritables réservoirs de représentations du lieu romain en tant qu’il se présente comme espace esthétique et poétique, social et politique. Plus spécifiquement, les divers panoramas dressés dans les quatre textes susmentionnés, une fois mis en relation, renseignent sur la perception de la Ville éternelle au cours du siècle du progrès et disent le processus de dégradation auquel la focale français soumet Rome : d’immuable source d’adoration, la ville entraîne, corrélativement à l’avènement des doctrines scientistes, un sentiment de répulsion que les écrivains français, dès les années 1860, expérimentent et thématisent.
Virgile, Ovide et Victor Segalen : trois façons de réécrire le mythe d’Orphée et Eurydice.
Heidmann, Ute
Ce mémoire se propose d’analyser quatre représentations littéraires du mythe d’Orphée et Eurydice appartenant à deux époques très éloignées. Virgile clôt son traité sur l’agriculture, les Géorgiques, avec l’évocation célèbre de l’histoire d’Orphée. Ovide répond à son prédécesseur aux 10ème et 11ème livres des Métamorphoses en donnant à cette histoire une orientation propre. Enfin Victor Segalen choisit deux genres très différents pour réécrire ce mythe : celui de la nouvelle (Dans un monde sonore) et celui du drame lyrique (Orphée-Roi). La comparaison de ces quatre textes met clairement en évidence les significations et les fonctions particulières et variées que ces trois auteurs attribuent au même matériau mythologique. En effet, si les mythes grecs sont généralement perçus comme des intrigues qui auraient une signification en soi, l'étude de leur mise en discours montre bien au contraire que ces réécritures reçoivent des significations diverses selon les préoccupations et les paradigmes socio-culturels propres aux auteurs.
Le rapport au spectateur dans le théâtre contemporain : vers une implication inédite ? Une étude à l’épreuve de trois spectacles.
Chaperon, Danielle
« Le théâtre est un rapport, et non un produit. » À l’heure où le théâtre se trouve placé dans une position marginale face au marché médiatique, et où la théorie comme la pratique paraissent se focaliser moins sur le contenu des spectacles que sur leur façon de faire sensation, il semble intéressant de prendre aujourd’hui ce basique constat au sérieux.
De quelle manière le spectateur se voit-il impliqué dans la relation théâtrale contemporaine ? Celle-ci exige-t-elle de lui, comme l’avance Hans-Thies Lehmann, « un état d’esprit entièrement repensé » ? Pour explorer le rapport au spectateur que cherche à instaurer le théâtre expérimental actuel – et par extension, les fonctions qu’il se donne –, cette étude propose quatre grands chapitres. Ceux-ci abordent, respectivement, la manière dont le théâtre contemporain semble se détacher du projet de fournir au spectateur un message ou une dimension référentielle pour privilégier au « sens » des dispositifs sensibles ; la mise en cause de la notion de « public » et l’autonomisation manifeste du spectateur de ce théâtre ; l’inconfort qu’il peut vouloir produire ; et l’apparente revalorisation de l’activité propre au spectateur, après les nombreux procès de « passivité » qui ont pu lui être faits. Ces quatre points sont traités à la lumière des réflexions de divers théoriciens, et d’un corpus de trois spectacles, issus du théâtre de l’Arsenic, qui témoignent de l’élaboration de la position spectatrice de Rodrigo García, d’Oskar Gómez Mata et du duo composé par Nicole Borgeat et Yan Duyvendak. Bien que très restreint, ce corpus permet d’observer un théâtre contemporain qui, de manière stimulante, paraît prendre le parti de responsabiliser son spectateur.
La plume au poing : Barbey d'Aurevilly et Léon Bloy critiques littéraire
Caraion, Marta
Ce mémoire propose d’explorer la pratique critique de deux auteurs antimodernes, Barbey d’Aurevilly et Léon Bloy, qui, parallèlement à leur activité romanesque, occupent une place importantes dans le paysage critique du deuxième XIXe siècle. Dans une perspective tenant à la fois de l’histoire de la critique, de l’histoire des pratiques littéraires et de l’histoire des idées, cette étude s’attelle à mettre en relation les nombreuses caractéristiques qui définissent leurs pratiques critiques, du point de vue théorique d’abord, en approfondissant l’hypothèse d’une unité de doctrine esthétique puis celle d’une éventuelle filiation. En sus de cette dimension conceptuelle, ce travail développe également une réflexion sur l’inscription de leur critique dans le spectre journalistique et son incidence sur les aspects rhétoriques, poétiques et génériques de leur œuvre critique.
Ce mémoire se propose d’étudier le rapport entre écriture, identité et genre, dans deux œuvres autobiographiques d’Albert Cohen : "Le Livre de ma mère" et "Ô vous, frères humains". Leur écriture varie en fait de celle des écrits fictionnels du même auteur. Il est donc ici question d’expliciter dans un premier temps les divergences de rédaction, puis d’interroger les motifs de ces changements, et enfin de voir ce qu’ils démontrent quant à l’identité de Cohen et au genre de l’autobiographie. Outre les questionnements génériques et identitaires, ce travail examine également de manière plus générale les problèmes liés à l’identité juive au XXe siècle, étant donné que Cohen est juif.
Bohort de Gaunes, dit « l'Oublié » : du "Lancelot en Prose" à "Kaamelott"
Wahlen, Barbara
Ce travail de médiévalisme se concentre sur Bohort de Gaunes, personnage issu de la légende arthurienne et chevalier de la Table ronde, et sur ses reprises. Cette figure a largement été oubliée par la critique et par le public, les deux se focalisant essentiellement sur Lancelot, Perceval, Arthur et Merlin. L’objectif de ce mémoire est donc de remettre sur le devant de la scène le personnage de Bohort, tout en donnant un aperçu de son évolution entre l’époque médiévale et celle contemporaine, grâce, respectivement, au "Lancelot en Prose", cycle de romans datant du XIIIe siècle, et à "Kaamelott", série télévisuelle réalisée par Alexandre Astier. En s’appuyant sur les concepts de transfictionnalité et de transmédialité, ce mémoire compare les deux œuvres, afin de comprendre comment les enjeux et thématiques qui entourent le personnage ont été adaptés à un public moderne, à travers les caractéristiques du personnage et ses relations avec d’autres figures telles que Lancelot et Arthur.
Poétique et mise en scène d'une écriture de la mémoire familiale et du deuil dans le "Carnet de notes" de Pierre Bergounioux.
Lachat, Jacob
Ce travail propose d’analyser le journal personnel de l’écrivain Pierre Bergounioux. Depuis les années quatre-vingt, l’écrivain contemporain garde trace de son quotidien en annotant ses faits et gestes dans un journal. Dès 2016, ces écrits font l’objet d’une publication aux éditions Verdier sous le titre "Carnet de notes". Nous proposons d’en analyser le contenu en réfléchissant à une notion intrinsèque au genre diaristique : l’intime. Nous interrogerons cette notion à travers deux séquences du journal liés aux parents de l’écrivain. Ces passages rendent visible une écriture de la mémoire familiale sous la forme d’une poétique du deuil. Cet axe nous permettra d’interroger le rapport de l’écrivain au temps et d’en saisir une dimension invisible : celle de l’écriture du présent.
« De la peinture du temps dans les Essais de Montaigne ».
Tinguely, Frédéric
Si aujourd’hui nous retenons essentiellement deux vues majeures du temps (à savoir celle – léguée par les Anciens – d’un temps cyclique où tout se répéterait périodiquement et celle – adoptée par les Modernes – d’un temps linéaire orienté vers l’avenir), les penseurs ne se sont de loin pas limités à ces deux seules visions, développant à travers les âges une pluralité de conceptions aussi diverses les unes que les autres. La littérature française n’a pas manqué d’en faire, elle aussi, une de ses sources d’inspiration privilégiée. Ronsard invite à « cueillir » le moment présent dans ses Sonnets pour Hélène ; Pascal, lui, constate dans ses Pensées l’inadaptabilité de l’homme à son présent ; les poètes romantiques se souviennent du passé avec nostalgie ; tandis que Verlaine et Baudelaire crient douloureusement les ravages du temps. La présente étude se penche sur l’approche montaignienne du temps dans les Essais. Nous partons d’un constat premier : l’angoisse de Montaigne face à la fuite du temps. De là, nous tentons alors de dégager les différentes stratégies de défense qu’adopte l’auteur, au fil du temps… Trois mouvements composent notre travail : d’abord nous défendons l’idée d’une conception subjective du temps, où celui-ci est réversible ; ensuite nous glissons vers une approche sceptique du temps, où celui-ci se meut à la façon de l’esprit montaignien ; et finalement nous aboutissons à la thèse de la saisie de l’instant, admise par la majorité des critiques, mais que nous nuançons à l’aide d’une reformulation de l’instant. Après ce long voyage à travers le temps, nous concluons enfin par l’atteinte d’un état ataraxique et exempt de toute angoisse chez Montaigne.
La lecture dans l’enseignement en 2018 - L’importance de la prise en compte de la subjectivité de l’élève et de son origine socioculturelle
Turin, Gaspard
A partir de considérations didactiques, sociologiques et empiriques, j’ai étudié et mesuré la valeur et la prise en compte des opinions et des jugements de l’élève en tant qu’individu, mais aussi et surtout la considération pour la situation socioculturelle de ce dernier: l’origine des différents élèves entre-t-elle, dans une certaine mesure, dans la réflexion quant au choix des livres à lire?
A cet effet, j’ai analysé ces éléments dans le Plan d’études romand, dans les ouvrages de deux sociologues (Bourdieu, Viala) et de quatre didacticiens de la lecture (Rouxel, Falardeau, Gabathuler, Sauvaire), ainsi que dans quatre classes de 10e année.
Jean de Mandeville et le monde : Le Regard sur l’Autre dans la littérature de voyage médiévale en France au XIVe siècle.
Mühlethaler, Jean-Claude
En découvrant un genre nouveau au XIVe siècle, la littérature de voyage, nous découvrons en même temps le regard que posait le voyageur médiéval sur l’étranger et la diversité culturelle dans le monde. Jean de Mandeville compile les informations principales que donnent les explorateurs sur les différents peuples et emmène son lecteur autour du monde pour l’initier aux différentes cultures et finalement à sa propre culture. Car avant tout, c’est sa propre société, trop légère dans sa pratique religieuse, que l’auteur explore en lui tendant, au travers du regard sur l’autre, un miroir critique. Nous découvrons également comment l’alter devient alter ego avec une forte tolérance pour la diversité et l’espoir de voir tous les peuples réunis sous la même doctrine, chrétienne bien sûr.