Singularité plurielle d’un personnage de roman : la désignation d’Odette de Crécy dans A la Recherche du Temps perdu de Marcel Proust.
Zufferey, Joël
Le personnage d’Odette de Crécy traverse À la Recherche du Temps perdu en révélant progressivement des traits de natures si opposées qu’ils en viennent à menacer son intégrité. De même que de la tasse de thé du narrateur surgissent la Vivonne, ses nymphéas, Combray et tous ses habitants, le personnage d’Odette s’étire et se déplie en une éclosion qui révèle des êtres aussi variés que Miss Sacripant, « la dame en rose », Mme Swann ou encore Mme de Forcheville. Cet étrange morcellement a été étudié par de nombreux auteurs qui l’ont généralement lié à l’instabilité onomastique du personnage d’Odette. Un certain nombre d’indices suggèrent cependant que ce phénomène ne peut être expliqué intégralement par la variabilité des noms propres de ce personnage. Nous présentons dans ce travail une analyse de la désignation d’Odette qui montre que l’instabilité onomastique n’est de loin pas le seul phénomène à être mobilisé par les forces qui tendent à défaire et à pluraliser ce personnage singulier. Pour ce faire, nous avons réalisé un inventaire de l’ensemble des désignateurs d’Odette et l’avons soumis à une analyse reposant sur deux axes, le premier visant à déterminer la nature et le rôle joué par les éléments participant à la pluralisation d’Odette, le second visant à déterminer la nature de ce qui, au contraire, permet d’assurer et de maintenir la cohésion de ce personnage exemplaire de la pluralisation qui s’exerce sur un grand nombre de personnages de la Recherche.
La parole qualifiante : variations discursives et construction du personnage dans “Belle du Seigneur” d'Albert Cohen
Zufferey, Joël
Le discours des personnages participe pleinement de leur construction textuelle. Dans un texte moderne, les paroles d’un personnage non seulement dépendent de son appartenance géographique et de son statut social, mais, de plus, semblent varier selon la situation de communication dans laquelle elles sont énoncées. L’étude des modalités de cette variation permet une caractérisation fine du personnage, qui peut révéler tant des traits de caractère que des idéologies. Pour illustrer ces considérations, nous avons étudié la construction du personnage de Solal dans Belle du Seigneur d’Albert Cohen, en nous intéressant à la façon dont son discours varie selon qu’il se trouve en situation de dialogue (face à un interlocuteur qui l’entend) ou en situation de monologue (où sa parole reste secrète). Notre analyse a porté sur quatre phénomènes linguistiques particuliers : les adjectifs substantivés, les temps et modes verbaux, la référence à son amante Ariane et les connecteurs. C’est principalement la nature ambivalente du personnage que révèle l’étude de ses paroles : Solal est double tant dans ses traits de caractère que par sa vision du monde. Par ailleurs, la particularité de l’écriture de Cohen est également mise en évidence, particularité qui se présente comme profondément moderne.
Refaire texte : Genèse post-éditoriale du roman "Albert Savarus" de Balzac
Zufferey, Joël
Nous proposons une analyse de la genèse post-éditoriale du roman de Balzac, Albert Savarus. Après une première pré-publication dans le journal Le Siècle entre le 29 mai et le 11 juin 1842, le texte est intégré dans le premier volume de La Comédie humaine le 25 juin 1842. Un an et demi plus tard, il est encore réédité en volume chez Souverain, en décembre 1843.
À l’aide d’un logiciel d’alignement de textes, nous comparerons les versions successives du roman et tâcherons de comprendre les mécanismes de la réécriture balzacienne. En introduction, nous présenterons les principes de la génétique post-éditoriale, la méthodologie appliquée et une notice génétique qui retrace, suivant un axe chronologique, les principales étapes de la composition et de la recomposition d’Albert Savarus. Le premier chapitre aura pour objet le passage de la version pré-publiée (Le Siècle) à celle de la publication originale (Furne). Compte tenu des spécificités du roman-feuilleton, nous vérifierons si la pré-publication comporte des traces génériques dues au support journalistique ; nous analyserons ensuite ce qui en advient au moment d’intégrer le roman à La Comédie humaine. Le second chapitre sera consacré à une mise au point philologique concernant le passage de la version originale à la dernière publication autorisée (Souverain). Un document, à la fois imprimé et manuscrit intervient entre ces deux éditions : l’exemplaire personnel de Balzac, corrigé de la main de l’auteur (Furne corrigé). Après une discussion du statut et de la valeur génétique de ce document préparatoire, nous reconstituerons, le plus minutieusement possible, l’ordre chronologique entre les différents états textuels ultérieurs à La Comédie humaine. On s’interrogera finalement sur le remplacement du prénom de l’un des personnages principaux.
L’évolution des catégories verbales de l’indo-européen aux langues de la France médiévale.
Zufferey, François
Ce mémoire tente de retracer, de l'indo-européen aux langues d'oïl et d'oc médiévales, l'histoire des différentes catégories verbales : nombre, désinence, voix, mode, temps et aspect. Cette dernière catégorie, qui sert à montrer comment l'action exprimée par le verbe est envisagée dans son déroulement, fait par ailleurs l'objet d'un traitement nettement plus détaillé que les précédentes. Elle apparaît, en effet, au fur et à mesure que l'on remonte dans le temps, de plus en plus étroitement liée à la structure même des systèmes verbaux rencontrés. Le mémoire est organisé en trois parties : indo-européenne, latine et romane. Il s'agit tout d'abord de situer les faits latins au sein de la famille linguistique indo-européenne, en les comparant notamment avec ceux du sanscrit et ceux du grec ; puis d'examiner le latin lui-même, en distinguant autant que possible l'évolution de la langue écrite de celle de la langue parlée, dont sont issues les langues romanes ; et enfin de voir ce qu'il est advenu, en ancien français et en ancien provençal, de l'héritage latin..
L’irrésistible pouvoir de séduction de Flamenca : un modèle provençal de femme fatale.
Zufferey, François
Dès les premières lignes qui nous sont parvenues du « roman de Flamenca » nous constatons la fascination absolue qu’exerce l’héroïne sur quiconque la voit ou en entend parler. Toutes les femmes qui la voient veulent la prendre pour modèle, quant aux hommes, ils tombent tous aussitôt foudroyés sous son charme. Ce sont eux qui nous intéressent dans ce travail. Après avoir constaté dans un premier temps les effets de Flamenca sur son père et sur le roi de France, nous centrons nos observations sur les personnages d’Archambaut et de Guillaume, que nous étudions en parallèle. Bien que ces figures antagonistes soient par certains aspects caricaturalement opposées, le mari et l’amant de Flamenca ont une même dévotion absolue pour leur idole, qui les pousse tous deux à se dépasser en ‘prouesse’ jusqu’à leur pointe extrême : Guillaume atteint pour sa dame les sommets de la fin’amor, tandis qu’Archambaut cultive la jalousie jusqu’à ses confins les plus extrêmes. Nous terminons ce travail en mettant en évidence la parfaite maîtrise langagière dont sait faire preuve Flamenca… et donc l’auteur du roman !
Le département des manuscrits de la Bibliothèque Cantonale et Universitaire de Lausanne conserve une copie du Roman de la Rose qui n’a jamais, jusqu’ici, fait l’objet d’une étude approfondie. Ce codex, qui nous est parvenu dans un état lacunaire, date du deuxième quart du XIVe siècle et a été produit dans le Nord-Ouest de la France. Nous présentons dans notre étude les particularités matérielles du manuscrit et tentons de reconstituer sa structure primitive ainsi que les différentes étapes de sa genèse. Nous examinons également la méthode de travail du scribe qui a copié quelque vingt mille vers à lui seul, de même que les accidents survenus au cours de cette longue tâche. Le texte transmis contient notamment une trentaine de vers apocryphes dont le contenu peut être interprété en fonction du contexte historique et de la situation géographique dans lesquels s’inscrit la production du manuscrit. Enfin, quelques éléments relatifs à l’histoire externe de celui-ci et une brève analyse scriptologique complètent notre recherche.
Jeu linguistique au Moyen-Age : de l’influence du français sur la langue anglaise et de l’intégration anglaise de la langue française dans le cas particulier de la traduction du Roman de la Rose par Geoffrey Chaucer.
La scripta ajoulote dans la seconde partie du XIIIe siècle.
Zufferey, François
Le Jura parle français ! Il le parle d’ailleurs si bien et depuis si longtemps que son patois est le seul du pays qui soit d’ascendance oïlique. Vous faut-il un argument supplémentaire ? Eh bien, sachez que c’est sur son territoire qu’a été rédigé le plus ancien document en langue vulgaire de Suisse romande. Cette charte, datée du mois d’avril 1244, ainsi que les six autres actes en ancien français issus de la même région et antérieurs au XIVe siècle, ont servi de base à l’étude philologique que constitue ce mémoire. Le corpus réuni, bien qu’un peu maigre pour tirer des conclusions définitives sur la langue quotidienne des Jurassiens à la fin du moyen âge, permet néanmoins d’en percevoir les principales tendances évolutives. Et croyez-moi ou non, la scripta locale, sous ses dehors très français, semble bien trahir un lien de parenté linguistique entre Jurassiens et autres Romands plus étroit qu’on ne l’aurait imaginé…
Le Manuscrit P2 dans la tradition de la Vie de saint Alexis.
Zufferey, François
Depuis l’édition de Gaston Paris publiée en 1872, le texte critique de la Vie de saint Alexis n’a guère progressé. C’est pour combler cette lacune que le professeur François Zufferey a entrepris un vaste travail de recherche qui débouchera sur une nouvelle édition de ce texte fondamental de la littérature médiévale. L’étude du manuscrit French 6 de la John Rylands University Library de Manchester, siglé P2, s’inscrit dans ce contexte. La recherche vise à apporter des informations sur un manuscrit particulier (constitution codicologique, histoire, aire dialectologique) et à les exploiter pour confirmer un point spécifique du stemma de la tradition de la Vie de saint Alexis. L’enjeu de l’étude est donc directement lié à la future édition du texte hagiographique. Le mémoire propose d’abord une présentation synoptique des versions contenues dans les manuscrits A, L, P2 et P. Le texte du manuscrit P2 a été entièrement collationné, et quelques erreurs contenues dans sa précédente édition ont pu être relevées. Une seconde partie, analytique, est consacrée aux divers aspects du manuscrit. Le travail se termine par l’étude de la place du manuscrit dans l’ensemble de la tradition textuelle de la Vie de saint Alexis. L’appartenance de P2 à une version deux fois remaniée du texte original, l’existence d’une source commune unissant P et P2, et enfin le lien direct entre P2 et une version primitive du texte constituent les points principaux que cette recherche a établis. La démonstration de l’existence de ce lien n'est pas anodine : la nouvelle édition de la Vie de saint Alexis ne pourra plus ignorer cette source trop souvent mise de côté en raison de son caractère lacunaire.
Le M 3476 de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne.
Zufferey, François
Ce mémoire a pour objet de faire connaître le manuscrit conservé au département des manuscrits de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne au moyen de nos connaissances actuelles. Il se veut également être une contribution à l’édition critique du texte. Une édition lacunaire a paru en 1845, mais jusqu’à aujourd’hui, le texte de ce témoin n’a jamais été reconsidéré. Le travail de ce mémoire, construit en trois parties, observe d’abord les aspects codicologiques, et tente de retracer l’histoire externe du manuscrit. Ensuite, il s’intéresse à la langue du texte qui lui appartient et particulièrement à sa scripta picarde (une édition semi-diplomatique partielle est disponible en annexe). Enfin, il replace le manuscrit dans sa rédaction, et lui redonne sa place de plus ancien témoin connu du texte de l’amalgame-Miroir du Monde-Somme le Roi, toutes rédactions confondues.
Passions tragiques et tempérance du style. Les nouvelles de Jean-Pierre Camus.
Zufferey Joël
Dans la première moitié du XVIIe siècle, Jean-Pierre Camus, évêque de Belley, rédige une vingtaine de recueils de nouvelles tragiques, ce qui équivaut à une somme d’environ neuf cent textes. Il paraît surprenant qu’un homme d’Église, réputé de son temps pour la qualité de ses prêches et la ferveur de sa foi, ait recouru à un tel genre littéraire. En effet, inspirées de « faits divers » ou de textes antiques, les nouvelles tragiques relatent les atrocités commises par les hommes : meurtres, viols, adultères, tromperies constituent la matière de ces récits. Toutefois, c’est précisément par le biais de ce genre, et en accord avec sa fonction ecclésiastique, que Camus espère réformer les mœurs de ses lecteurs. Considérant que les exemples vicieux ont plus d’effet que les exemples vertueux, l’auteur aspire à détourner ses lecteurs du mal en leur présentant la variété des horreurs humaines. Or, du moment qu’il évoque les excès de passion, Camus se doit d’accorder sa pratique d’écriture avec sa visée édifiante. Aussi, l’évêque parle des excès humains sans commettre lui-même d’excès au niveau rhétorique. À l’instar des conduites mesurées qu’il souhaite inspirer, il effectue une narration condensée et tempérée des débordements humains. Ce travail de mémoire vise à étudier les répercussions linguistiques de l’objectif d’édification morale de Camus à trois niveaux de ses récits. En observant la composition des textes, certaines formes syntaxiques particulières ainsi que le dispositif énonciatif mis en place par l’auteur, on sera en mesure d’apprécier la façon ingénieuse dont il investit l’écriture littéraire afin d’améliorer les comportements humains.
Ecrire l'espace: le modèle cartographique dans "Un livre blanc" de Philippe Vasset et "Paris, musée du XXIe siècle. Le dixième arrodissement" de Thomas Clerc
Zanghi, Filippo
Ce mémoire examine les liens entre littérature et cartographie et interroge la possibilité d’un objet hybride, entre carte et texte. Après une mise en parallèle des caractéristiques formelles et fonctionnelles de la carte et du texte, l’analyse de deux récits de la littérature française contemporaine montre de quelle manière les liens et limites entre cartographie et littérature sont exploités par les auteurs pour proposer une représentation de l’espace qui tienne à la fois de la carte et du texte. L’analyse permet enfin de souligner ce que la littérature peut tirer du modèle cartographique et ce que ses caractéristiques peuvent apporter à la géographie.